Freres et Collaborateurs unis pour servir et promouvoir la vie
Réflexion sur la collaboration des laïques à la vie et à l'oeuvre de l'Ordre
ORDRE
HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU
CURIE
GENERALE
FRERES
ET COLLABORATEURS
UNIS
POUR
SERVIR ET PROMOUVOIR LA VIE
Commission
Permanente d'Animation
Rome,
1991
TABLE
DES MATIERES
Introduction 3
Premier chapitre.
Relations entre les frères et les collaborateurs
appelés en tant que personnes à la
"communion" 13
Précision du thème 13
Relations à partir de "l'agir" 15
Relations à partir de "l'être" 17
Relations en fonction des motivations
communes 21
Quelques difficultés pratiques 22
Deuxième chapitre.
Frères et laïcs en communion dans l'Eglise
engagés dans l'évangélisation 28
Identité et mission des laïcs dans l'Eglise 29
Dignité des fidèles laïcs 29
Participation des fidèles laïcs à la vie de
l'Eglise-Communion 30
Coresponsabilité des fidèles laïcs
dans l'Eglise-Mission 31
Variété et complémentarité des
vocations 33
Place et fonction de la communauté dans
le centre 36
Qui sommes-nous 36
Dimension communautaire 38
Sens apostolique 40
Communauté de communion 41
Sens de la présence de la communauté dans
le centre 41
Troisième chapitre.
Participation des collaborateurs au charisme,
à la spiritualité et à la mission des Frères
de Saint Jean de Dieu 48
Cadre historique 48
Participation des collaborateurs au
charisme de l'Ordre 51
La vie religieuse comme charisme 52
Sens théologique du charisme 56
Epilogue 65
Conclusions au niveau théorique et doctrinal 65
Conclusions au niveau opérationnel 66
INTRODUCTION
1. Dès son origine, l'Ordre Hospitalier a associé
des laïcs qui n'appartenaient pas à la communauté des frères à son apostolat
de charité. La collaboration de
personnes pieuses et désireuses de servir les malades et les nécessiteux
constitue une constante dans l'histoire de l'Ordre. Toutefois, depuis plusieurs
années, surtout à partir du Chapitre Général Extraordinaire de 1979, il existe
un mouvement qui promeut les relations entre les frères et les
collaborateurs dans le but d'offrir une
assistance toujours plus efficace et humanisée et d'évangéliser les
destinataires de notre mission.
Le Chapitre Général de 1988, auquel participaient
pour la première fois des représentants laïcs des provinces, marque une étape
que nous pouvons définir d' "historique". Ce même Chapitre a constaté l'impossibilité de prendre une
position définie par rapport au mouvement des laïcs, dans l'Ordre car la
manière de le comprendre est différente d'une Province à l'autre. Le Chapitre a
donc opté pour une déclaration très générale pour orienter la réflexion
ultérieure et arriver à une définition concrète et a chargé le Gouvernement Général de préciser "les
concepts et les niveaux de relation et de participation des collaborateurs dans
la vie de l'Ordre". (1)
2. Quelques mois après le Chapitre Général, le Saint
Siège publiait l'Exhoration Apostolique Christifideles laici, qui recueille les contributions des évêques
pendant le synode de 1987. Cette exhortation insiste sur la nécessité de
reconnaître et de promouvoir la mission des laïcs dans l'Eglise et donne des
directives pour leur collaboration
concrète dans le domaine de l'évangélisation comme réponse à leur vocation
baptismale.
Raisons qui motivent la publication du présent
document
3. La raison principale réside dans la finalité
apostolique des centres de l'Ordre. Il nous est impossible de prétendre
mener à bien cette mission de manière isolée et donc nous devons exprimer notre
communion avec l'Eglise et accueillir avec joie l'invitation qu'elle nous fait
d'intégrer les laïcs dans notre oeuvre d'évangélisation du Monde de la Santé en
nous souvenant que les malades et nécessiteux ont le droit d'être évangélisés.
4. Une autre raison importante qui souligne le
bien-fondé de ce document, se trouve dans les changements récents qui ont eu
lieu ________________________
(1) Déclarations du 62ème Chapitre Général p.32
dans le monde de la santé. Il convient de répéter,
même si c'est chose bien connue, que jusqu'il y a quelques décennies, les
centres de l'Ordre étaient organisés et gérés de façon telle que les frères y
occupaient pour ainsi dire tous les postes. La présence des collaborateurs tant
au niveau de l'assistance que de la direction était minime.
Actuellement, dans la plupart des centres, cette
présence s'est accrue, tandis que celle des frères a diminué.
Ceci exige que les frères sachent se resituer dans
le centre en tenant compte de cette réalité et, surtout, en demeurant fidèles à
leur vocation.
Objectifs de ce document
5 Le premier
objectif est de réaliser ce que le Chapitre Général avait demandé au Gouvernement de l'Ordre, à savoir, une
clarification des concepts et des niveaux de relation entre les collaborateurs
et les frères.
Toutefois, un tel objectif en suppose d'autres,
parmi lesquels nous signalons:
- fournir les bases doctrinales des niveaux de
relation entre les frères et les collaborateurs;
- définir les termes qu'on emploie et les niveaux de
participation des collaborateurs à la vie de l'Ordre, pour arriver à un langage
commun;
- surmonter les difficultés qui empêchent les
différents groupes de se comprendre, créent des divisions et privent les
destinataires de l'assistance d'un service plus efficace et humain;
- réaliser une authentique alliance entre
tous ceux qui collaborent dans le
centre au service des malades et des nécessiteux.
Terminologie
6 Pour une
compréhension et interprétation correcte de ce document, il est important de
tenir compte du sens que l'on donne aux termes employés, afin d'éviter toute
ambiguïté. Nous indiquons les termes principaux:
- Laïcs. Il faut comprendre ce terme
dans la définition qu'en donne
l'Eglise, c'est-à-dire:
"Sous le nom de laïcs - ainsi s'exprime la
Constitutions Lumen Gentium - on entend ici l'ensemble des chrétiens qui
ne sont pas membres de l'ordre sacré et de l'état religieux reconnu par l'Eglise,
c'est-à-dire les chrétiens, qui, étant
incorporés au Christ par le baptême, intégrés au Peuple de Dieu, faits
participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale
du Christ, exercent pour leur part, dans l'Eglise et dans le monde, la mission
qui est celle de tout le peuple chrétien". (2)
- Collaborateurs. Les Déclarations du 62ème
Chapitre Général englobent dans ce terme
"les employés, volontaires et bienfaiteurs.(3) et voilà le sens que
recouvre ce terme dans le présent document.
- Employés. Toutes les personnes qui, par
contrat de travail, prêtent un service au prochain dans les centres de l'ordre.
Ce terme n'inclut pas les frères de la communauté.
- Volontaires. Toutes les personnes qui pour
différentes raisons donnent généreusement et gratuitement de leur temps et de
leur personne au service des malades et des nécessiteux, et collaborent
activement à l'humanisation de l'assistance des centres de l'Ordre.
- Bienfaiteurs. Les personnes qui aident
l'Ordre économiquement et/ou spirituellement.
- Monde de la Santé. On emploie ce terme général afin d'englober
les différentes formes d'assistance aux malades et nécessiteux réalisées par
l'Ordre.
_______________________________
(2) Christifideles laici, Editrice Vaticana, Cité du Vatican 1988, p.23
(3) Déclarations du 62ème Chapitre Général,
p. 31
Nous conservons cette terminologie par fidélité aux
déclarations du Chapitre Général quand elles parlent des collaborateurs laïcs
Nous ne voulons nullement limiter l'attitude d'ouverture
de l'Ordre qui dans l'introduction de ces mêmes Déclarations affirme:
"Nous nous adressons également aux hommes et aux femmes, prêtres,
religieux et religieuses qui collaborent avec nous en tant qu'employés,
bénévoles ou bienfaiteurs."
Nous saisissons cette occasion pour souligner la
reconnaissance de l'Ordre envers les nombreux prêtres, religieux et religieuses
qui se consacrent avec les frères à l'évangélisation des malades et des
nécessiteux.
Quelques présupposés
7 Les
centres de l'Ordre sont sujets aux mêmes normes générales que celles qui
régissent d'autres instituts semblables quant aux fins sociales et aux contrats
de travail. Toutefois, il est indispensable de tenir compte des particularités
qui les caractérisent et qui sont reconnues par les lois de la majorité des
pays.
A. Caractère confessionnel des Centres de l'Ordre
8 La raison
d'être fr l'Ordre Hospitalier est:
"Vivre et manifester le charisme de
l'hospitalité selon le style de Saint Jean de Dieu"... consacré "au
service de l'Eglise dans l'assistance aux malades et des nécessiteux"...,
pour maintenir
"vivante dans le temps la présence
miséricordieuse de Jésus de Nazareth" et, de cette façon être "signe
et annonce de la venue du Royaume de Dieu". (4)
Par conséquent les centres de l'Ordre sont des
centres confessionnels.
9 Il n'est
pas nécessaire de justifier le droit qu'a l'Eglise et par conséquent l'Ordre
d'organiser et de diriger des centres d'assistance qui en soi appartiennent au
domaine du temporel et
de transformer une action sociale en mission
évangélisatrice. Ce faisant l'Eglise ne fait rien d'autre qu'exprimer l'amour
de Dieu envers les hommes comme l'a fait Jésus de Nazareth. Par de telles
actions Il a rendu visible la venue du Royaume de Dieu et révélé qu'Il était le
Messie. (Cf. Lc 7, 18-23)
L'Ordre continue dans l'Eglise l'action
miséricordieuse et salvifique de Jésus en suivant les traces de Saint Jean de
Dieu,
dans une perspective oecuménique: ouvert à tous, et
souhaitant servir quiconque se trouve dans le besoin, croyants ou non,
chrétiens ou membres d'autres religions.
Par conséquent l'Ordre respectera toujours les
croyances d'autrui et s'efforcera de répondre aux besoins religieux de ceux qui
sont soignés dans ses centres. (5)
__________________________________
(4) Constitutions de 1984, nn. 1d., 5a., 2c.,
et 3b.
(5) Cf. Ibid. n. 51d
10 L'Ordre
Hospitalier garde des centres avec le même désir et intention qu'avait son
Fondateur en expérimentant dans sa chair les traitements inhumains que subissaient
les malades accueillis à l'Hôpital Royal de Grenade.
"Et voyant les punitions que subissaient les
malades fous, il disait: Jésus-Christ donnez-moi le temps et la grâce d'avoir
un hôpital où je puisse recueillir les pauvres malheureux et les simples d'esprit
où je puisse les servir comme moi je le souhaite". (6)
Son désir n'était ni plus ni moins de les servir
avec amour, leur offrir ce qui peut leur rendre la santé, le bien être et
le salut. Aujourd'hui, nous parlerions d'une assistance intégrale, avec une
dimension évangélique.
11 Ceci ne
signifie nullement que l'Ordre limite son assistance à ses propres centres.
Cela n'a d'ailleurs jamais été le cas, pas même à l'époque du Fondateur. En
réalité, si l'Ordre s'est si rapidement répandu c'est en grande partie parce
que des frères ont accompagné l'Armada espagnole pour soigner les malades et
les blessés. En outre, les frères répondaient toujours, dans la mesure du
possible, aux invitations des évêques et des autorités civiles et ils
s'occupaient des hôpitaux diocésains et municipaux. Les Constitutions actuelles
de l'Ordre sont dans la ligne de la tradition. (7)
12 Le fait
d'être le propriétaire de centres ne comporte aucune intention discriminatoire
contre quiconque. Les centres de l'Ordre, en commençant par le premier hôpital
de Jean de Dieu sont ouverts à tous: "C'est un hôpital général; aussi y
reçoit-on d'ordinaire, toutes sortes de malades et toutes sortes de gens,sans
distinction". (8)
_________________
(6) CASTRO, F. Historia de la vida y sancta obras
de Juan de Dios, de GOMEZ MORENO, M. Primicias Historicas de San Juan de
Dios, Madrid 1950, p. 52
(7) Const. de 1982, n. 47b-d.
(8) SAINT JEAN DE DIEU, 2ème lettre à Gutièrrez
Lasso (G.L.), 5.
Dans la suite de ce document nous indiquerons les
lettres de Saint Jean de Dieu par les initiales de la personne à qui elles
s'adressent.
Les mots, "y reçoit-on toutes sortes de malades
et de gens" doit se comprendre dans son sens large: toutes sortes de
malades et de nécessiteux, hommes et femmes de races, de confessions et
conditions sociales différentes.
Cette tradition s'est maintenue tout au long des
siècles, comme en témoignent les Constitutions de l'Ordre.
13 Le
fondement de tout, comme on peut le déduire des dires de Jean de Dieu, réside
dans le principe de faire le bien, bien fait: ne pas se limiter à une assistance sans vie, en négligeant la
qualité, mais en unissant le sens de la charité chrétienne à celui de la
justice, pour offrir aux malades et aux nécessiteux un service efficace, de qualité
et compétent tant du point de vue scientifique que technique. (9)
B. Philosophie de l'Ordre
14 L'Ordre
possède une inspiration originale, une tradition séculière et un sens
d'ouverture aux orientations de l'Eglise et aux changements socio-politiques
qui, implicitement ou explicitement, se traduisent dans une philosophie qui
lui est propre. Celle-ci ne se limite pas au corps doctrinal - théologique,
juridique et traditionnel - qui fonde et règle la structure, l'orientation et
le fonctionnement de ses institutions d'assistance.
A cela il faut ajouter ce que l'on peut appeler le style
propre de comprendre et pratiquer le don de l'Hospitalité qui, en
définitive, anime et inspire l'expression concrète, théorique et pratique, la
doctrine, les normes et les coutumes qui soutiennent et règlent la mission de
l'Ordre.
______________
(9) Cf. Const. de 1926, Art. 221 b.; 223; Const.
de 1982, nn. 6a -d.; 43d.; 45; 69b.c.; 72b.; 103b.c.
15 Bien que
la philosophie de l'Ordre soit présentée dans un autre document, auquel nous
vous renvoyons pour de plus amples informations, il convient de tenir compte
des principes fondamentaux qui l'inspirent et que nous indiquons ci-dessous.
1. L'Ordre Hospitalier naît dans l'Eglise et dans la
société comme fruit du don de l'Hospitalité que le Saint Esprit a donné à son
fondateur, Saint Jean de Dieu. Celui-ci, animé par une force intérieure, fondée
sur son expérience de l'amour miséricordieux du Père et sur une foi solide, a
traduit ce don en se dévouant totalement au service de Dieu et des pauvres de
la ville de Grenade. (10)
2. L'exemple de Jean de Dieu a inspiré d'autres
hommes à adopter son style de vie. Eux-aussi se sentent motivés pour servir
Jésus Christ dans les pauvres, pour l'imiter et collaborer avec Lui au salut du
prochain. (11)
___________________
(10) Cf. SAINT JEAN DE DIEU, 1ère D.S., 13; Const.
de 1982, n. 1.
(12) Il est intéressant de rapporter certains
témoignages à ce propos:
" mon fils Baptiste, .... quand vous viendrez
en cette maison de Dieu...Venant ici, vous devriez obéir et travailler beaucoup
plus que vous ne l'avez fait, être tout entier aux choses de Dieu, enfin, vous
dépenser sans cesse au service des pauvres". L.B., 10.11.
"Celui-ci(Jean de Dieu) fut le premier fondateur de votre institut et auteur de
votre règle et de la fondation de votre hôpital, oeuvre sainte et admirable où
vous continuez si chrétiennement l'oeuvre commencée par votre premier
fondateur". Regla y Constituciones para el Hospital de Granada. Dans
Primitivas Constituciones, Madrid 1977, p. 9.
"L'exemple de vie que laissa Jean de Dieu fut
tel que beaucoup voulurent l'imiter et suivirent ses pas en servant Notre
Seigneur dans ses pauvres et en exerçant le service de l,Hospitalité pour Dieu
seul". CASTRO, F. O.c., p. 103.
3. Par conséquent les centres de l'Ordre ont une
dimension apostolique comprise comme suit:
- L'expérience d'être miséricordieusement aimés de
Dieu incite les frères à consacrer leur vie à Dieu en servant les malades et
les nécessiteux.(12)
- L'apostolat, finalité de l'Ordre, se réalise dans
et grâce à l'assistance intégrale des nécessiteux. (13)
4. La mission de l'Ordre s'inspire de
l'esprit du fondateur; des principes de la charité chrétienne; des directives
de l'Eglise catholique, spécialement en matière de bioéthique et de doctrine sociale; l'ordre respecte la
législation sanitaire et sociale de chaque pays à condition qu'elle ne lèse pas
les principes et les droits fondamentaux "de la personne à naître, à vivre
décemment, à être assistée dans la maladie et à mourir avec dignité". (14)
5. Les destinataires de la mission de l'Ordre
sont tous ceux qui souffrent des suites
de la pauvreté, de la maladie et de la marginalisation sociale sans exclure
quiconque pour des raisons de race, de religion, d'idéologie ou d'appartenance
à une classe sociale, en accordant la préférence aux plus nécessiteux. (15)
6. Les centres de l'Ordre sont prêts à collaborer
avec l'Etat et avec d'autres institutions, à condition que ceux-ci
reconnaissent et acceptent les principes apostoliques, éthiques et juridiques
qui inspirent leurs activités.(16)
__________________
(12) Cf. Const. de 1984, nn. 8 et 21.
