Charte de l’Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu

L’assistance aux Malades et aux Nécessiteux selon le Style de Saint Jean de Dieu

CARTE D’IDENTITE DE L’ORDRE HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU

 

CHARTE

 DE L’ORDRE HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ASSISTANCE AUX MALADES ET AUX NÉCESSITEUX

SELON LE STYLE DE SAINT JEAN DE DIEU

 

 

 

PRESENTATION

 

La présente lettre accompagne le document: «La Charte de l’Ordre Hospitalier de saint Jean de Dieu» . Nous avons voulu aborder différents thèmes dans ce document pour  mieux éclairer le type d’hospitalité que nous sommes appelés à vivre aujourd’hui pour continuer à incarner le prophétisme de saint Jean de Dieu au seuil du  troisième millénaire.

Le programme du gouvernement de l’Ordre avait prévu l’élaboration de ce document au cours de son présent mandat. A cet effet il a nommé trois groupes différents qui se sont réunis ensemble à deux reprises à Rome et qui ont, à leur tour, nommé une petite commission pour travailler et retravailler le texte en tenant compte des contributions des différents groupes; c’est ce texte que vous avez maintenant entre les mains.

Le programme du gouvernement avait prévu toute une série d’initiatives auxquelles il a fallu renoncer parce qu’il a été impossible de préparer le présent texte dans les délais prévus.

Le conseil général estime dès lors qu’au lieu de faire un nouveau travail pour le prochain chapitre général, les communautés et les groupes de collaborateurs devraient étudier la Charte pendant l’année académique 1999-2000 en suivant les orientations fournies par la commission précapitulaire. De cette manière, en plus de l’étude et de l’approfondissement du présent document, nous préparerons le programme à discuter et à approuver pendant le LXVème Chapitre Général  pour le prochain mandat de six ans.

Les membres de la commission responsable pour la rédaction du présent texte et les supérieurs majeurs de l’Ordre, réunis à Rome du 30 novembre au 4 décembre 1998, ont adhéré à cette proposition.

Le document aborde différents chapitres importants pour notre mission :

·        Le thème de l’hospitalité dans sa dimension philosophique, théologique et biblique pour éclairer les attitudes de Jean de Dieu et les traditions de l’Ordre et pour mieux mettre en évidence les principes sur lesquels nous voulons baser notre hospitalité aujourd’hui.

·        La dimension éthique de l’être humain et de l’assistance. Le document décrit les principes généraux sur lesquels se base notre éthique et les situations concrètes auxquelles nous sommes appelés à répondre aujourd’hui mais selon le style de saint Jean de Dieu.

·        Le thème de la culture de l’hospitalité en soulignant surtout l’importance de la formation et de la recherche pour relever les défis du troisième millénaire.

·        La nécessité de réaliser une gestion charismatique dans nos structures. Nous devons utiliser les lois du management de manière charismatique et le faire en ajoutant à notre travail de gestionnaire les valeurs vécues par des disciples du Christ et de Jean de Dieu. Nous devons le faire également en nous basant sur la doctrine sociale de l’Église.

Si nous procédons de cette manière, nous arriverons au prochain chapitre général avec un programme qui nous aidera à mieux vivre les six prochaines années et mieux répondre aux exigences de notre charisme et à celles du XXIème siècle.

Nous ferons connaître officiellement ce document le jour de la fête de saint Jean de Dieu pendant l’année du jubilé,  jour de la réconciliation, pour souligner son importance et pour mieux vivre l’hospitalité aujourd’hui.

Que Jean de Dieu nous aide à nous réconcilier avec nous-mêmes pour qu’à notre tour nous puissions être des agents de réconciliation partout où nous exerçons l’hospitalité.