(13) Cf. Ibid., nn 41, 42, 44, 45 a. b., 50,
51; Statuts Généraux, n. 61
(14) Const. de 1984, n. 23
(15) Cf. Const. de 1926, Art. 222; Const.
de 1984, nn. 5a et 22; Statuts Généraux, n.51
(16) Cf. Const. de 1984, n.47
7. L'Ordre apprécie, assume et promeut le progrès
scientifique
et technique sans cesse en évolution dans le monde
de la santé. Il est décidé à profiter des moyens qui facilitent et promeuvent
le service intégral des malades et des nécessiteux et tout ce qui peut
contribuer à leur réhabilitation et insertion sociale. (17)
8. L'Ordre apprécie, accepte et promeut la
collaboration de tous ceux qui souhaitent contribuer à l'assistance et à la
réhabilitation des malades et des nécessiteux à condition qu'ils acceptent et
respectent la philosophie de l'Ordre. (18)
9. L'Ordre assume et défend les droits des employés
qui collaborent dans ses centres et s'engage à appliquer les directives de la
doctrine sociale de l'Eglise et des lois des différents pays, étant saufs les
droits des malades et des nécessiteux.
10. L'Ordre reconnaît le droit des collaborateurs à
grandir en tant que personnes et par conséquent:
- Dans le cadre des activités professionnelles et du
centre, conçu comme entreprise, l'Ordre reconnaît, apprécie et s'engage à
promouvoir dans la mesure du possible la formation permanente et les activités
qui contribuent au bien-être et à l'épanouissement des employés et de leurs
familles
- L'Ordre offre à tous les collaborateurs, employés,
volontaires et bienfaiteurs, la possibilité d'approfondir leur formation
chrétienne et d'exprimer leur foi en participant, comme nous l'expliquerons ailleurs
dans ce document, plus directement à sa vie et à sa mission.
____________________
(16) Cf. Const. de 1984, n. 47.
(17) Cf. Statuts Généraux, n. 52
(18) Cf. Const. de 1984. 46 b., 51 e.; Statuts
généraux, nn. 53-55.
Plan général du document
16 Nous terminons cette introduction en présentant
le plan général du document Frères
de Saint Jean de Dieu et Collaborateurs, unis pour servir et promouvoir la vie.
Avant toute chose, quelques mots sur le titre. Il
veut refléter ce que l'Ordre veut réaliser: unir les qualités et les
énergies de toutes les personnes qui partagent quotidiennement la vie des
centres de l'Ordre - patients, collaborateurs et frères pour arriver à un service efficace et
pleinement humain qui transmet la vie, la promeut et la rend digne d'être
vécue.
17. Le document traitera ensuite dans:
1. Le premier chapitre, les fondements
anthropologiques et après avoir précisé les différents niveaux de relation qui
existent entre les frères et les collaborateurs, analysera quelques questions
pratiques qui influencent la communication et la compréhension mutuelle.
2. Le deuxième chapitre veut présenter les fondements théologiques de la vocation des
fidèles laïcs et de l'identité des frères de Saint Jean de Dieu.
3. Ce chapitre veut préciser en quoi consiste la participation des laïcs au charisme, à la
mission et à la spiritualité de l'Ordre.
4. Le document se conclut par un épilogue qui veut reprendre en synthèse les
conclusions qui découlent de tout ce qui précède.
PREMIER
CHAPITRE
Relations
entre les frères et les collaborateurs
appelés,
en tant que personnes
à la "communion"
Précision du thème
18 Nous
voulons exposer brièvement les concepts qui, dans une optique anthropologique
justifient le service aux malades et aux nécessiteux. Voilà un aspect seulement
d'une réflexion globale sur la capacité et la nécessité de relation-communion
de l'être humain qui nous porterait à analyser les points suivants:
1. La personne humaine est un être composé et
radicalement unitaire tant du point de vue structurel qu'opérationnel. Ce
disant nous affirmons que la persone consiste d'éléments biologiques qui, d'une
certaine façon sont quantifiables et réduisibles au matériel et d'une dimension
psychologique et spirituelle qui est irréduisible et transcende la matière,
c'est ce que nous appelons âme.
La personne ne consiste pas en une simple union
extrinsèque de ces éléments, mais constitue une unité primaire: les
éléments qui l'intègrent ont une seule unité structurelle, de par l'unité
de la personne.
Le même phénomène a lieu au niveau de l'agir:
il ne peut y avoir une activité purement psychologique-spirituelle ni purement
et exclusivement biologique ou sensorielle: tout acte humain, comme tel, est un
acte de toute la personne.
2. La personne humaine est radicalement limitée.
Même si elle est enrichie par une bonté essentielle qui la rend
"semblable" au Créateur (Gen 1, 27), qui l'incite au bien, à la
communion et à la solidarité, elle expérimente des tendances négatives qui
l'induisent au mal, à l'égoïsme et à la destruction: elle tend au bien, mais
est capable du mal (19).
Dans ses aspects négatifs, les limites humaines
expliquent l'expérience de la souffrance, de la maladie et de la mort.
______________________
(19) Cf. Centesimus Annus (C.A.), Libreria
Editrice Vaticana, Città del Vaticano, 1991, n.25
Dans une optique positive elle se transforme en une
force intérieure qui stimule la personne à alimenter et promouvoir la vie, à
grandir personnellement et à collaborer au développement du genre humain et du
cosmos. Dans cette optique la dimension "transcendante" de
l'existence humaine s'éclaire comme capacité essentielle de "sortir"
de soi pour développer constamment les valeurs et les capacités personnelles,
afin d'accéder graduellement aux niveaux supérieurs de la relation avec les
autres et avec Dieu. Voilà la raison pour laquelle la personne n'est pas un
être "fini", parfait, mais capable d'atteindre graduellement la
perfection.
Cette vision positive des limites humaines, explique
et justifie le niveau suivant.
3. La personne humaine est essentiellement
"ouverte" au monde, aux autres et à Dieu.
19 Tout en
n'ignorant aucun des trois aspects mentionnés, nous examinerons
particulièrement la capacité-nécessité "d'ouverture" de la personne
qui constitue le sommet et l'expression la plus riche de l'unité et de la
vision positive des limites humaines.
20 On
pourrait aborder "l'ouverture" des frères et des collaborateurs
principalement, comme:
- Une relation mutuelle;
- Une relation avec les malades et les nécessiteux.
En fait, tout ce que nous exposons ici a pour
objectif principal d'améliorer les relations avec les malades et les
nécessiteux, bien que dans ce document nous n'examinions explicitement que son
thème central, la relation entre les frères et collaborateurs.
La personne est une être capable d'ouverture
21. Nous entendons par ouverture humaine la
nécessité-capacité de vivre en relation -communion, avec le cosmos,
les autres et Dieu.
Il existe différents niveaux de manifester "l'ouverture" qui se
distinguent l'un de l'autre. Nous rappelons entre autres:
- L'ouverture-don qui exprime la capacité qu'a la
personne de "sortir"de soi pour aller à la "rencontre" de
l'autre.
On peut distinguer deux niveaux: le don de soi aux
autres, en mettant à leur service ses qualités et à un niveau plus profond, la
communication de ses sentiments et expériences vécues: la révélation de son
être, le plus intime de soi.
- L'ouverture-accueil qui exprime la capacité
d'accepter l'autre comme personne, lui permettant d'occuper une place dans
sa vie. Cette forme d'ouverture s'exprime à deux niveaux: écoute de l'autre
et acceptation de la vie de l'autre en moi: lui permettre d'occuper une place
en moi, sans cesser d'être lui.
- L'ouverture-communion. C'est le niveau le plus
riche et profond de la relation, quand les deux personnes se donnent l'une à
l'autre et s'acceptent au meilleur d'eux-mêmes, dans un échange d'amour, libéré
des formes conscientes d'égoïsme.
22 Cette
division logique ne se retrouve évidemment pas dans la vie à l'état pur: les
niveaux se superposent. Tous les niveaux mais en particulier les deux derniers
qui sont soumis à un processus qui suppose la connaissance, l'appréciation et
l'acceptation de l'autre dans son identité et réalité personnelle. Si ce
processus n'existe pas, surtout si l'on n'accepte pas l'autre comme autre, avec
ses qualités et ses limites, dans son originalité qui le rendent distinct de
tous les autres, qui le rendent "précieux" pour ce qu'il est sans
tenir compte de ce qui est accidentel chez la personne. Sans ce processus on ne
peut parler d'authentique relation interpersonnelle.
23 Nous
allons analyser à la lumière de ces présupposés les différents niveaux de
relation qui peuvent exister entre les frères et les collaborateurs.
- Relations à partir de ce que nous faisons
- Relations à partir de ce que nous sommes
- Relations à partir des motivations
Relations à partir de l'agir
24 Il s'agit du niveau le plus superficiel d'une
relation entre personnes qui se réunissent pour un but commun.
Dans notre cas ce serait le niveau le plus
superficiel de relation entre les frères et les collaborateurs. Etant donné que
nous avons distingué différents modes de collaborer avec l'Ordre il s'agit ici
de la relation qui existe entre les frères et les employés.
25 Il faut tenir compte du fait que pour réaliser sa
mission, l'Ordre a besoin du service qualifié des frères et des employés. En
outre, la raison de sa présence dans le centre est uniquement et exclusivement
l'assistance aux malades et aux nécessiteux. Bien sûr, ceci n'exclut pas, mais
au contraire renforce le fait que frères et employés se sentent motivés et
réalisés dans l'accomplissement de leur service et se sentent grandir en tant
que personnes, dans et à cause de se service.
Ceci étant dit, voyons brièvement le niveau de
relations que les uns et les autres peuvent vivre à partir de ce qu'ils font.
26 La
première chose dont il faut tenir compte est qu'à ce niveau il s'établit une relation
d'égalité: tous sont appelés à mettre leurs aptitudes au service des
malades ou des nécessiteux pour réaliser l'objectif de leur offrir une
assistance qualifiée du point de vue scientifique et technique, pour leur
garantir un service intégral et humanisant.
D'autre part, celui qui travaille dans un centre de
l'Ordre ne peut réaliser que le service pour lequel il est qualifié.
27 Quelques
mots relatifs à l'évolution que connaît le monde de l'assistance et de la santé
et plus concrètement les centres de l'Ordre.
Jusqu'il y a quelques années on exigeait bien sûr de
ceux qui servaient les nécessiteux une compétence mais celle-ci ne
résultait pas nécessairement d'études sanctionnées par un diplôme
professionnel. La plupart du temps, les frères avaient acquis cette compétence
sur le tas, à force d'expériences consolidées par certaines connaissances
théoriques acquises dans les centres de formation pendant les premières années
de vie religieuse. Personne ne mettait en discussion l'efficacité ni le
résultat
positif de leur service.
Aujourd'hui pour occuper un poste dans un centre, en
plus de la compétence personnelle il faut avoir des diplômes reconnus
officiellement.
28 Jusqu'à
récemment, et nous le disions déjà plus tôt dans ce document, le nombre des
employés dans les centres de l'Ordre était assez limité car les frères
remplissaient tous les services. Aujourd'hui
suite à la diminution des vocations, mais surtout suite à la
transformation et au volume de travail réalisé par les centres, la présence des
frères est moins significative.
Il est indispensable de tenir compte de ces deux
facteurs surtout, du premier, pour surmonter quelques attitudes réticentes.
Nous approfondirons ce point quand nous traiterons de la fonction et de la
finalité de la communauté dans le centre, et donc nous ne nous y attardons
pas pour l'instant.
29 Revenons
aux relations qui peuvent exister entre les frères et les employés qui
travaillent dans le centre.
Nous avons fait une affirmation fondamentale: au niveau
du travail il se crée une relation d'égalité à partir d'une compétence
professionnelle. Soulignons quelques points:
- Le frère et l'employé ont les mêmes droits et les
mêmes devoirs.
- Tous deux doivent réaliser le service pour lequel
ils sont qualifiés.
- Tous deux ont le droit d'être informés et de
participer au bon fonctionnement du centre compte tenu du poste qui est le leur
et des règlements en vigueur.
Dans ce type de relations, qu'on le veuille ou non,
il est facile que des conflits personnels surgissent. D'habitude c'est dû à une
rivalité, une méfiance, des prises de position personnelle, le refus d'accepter
son rôle, etc.
Relations à partir de ce que nous "sommes"
en tant que personnes
30 La vie d'une personne ne se limite pas au domaine
de l'agir. Dans le chapitre précédent, nous qualifions les relations de travail
comme le niveau le plus superficiel qui peut exister entre personnes qui se
réunissent dans un même but.
Pour que le travail acquiert un sens vraiment
humain, il est fondamental que chaque personne découvre quel est son travail dans la société et se prépare
pour pouvoir le réaliser, trouve le lieu approprié pour exprimer ses qualités
et aptitudes personnelles. Alors seulement le travail dépasse le sens de
"profession" pour devenir une "vocation". Quand il n'y a
pas de fusion entre disposition intérieure, préparation professionnelle et lieu
de travail approprié, il ne faut pas s'étonner qu'il existe consciemment ou
inconsciemment un désarroi chez la personne qui le manifeste au niveau du
rendement, de la qualité du travail et surtout au niveau des relations
interpersonnelles.
31 Par
exemple, les frères de l'Ordre vivent le travail comme réponse, dans un
service, à la vocation du Seigneur. Comme point de départ, il faut supposer que
les collaborateurs vivent également le travail, le volontariat ou l'oeuvre de
bienfaisance comme une réponse à un appel intérieur. Dans les deux cas nous
supposons qu'il existe des aptitudes professionnelles suffisantes. De cette
façon nous possédons les conditions nécessaires pour vivre des relations
interpersonnnelles au niveau de ce que nous "sommes".
Qualités des personnes
qui servent les malades et les nécessiteux
32 Le
travail de servir les malades et les nécessiteux comporte un fondement humain
qui le soutient et lui donne toute sa dignité. Comme nous l'avons vu, la
personne est un être "ouvert" aux autres. Et par conséquent les
frères et les collaborateurs possèdent des qualités, inscrites dans leur être
personnel qui soutiennent et favorisent les relations interpersonnelles qui
sont gratifiantes et enrichissantes au niveau profond.
Parmi ces qualités nous pouvons signaler:
- une attitude positive devant l'autre: croire en
lui, l'accepter dans sa réalité personnelle sans le juger;
- la bonté;
- la compassion (nous entendons ce mot dans son
acception éthimologique: capacité de souffrir avec);
- des attitudes de fidélité et de compréhension;
- une capacité d'empathie;
- une attitude d'accueil;
- la miséricordre;
- la disponibilité;
- la simplicité;
- l'attitude de service;
- une capacité d'abnégation;
- la générosité;
- des attitudes de dialogue et d'écoute.
Bien sûr, chaque personne possède, à différents
degrés, ces qualités et bien d'autres que l'on pourrait ajouter à cette liste.
Chez les uns certaines attitudes sont plus marquées et d'une certaine façon les
définissent et les rendent différents des autres.
33 Il se
peut qu'à cause d'une éducation reçue la personne ne prenne pas le temps
d'apprécier les qualités qui sont les siennes. Elle les prend pour acquises,
comme la chose la plus naturelle du monde: elles sont là et alors? Toutefois il
est important d'être conscient de ses qualités et de les apprécier avec
simplicité car ainsi il devient plus facile de vivre et de manifester ce que
nous "sommes" au meilleur de nous.
Quand on s'habitue à vivre consciemment ses qualités
on devient plus sensible et on découvre plus facilement celles des autres.
34 Tout le
monde, qui plus qui moins, souhaite vivre des relations qui dépassent les simples
formalités. La seule façon d'y arriver est de connaître, apprécier et
accepter les autres comme ils sont et pour ce qu'ils sont. Connaître les
qualités de l'autre est la meilleure façon de se sentir attiré par lui pour
découvrir ses richesses d'être et, en fin de compte, pour le sentir
"précieux" et lui ouvrir les portes de notre propre vie.
35 Si nous
examinons la liste des qualités qu'une
personne au service des malades et des nécessiteux est appelée à vivre et à
exprimer, nous constatons que la plupart des frères et collaborateurs les
vivent spontanément dans leur service.
C'est à dire que tous les possèdent. Il ne s'agit
pas de l'apanage de quelques uns. Il n'est pas non plus nécessaire d'aller à
l'université pour les obtenir car ce ne sont pas des attitudes que l'on peut
apprendre, mais des valeurs par lesquelles le Créateur nous a enrichit pour que
nous puissions, consciemment ou inconsciemment, les manifester dans notre vie.
36 Si on
apprécie dans leur juste mesure les qualités personnelles de ceux qui servent
les autres, on découvre un niveau d'égalité au niveau de "l'être"
qui sans aucun doute ouvre des horizons très vastes aux relations
interpersonnelles.
Si quelqu'un découvre qu'il est bonté,
compréhension, fidélité, respect, etc.., etc.., il devient conscient qu'il peut
et doit être compréhensif, fidèle et tout le reste, non seulement avec
certaines personnes, mais avec tout le monde.
Il est important de souligner que ceux qui passent
une grande partie de la journée ensemble, sont appelés à établir des relations
à partir des qualités qui les identifient. Si c'est le cas, il devient bien
plus facile de surmonter la tentation à se laisser influencer par des réactions
négatives ou par des formes d'égoïsme qui sont le fruit de nos limites humaines
et auxquelles personne n'échappe, mais qui ne sont pas dûs à la mauvaise
volonté.
37 On peut
arriver à des niveaux vraiment humains de communication et arriver à ce que
l'on appelle depuis des années "l'humanisation" de l'assistance. Ce
n'est que si on humanise les relations entre les frères et les
collaborateurs qu'il sera possible d'humaniser l'assistance.
Ce n'est que dans cette optique qu'il est possible
de parler et de réaliser l'alliance
entre les frères et les collaborateurs. "L'alliance" sera le fruit qui conclut un processus de
relations interpersonnelles, pendant lequel on a appris à se connaître,
s'apprécier mutuellement. Une nouvelle période s'annonce pour réaliser en
communion un projet de vie dont l'objectif est de communiquer, promouvoir et
servir la vie de ceux qui, pour différentes raisons, maladie, pauvreté,
marginalisation sociale, se trouvent dans des situations qui ne leur permettent
pas d'exister pleinement comme personnes.
38 Il est
essentiel de rappeler l'objectif commun de servir pour promouvoir la vie des
autres, à la lumière des qualités qui enrichissent les frères et les
collaborateurs. Dans cette optique, le collaborateur, qu'il soit employé ou
volontaire ou bienfaiteur, a le droit
d'exprimer dans son travail et autrement sa solidarité, sa capacité d'aimer et
de servir le prochain. Par son travail,
le frère exprime un niveau important de la pauvreté évangélique, de la
fraternité et surtout du don'hospitalité qu'il a reçu comme vocation
personnelle. (20)
39 Si les
frères et les collaborateur sont capables de situer
leurs relations au niveau d'une acceptation
mutuelle et d'un objectif commun de
servir les malades et les nécessiteux, pour
les aider et améliorer leurs conditions de vie,
alors, le malade et le nécessiteux seront le centre, le sujet central le
plus important du centre.
Dans cette optique on peut découvrir des motivations
qui stimulent les uns et les autres à travailler avec constance à surmonter les
barrières qui existent ou qui ont été créées inconsciemment pour établir un
dialogue où tous parleraient un même langage. Il deviendra donc plus facile de
se comprendre et de s'apprécier parce qu'on a respecté une exigence essentielle
pour le dialogue: se découvrir et s'accepter sur une même base, celle de vouloir
servir les autres pour les aider à vivre mieux comme personnes.
40 Pour
alimenter et développer les qualités personnelles qui facilitent le service des
malades et des nécessiteux et pour promouvoir le dialogue entre ceux qui
partagent ce service, les relations de travail ne suffisent naturellement pas.
Il faut qu'il y ait d'autres occasions de rencontre que la direction du centre
doit offrir et promouvoir. Par exemple:
______________
(20) Cf. Const. de 1984, nn 2,3, 12c., 14. Il
convient de citer le n. 13,a.d.: "..nous nous sentons stimulés à vivre et
à manifester clairement la pauvreté que nous avons vouée. Cela requiert de
notre part de vivre notre condition de pauvres en acceptant avec liberté
d'esprit l'obligation commune du travail, comme moyen de subsistance et
d'apostolat".
- Séminaires, ateliers, rencontres de formation
humaine, c'est à dire tout ce qui favorise la connaissance de soi et
l'approfondissement de thèmes liés à la vie de la personne, la société etc. car
il ne suffit pas de promouvoir seulement la formation technique et
professionnelle.
- Créer et promouvoir des cercles d'études et de
réflexion qui réunissent frères et collaborateurs pour partager leurs
connaissances et expériences.
- Favoriser l'organisation de groupes d'intérêt à
objectifs multiples, où les frères et les collaborateurs peuvent se retrouver
pour leurs loisirs.
Relations à partir des motivations
41 Les
paragraphes précédents ont permis de prendre conscience et d'apprécier ce qui
est commun chez des personnes qui se consacrent au service du prochain.
Maintenant nous nous centrons sur sur ce qui est original chez chaque
personne. Quoique nous fassions, nous ne trouverons jamais deux personnes
parfaitement égales. Nous possédons tous des caractéristiques qui font de nous
des êtres humains, et cependant chaque individu possède ces caractéristiques
d'une façon originale et irrépétible.
Reconnaître que les frères et les collaborateurs
possèdent des qualités communes aide à comprendre que chaque personne est appelée
à les vivre selon son identité propre.
Le service du prochain est le lien d'union
entre les frères de Saint Jean de Dieu et leurs collaborateurs.
42 Chaque
personne peut rendre ce service pour des raisons qui donnent un sens à sa vie.
On peut servir le prochain:
- par philanthropie;
- pour suivre une cause sociologique ou politique;
- par solidarité humaine;
- pour des valeurs et des raisons religieuses qui
peuvent inspirer tout croyant;
- comme réponse à une vocation de consécration
spéciale dans l'Eglise;
- pour se réaliser personnellement;
- pour subvenir à ses besoins grâce à un travail
dans ce domaine;
- etc.
43 C'est à
ce niveau qu'existent des différences entre ceux qui se retrouvent pour servir
le prochain. Mais il s'agit de différences qui proviennent de l'originalité de
chaque personne, qu'il nous faut accepter et respecter. Si nous parvenons à
comprendre et reconnaître les implications de ces différences, qui sont le
fruit d'une option personnelle en réponse à des motivations qui donnent un sens
à sa vie, il n'y a aucun danger de conflit, que se soit entre frères et collaborateurs, ou collaborateurs entre eux. Bien au contraire,
nous répéterons cet espèce de miracle que Jean de Dieu a réalisé pendant sa
vie: rendre tous les hommes frères; les situer au meilleur d'eux-mêmes
et expérimenter que tous sont "précieux" tout simplement parce qu'ils
sont humains qu'ils soient riches ou pauvres, nobles ou non, malades ou bien
portants.
44 Pour
vivre une relation positive, en acceptant les différences d'idéologie ou de
credo, etc. il faut que quiconque décide de servir dans un centre de l'Ordre
soit également capable d'accepter que tout comme lui, d'autres ont opté
librement de rendre un même service, mais inspirés par des motivations différentes
et non moins dignes de respect pour autant.
Si l'on agit de cette façon on surmonte la tentation
d'établir des "catégories" de présence selon les couleurs politiques
ou niveaux de croyance ou d'incroyance, et ce qui est encore plus important on
acceptera que toutes ces différences enrichissent les relations mutuelles.
Pour sa part, l'Ordre accepte et respecte toute
option personnelle. Réciproquement, l'Ordre a le droit et attend à juste titre
de ses collaborateurs, qu'ils respectent et appliquent dans la pratique, les
principes essentiels qui inspirent l'expression du charisme de l'hospitalité.
Quelques difficultés pratiques
A. La propriété des Centres
45 L'Ordre
gère et dirige un grande partie des centres dont il est propriétaire. Ceci
comporte des avantages et des inconvénients.
Les avantages résident surtout dans la
possibilité d'orienter la gestion et
la direction du centre selon les principes mêmes qui inspirent la mission de
l'Ordre pour assurer une assistance intégrale qui apprécie et respecte les
droits essentiels de la personne.
Un aspect important à retenir, surtout dans les pays
à technologie de pointe où prédomine une assistance socialisée est celui
qui dérive des tendances des lois sanitaires à favoriser l'assistance de ceux
qui peuvent être utiles pour la
production de biens de consommation et de marginaliser ou de réserver une
assistance de moindre qualité aux malades mentaux, chroniques, ou en phase
terminale et aux personnes âgées.
46 L'Ordre,
parce qu'il est propriétaire des centres peut assurer que son travail
apostolique et d'assistance accorde une attention particulière aux groupes
moins favorisés par la société technologique et de consommation.(21)
47 Les
inconvénients et les difficultés que comportent la propriété, concernent
principalement:
- Le témoignage de la pauvreté évangélique;
- les problèmes qui découlent de la gestion.
analysons brièvement chacun de ces points.
48 Paul VI
dans son Exhortation apostolique Evangelica Testificatio, invite les
religieux à vivre la pauvreté évangélique et en témoigner par des formes
extérieures. (22) Si on considère la situation de l'Ordre comme propriétaire
des centres dans une optique purement humaine, on le voit comme un organisme
qui dispose de grandes ressources économiques. C'est un fait que l'on ne peut
ignorer, et qui éveille chez beaucoup, y compris des frères, pas mal de
questions quant au témoignage de la pauvreté.
Il ne s'agit pas de trouver des justifications ni de
se défendre devant les incompréhensions
qui peuvent surgir, et de fait surgissent, mais d'approfondir les critères
évangéliques qui doivent orienter le témoignage de pauvreté de l'Ordre.
En tout premier lieu il faut se rappeler la finalité
des centres et il est inutile de le répéter ici. Quand les Constitutions
parlent de la manière dont les frères doivent vivre la pauvreté évangélique,
elles soulignent les attitudes de service et de travail, et le respect des
principes de la doctrine sociale de l'Eglise. (23)
_______________
(21) Const. de 1984, n.44
(22) Cf. E.T., nn. 16-18.
(23) Cf. Const. de 1984, nn. 13 et 100. Statuts
Généraux n. 160
49 La
difficulté du témoignage de pauvreté ne réside pas dans le fait d'être propriétaire du centre mais dans la manière
dont le frère et la communauté se situent dans le centre. Il est évident que si
les frères se situent comme ceux qui servent, ils offriront un beau
témoignage des exigences les plus radicales de la pauvreté évangélique qui,
rappelons-le, bien qu'elle se réfère également à la pauvreté économique,
resterait paradoxale si elle ne s'accompagnait pas d'attitudes de renoncement
face "à la tentation de la sécurité de posséder, du savoir et du
pouvoir". (24)
50 Une
gestion d'oeuvres hospitalières et d'assistance sociale qui réponde aux
exigences de la société actuelle et à l'esprit qui a animé l'Ordre depuis Saint
Jean de Dieu exige un potentiel économique qui en garantisse le bon
fonctionnement et le paiement de salaires justes aux employés.
Les difficultés qui en découlent ont inspiré le
désir de se tourner vers des oeuvres plus simples plus à notre portée.
Il est évident que des oeuvres plus simples trouvent leur place dans le
pluralisme d'options qui s'offre à l'Ordre pour exprimer son charisme. Ce qu'il
faut faire devant les problèmes économiques que présentent la gestion des
centres, c'est appliquer les critères de discernement qui figurent dans nos
Constitutions;
"Pour que notre apostolat hospitalier reste en
harmonie avec les valeurs et les exigences du Royaume, nous restons attentifs aux
signes des temps et les interprétons à la lumière de l'Evangile."
(25)
Par conséquent les arguments qui s'inspirent
uniquement des problèmes économiques ne justifieraient pas le fait d'abandonner
les centres dont l'Ordre est propriétaire.
Il faut donc relever le défi d'adapter l'esprit de
l'Ordre aux réalités, aux nécessités et exigences du monde de l'assistance
sanitaire et sociale ce qui implique en définitive une organisation et une
gestion des centres selon des critères d'entreprise.
______________________
(24) E.T., 19
(25) Const. de 1984, n. 4552 Le fait d'accepter cette réalité,
ne change nullement la finalité primordiale de
l'Ordre: montrer l'amour de Dieu aux hommes, grâce à une assistance
intégrale. Bien au contraire, cette nouvelle organisation veut atteindre
des niveaux chaque fois plus élevés d'humanisation et d'efficacité.
Compte tenu du caractère confessionnel des centres
de l'Ordre, dont nous parlons ailleurs, ceux-ci seront gérés selon une
philosophie propre qui s'inspire de la Doctrine Sociale de l'Eglise et aux
critères d'entreprises et d'efficacité pour tout ce qui concerne une
administration qui réponde aux exigences de notre temps.
52 L'Ordre
qui se situe devant la société comme une entreprise de caractère
confessionnel catholique, assume la responsabilité de contribuer à la
transformation des structures et des comportements existant au sein de
l'entreprise et de lutter pour le maintien et le renforcement d'une culture
d'entreprise qui se base sur ses principes idéologiques.
En plus de la philosophie catholique de ses centres,
l'Ordre a comme point de référence le Magistère de l'Eglise qui offre
l'interprétation actualisée du message évangélique.
Pour ce qui concerne l'organisation des centres,
l'Ordre se propose les objectifs suivants:
- offrir les services nécessaires aux malades et aux
nécessiteux;
- favoriser le développement intégral de la
personne;
- produire des ressources économiques;
- assurer la continuité des ses oeuvres au cours des
temps pour garantir ainsi la mission
évangélisatrice que lui a confiée
l'Eglise dans le monde de la santé.
53 Bien que
l'origine de l'Ordre soit de caractère charismatique, son organisation concrète
est le fait de personnes et le fruit de leurs efforts: la personne est l'élément
fondamental de toute entreprise. (26)
Par conséquent l'Ordre veut établir une relation
entre l'organisation et les employés qui satisfasse les besoins et les droits
des deux parties. Dès lors, les organismes de gestion du personnel doivent sans
cesse motiver, promouvoir, choisir et intégrer les employés d'une façon
cohérente qui tienne compte de leurs nécessités et des finalités de l'Ordre en
respectant toujours les critères de justice sociale.
____________________
(26) Cf. C.A., nn. 32 et 35
Bien sûr une telle gestion est conditionnée par les
situations concrètes et par des groupes d'intérêts. Les résultats touchent les
employés, l'utilisation réelle de leurs compétences, leur insertion et
participation à l'entreprise. Cela touche aussi l'harmonisation des objectifs
de l'entreprise avec ceux des employés, le rapport entre le coût et
l'efficacité des services.
La gestion des ressources humaines exige
actuellement un haut niveau de compétence de la part des cadres , des
structures appropriées avec les techniques scientifiques nécessaires pour la
prise des décisions au niveau des
organismes de direction.
54 L'Ordre
accorde une importance particulière à la valorisation et la formation du
personnel, pour que les aptitudes, goûts et nécessités des employés
correspondent à la quantité et qualité des services requis à la plus grande
satisfaction des deux parties. Un tel travail peut déboucher sur une plus
grande motivation ou au contraire, sur l'éloignement.
Pour encourager la promotion du personnel les organismes
de direction mettront en place des programmes de formation à tous les niveaux.
Par conséquent ils feront figurer un poste au budget pour la formation.
55 La
direction des centres doit être consciente que la gestion des ressources
humaines dépasse la simple sélection, stipulation de contrat et rétribution du
personnel: cela affecte fondamentalement les conditions de travail, (comme les
prestations de travail, l'horaire, les prestations de l'entreprise) et d'autres
questions comme:
- La motivation au travail et le rendement;
- l'importance et l'influence des groupes humains
dans les organisations;
- la communication interpersonnelle; ascendante,
descendante et horizontale;
- l'autorité, le style de commandement et le
leadership;
- le travail en équipe: ses bases et comment le
réaliser;
- etc.
Il s'agit de questions dont il faut tenir compte au
moment d'encourager et de vivre un climat de relations entre les frères et les
employés des centres. Par conséquent l'Ordre se propose de promouvoir et d'améliorer
les conditions appropriées pour que l'employé soit motivé au delà de son
contrat de travail, en recherche d'intégration et de communion et d'engagement
avec l'Ordre et sa philosophie, pour réaliser une assistance qui serve et
promeuve une vie toujours plus digne pour tous ceux que nous servons.
En cas de conflit, l'Ordre fidèle à sa vocation de
servir les malades et les nécessiteux défendra leurs droits (27)
tout en agissant avec calme et équilibre pour
empêcher ne fût-ce qu'un moment une déterrioration des relations avec ses
collaborateurs.