 

                                                                        Frère Pascal Piles

                                                                        Supérieur Général

 


 

1.PRINCIPES, CHARISME ET MISSION

 DE L’ORDRE HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU

 

 

1.1. Projeter l'avenir en fonction de nos principes

 

L'humanité aborde le XXIème siècle avec peurs et espérances. D'énormes progrès ont été accomplis dans la manière de comprendre et de gérer le monde, devenu un grand village planétaire. De grandes différences subsistent  toutefois et  les souffrances des individus et des collectivités, résultats des guerres, des égoïsmes de classe et de groupe, et des limites de notre nature même, nous rappellent sans cesse la présence permanente de la douleur, de la maladie et de la mort.

 

L'Ordre hospitalier de saint Jean de Dieu appartient à ce village planétaire. Nous sommes 1.500 frères, quelques 40.000 collaborateurs, employés et bénévoles,

et près de 300.000 collaborateurs et bienfaiteurs. Nous sommes présents sur cinq continents dans 46 pays, répartis en 21 provinces religieuses, 1 vice-province, 6 délégations générales et 5 délégations provinciales pour remplir notre apostolat au service des malades, des pauvres et de ceux qui souffrent dans 293 œuvres. Tous, nous sommes membres d'un même corps, l'Ordre, mais nous vivons des réalités très différentes. Certains d'entre nous vivent et travaillent dans des centres et des sociétés hautement technicisées alors que d'autres se trouvent dans des sociétés en voie de développement. Certains vivent dans des pays où règne la paix alors que d'autres subissent la violence et la guerre ou doivent faire face aux séquelles de conflits meurtriers. Certains vivent dans un climat de  liberté alors que les autres en sont privés et se voient limiter leurs droits fondamentaux. Certains se dévouent dans des activités strictement hospitalières et d'autres s'occupent davantage de questions sociales et de marginalisation. Certains offrent leur soutien pour aider à mieux vivre d'autres accompagnent les mourants pour les aider à mourir avec dignité.

Tous nous travaillons pour offrir une assistance intégrale et holistique, mais en mettant l'accent sur des domaines  différents: santé physique, santé psychique ou conditions de vie dignes que ce soit dans l'hémisphère Nord ou dans l'hémisphère Sud,  dans une culture occidentale ou orientale.(1)

 

Au seuil du troisième millénaire de notre ère, partout, les hommes et les femmes  s'interrogent sur leur avenir, celui de leurs institutions et de leur société.

Nous tous, qui réalisons l’œuvre de l’Ordre hospitalier de saint Jean de Dieu dans le monde, nous nous interrogeons aussi sur son avenir pour pouvoir continuer à servir l’homme qui souffre et a besoin de nous pour reconstruire son projet personnel.

 

Au moment de projeter l’avenir,  le désir d’incarner de nouvelles réalités fait commettre l’erreur parfois, d’ignorer le passé, non pas à dessein, mais par oubli ou par négligence. Dans d’autres cas, la nécessité d’un renouvellement profond et des situations limites demandent des réponses nouvelles, et exigent de se libérer du passé comme on jette du lest pour avoir plus de liberté pour construire l’avenir.

 

L’Ordre hospitalier veut projeter l’avenir dès maintenant, en tenant compte des éléments positifs du passé et à la lumière d’une réflexion actualisée sur les valeurs et les principes qui ont toujours inspiré son action.

 

Ceci entraînera très probablement pour l’Ordre des changements qui, dans certains lieux devront être radicaux,  s'il souhaite demeurer présent et actif pendant le prochain millénaire et offrir un service et un message d’actualité.

Toute œuvre de saint Jean de Dieu doit dès lors se fonder sur les valeurs qui ont caractérisé l’Ordre dès le début de son existence.

 

Ces valeurs devront être inculturées, actualisées dans leur expression, appliquées harmonieusement dans les différentes parties du monde, car ce n’est qu’ainsi qu’elles pourront être connues et acceptées.