_________________
(27) Cf. Const. de 1984, n. 23a
DEUXIEME CHAPITRE
Frères
et laïcs engagés dans l'évangélisation,
en communion avec l'Eglise
Introduction
Dans le chapitre précédent, nous avons vu quelles
relations frères et laïcs, parce que personnes, sont appelés à vivre dans leur
service auprès des malades et des nécessiteux.
Maintenant nous examinerons la dimension de
foi dans laquelle les frères se sont consacrés au Seigneur selon le style
de Saint Jean de Dieu. C'est à ce niveau qu'ils se sentent unis aux
collaborateurs qui, animés par leur foi, veulent être des témoins de Jésus de
Nazareth.
La foi est un don et une réponse, elle
n'est pas simplement le fruit d'un effort humain. L'Ordre respecte d'autres
positions mais estime qu'il est nécessaire de préciser cette dimension.
La première partie de ce chapitre se base sur la
doctrine de l'Eglise sur les fidèles
laïcs, en particulier le dernier document du magistère en la matière. La
deuxième partie présente l'identité des frères, appelées à vivre en communauté
en vertu de leur consécration. Cette partie se base sur les Constitutions de
l'Ordre et sur les documents de l'ancien Supérieur Général, Fr. Pierluigi
Marchesi.
L'utopie que l'on souhaite est de construire une Eglise domestique formée par tous
ceux qui suivent le Christ et vivent leur vocation de servir et promouvoir la
vie dans les centres de l'Ordre.
Le Concile Vatican II appelle la famille
"l'Eglise domestique"; Paul VI utilise la même expression en parlant
d'une cellule d'évangélisation. (28)
L'Ordre se sent appelé à former une Eglise
domestique avec tous les collaborateurs croyants qui travaillent dans ses
centres, ce qui ne s'oppose nullement à la création de la famille
hospitalière, ou de la communauté thérapeutique pour mieux exercer son
apostolat.
______________________
(28) Cf. L.G., 11; A.A., 11; E.N., 71
Identité et mission des laïcs dans l'Eglise
57 L'Exhortation
Apostolique Cristifideles laici, du Pape Jean Paul II, fruit des réflexions
et des conclusions du Synode des Evêques qui a eu lieu à Rome du 1er au 30
novembre 1987 va nous aider à
approfondir notre identité et vocation
de croyants dans le Christ.
Tout au long de l'Exhortation, le pape analyse la
parabole des ouvriers envoyés à travailler dans la vigne (Mt 20, 1-7) et
l'allégorie de la vigne et des sarments (Jn 15, 1-8), pour mettre en évidence
que tous ceux qui ont été baptisés dans le Christ Jésus ont été greffés sur lui
et comme lui reçoivent la mission d'annoncer et de témoigner le salut de Dieu
aux hommes.
Dignité des fidèles laïcs dans l'Eglise-Mystère
58 Le don de
l'Esprit, reçu dans le baptême donne à tous les croyants une dignité originale
qui marque leur identité personnelle d'une manière indélébile: ils
appartiennent à la nouvelle humanité, marquée par la présence de
l'Esprit qui les rend Fils dans le Fils et membres vivants du Corps du
Christ; qui les consacre en Lui et comme Lui pour continuer sa mission et
de cette façon "ils sont intégrés au Peuple de Dieu, fait participants à
leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ,
exercent pour leur part dans l'Eglise et dans le monde, la mission qui est
celle de tout le peuple chrétien." (29)
Cette participation s'enracine dans l'être - c'est à
ce niveau que l'Esprit établit l'égalité - il ne s'agit pas simplement d'une
participation au niveau de l'agir, comme l'affirme d'ailleurs le Concile
Vatican II. (30)
___________________
(29) CFL. p. 23
(30) Ibid., pp. 22-23; cf. L.G., 31
Caractère séculier de la vocation du fidèle laïc
59 La
caractéristique propre de la vocation des fidèles laïcs est de rendre présente
dans le monde la dimension séculière de l'Eglise, comme réponse à la vocation
de Dieu: "Ainsi l'être et l'agir dans le monde sont pour les fidèles laïcs
une réalité non seulement anthropologique et sociologique, mais encore et
spécifiquement théologique et ecclésiale"... Car "Cette dignité
baptismale commune revêt chez le fidèle laïc une modalité qui le distingue
sans toutefois l'en séparer, du prêtre, du religieux, de la religieuse...
Cette modalité se trouve dans le caractère séculier". (31)
Appelés à la sainteté
60 L'invitation à "être saints dans toute la
conduite" (1 P 1, 15) fait partie de la vocation de tout chrétien appelé à
imiter le Christ: elle plonge ses racines dans le Baptême et elle est réactivée
par les autres sacrements.
Le fidèle laïc est appelé à vivre la sainteté
dans la vie quotidienne, dans ses activités habituelles où il peut offrir
le sacrifice de sa vie (Cf. Rom 12, 1) pour réaliser la volonté de Dieu et
servir les autres hommes. (32)
Participation des fidèles
à la vie de l'Eglise-Communion
61 L'Esprit
que nous recevons au Baptême nous communique la vie du Fils et nous introduit
au sein de la Trinité et nous fait participer de sa Vie en communion. C'est un
mode d'exister dans la vie trinitaire qui crée des liens de communion
entre les baptisés dont la source est l'Esprit de Jésus.
L'expression qui définit le mieux l'Eglise est la communion:
communion avec le Dieu unique et trinitaire; communion avec le Christ, tête de
l'Eglise; communion avec tous et chacun des
_________________
(31) Ibid., pp. 37 et 34; cf. L.G., 38
et 31
(32) Cf. Ibid., p. 43
membres de l'Eglise, du Pape au dernier fidèle;
communion qui nous est donnée comme don et en même temps constitue une conquête.
D'après Jésus, la vie en communion a un sens bien
plus profond que simplement continuer l'oeuvre créatrice du Père: c'est la
condition nécessaire pour que se réalise son salut: pour que les hommes y
croient et l'acceptent.
Sans la communion l'Eglise ne serait plus
l'Eglise de Jésus; sans la communion, le croyant vivrait détaché de la
vigne, du Christ et son existence serait stérile (cf. Jn 15, 6).
C'est pour cela que le don de l'unité dans la
communion exige du croyant une réponse personnelle, pour surmonter en
lui-même la tendance à l'individualisme et pour collaborer avec les autres
fidèles pour vaincre la tentation des individualismes à outrance qui
détruisent.
62 Les
fidèles laïcs, en participant à la communion sont appelés à créer
communion et à enrichir l'Eglise en
participant à sa vie et mission, en vivant et en manifestant les dons reçus là
où l'Esprit les a mis. en même temps ils se sentiront inspirés par l'Esprit
pour reconnaître et apprécier les dons de ceux qui ont reçu une vocation et des
fonctions différentes des leurs, selon
le critère de Saint Paul. (Cf. 1 Cor 12, 12. 4-6)
Coresponsabilité des fidèles laïcs
dans l'Eglise-mission
63 La
réponse spontanée à l'expérience de communion dans l'Eglise est l'engagement
personnel à l'oeuvre d'évangélisation. Les fidèles laïcs, pour répondre à
leur vocation particulière sont appelés à vivre leur insertion dans les
réalités temporelles avec un esprit évangélisateur: à vivre et à annoncer
l'évangile dans ses occupations habituelles et à servir la personne et la
société.
Le fidèle laïc en se sentant plongé dans un milieu
graduellement sécularisé, se trouve dans une situation privilégiée pour être le
levain, le sel et la lumière (cf. Mt 13, 33; 5, 13-16): avec sa vie centrée
sur le Christ, il peut et doit témoigner qu'il sait entrer en relation avec
autrui, employer les biens, sauvegarder son autonomie, surmonter la tendance à
l'hédonisme, à dominer les autres et à posséder sans mesure.
64 Le Pape
dans L'exhortation apostolique lui fixe des tâches fondamentales qu'il
doit remplir dans sa vie quotidienne:
- Promouvoir la dignité de la personne, comme tâche essentielle; l'Eglise et en son
sein les fidèles laïcs participent à la mission de servir la personne et la
société" (33);
- Aimer, servir et promouvoir la vie, comme
un droit inviolable de la personne qui doit être respectée depuis sa conception
jusqu'à sa mort naturelle. Si cette tâche est de la compétence de tous,
"certains fidèles laïcs sont appelés à le faire à un titre particulier: les parents, les éducateurs, le personnel
médical et infirmier, ... Il revient aux fidèles laïcs qui sont plus
directement, par vocation ou par profession, responsables de l'accueil de la
vie, de rendre concret et efficace le "Oui" de l'Eglise à la vie
humaine." (34)
- Exprimer et promouvoir la dimension religieuse
de l'homme, comme "élément
constitutif de l'être et de l'existence même de l'homme" (35) et
par conséquent, la liberté de conscience et de religion;
- Etre des témoins et des agents de solidarité:
tout d'abord par un style de vie
simple, et plus concrètement par la charité envers le prochain, par
laquelle "les fidèles laïcs vivent et manifestent leur participation à la
royauté de Jésus Christ qui n'est pas venu pour être servi mais pour
servir" (Mc 10, 45) ...
____________________
(33) CFL, pp. 104-105
(34) Ibid., pp. 109-110. Le Pape met en
évidence le danger réel que peut représenter pour la vie humaine l'emploi
indiscriminé des progrès des sciences médicales et biologiques et du pouvoir
technologique. Il rappelle à tous les fidèles qu'ils ont le devoir de se
maintenir informés tant sur ces progrès que sur les réponses éthiques que
l'Eglise promeut. "Ils doivent relever courageusement les défis
posés par les nouveaux problèmes de bioéthique". p.111
(35) Ibid., p. 112
parce que la charité est le plus grand don qu'offre
l'Esprit pour la construction de l'Eglise (cf. 1 Cor 13,13) et pour le
bien de l'humanité (36);
- Mettre l'homme au centre de la vie économique
et sociale et mettre à son service les moyens de production, la propriété
privée et toute la création. (37)
Lieux de réalisation
65 Le
commandement de Jésus aux apôtres, "Allez dans le monde entier annoncez la
bonne nouvelle à tout le genre humain" (Mc 16, 15) indique le lieu
de l'évangélisation. Les fidèles laïcs, chacun selon sa vocation qui se réalise
au milieu des réalités temporelles, ont la responsabilité d'évangéliser leurs
milieux de vie sans exclure aucune des réalités mondaines dans lesquelles ils
vivent. Le Pape cite explicitement la famille, le monde du travail, de la
politique, de la culture et les moyens de communication sociale.
Variété et complémentarité des vocations
66 L'Esprit
Saint, reçu dans le Baptême, se manifeste dans chaque personne. Cette présence
de l'Esprit marque la vocation personnelle, liée aux qualités, au sexe
et à l'âge de chacun, et enrichit l'Eglise d'une grande variété de vocations la
rendant ainsi plus vivante et plus concrète. Comme le dit le Pape:
"Dans l'Eglise-Communion, les états de vie sont si unis entre eux qu'ils
sont ordonnés l'un à l'autre, Leur sens profond est le même, il est unique pour
tous: celui d'être une façon de vivre l'égale dignité chrétienne et la
vocation universelle à la sainteté dans la perfection de l'amour. Les
modalités sont tout à la fois diverses et complémentaires." (38)
67 Chaque
chrétien doit contribuer à la vie et à la mission de l'Eglise dans sa vocation
propre, et mettre au service de celle-ci et de la société les dons qu'il a
reçu. Le Pape lance un appel particulier aux enfants, aux jeunes et personnes
âgées, aux
_______________
(36) Ibid. p.120. Dans ce contexte, le Pape
parle de l'importance des différentes formes de volontariat.
(37) Cf. Ibid., pp. 127-129
(48) CFL., p. 170
femmes et hommes et invite chaque personne à
collaborer de manière active et responsable à la tâche d'évangélisation de la
société.(39)
L'Exhortation apostolique s'adresse à un secteur de
la société que nous aimons tant, les malades et tous ceux qui souffrent. Citons
quelques unes des idées principales:
- Les malades et ceux qui souffrent auxquels
les Pères conciliaires déclarent dans leur message: "Sachez que vous
n'êtes pas seuls, ni séparés ni inutiles: vous que le Christ appelle son image
vivante. Le Concile vous salue en son nom et avec amour, vous rend grâce et
vous assure de l'amitié et de l'assistance de l'Eglise" (40), dont le Père
Marchesi disait si bien "ils sont mon université" nous sont
présentés par le Pape non seulement comme une présence vivante de Jésus que
l'Eglise doit aimer d'un amour préférentiel, mais comme agents irremplaçables
de l'évangélisation: en eux et par eux, le Christ continue à sauver
l'humanité; le Père se manifeste en eux
et par eux; ils sont l'image vivante de l'amour salvifique, patient et oblatif
au milieu des souffrances, témoins que la souffrance humaine est un accident
de la vie qui incite la personne à découvrir des horizons inédits de
réalisation et de sanctification personnelle. Comme l'a exprimé un handicapé au
cours de son intervention dans une séance du synode, "il est très
important de mettre en lumière le fait que les chrétiens qui vivent dans des
situations de maladie, de souffrances, de vieillesse, sont invités par Dieu non
pas seulement à unir leur propre douleur à la Passion du Christ, mais aussi à
accueillir dès maintenant en eux-mêmes et à trans- mettre aux autres la force
de renouveau et la joie du Christ ressuscité (cf. 2 Co 4, 10-11; 1 P 4, 13; Rm
8, 18 et suiv.)".(41)
68 L'Ordre
en partageant avec ses collaborateurs qui sentent et vivent leur condition de
membres vivants du Christ, la mission d'évangéliser les malades et les
nécessiteux, les invite à renouveler leur engagement baptismal et à le
manifester avec joie et simplicité, avant tout au sein de leur propre famille
pour y être l'inspirateur d'un style de vie de solidarité et de charité
chrétienne. L'Ordre les invite à unir toute la richesse de leur foi et de leurs
compétences professionnelles aux dons que l'Ordre lui-même a reçu et manifeste
par ses frères. Ainsi l'Ordre avec le soutien de ses collaborateurs pourra
renforcer son action évangélisatrice dans les centres qu'il dirige au nom de
l'Eglise et permettre aux destinataires de son service de découvrir et
expérimenter que Dieu les aime
_________________
(39) Cf. Ibid., pp. 136-161
(40) Concile Vatican II Message aux pauvres, aux
malades et à tous ceux qui souffrent, 7
(41) CFL., p. 163; cf. pp 161-165
Une fois de plus, nous affirmons à quel point
l'Eglise et l'Ordre ont besoin de vous
avec les mots du Pape:
"La communauté chrétienne a transcrit, de
siècle en siècle, dans l'immense multitude des personnes malades et
souffrantes, la parabole du bon Samaritain, en révélant et en communiquant
l'amour de guérison et de consolation du Christ. Cela s'est fait par le moyen
du témoignage de la vie religieuse consacrée au service des malades et par
l'engagement infatigable de toutes les personnes qui s'occupent des services de
la santé. Aujourd'hui, même dans les hôpitaux et les maisons de soins
catholiques, on voit s'accroître, jusqu'à devenir parfois totale et exclusive,
la présence des fidèles laics, hommes et femmes: c'est justement eux, médecins,
infirmiers et infirmières, tout le personnel de la santé et les aides
bénévoles, qui sont appelés à être l'image vivante du Christ et de son
Eglise dans l'amour envers les malades et les souffrants." (42)
__________________
(42) Ibid., p. 166 Les caractères gras du
texte sont les nôtres.
Place et fonction de la communauté dans le centre
69 Ce
document n'a nullement l'intention de traiter d'une façon exhaustive un thème
de cette importance. Nous voulons seulement analyser des points qui, dans une
grande mesure, soutiennent et conditionnent les relations qui existent entre
les frères et les collaborateurs. Nous souhaitons ainsi compléter la doctrine
relative à la participation de tous à la mission de l'Eglise, surtout dans le
domaine de l'assistance aux malades et aux nécessiteux. Ceci nous aidera à
mieux nous connaître de part et d'autre et à renforcer la communion
qui existe entre les frères et leurs collaborateurs. Par conséquent, cette
partie ne s'adresse pas exclusivement aux fidèles laïcs qui collaborent
dans les centres de l'Ordre mais éagalement
aux frères. Nous nous proposons d'analyser les points suivants:
- Qui sommes-nous, pour qui et pour quoi agissons-nous
et vivons-nous?
- La dimension communautaire de notre vie.
- Le sens apostolique de la communauté et de chaque
frère qui en fait partie.
Qui sommes-nous, pour qui et pour quoi agissons-nous
et vivons-nous?
70 La
première chose à faire lorsqu'on essaye de justifier notre vie est de répondre
à la question QUI SOMMES-NOUS qui est à la base de notre option
personnelle.
Les constitutions de l'Ordre donnent une définition
du frère hospitalier de Saint Jean de Dieu dans les termes suivants:
Nous croyons au Christ. En communion avec l'Eglise
nous avons été consacrés par l'Esprit dans le baptême. Ce même Esprit nous
"a consacré de nouveau, par un don spécial, pour vivre dans la chasteté,
la pauvreté, l'obéissance et l'hospitalité". (43)
La "consécration" est donc un élément
substantiel de notre vie. Il s'agit "d'une consécration particulière,
qui s'enracine dans la consécration baptismale et l'exprime avec une plus
grand plénitude"..., pour "suivre le Christ, en nous
consacrant totalement à lui....par un don total et irréversible"(44)...,
qui inspire qui le reçoit et oriente toute sa vie "au service du
__________________
(43) Const. de 1984, n.7
(44) E.T., 7
Seigneur et à son honneur à un titre nouveau et
particulier."(45)
71 La
"consécration particulière" et le "titre nouveau et
spécial" se réalise pour le frère de Saint Jean de Dieu dans le charisme
de l'hospitalité. (46)
Et donc, c'est la consécration dans l'hospitalité
qui constitue la différence essentielle entre les frères et les collaborateurs.
Différence qui n'est pas synonyme de séparation. La consécration dans l'Eglise
est un mode de participer à la vie de Jésus de Nazareth, consacré par l'Esprit
pour annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle, soigner les coeurs brisés et
délivrer les opprimés des forces du mal (47)... Jésus pour réaliser sa mission,
non seulement ne s'est pas séparé des hommes, mais il s'est incarné et a
vécu comme un homme (Ph 2,7), il a mangé et bu avec les pauvres et les
pécheurs, il a connu nos souffrances et nos limites. (Cf. Heb 2,
17-18)
Par conséquent, la consécration au titre de
l'hospitalité constitue une partie essentielle de l'identité du frère; un
élément important et essentiel de son "originalité".
72
L'identité d'une personne se manifeste dans sa vie et dans ses actes.
Notre identité de consacrés "au service du Seigneur et à son
honneur"(48) détermine pour qui nous vivons et agissons. Toute la vie du
frère, tout ce qu'il réalise pendant sa vie est, par la consécration, élevé à
la catégorie de culte et de louange à Dieu: "Ainsi en offrant notre
existence comme un sacrifice vivant et saint, nous nous unissons au culte
authentique offert par le Christ dans l'Eglise et nous participons à sa
fonction sacerdotale". (49)
_______________________
(45) Lumen Gentium (L.G.), 44
(46) Const. de 1984, n. 2b
(47) Cf. Lc 4, 18-21; Mt 8, 16-17; 12, 15-2
(48) L.G. , 44
(49) Const. de 1984, n. 7c.
Le frère hospitalier se consacre à Dieu pour
coopérer "à l'édification de
l'Eglise en servant Dieu dans l'homme qui souffre" (50).
Le frère de Saint Jean de Dieu participe au
sacerdoce du Christ, par la consécration dans l'hospitalité "dans
l'accomplissement de notre mission
hospitalière"(51)
73 Ceci
revient à dire que la vie du frère est tournée vers
Dieu et les nécessiteux. A quelle fin? Pour
que "à travers notre vie se manifeste l'amour particulier du Père envers
les plus faibles, que nous cherchons à sauver à la manière de Jésus". (55)
On pourrait rappeler ici plusieurs citations des
constitutions qui confirment cette affirmation, mais cela n'est pas nécessaire.
Voyons les conséquences en résumant la réponse à la question: "Qui
sommes-nous, pour qui et pour quoi vivons-nous?"
Le frère de Saint Jean de Dieu:
- Est un consacré dans l'Eglise en vertu du don de
l'hospitalité;
- Sa vie est tournée vers le service de Dieu, des
malades et des nécessiteux;
- Il se consacre au service des malades et des
nécessiteux pour annoncer le Royaume
de Dieu: sa consécration comporte un sens
apostolique.
Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point.
Dimension communautaire de la vie
du frère de Saint Jean de Dieu
_____________
(50) Ibid., n. 1d.
(51) Ibid., n. 7c.
(52) Ibid., n. 2b.
74. La vie
communautaire est un élément inséparable de la consécration et par conséquent
appartient à l'identité du frère hospitalier.(53)
La vie communautaire dans l'Ordre comporte trois
caractéristiques intimement liées les unes aux autres:
- Communauté de foi et de prière;
- Communauté de vie fraternelle;
- Communauté de service apostolique.
On ne peut ignorer aucun de ces éléments si l'on
veut vivre harmonieusement en tant que frère hospitalier.
75 La vie
de foi et de prière signifie l'expression personnelle et communautaire de
la communion avec Dieu. En même temps
c'est:
- la principale nourriture de notre mission de
charité" (54),
- le lieu où nous célébrons la communion dans la
foi, dans le charisme et la mission avec les autres frères de la communauté et
où nous renouvelons la fraternité par la participation aux sacrements; (55)
- la contemplation et la rencontre avec le Christ de
qui nous découvrons et apprenons:
. le sens de la vie de l'homme et de la souffrance
humaine;
. la dignité de la personne;
. la prédilection que Dieu a pour les faibles;
. la fidélité au service de l'homme pour réaliser la
volonté du Père en donnant sa vie pour le salut de tous. (56)
76 La
vie fraternelle , comme le disent les Constitutions, est
_________________
(53) Const. de 1984, nn. 5b. et 7c.
(54) Ibid., n. 28a
(55) Cf. Ibid., nn. 28-30
(56) Cf. Ibid., nn. 28-30; 33-34.
le fruit du charisme, en vertu duquel le frère a
décidé de former avec les autres frères de la communauté une famille qui ne provient pas des
liens de la chair et du sang mais de l'écoute de la Parole de Jésus, pour vivre
avec lui, accomplir la volonté du Père et annoncer l'Evangile aux pauvres et
aux malades.(57)
Se sentir un membre vivant de la communauté est le
fruit d'une option de foi à la suite de Jésus qui implique la volonté
personnelle de collaborer pour que la communauté manifeste l'union des coeurs
et crée et conserve un milieu qui facilite et promeuve l'épanouissement des
frères qui la composent.(58)
77 La vie
fraternelle, est en outre "signe de la présence du Seigneur"
(59) et la preuve évidente que nous sommes les disciples de Jésus (60).
Ceci incite les frères à vivre avec transparence leur sens d'appartenance avec
la communauté et la communion avec les autres frères pour offrir aux malades et
aux collaborateurs un témoignage clair d'unité qui respecte et apprécie
"la diversité des dons dont l'Esprit enrichit chaque frère" (61),
pour que se réalise la prière de Jésus: "que tous soient un...afin que le
monde croie que Tu m'as envoyé". (62)
Sens apostolique de la communauté
et des frères qui la composent
78. L'objectif de notre communauté hospititalière
n'est pas seulement de faciliter la rencontre avec Dieu dans la prière ni,
moins encore, d'offrir des relations familiales. Bien que les deux éléments
précédents soient très importants, nous avons été invités à vivre comme frères
avec le Seigneur dans le but d'annoncer l'Evangile aux pauvres et aux
nécessiteux.(63)
-
____________________
(57) Cf. Mc 3, 13-15.35; Jn 1, 13; Const.1984,
n.26c
(58) Cf. Const. de 1984, nn. 6c; 14; 16b; 17b;
18d; 19; 36; 37; 43c; 51g.
(59) Ibid.,26b.
(60) Cf. Jn 13, 35
(61) Const. de 1984, n. 38f
(62) Jn 17, 21.
(63) Const. de 1984, n 41a
Le sens apostolique de la communauté et de chaque
frère qui en est membre est évident si nous lisons les constitutions et il est
donc superflu d'insister sur ce point, bien qu'il soit bon de le rappeler, car
le sens de la présence de la communauté dans le centre en dépend en très grande
partie.
Communauté de communion
79 Ce qui
précède nous permet de conclure que la communauté hospitalière doit être une communauté
"ouverte", signe de communion et de fraternité, capable de
susciter la communion et de créer des liens de fraternité entre les hommes.
Le Frère Brian O'Donnell, Général actuel de l'Ordre
l'a très bien dit dans son discours de clôture du Chapitre général de 1988:
"En tant que Frères, nous sommes appelés à être
un signe d'unité dans l'Eglise...., où nous sommes tous appelés au ministère,
nous offrons un exemple d'énergie spirituelle et de vitalité apostolique. En
tant que frères religieux... nous offrons à la vie et à la mission de l'Eglise
une dimension fraternelle et unique. Les gens nous appellent "frères"
et notre vocation est d'être leurs frères. Pour nous, le mot "frère"est
un don précieux du Peuple de Dieu. Mais la pensée "d'être leurs
frères" est encore plus importante pour nous parce que c'est précisément
notre vocation: être les frères des malades et des pauvres, des plus faibles et
des plus nécessiteux". (64)
Sens de la présence de la communauté dans le centre
80 Nous
pouvons maintenant comprendre quel est le sens et la fonction de la
communauté et des frères dans le centre.
Nous devons tenir compte de ce qui a été dit à
propos du caractère confessionnel des centres, ce qui ne signifie pas que
l'Ordre limite son champ d'action, mais qu'il est ouvert à collaborer avec
d'autres organismes. Ceci étant dit, et compte tenu de l'identité et du
sens communautaire de la vie du frère hospitalier, sa présence dans un
centre peut se définir par les mots suivants:
La communauté des frères de Saint Jean de Dieu,
présente dans
______________
(64) Déclarations du 62ème Chapitre Général,
pp. 56-59.
un centre d'assistance est appelé à "annoncer
et à réaliser le Royaume parmi les pauvres et les malades"... afin que
"se manifeste l'amour particulier du Père envers les plus
faibles"..., et garder ainsi "vivante la présence miséricordieuse de
Jésus de Nazareth" (65) ..., et incarner ses sentiments et les manifester par des gestes de miséricorde"(66) en suivant
l'esprit et l'exemple de Saint Jean de Dieu, qui, "mû par l'Esprit Saint
et transformé intérieurement par l'amour miséricordieux du Père, vécut, en une
parfaite unité, l'amour de Dieu et du prochain. Il se consacra complètement au
salut de ses frères et imita fidèlement le Sauveur dans ses attitudes et gestes
de miséricorde". (67)
81 Par
conséquent, la présence de la communauté dans le centre et celle de chaque frère est riche de sens en vertu
de la consécration à Dieu dans le service des malades et des nécessiteux,
pour manifester l'amour miséricordieux du Père, et annoncer ainsi l'évangile.
Le Frère Pierluigi Marchesi a souvent parlé du
nouveau style de présence des frères parmi les malades quand il était le
supérieur général de l'Ordre. Les documents sur L'humanisation et
L'hospitalité des frères de Saint Jean de Dieu en vue de l'an 2000,
soulignent comment les frères et la communauté doivent se situer auprès du malade.
On peut les résumer comme suit:
- Etre témoin et guide moral
- Etre conscience critique
- Etre créatif
- Etre prophète.
Etre des témoins et des guides moraux
82 La
consécration à Dieu dans le service des malades et des nécessiteux, est un don
qui transforme le frère et la communauté en "témoins":
- Des hommes qui ont une expérience de l'amour
miséricordieux du
__________________
(65) Const. de 1984, n. 2b. c.
(66) Cf. Ibid., n. 3a.
(67) Ibid., n. 1a.
Père et qui ont décidé de consacrer leur vie à être
miséricordieux pour imiter Jésus de Nazareth selon le style de Saint Jean de
Dieu;
- des hommes qui ont contemplé le Christ de
l'évangile, l'homme idéal que Dieu a créé dès l'origine, appelé à vivre en
communion avec lui et avec les autres hommes et qui, à sa lumière:
. ont découvert la valeur, la dignité, le sens et le
destin transcendant de la personne humaine;
. sont convaincus que Dieu appelle la personne à la
vie et non à la mort; que Dieu désire son bonheur et non la souffrance;
. ont découvert dans le Christ le sens de la
souffrance;
et, inspirés par le même Esprit qui a animé Jésus de
Nazareth à soigner, délivrer les opprimés et à annoncer aux pauvres la bonne
nouvelle de l'amour du Père, se faisant serviteur de tous pour les sauver:
. ont décidé de l'imiter en consacrant leur vie au
service des pauvres et des malades.
Il est important de souligner les deux points
fondamentaux:
- être des témoins de l'amour miséricordieux du
Père;
- servir les malades et les nécessiteux.
Voilà en deux phrases le meilleur résumé que l'on
puisse donner de la mission du frère de Saint Jean de Dieu et du sens de sa
présence dans un centre d'assistance.
83 Le
témoignage de sa vie permet au frère d'être "guide moral" pour
les personnes qui, avec lui, réalisent ce service auprès des malades.
Une vie cohérente est essentielle pour s'ouvrir aux
collaborateurs et se réjouir que d'autres personnes se consacrent à témoigner
l'amour de Dieu, même sans le vouloir ou sans en être conscients. Le frère peut
alors considérer ses collaborateurs comme des compagnons qui, s'ils sont
croyants, expriment le sens apostolique de leur vie en servant les malades comme réponse
au don du baptême. Chez les autres il apprécie
leur dévouement pour le bien de
l'humanité souffrante.
En outre, il découvrira que ses collaborateurs sont
son prochain ayant parfois besoin de sa compréhension, de son encouragement, et
de son soutien... des personnes qui
subissent les contingences de la vie et désirent trouver dans le travail un
milieu accueillant et compréhensif où nourrir leur capacité d'accueil et de don
de soi.
Etre conscience critique
84 Croire
dans le Christ, c'est accepter d'être un "signe de contradiction": d'
être une conscience critique. De par sa vocation, le frère a décidé de
vivre et de promouvoir les valeurs évangéliques, en général et surtout celles
qui concernent le service, la défense et la promotion de la vie humaine. C'est
une option à laquelle il ne peut renoncer et exige à plusieurs reprises de lui,
des réponses claires qui l'engagent.
Les progrès de la science et de la technique, inimaginables
il y a dix ans, ont mis l'homme dans la possibilité d'agir directement sur
l'origine, le développement et la phase terminale de la vie. Ces progrès qui
devraient toujours servir et promouvoir des formes de vie plus humaines très
souvent sont employés de façon à blesser les droits fondamentaux de la personne
à naître, à vivre et à mourir avec dignité.
85 Nous
vivons dans une société sécularisée dans laquelle des croyants de
différentes confessions, des athées et des indifférents à toute valeur transcendantale
ont le droit de vivre et d'exprimer leurs opinions. C'est un fait qu'il nous
faut accepter. Comme nous devons accepter que nos centres accueillent et aident
des personnes qui ne croient ni ne vivent selon les valeurs de l'évangile que
nous professons et que nous devons respecter leur conscience.
Ce n'est pas parce que nous respectons et acceptons
les modes de penser et de vivre des autres que nous sommes d'accord avec leurs
principes et valeurs ou les considérons au même titre de ce qui donne un sens à
notre vie.
Le principe de la liberté de conscience
soutient nos options, nous donne le droit et nous oblige à être fidèles aux
valeurs essentielles de notre vocation en suivant les indications du magistère
de l'Eglise.
86 Ce fait
situe la communauté et chaque frère devant un défi qu'ils ne peuvent ignorer.
Ils doivent garantir que dans les centres le l'Ordre on applique des critères
déonthologiques et éthiques qui respectent les normes de l'Eglise en matière de
bioéthique.
Il s'agit d'un défi important qui implique toute une
série d'exigences et nous aimerions en souligner certaines:
- La communauté tout en n'excluant aucun de ses
membres doit veiller à ce que la mission du centre réponde aux valeurs de notre
charisme. Elle acquiert ainsi une importance qui dépasse toute fonction qu'elle
a pu occuper dans le passé. Cette nouvelle fonction elle est tenue de l'exercer
si elle veut être créativement fidèle au charisme de l'Ordre.
- La communauté et tous les frères qui la composent
ont le devoir de connaître les nouvelles prises de position en matière de
bioéthique et les valeurs et les risques des progrès scientifiques et
techniques pour la vie de l'homme afin de pouvoir offrir une réponse appropriée
et cohérente. Ceci requiert l'obligation d'une formation permanente qui touche
différents niveaux de la vie des frères directement liés aux valeurs
évangéliques.
Etre créatifs
87 Le frère
hospitalier est appelé à faire preuve de créativité dans son service auprès des
malades et des nécessiteux pour leur offrir ce qui peut améliorer leur
bien-être physique et moral. Jean de Dieu a été un authentique innovateur dans
"l'art" de l'assistance au prochain; l'Ordre tout au long de son
histoire a influencé de différentes manières le progrès de la médecine et le
service intégral des nécessiteux parce que les frères étaient attentifs aux
nouveaux besoins et aux attentes des personnes.