 

Nous présentons ci-dessous le numéro 43 des Statuts Généraux de l'Ordre qui souligne les principes suivants:

 

·      considérer la personne assistée comme le centre d'intérêt de nous tous, qui vivons et travaillons dans l'hôpital ou dans toute autre œuvre d'assistance;

·      promouvoir et défendre les droits du malade et du nécessiteux en tenant compte de leur dignité personnelle;

·      s'engager avec fermeté à défendre et à promouvoir la vie humaine;

·      reconnaître le droit de la personne assistée à être convenablement informée sur son état de santé;

·      observer les exigences du secret professionnel et faire en sorte qu'il soit respecté aussi par tous ceux qui approchent les malades et les nécessiteux;

·      défendre le droit de mourir avec dignité en étant attentifs et en respectant les justes désirs et les besoins spirituels des mourants, parce que nous sommes conscients que la vie humaine a un terme mais trouvera sa plénitude dans le Christ;

·      respecter la liberté de conscience des personnes que nous assistons ainsi que celle de nos collaborateurs, mais exiger que soit acceptée et respectée l'identité de nos centres hospitaliers;

·      valoriser et promouvoir les qualités et les compétences professionnelles de nos collaborateurs en les encourageant à participer activement à la mission d'assistance et apostolique de l'Ordre et en les invitant à participer aux prises de décision dans nos œuvres en fonction de leurs aptitudes et responsabilités;

·      refuser la recherche du profit en observant les normes économiques justes.(2)

 

Nous estimons que les frères et leurs collaborateurs représentent  le capital le plus important  pour mener à bien notre mission.  C’est pour cela que dans nos rapports avec eux, nous nous engageons à vivre et à promouvoir les principes de la justice sociale; nous souhaitons en outre partager notre charisme avec ceux qui se sentent inspirés par l’esprit de saint Jean de Dieu.

 

Dans le cadre de notre mission, et en particulier pour ce qui concerne les secteurs les plus défavorisés, nous sommes ouverts à la collaboration avec les organisations ecclésiales et civiles  à condition que celles-ci respectent nos principes.(3)

 

Ces principes, profondément présents chez notre fondateur se sont structurés au cours des ans, en s’appuyant sur la réflexion et le bien fait par ses successeurs. Nous aussi,  nous devons réfléchir sur la définition de la mission de l’Ordre Hospitalier en tenant compte de la tradition.

 

Le principe qui étaye l'action de Jean de Dieu est son désir de faire le bien, bien fait: ne pas se limiter à une assistance sans vie qui néglige la qualité, mais unir le sens de la charité chrétienne à celui de la justice pour offrir aux malades et aux nécessiteux un service qualifié et efficace du point de vue technique et scientifique".(4)

 

1.2. Le charisme de l'Ordre

 

Jean de Dieu était un homme charismatique: sa manière d'agir attirait l'attention de tous ceux qui le connaissaient au point que son rayonnement dépassait les murs de Grenade pour atteindre les villages et les villes d'Andalousie et de Castille. Son charisme transcendait sa personne et  ne se limitait  pas seulement à des attitudes et à des gestes humains d'amour pour les malades et les démunis mais éveillait l'admiration et  invitait à la collaboration.

 

En théologie, le charisme est toute forme de  présence de l'Esprit qui enrichit le croyant et le rend capable d'accomplir un service pour autrui. Le religieux se consacre à  vivre un charisme particulier comme don reçu de l'Esprit, par la grâce et la rencontre vitale avec Dieu et par l'ouverture et le service rendu à l'humanité.

 

Par la grâce de l'Esprit, le charisme de l'hospitalité s'est incarné en Jean de Dieu et est devenu la semence vivante qui, au cours des temps,  a inspiré des hommes et des femmes à l'imiter pour prolonger la présence miséricordieuse de Jésus de Nazareth, en se mettant au service de ceux qui souffrent.