Au cours de ces dernières années, l'Ordre a été un
pionnier pour promouvoir l'humanisation de l'assistance, quand il a
constaté que le progrès scientifique et technique mettait souvent en danger le respect de la personne comme telle,
ou la privait de chaleur humaine dans des moments de souffrance et de marginalisation. L'Ordre a compris ce danger
et que ses centres risquaient de se transformer en lieux hautement technisisés
et informatisés où le malade devenait un numéro ou un diagnostic. Ce danger
existe toujours.
88 Le frère
hospitalier et la communauté, quand ils sont dans un centre, doivent être
attentifs à la réalité personnelle de leur patient; réalité qui englobe toute
la personne et est influencée par les circonstances socio-familiales pour lui
offrir les réponses qu'il attend et dont il a besoin même s'il n'est pas
toujours capable de l'exprimer.
Le frère Marchesi quand il parle de ce sujet dit:
"Etre des pionniers dans nos
oeuvres, signifie aujourd'hui savoir écouter le malade et agir en
conséquence.
C'est de cette écoute que jaillissent des projets
d'étude, de recherche, d'expérimentation, et le désir de changer nos vieilles
habitudes peu productives." (68)
Etre prophète
89 Les trois
formes de présence dont nous avons parlé peuvent se résumer en une, celle d' être
des prophètes dans le monde de de la santé. Pour suivre une image biblique,
être prophète signifie:
- Etre
témoin de la présence de Dieu au milieu du peuple;
- Etre
signe-sacrement du salut de Dieu;
signe qui se réalise par et dans sa
propre vie;
- Etre
celui qui annonce avec les paroles
et les actions que Dieu est le salut;
- Etre
celui qui dénonce par le témoignage de sa vie, par ses mots et ses actions toute maniere de vivre qui blesse les "droits" de Dieu et qui, chez
les prophètes, coincident avec les
"droits" des pauvres.
Si la communauté et chaque frère qui en est membre,
arrivent à "incarner" et à
exprimer le sens prophétique de leur vocation et mission dans l'Eglise,
il en découle:
- qu'ils seront présence de l'amour miséricordieux
du Père;
- qu'ils rendront le Christ présent auprès des
malades et des nécessiteux;
- qu'ils vivront la mission d'annoncer le Royaume
selon le style de Saint Jean de Dieu.
Ce n'est qu'alors que leur présence dans le centre
acquerra un sens ecclésial.
En communion avec le Christ prêtre,
nous évangélisons les malades et ceux qui souffrent.
90 Nous
pouvons affirmer à la fin de ce chapitre, que les frères et les fidèles laïcs,
collaborateurs de l'Ordre au service des malades et des nécessiteux, participent
d'une façon particulière au sacerdoce du Christ. Lui qui s'est constitué
"prêtre pour l'éternité à la manière de Melchisédech" (Heb 5, 7), a
exercé son sacerdoce en se mettant au service de l'homme, en donnant sa vie
_____________
(68) L'Hospitalité de l'Ordre de Saint Jean de
Dieu en vue de l'an 2000, n.86
pour tous (cf. Mt 20, 28) pour
nous donner la vie en abondance(cf Jn 10, 10). Nous, frères et fidèles
laïcs, tout en gardant notre identité propre - tous consacrés par le baptême et
la confirmation - et les frères consacrés en outre par le don de la vie
religieuse, nous participons sans aucune distinction au sacerdoce du Christ, Grand
Prêtre miséricordieux (Heb 2, 17).
Il nous suffit de dire avec Saint Paul que, dans
cette participation, il n'y a plus d'homme ni de femme, nous ne faisons tous
qu'un dans la Christ Jésus. (Gal 3, 28).
TROISIEME
CHAPITRE
Participation
des collaborateurs
au
charisme, à la spiritualité et à la mission
des
Frères Hospitaliers de Saint Jean de Dieu
Cadre historique
91 L'Ordre
hospitalier de Saint Jean de Dieu qui est aujourd'hui présent dans les cinq
continents avec plus de 200 oeuvres, trouve son origine à Grenade aux environs
de l'an 1538 dans la personne de Jean de Dieu. En écoutant un sermon de Jean
d'Avila, mu par l'action de l'Esprit Saint, Jean de Dieu abandonne tout ce
qu'il a et décide de manifester par ses gestes et par ses paroles l'amour
miséricordieux de Dieu pour les nécessiteux.
La transformation intérieure de Jean fut tellement
intense que les gens pensaient qu'il avait perdu la raison et l'ont fait
enfermer dans l'Hôpital Royal , dans la partie réservée aux fous. C'est là que
Jean a compris de quelle manière concrète il pouvait exprimer la miséricorde de
Dieu envers les plus défavorisés et qu'il décide de fonder un hôpital où les
pauvres et les malades seraient assistés avec respect et amour.
Il commence sans rien d'autre que sa propre
personne; il demandait l'aumône qu'il distribuait ensuite aux pauvres; il
recueillait les abandonnés et les réunissait dans le couloir de la demeure d'un riche jusqu'au moment où
leur nombre fut si grand qu'il a fallu penser à un lieu plus vaste. Petit à
petit son amour créatif le pousse à organiser une vrai hôpital-hospice où il
peut vérifier l'intuition qu'il a eu à l'Hôpital Royal. Plusieurs mois avant sa
mort il écrit à un bienfaiteur:
"C'est un hôpital général; aussi y reçoit-on
toutes sortes de gens. Il y a des perclus, des manchots, des lépreux, des
muets, des aliénés, des paralytiques, des teigneux, des vieillards et beaucoup
d'enfants, sans parler des nombreux voyageurs
et passants qui s'arrêtent ici et auxquels on donne le feu, l'eau, le
sel et les ustensiles nécessaires pour apprêter les aliments.
En comptant malades, bien portants, gens de service
et voyageurs, il y a plus de cent dix personnes." (69)
92 La force
intérieure qui animait Jean était l'Esprit même de Jésus. Sa capacité d'aimer
qui lui était naturelle, était enrichie et transformée par l'amour
miséricordieux du Père. Grâce à la présence de l'Esprit dans sa vie, avec le
charisme de
_________________
(69) 2 G.L,, 5;4.
l'Hospitalité, Jean "vécut en une parfaite
unité l'amour de Dieu et du prochain. Il se consacra complètement au salut de
ses frères et imita fidèlement le Sauveur dans ses attitudes et ses gestes de
miséricorde... Notre Ordre Hospitalier est donc né de l'évangile de la
miséricorde, tel que le vécut intégralement Saint Jean de Dieu, que,
précisément pour cette caractéristique nous considérons, à juste titre, comme
notre Fondateur". (70)
Compagnons et collaborateurs de Jean de Dieu
93 Jean de
Dieu n'a pas écrit de Règles ni de Constitutions. Par sa manière de vivre
l'amour de Dieu et du prochain il a "contaminé" quelques compagnons
qui spontanément se sont joints à lui pour l'aider dans son oeuvre de charité
surtout dans son deuxième hôpital de la Cuesta de Goméles.
Le premier biographe du saint nous dit:
"L'exemple de la vie de Jean de Dieu a été tel
que beaucoup ont voulu l'imiter et suivre ses traces en servant notre Seigneur
dans ses pauvres et en exerçant le service de l'hospitalité pour Dieu
seul". (71)
Jean de Dieu avait pleinement confiance dans les
personnes qui l'aidaient, surtout ses compagnons. Nous savons qu'il quittait
l'hôpital très tôt le matin pour récolter des aumônes et exercer d'autres
oeuvres de charité, et qu'il y rentrait très tard le soir. On peut en conclure
que c'était ses compagnons et d'autres collaborateurs qui se chargeaient des
soins à donner aux malades et aux pauvres pendant la plus grande partie de la
journée. A l'occasion de son voyage à Valladolid, où il est resté pendant plus
de 9 mois, il laisse son compagnon Anton Martin à la tête de l'hôpital pour
"qu'il s'occupe des pauvres et de la maison jusqu'à son retour" (72).
sur le point de mourir, il appelle le même Anton Martin à son chevet "et
lui confie les pauvres et les orphelins et les malheureux en lui disant avec de
saintes paroles ce qu'il y avait à faire". (73)
94 En plus
des premiers frères, d'autres personnes aidaient aux soins des malades: des
médecins, des apothicaires, des prêtres de la ville et bien d'autres encore,
car "Notre Seigneur lui envoyait des infirmiers pour l'aider à servir les
pauvres alors qu'il était en train de demander l'aumône et chercher les
médicaments pour les soigner".(74)
________________
(70) Const.de 1984, n. 1, a et b.
(71) Castro F., o.c. p.103
(72) Ibid. p.76
(73) Ibid. p. 94
(74) Ibid., p. 59.
L'histoire a voulu conserver le nom d'un
collaborateur de Jean qui l'a accompagné dans ses voyages et qu'il envoyait à
sa place pour recueillir les aumônes chez certains bienfaiteurs. Il s'agit de
Jean d'Avila que le Saint appelle familièrement "Angulo". On comprend
qu'il a en lui une pleine confiance car il l'envoie en son nom, y compris à la
cour (75). Le saint l'appelle toujours "Mon compagnon Angulo", mais
il ne s'agit pas d'un des frères, car en parlant de lui à la Duchesse de Sesa,
il dit:
"...je vous le recommande, car lui et sa femme
sont très pauvres" .(76)
95 Il faut
ajouter les bienfaiteurs au nombre des frères et autres personnes qui
travaillent avec Jean au service des nécessiteux. Si Jean a pu aider les
malheureux, c'est grâce aux aumônes qu'il a reçu . Des familles illustres lui
ont donné de fortes sommes lui permettant de surmonter des moments
difficiles; le peuple le soutenait avec des petits dons et remplissait sa
besace de nourriture et de pain quand il allait quêter.
On peut affirmer sans faire d'autres citations historiques que Jean de Dieu a pu
réaliser son oeuvre grâce à la collaboration des premiers frères, celle des
personnes qui venaient à l'hôpital pour l'aider au service des pauvres et aux
aumônes des bienfaiteurs.
Ceci est tout aussi vrai pour les successeurs de
l'oeuvre de Jean qui s'est rapidement répandue dans plusieurs parties de
l'Espagne: les frères employaient des médecins, chirurgiens et apothicaires
etc. (77)
96 L'amour
de Dieu qui avait rempli la vie de Jean était la force qui animait toutes ces
personnes: certaines voulaient suivre son style de vie en sauvegardant ainsi le
don de l'hospitalité dans l'Eglise; d'autres voulaient consacrer une partie de
leur temps au service des pauvres et des malades; d'autres encore voulaient
soutenir l'oeuvre commencée en versant des aumônes.
La famille hospitalière était née
dans l'Eglise. Cette famille est composée de frères, d'employés, de volontaires
et de bienfaiteurs. Tous sont inspirés d'une certaine façon par leur capacité
d'aimer le prochain qui est le fruit de l'action de l'Esprit et chacun selon sa
vocation propre.
_________________
(75) Cf. 3 D.S., 7
(76) 3
D.S.,7.
(77) Cf. Const. de 1585 dans Primitivas
Constituciones, p. 44
Participation des collaborateurs
au charisme de l'Ordre
97
Depuis Jean de Dieu, des croyants, hommes et femmes ont rivalisé avec
lui pour se consacrer au service des malades et des nécessiteux et pour imiter
Jésus de Nazareth qui est passé par le monde en faisant le bien et en
soulageant les misères (Cf. Actes 10, 38)
Toutefois tous ceux qui l'ont imité et suivent
encore son exemple ne participent pas de la même manière au don spécial qu'il a
reçu de l'Esprit et que l'Eglise a défini comme charisme de l'hospitalité.
Il faut se souvenir de ce qui a été dit plus haut à
propos des motivations qui peuvent inspirer le service des malades et des
nécessiteux. Nous parlons ici de
motivations qui s'inspirent de la foi chrétienne, avec l'intention de
distinguer les différents niveaux de participation au charisme de l'hospitalité
reçu par Jean de Dieu et légué en héritage à ceux qui sont appelés à le suivre
comme membres del'Ordre hospitalier.
98 Depuis le
Concile Vatican II, il est fréquent de parler de charismes dans l'Eglise. On en
parle aussi dans le langage habituel quand on mentionne des personnes avec
un charisme particulier. Nous allons essayer de préciser ce que nous
entendons par charisme en nous reférant tout d'abord à la doctrine de Saint
Paul pour faire une application aux personnes avec un "charisme"
et ensuite au sens théologique du charisme.
99 Saint
Paul parle des charismes comme des dons que l'Esprit Saint concède aux
fidèles pour la communion et la construction de l'Eglise. Il s'agit de
grâces que reçoit le fidèle. En ce sens, il s'agit de quelque chose de
personnel qui permet de vivre la foi en Jésus-Christ et de se sentir réalisé
comme personne. Mais l'Esprit ne se communique pas au chrétien pour lui-même,
mais pour que celui-ci rayonne la grâce dont il est comblé et que son action
soit bénéfique pour la communauté et l'Eglise. (Cf. 1 Cor 12, 4-7; Eph 4,13)
Si nous nous tenons à ce que dit Saint Paul, le
charisme est en relation avec la vocation personnelle et plus concrètement avec
le service ou l'activité que le
fidèle est appelé à réaliser dans l'Eglise (Cf. Rom 1, 1; Cor 12, 4-6)
Il est évident qu'au moment de concéder un charisme,
l'Esprit tient compte de l'identité de celui qui le reçoit. Sa présence
renforcera les qualités et les capacités du croyant et lui permettra de vivre
heureux et de s'épanouir dans le service qu'il est appelé à remplir.
100 Les
sciences sociales quand elles parlent de personnes capables d'influencer efficacement des groupes ou des
secteurs de la société les qualifient de charismatiques.
D'une certaine façon, cette manière de comprendre le
charisme est dans la même ligne de ce que dit Saint Paul, même si les sciences
sociales ne parlent pas du don de l'Esprit: la personnes charismatique
se sent investie d' une force transcendante de sorte que ses paroles et ses
actions sont capables de déclencher des mouvements sociaux qui, au début du
moins, veulent améliorer la qualité de vie des personnes et des groupes.
L'histoire s'est chargée de perpétuer le nom de
personnes charismatiques: Moise, Mahomet, Marx, Gandhi, Luther King, Jean XXIII
et beaucoup d'autres qui, d'une certaine façon ont changé le cours de
l'histoire sans que nous ayons besoin
de faire mention de Jésus de Nazareth, des Douze ou de Saint Paul même.
La vie religieuse comme charisme.
101 L'Esprit
concède des charismes à certaines personnes. Mais avant toute chose, l'Esprit
est présent dans l'Eglise du Christ qui est essentiellement charismatique. Elle
est la dépositaire de tous les charismes; elle a pour mission de discerner les
charismes des fidèles; comme une Mère, elle invite, se préoccupe d'interpréter
et régler l'appel spécial à suivre le Christ en suivant le chemin des conseils
évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, en approuvant et promouvant
des formes stables de les vivre, en étant consciente que la vie religieuse est
un don divin qu'elle a reçu de son Seigneur et qu'elle doit toujours conserver
avec sa grâce.(78)
102 Les principaux
éléments qui distinguent les fidèles appelés à suivre le Christ dans la vie
religieuse, sont la consécration, la communion et la mission. Il s'agit
d'aspects qui appartiennent à l'essence même de l'Eglise. Les religieux, en
vertu de leur vocation spéciale, ne
font rien d'autre que d'essayer de les vivre plus radicalement, inspirés par
une option de foi qui les motive à participer à la consécration et à la mission
du Christ en imitant son don total au Père au service des hommes.
La consécration du religieux trouve
son origine dans l'amour de Dieu qui, par un acte d'amour gratuit le choisit
pour que son existence parmi les hommes soit un signe particulier de la
transcendance de la vie. Signe qui se manifeste par un don total à Dieu,
exprimé dans une attitude contemplative de la vie, comme
_________________
(78) Cf. L.G., nn. 43-46
expérience de la présence de Dieu en soi et dans ce
qui l'entoure, qui le motive à se sentir habituellement consacré au culte et à
la louange de Dieu en offrant tout son être au Seigneur.
La réponse du religieux à l'invitation de Dieu est
d'accepter Dieu dans sa vie comme Seigneur et Absolu. Dieu comble toutes ses
aspirations et projets; la vie vaut la peine d'être vécue pour Dieu; Dieu
remplit toute sa vocation humaine et lui permet d'atteindre les plus hauts
niveaux de l'existence dans la liberté et l'amour. Cette conviction pousse le
religieux à consacrer au Seigneur les
valeurs les plus significatives de sa vie en exprimant son option pour Dieu en
professant les conseils évangéliques de chasteté, de pauvreté et d'obéissance.