 

Les Constitutions de l'Ordre définissent ainsi le charisme:

 

"En vertu de ce don, nous sommes consacrés par l'action de l'Esprit Saint, qui nous fait participer de façon singulière à l'amour miséricordieux du Père. Cette expérience nous inspire des attitudes de bienveillance et de dévouement: elle nous rend capables d'accomplir la mission d'annoncer et de réaliser le Royaume parmi les pauvres et les malades; elle transforme notre existence et fait en sorte qu'à travers notre vie se manifeste l'amour particulier du Père envers les plus faibles, que nous cherchons à sauver à la manière de Jésus".(5)

 

Le frère se consacre et vit en communion avec d'autres qui, comme lui, ont entendu cet appel à vivre ce même charisme.  Cet amour-communion doit également se manifester à l'extérieur par la réalisation d'une mission en faveur des autres membres de l'Eglise ou  des nécessiteux en général.

 

Les frères hospitaliers, consacrés dans l'hospitalité, participent directement du charisme de Jean de Dieu; les collaborateurs y participent aussi car ils en sont irradiés: "Celui qui rencontre Jean de Dieu découvre dans sa vie une espèce de lumière qui le pousse à vivre l'hospitalité en imitant Jean et ses frères (...) Les fidèles laïcs qui se sentent invités à vivre l'hospitalité participent au charisme de Jean de Dieu en s'ouvrant à la spiritualité et à la mission des frères et en l'incarnant dans leur vocation personnelle.

 

Le niveau de participation varie d'une personne à l'autre. Certains se sentent plus unis à la spiritualité de l'Ordre, d'autres à l'accomplissement de sa mission concrète. Ce qui importe c'est que le don de l'hospitalité de Jean de Dieu crée des liens de communion entre les frères et leurs collaborateurs et les poussent à vivre leur vocation respective en manifestant aux pauvres et aux  nécessiteux l'amour miséricordieux du Père". (6)

 

1.3. La mission de l'Ordre

 

Les Constitutions de l’Ordre définissent ainsi  sa mission :

 

“ Encouragés par le don que nous avons reçu, nous nous consacrons à Dieu et nous nous dévouons au service de l’Église dans l’assistance aux malades et aux nécessiteux, avec une préférence marquée pour les plus pauvres ” (7)

 

Cette présentation générale, valable pour la totalité de l’Ordre doit ensuite se concrétiser dans chacune de ses œuvres. En partant du fait que chaque œuvre est spécifique et s’efforce de donner une réponse aux besoins de certaines personnes à des moments et dans des lieux concrets, et,  que notre mission  est D’ EVANGELISER LE MONDE DE LA DOULEUR ET DE LA SOUFFRANCE PAR LA PROMOTION DES ŒUVRES ET DES STRUCTURES SANITAIRES OU SOCIALES QUI OFFRENT UNE ASSISTANCE INTEGRALE A LA PERSONNE, il  faut que chaque réalité réponde aux questions suivantes :

 

·      . pourquoi ce centre?

·      . à qui s’adresse notre service?

·      . qui le réalise?

·      . quelles sont les structures les plus appropriées?

 

Voilà le chemin à parcourir pour concrétiser les principes que nous voulons promouvoir et pour réaliser notre mission dans la société.

 

Ce n’est que lorsque nous incarnerons ces principes, c’est-à-dire quand notre service auprès du malade et du nécessiteux dans toutes les régions du monde sera inspiré par ces valeurs,  que nous  aurons vraiment réalisé une œuvre de  l’Ordre de saint Jean de Dieu.

 

Une autre étape très importante sera de décrire  les bénéficiaires de notre action dans chaque centre. Il ne  faut pas nous limiter aux bénéficiaires directs de notre action, mais réfléchir également sur l'impact que celle-ci peut avoir sur  leurs proches, familles et connaissances.

 

En outre il faut examiner le rayonnement que chaque centre peut exercer sur le milieu dans lequel il se trouve de même que sur les personnes et les structures avec lesquelles il est en contact.