103 La
mission que l'Esprit confie au religieux consiste essentiellement à
rappeler Jésus-Christ et à évoquer la manière d'exister du Fils, centré sur le
Père, ancré dans son amour, complètement dévoué à sa volonté et au service des
hommes, pour être témoin d'un vivre humain, libéré de ce que signifie l'égoïsme
et l'aliénation.
Grâce au célibat pour le Royaume, le
religieux, comme Jésus, vit l'amour,
comme signe que la vie est un don ,reçu gratuitement, et qu'il est
possible de la transmettre et de la promouvoir par des relations d'amour qui en
englobant tout l'être de la personne, la transcende. Ce faisant, le religieux
ne sous-estime pas la valeur de l'amour conjugal. Il ne fait que présenter
l'autre aspect de l'amour humain qui ressemble plus directement à celui de Dieu
pour l'homme.
Par la pauvreté évangélique, le religieux
conscient du besoin radical d'être sauvé par Dieu, assume les attitudes de
Jésus Christ qui devient serviteur des autres et emploie les biens de la terre
comme moyen pour assurer l'égalité entre les hommes: il n'accumule pas de
richesse, partage avec ses frères toute son existence et les fruits de son
travail ravail.
Par l'obéissance, il s'identifie avec le fils
qui vit en dépendance amoureuse du Père et se livre corps et âme pour accomplir
sa volonté. De cette façon le religieux offre le témoignage du vrai sens de la
liberté humaine: est libre celui qui a atteint un tel niveau de liberté
intérieure qu'il expérimente que le sens de sa vie se trouve dans la fidélité à
sa vocation personnelle. Il collabore alors pour que d'autres s'épanouissent
comme personnes.
104 La
manifestation du sens profond de la mission du religieux se concrétise
dans une forme de présence dans l'Eglise et dans la société qui, dans le cas
des religieux apostoliques se manifeste dans un service d'amour pour les hommes
pour être au milieu d'eux un signe de la proximité bienveillante de
Dieu. Si nous considérons le service des frères hospitaliers, la
"mission" que nous réalisons, coincide avec une activité qui concerne
l'essence de l'être humain, comme nous l'avons déjà dit, et s'exprime par des
formes d'action propres à un professionnel de la santé. Toutefois, l'option de
foi pour le Christ de rendre le Royaume de Dieu présent parmi les hommes donne
à notre activité professionnelle un sen nouveau qui la transforme en action prophétique.
Le religieux qui se dévoue au service des
hommes adopte les attitudes du Christ
Jésus: l'expérience de l'amour du Père le pousse à vivre l'amour au service des
hommes pour leur annoncer gratuitement le salut.
105 Le
religieux vit la consécration et la mission en communion avec les autres
frères qui, comme lui, ont été choisis et appelés à suivre Jésus comme membres
de l'Eglise et qui constituent une famille, qui a comme lien d'union la
foi dans un même Dieu et Seigneur, l'amour de l'Esprit et l'espérance qui les
pousse à collaborer à la construction d'un ordre humain qui reflète sur terre
les valeurs du Règne à venir.
La communion entre les frères est ce qui en fin de
compte caractérise la vie religieuse. En se réunissant pour former une fraternité
ils choisissent un style de vie en famille qui imite la vie de la communauté de
Jésus avec les Douze: ils vivent ouverts à la volonté du Père, partagent la vie du Christ, mettent
tout en commun et consacrent leur vie à louer Dieu et à annoncer l'évangile aux
pauvres.
Jean de Dieu, homme "charismatique".
106 Il
apparaît clairement que Jean de Dieu a été un homme "charismatique"
au sens large. Sa manière d'agir a attiré l'attention des personnes qui l'ont
connu et qui d'une façon ou l'autre se sont senties entraîner par la force de
son don total au service des nécessiteux. Son influence ne se limite pas à la
seule ville de Grenade. Il l'exerçait partout où il passait, dans les villages
et les villes d'Andalousie, d'Extrémadure, de Castille et de Leon. Il y avait
en lui quelque chose de contagieux et c'est ce qui explique le changement qui
s'est produit dans l'opinion des gens. De fou qu'on avait besoin d'enfermer à
l'Hôpital Royal il est devenu l'homme de Dieu. Ceci se remarque bien dans le
changement de nom que lui a donné le peuple: de Jean Ciudad, il est devenu Jean
de Dieu, nom sous lequel il est passé à l'histoire des hommes et de l'Eglise.
107 Son
"charisme" avait un contenu qui transcendait sa propre personne: ce
n'était pas seulement des attitudes et des gestes humains d'amour pour les
nécessiteux qui éveillaient l'admiration et le désir de collaborer à son oeuvre.
Le charisme de l'hospitalité dont
l'Esprit Saint l'a enrichi, s'est incarné en lui comme une semence qui devait
se transmettre à d'autres hommes auxquels l'Esprit concède de participer, de
façon singulière à l'amour
miséricordieux du Père, pour qu'ils prolongent dans leur vie et leur oeuvre
la présence miséricordieuse de Jésus de Nazareth en servant les personnes qui
souffrent selon le style de Jean de Dieu. (79)
L'Esprit qui utilise les faibles pour souligner
l'ampleur de son oeuvre, a choisi Jean,
un illettré, qui ne s'occupait de rien si ce n'est de vivre à fond
l'amour de Dieu dans son service des pauvres pour qu'il devienne le fondateur
de l'Ordre Hospitalier qui porte aujourd'hui son nom, à une époque agitée de
l'histoire où l'Eglise vivait un mouvement de Réforme soutenu par de grands
théologiens et fondateurs de grands instituts religieux.
108 Jean
de Dieu a reçu le charisme de la vie religieuse, en étant consacré par la présence
spéciale de l'Esprit. Cette expérience a changé le sens de sa vie; à partir
du moment qu'on a appelé sa conversion définitive, il s'est senti envahi par
l'amour miséricordieux du Père et a expérimenté l'amour infini que Jésus Christ
lui réservait. Ceci l'a poussé à se consacrer au service des pauvres et des malheureux
pour une raison qu'il explique lui-même:
Je suis ici si occupé et captif de Jésus Christ
seul... Jean de Dieu qui souhaite le
salut de tous comme la sienne." (80)
109 On peut donc affirmer que Jean de Dieu a été
un "laïc" consacré avec une vocation particulière dans l'Eglise.
C'est ce qu'ont compris ses compagnons qui, à sa
mort ont continué son oeuvre en restant unis dans l'Hôpital de Grenade en
exerçant des oeuvres de charité. Petit à petit leur nombre croît et leurs
oeuvres augmentent, tout en restant unis aux frères du premier hôpital,
inspirés par "l'Esprit" et l'exemple de Jean de Dieu.
C'est ainsi que le comprend l'Eglise qui par la voix
des Papes et des Evêques a reconnu l'oeuvre réalisée par les frères et
commencée par Jean de Dieu:
"... homme saint, juste et craignant Dieu comme
le témoigne
_________________
(79) Cf. Const. de 1984, n. 2
(80) 2 G.L., 7. 19
sa vie sainte et les oeuvres qu'il a accompli et la
charité qui embrasait son coeur pour les pauvres malades affligés et nécessiteux,
sous l'inspiration divine il a été
le premier auteur et fondateur de votre règle et institut." (81)
En outre il est reconnu que Jean a reçu non
seulement un charisme personnel mais également un charisme de fondation capable
de réunir ceux qui le reçoivent en une famille et, inspirés par l'Esprit, à se
consacrer généreusement à Dieu en servant les malades et les nécessiteux pour
leur annoncer le Royaume selon le style de Jésus comme l'a fait Jean de Dieu.
Sens théologique du charisme, de la mission et de la
spiritualité
110 La
doctrine de Saint Paul nous permet de donner une définition brève de ce que la
théologie actuelle entend par charisme: toute forme de présence de l'Esprit
dans la vie du croyant qui l' enrichit et le prépare au service des autres.
Nous avons choisi cette définition parce qu'elle
reprend très bien les éléments essentiels de tout charisme:
- transcendance et gratuité: le croyant
reçoit le don sans l'avoir mérité: c'est un pur cadeau de l'Esprit;
- souligne le caractère personnel et
personnalisant: l'esprit se rend présent dans chacun pour promouvoir son
épanouissement personnel;
- prépare au service de la communauté: l'expérience de l'amour de Dieu motive et
encourage à aimer les autres.
111 La
mission, conséquence du charisme reçu est la manière concrète d'exprimer le service dans l'Eglise pour les
hommes.
Par conséquent:
- la mission est étroitement liée à la dimension
de foi et à la manière de l'exprimer;
- elle englobe toute la vie du croyant et fait
en sorte que son agir acquiert une dimension prophétique, c'est à dire: être
annonce de la présence salvifique de Dieu parmi les hommes: le service réalisé
est d'une certaine façon un signe qui évoque la présence et l'action de Dieu
dans l'histoire et, par conséquent, est l'annonce du Royaume: une
manière d'exprimer le salut de Dieu.
112 La
spiritualité est une manière d'être et de vivre qui ____________
(81) Const. de 1585, dans O.c., p. 9.
Les caractères gras sont nôtres.
porte à s'identifier avec le Christ. C'est l'expression
existentielle du charisme et de la mission. La spiritualité, par
conséquent, est une réalité qui englobe toute la personne de l'être à
l'agir; le style particulier de prier et d'entrer en relation avec autrui.
Par conséquent, la spiritualité précise:
- la manière de vivre et d'exprimer sa foi
comprise comme "rencontre" personnelle avec Dieu et comme mode
"d'incarner" l'attitude contemplative de la vie dans les relations
interpersonnelles et dans le travail habituel;
- la manière d'assumer et d'annoncer le Royaume,
par des attitudes, des gestes et des paroles;
- les signes par lesquels accueillir et
manifester la présence de Dieu et son amour pour les hommes;
- la manière de vivre et d'exprimer les
conseils évangéliques dans le cas des religieux.
113 La
mission et la spiritualité sont deux réalités qui ont besoin l'une de l'autre:
toutes deux jaillissent du charisme. Une spiritualité qui n'est pas orientée
vers l'évangélisation est inconcevable tout autant qu'une mission qui n'est pas
inspirée par une spiritualité.
Les constitutions de l'Ordre Hospitalier définissent
les éléments essentiels du charisme des frères de Saint Jean de Dieu:
"En vertu de ce don, nous sommes consacrés par
l'action de l'Esprit Saint, qui nous fait participer de façon singulière à
l'amour miséricordieux du Père. Cette expérience nous inspire des attitudes de
bienveillance et de dévouement; elle nous rend capables d'accomplir la mission
d'annoncer et de réaliser le Royaume parmi les pauvres et les malades; elle
transforme notre ecxistence et fait en sorte qu'à travers notre vie se
manifeste l'amour particulier du Père envers les plus faibles, que nous
cherchons à sauver à la manière de Jésus." (82)
La mission de l'Ordre est décrite
comme suit:
"Encouragés par le don que nous avons reçu,
nous nous consacrons à Dieu et nous nous dévouons au service de l'Eglise dans
l'assistance aux malades et aux nécessiteux, avec une préférence marquée pour
les plus pauvres... En nous appelant parmi les Frères de Saint Jean de Dieu,
Dieu nous a élus pour former une
__________________
(82) Const. de 1984, 2 b.
communauté de vie apostolique". (83)
La spiritualité particulière du frère
de Saint Jean de Dieu consiste à "incarner de plus en plus profondément
les sentiments du Christ envers l'homme malade ou nécessiteux et à les
manifester par des gestes de miséricorde" (....) en se consacrant
"avec joie à l'assistance de celui qui souffre", de manière à ce que
"sa vie soit pour lui le signe et l'annonce de la venue du Règne de Dieu".(84)
Participation des fidèles laïcs à la vie de l'Ordre
114 L'Esprit
Saint concède des charismes à des personnes concrètes pour le bien de l'Eglise
et des hommes. Le charisme ne se limite donc pas à la personne qui le reçoit,
mais rayonne son action et touche les autres.
Par conséquent, le charisme de l'hospitalité reçu
par Jean de Dieu n'a pas porté des fruits seulement à Jean; toutes les
personnes qui l'ont connu en ont bénéficié: les pauvres, ses frères, les
bienfaiteurs, les employés et les volontaires qui l'aidaient à réaliser la
mission que lui avait confiée l'Esprit. Comme nous l'avons déjà indiqué, Jean,
en plus du charisme d'hospitalité à reçu un charisme de fondation, qui n'a pas
disparu à sa mort, mais qui continue à être présent dans l'Eglise dans tous ceux
qui, comme Jean, ont été destinés à reproduire l'image du Fils (cf. Rom 8, 29)
qui est passé par le monde en faisant le bien et en annonçant la bonne nouvelle
aux pauvres et aux malades (cf. Actes 10, 38; Lc 7, 22) selon le style de Jean
de Dieu.
Le charisme de l'hospitalité, comme l'a reçu Jean de
Dieu est encore vivant dans l'Eglise aujourd'hui dans les frères de l'Ordre
hospitalier qu'il a fondé. Ces frères continuent à rayonner ce charisme dans la
mesure où ils le vivent dans une fidélité renouvelée et collaborent avec
l'Esprit pour qu'il se diffuse et se prolonge au cours des temps.
115 Les
collaborateurs de l'Ordre se posent souvent la question suivante:
Comment participons-nous au charisme de Jean de
Dieu?
Au sens strict du terme "les charismes sont
donnés à une personne déterminée, mais ils peuvent être partagés par d'autres,
de sorte qu'ils se maintiennent à travers le temps comme un héritage vivant et
précieux, qui engendre une affinité spirituelle particulière entre de
nombreuses personnes." (85) Le charisme
______________
(83) Ibid., 5a. b.
(84) ibid., 3
(85) CFL., p. 66
de Jean de Dieu est de cette nature. Certains y
participent directement, à savoir les personnes qui ont reçu la même vocation
de l'Esprit et qui sont invités à
suivre le Christ dans l'Ordre hospitalier. C'est le cas des frères. Il se peut
que d'autres personnes le reçoivent et pour différentes raisons ne parviennent
pas à le découvrir ni à le développer.
Les fidèles laics qui ne reçoivent pas la même
vocation que Jean participent indirectement à son charisme. Voilà le
fruit du rayonnement du charisme de l'Ordre. Ceux qui connaissent Jean de Dieu
soit après avoir lu sa biographie ou parce qu'ils sont en contact direct avec
les frères, expérimentent dans leur vie une espèce de lumière qui éveille en
eux le désir de vivre l'hospitalité en imitant Jean et ses frères.
116 Avant de
continuer,il faut se souvenir que le charisme de l'hospitalité n'est pas
l'exclusivité des Frères de Saint Jean de Dieu. C'est un don que l'Esprit Saint
donne à l'Eglise et qui revêt de nombreuses expressions. Tous ceux qui croient
dans le Christ l'expérimentent d'une certaine façon.
Ceux qui entrent en contact avec Jean de Dieu et son
oeuvre, perçoivent à quel point leur capacité d'aimer le prochain augmente et
se sentent invités à le manifester. Mais ce don leur est donné selon leur
vocation chrétienne propre.
En résumé, la participation au charisme de l'Ordre
est particulier aux frères de Saint Jean de Dieu qui ont reçu la même vocation
que Jean de Dieu. Les fidèles laïcs qui se sentent invités à vivre
l'hospitalité, participent au charisme de Jean de Dieu en s'ouvrant à la
spiritualité et à la mission des frères, et en l'incarnant dans leur vocation
personnelle.
Le domaine et le degré de participation sont fort
différents. Il y a ceux qui se sentent davantage liés à l'Ordre au niveau de la
spiritualité; d'autres par contre, dans la réalisation de la mission. Ce qui
importe c'est que le don de l'hospitalité reçu par Jean de Dieu crée des liens
de communion entre les frères et les collaborateurs qui les incite à développer
leur vocation chrétienne et à être pour le pauvre et le nécessiteux un signe de
l'amour miséricordieux du Père pour les hommes.
Le fait que les frères et les fidèles laïcs
partagent la richesse de leur vocation avec le dénominateur commun de
l'hospitalité qui se manifeste différemment chez les uns et les autres, est un
encouragement qui les pousse à vivre plus profondément leur propre identité. Ce
n'est que dans la mesure où l'on vit en fidélité à sa vocation chrétienne que
l'Eglise et les personnes qui reçoivent le service auquel dispose ce
charisme bénéficieront des fruits de
l'action de l'Esprit avec toute la richesse que peut communiquer sa présence.
117 La
fidélité à reproduire les traits du Christ, à l'imiter dépend en grande partie
de la manière dont on apprécie le don personnel reçu. C'est ce que nous avons
appelé ailleurs spiritualité. Nous avons vu que c'est l'expression
existentielle du charisme et de la mission
qui englobe toute la personne et lui confère un style qui la
distingue.
Il y a des traits de la spiritualité de l'Ordre qui
coincident avec la spiritualité propre des personnes qui collaborent avec les
frères. Il faut apprécier ces coincidences pour les développer et les
transformer en une relation plus directe. Ces coincidences peuvent et doivent
susciter des rencontres de réflexion, de dialogue et naturellement de prière
entre frères et collaborateurs. Ces rencontres parce qu'elles découlent de
valeurs transmises par l'Esprit, transcendent les relations de travail que nous
avons mentionnés ailleurs. Ces rencontres doivent être programmées à d'autres
horaires que ceux du travail pour éviter tout conflit possible. Il s'agit de
moments de relation que chaque personne doit privilégier pour en assumer
librement les responsabilités dont la moindre n'est certes pas le témoignage de
vie qui doit en découler.
En outre il est important que chaque personne ou
chaque groupe au cours de ces réunions soit capable de s'exprimer à partir de
sa propre spiritualité et des exigences personnelles qui découlent de sa
vocation chrétienne, dans le but d'enrichir les autres et de leur permettre
d'offrir des suggestions pour mieux vivre à la suite du Christ.
118. Les employés participent plus directement à la
vie de l'Ordre dans leur mission de servir les malades et les nécessiteux. Il
convient de rappeler ici que tout baptisé est appelé à collaborer à
l'évangélisation dans son milieu de vie et de travail habituel.
Dans cette optique, les croyants qui travaillent
dans les centres de l'Ordre, sont appelés à exprimer leur engagement à
l'évangélisation surtout dans leur travail accompli avec efficacité et avec des
attitudes humaines qui expriment la bonté et la proximité de Jésus aux personnes
qu'ils servent et aux compagnons de travail. C'est ainsi que le service devient
le premier moyen d'évangélisation.
Parfois on cherche des moments et des lieux où vivre
son engagement chrétien et on néglige d'exprimer son identité dans le travail
habituel.Peut-on trouver un lieu plus approprié pour annoncer le Christ qu'un
hôpital ou un centre d'assistance où de si nombreux malades et pauvres espèrent
découvrir l'amour que Dieu a pour eux? Rappelons que ceux qui sont appelés à
servir les pauvres et les nécessiteux ont la responsabilité d'être pour eux la
manifestation de la bonté et de la proximité de Dieu.
On accorde une grande importance à découvrir et a
vivre la présence du Christ dans le malade et le nécessiteux afin de donner un
sens au service que l'on offre. C'est un aspect très important qu'il faut
développer, une attitude de foi qu'il faut nourrir surtout pour valoriser le
nécessiteux dans sa dignité de personne et d'enfant de Dieu. C'est "un
droit" que Jésus a concédé aux pauvres et à ceux qui souffrent qui ne doit
pas nous faire oublier cet autre droit: découvrir en nous la présence de Jésus.
C'est une réalité qui sûrement requiert un plus grand effort de transformation
au niveau personnel et qui exige, presque de façon spontanée, une attitude constante
de renouvellement chrétien.
119 La
participation des collaborateurs croyants à la mission de l'Ordre ne se limite
par au cadre du service partagé, réalisé avec un sens évangélisateur. Il
comprend la responsabilité d'annoncer le Christ également par la parole ce qui
implique savoir donner raison de sa foi, la confesser avec simplicité devant
les autres, leur offrir des raison d'espérance et s'engager dans la pastorale.
L'engagement dans la pastorale sanitaire ne
concerne pas seulement les frères mais touche également les autres croyants qui
travaillent dans le centre. Nous avons déjà indiqué qu'un service bien accompli
est déjà oeuvre d'évangélisation et que, par conséquent il est pastoral.
On peut affirmer que c'est comme la condition qui dispose l'âme du malade et du
nécessiteux pour accueillir dans une attitude de foi l'annonce explicite de
l'Evangile du Christ. Mais on ne peut cependant pas limiter la Pastorale
sanitaire à un service bien fait, elle exige la mise en place de programmes de
catéchèse, de célébrations liturgiques et de rencontres de prière.
La présence et l'engagement de ceux qui ne sont pas
des frères acquiert une valeur de témoignage spécial, dans les plans de
pastorale sanitaire. Il est normal de penser que les frères s'engagent dans
la pastorale comme exigence naturelle de leur consécration et qu'on le
considère de leur part comme un devoir. Mais quand des hommes et des femmes qui
vivent leur foi dans un milieu fort semblable à celui des malades s'engagent
dans la pastorale l'impact est plus grand et interpelle davantage.
120 Nous
avons parlé presqu'exclusivement des employés, ce qui ne signifie pas qu'ils
sont les seuls à participer au charisme, à la spiritualité et à la mission de
l'Ordre. Les volontaires et les bienfaiteurs y participent également et, quand
ils consacrent une partie de leur vie, de leur temps dans un service généreux
et désintéressé auprès des malades et des nécessiteux ils expriment clairement
cette communion avec les frères, surtout dans la gratuité dont ils font preuve.
Tout ce qui a été dit à propos des employés est également vrai pour eux.
Eux-aussi sont invités à participer directement et activement dans les Equipes
de Pastorale Sanitaire des centres de l'Ordre.
121 Comme
nous pouvons le voir, des relations très profondes s'établissent entre frères
et collaborateurs à partir d'une communion de foi, et nous pouvons les résumer
comme suit:
- L'expérience de sa propre vocation permet de valoriser et d'accepter la manière
personnelle de vivre la présence de l'Esprit dans sa vie (charisme) et engendre
une relation qui découle du partage des richesses du don reçu. Ainsi s'opère
une participation aux fruits des différents charismes qui font apprécier la
richesse de l'amour de Dieu, manifesté par son Esprit, et incitent à vivre
fidèlement la vocation reçue et à collaborer pour que les autres soient fidèles
à leur identité chrétienne.
- Par les dons de la vie et du baptême nous avons
reçu la vocation à reproduire les traits du Christ et à nous identifier à Lui,
chacun selon sa propre identité. C'est ce que nous avons appelé
"spiritualité". C'est à ce niveau que les frères et les
collaborateurs sont appelés à vivre des relations basées sur la foi et qui
s'expriment dans des rencontres d'approfondissement, de prière et de
célébrations liturgiques communes, qui stimulent et favorisent la croissance de
tous et sont pour ainsi dire le couronnement de ce qui se vit dans le service
des malades et des nécessiteux.
- L'engagement d'annoncer l'évangile et d'être
témoins du Christ incite les frères et les collaborateurs à vivre au
service
des malades comme un premier mode d'annoncer
l'évangile, surtout par des attitudes qui rappellent la présence du Christ
auprès de celui qui souffre. En outre, ce même engagement incite à participer
de façon active et responsable dans la mesure de ses possibilités aux équipes
de pastorale sanitaire du centre.
Quiconque sert le prochain avec amour
participe à "l'esprit" de Jean de Dieu
122 Beaucoup
des collaborateurs de l'Ordre ne partagent pas notre foi dans le Christ ni le
sens transcendant de notre vie. Toutefois, ils se sentent liés à Jean de Dieu
et expérimentent
le désir d'imiter sa manière de servir les malades
et les nécessiteux.
Il faudrait dire que ces personnes ne participent
pas au "charisme" de Jean de Dieu au sens strict du mot. Et
cependant, Jésus nous permet de découvrir un mode de communion entre les hommes
qui va bien au-delà de la conscience et de la confession de la foi. Le texte de
Mathieu 25, 37-40, met en évidence que le service des pauvres, des malades, des
prisonniers est "sacrement" du salut pour celui qui le réalise même
s'il n'a pas conscience de servir le Seigneur.Ceci signifie que lorsqu'on sert
les malades et les nécessiteux avec des gestes et des attitudes de solidarité,
avec le sens de l'éthique professionnelle, il existe une force capable
d'établir des niveaux de communion entre ceux qui les accomplissent.
123 Une
lecture de ce texte, dans l'optique de la participation au charisme qui a
poussé Jean de Dieu à se dévouer au service des nécessiteux, permet de tirer
certaines conclusions importantes:
- pour les frères: quiconque se trouve dans
le besoin, parce qu'il manque de santé ou d'autres biens, est
"sacrement" de communion pour ceux qui s'efforcent de répondre à son
attente. La présence de tant de personnes de bonne volonté qui collaborent avec
nous dans ce service, même si elles ne partagent pas notre foi, doit nous
encourager à vivre avec elles une relation de dialogue et d'amitié. D'autre
part, nous devons les considérer comme destinataires de notre témoignage de
croyants dans le Christ. Et le témoignage qui peut les atteindre directement
est celui d'un service bien fait inspiré par des attitudes et des gestes de
compassion, de solidarité, de valorisation et de respect de la dignité de la
personne. L'Esprit désire illuminer, grâce au témoignage de notre vie,
l'existence de ceux qui ne l'ont pas encore découvert pour qu'ils arrivent
également à se sentir l'objet de l'amour et du salut de Dieu.
- pour les collaborateurs qui accomplissent
leur service inspirés par des raisons purement humaines: il est important
qu'ils continuent à être ouverts à Jean de Dieu, pour imiter le style de
service qu'il a su instaurer dans son hôpital et dont ses frères ont hérité,
mettant le nécessiteux au centre de tous leurs efforts pour surmonter la
maladie, la pauvreté et toute forme de marginalisation; que le nécessiteux soit
pour eux, comme pour Jean de Dieu une invitation à la solidarité et au
dépassement de toute discrimination; il est bon qu'ils approfondissent la personnalité de Jean de
Dieu pour pouvoir découvrir en lui le "frère de tous" qui a su
dialoguer avec tous, sans tenir compte des idéologies ou des classes sociales.
Il convient que dans leur recherche de vérité, ils restent ouverts aux
questions que la relation directe avec la souffrance et les limites humaines posent à tout homme quant à son destin
personnel et à celui de l'humanité.
Dans cette optique, même les collaborateurs non
croyants participent au charisme de Jean de Dieu, non simplement comme
bénéficiaires éventuels, qui peuvent trouver dans le témoignage de leur vie la
manifestation de l'existence de Dieu, qui devient proche de l'homme pour lui
témoigner son amour, mais comme collaborateurs dans la tâche de transformer ce
monde en un "foyer" où tous se sentent frères. C'est en cela que
consiste l'oeuvre de Jésus, et c'est dans ce but que s'oriente l'action de
l'Esprit dans l'Eglise.
124 Jean de
Dieu continue à être présent dans les centres de l'Ordre qu'il a fondé.
- L'amour profond qu'il avait pour les malades et
les nécessiteux, incarnés dans des attitudes et des gestes de service, de
compréhension, de fidélité et de bienveillance.
- La manière dont il appréciait et défendait la vie
et les droits des pauvres et des malades.
- L'intérêt et le désir qu'il avait de sauver tous
les hommes et qu'il invitait à reconnaître l'amour et la proximité de Dieu.
- Son amour profond pour Jésus Christ, centre et
animateur de sa vie et de ses oeuvres.
Voilà la force qui inspire ceux qui, comme Jean,
consacrent leur vie au service des malades et des nécessiteux.
Le même Esprit qui a inspiré Jean de Dieu est Celui
qui renouvelle quotidiennement en nous l'expérience de l'amour que Dieu nous
porte et nous incite à traduire cette expérience dans le service et la manière
d'être proche des malades et des nécessiteux. Ce même Esprit établit entre nous des liens de communion
qui nous motivent à collaborer dans cette mission de promouvoir et servir la
vie, pour rendre présent le Royaume de Jésus. C'est lui qui ranime en
chacun la responsabilité d'être fidèle à la vocation qu'il nous a donnée, pour
offrir au monde, comme membres du Peuple de Dieu, un témoignage clair de
"communion" et une vision plus complète du Christ total, dont nous
sommes tous les membres.
EPILOGUE
Avant de conclure, nous croyons devoir reprendre en
synthèse les principales conséquences qui découlent de ce document.
Il s'agit de conclusions au niveau théorique et doctrinal et au niveau opérationnel.
Conclusions au niveau théorique et doctrinal
125 Nous les
présentons sous forme schématique car nous ne désirons que rappeler les idées
principales présentées dans ce document.
- Il y a moyen d'arriver graduellement à de
meilleures relations et des échanges plus riches entre frères et
collaborateurs.
Cette affirmation se base sur la vocation de toute
personne à la communion d'une part, et d'autre part sur les qualités et les
motivations qui inspirent les personnes qui travaillent dans les centres de
l'Ordre au service des malades et des nécessiteux.
On parle d'échanges qui deviennent graduellement
plus riches, car il existe déjà certaines relations entre les uns et les
autres; il ne s'agit pas de recommencer à zéro, mais de préciser, purifier et
approfondir les relations qui existent déjà.
- Entre les frères et les collaborateurs il peut s'établir différents niveaux de
relation et de communication qui dépendent principalement des motivations qui
inspirent les personnes et les groupes dans leur service auprès des malades et
des nécessiteux comme il a été dit ailleurs.
- Il faut mieux connaître, apprécier et respecter
les personnes et les groupes en acceptant les idées et les choix de chacun dans
un climat d'ouverture et de dialogue.
- Il faut faire une distinction entre relations de
type professionnel et celles qui sont inspirées par d'autres valeurs et
motivations; dans certains cas les deux sont étroitement liés.
126 L'Ordre
doit tenir compte des conséquences qui découlent du fait qu'il est propriétaire
et directeur des centres et celles qui
découlent du charisme, de la mission et de la spiritualité qui le définissent
dans l'Eglise et dans la société en général. Par conséquent:
- Il doit assumer et promouvoir le respect de la Doctrine
sociale de l'Eglise et des lois justes de chaque pays pour répondre de manière appropriée aux attentes et au droit des
personnes assistées et des employés;
- il doit promouvoir la communion entre les
collaborateurs croyants, pour vivre avec eux une relation plus riche dans la
foi et dans l'apostolat.
Conclusions au niveau opérationnel
127 Nous ne
ferons qu'indiquer les principales conséquences pratiques des conclusions
précédentes:
- Les frères et les collaborateurs doivent diffuser,
étudier et faire connaître ce document. Dans ce but il faut promouvoir des
rencontres de réflexion, des séminaires etc. auxquels des frères et des
collaborateurs participent ensemble, dans certaines occasions au moins.
- Les organes de direction des centres de l'Ordre
doivent:
. faire en sorte que les frères et les
collaborateurs puissent apprendre à mieux se connaître et s'apprécier;
. faire connaître aux collaborateurs la philosophie
de l'Ordre en employant les moyens les plus appropriés;
. renouveler les systèmes d'information et de
dialogue entre les différents secteurs sur la finalité et la situation du
centre;
. promouvoir la formation permanente, comme on l'a
déjà indiqué, afin d'encourager la croissance intégrale de tous ceux qui
offrent leurs services dans le centre en organisant des tables rondes, ateliers
sur des questions de formation humaine et professionnelle où tous sont invités
à participer.
Il est important d'organiser des activités pour les
frères, les employés et les bénévoles ensemble;
. promouvoir dans la mesure du possible des bonnes
relations avec les familles des employés et bénévoles.
L'Ordre, comme famille religieuse doit:
. motiver et inviter les frères à valoriser chaque
jour davantage et à s'identifier avec leur vocation de consacrés dont la mission principale est d'évangéliser les
malades, les nécessiteux et les collaborateurs;
. promouvoir la communion et les relations entres
les frères et les fidèles laïcs; former les frères sur ce point et organiser
pour les frères et les laïcs des rencontres de réflexion, d'étude et de prière;
. organiser des rencontres avec les collaborateurs
pour leur offrir l'occasion de connaître chaque jour davantage l'identité et la mission de l'Ordre;
. promouvoir la création de groupes d'amis de
l'Ordre Hopistalier de Saint Jena de Dieu;
. promouvoir l'organisation d'une Association de
Laïcs, inspirée par "l'esprit" de l'Ordre avec des statuts qui
définissent l'identité, les objectifs et la finalité de cette association.
Structures d'animation et de coordination
128. La doctrine qui inspire ce document exige que
l'Ordre change légèrement ses structures d'animation et de coordination. Par
conséquent il faut prévoir:
. Un secrétariat pour l'animation et la coordination
des collaborateurs: son but est de promouvoir, d'animer et de coordonner les
initiatives qui facilitent les relations entre les frères et les
collaborateurs.
Toutes les personnes qui d'une manière ou de l'autre
collaborent à la mission de l'Ordre peuvent y participer: employées, bénévoles,
bienfaiteurs.
. Une association des laïcs de "Saint Jean de
Dieu". La Curie Générale et les Curies Provinciales inviteront tous
ceux qui désirent partager plus
profondément la spiritualité de l'Ordre à y adhérer.