 

Les services que le centre offre doivent constituer une réalité dynamique, car notre société est en continuelle mutation  de même que l'homme que nous soignons.

 

 

Questions pour l’étude de la charte et pour

la préparation au prochain Chapitre Général.

 

Pour la réflexion dans les centres et les communautés :

 

1)      Décrivez les signes qui montrent que le charisme, la mission et les principes fondamentaux de l’Ordre sont une réalité vécue.

2)      Décrivez ce qui empêche de vivre cette réalité ou ne permet pas de la vivre pleinement.

3)      Indiquez les mesures et initiatives qui garantissent  la mise en pratique du charisme, de la mission et des principes fondamentaux de l’Ordre.

4)      Indiquez les signes qui mettent en évidence les liens de communion dans l’hospitalité qui existent entre les frères et leurs collaborateurs.

5)Que proposez-vous pour renforcer et développer ultérieurement de tels liens?

 

 

 

Notes au premier chapitre

 

(1)     Cf. PILES FERRANDO, Pascual, Supérieur Général de l’Ordre hospitalier de saint Jean de Dieu, Lettre circulaire pour le sexennat 1994-2000, Rome, 1994, n.1.

(2)     ORDRE HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU, Statuts Généraux,Rome, 1997, n. 48.

(3)     Cf. LXIIIème CHAPITRE GENERAL, La Nouvelle Evangélisation et l’Hospitalité au Seuil du Troisième Millénaire, Bogota, 1994, # 5,6.3.

(4)     Ordre Hospitalier-Curie Générale, Frères et Collaborateurs, ensemble pour servir et promouvoir la vie, Rome, 1992, # 13.

(5)     Constitutions, Rome, 1984, 2b.

(6)     Frères et Collaborateurs, ensemble…op.cit. nn. 115-116.

(7)     Constitutions, Rome, 1984, 3.

 

 

 

 

            FONDEMENTS BIBLIQUES ET THEOLOGIQUES DE L’HOSPITALITE

 

2.1.            L’approche philosophique et religieuse de la souffrance

 

2.1.1.            L’homme face à la douleur

 

"Qu'est-ce que l'homme? Quel est le sens de la douleur, du mal, de la mort qui, malgré tous les progrès subsistent encore? (...) Qu'y a-t-il après cette vie sur terre?"(1)

 

La réalité de la souffrance humaine constitue une question fondamentale à laquelle les religions et les différents systèmes philosophiques ont voulu donner une  réponse, chacun à leur façon, mais sans jamais réussir à soulever le voile du mystère qui l’enveloppe.

 

Nous pouvons résumer en cinq perspectives les réponses fondamentales à cette question angoissante.

 

La première est celle qu’on pourrait qualifier de magique ou mystérieuse et  se réfère à l’inéluctabilité et à l’incompréhensibilité de la souffrance.  Elle s’inspire souvent d'un mythe où la divinité présente son caractère punitif ou de la venue d’une divinité maléfique  qui  l’emporte sur la divinité bénéfique. Tout est projeté dans une dimension surnaturelle et,  les remèdes capables d’affranchir l’homme de sa souffrance appartiennent également au domaine du surnaturel (sorciers, chamans, rites exorcistes, etc.). Une telle conception persiste encore auprès de certaines populations soi-disant «primitives »  et demeure comme un substrat ancestral dans de nombreuses conceptions religieuses.

 

Une deuxième réponse est celle de la négation  de la souffrance; elle  nous arrive de l’antique philosophie épicurienne pour aboutir à l’individualisme hédoniste de ce siècle. Toutes les réalités douloureuses de la vie constituent une limite à la conquête du plaisir et il convient donc de ne pas s’en soucier, en s’efforçant de jouir du temps présent tant que c’est possible. Il s’agit d’un authentique « refoulement »  de la douleur et de l’angoisse que celle-ci crée.  Un grand nombre des désespoirs contemporains plongent leurs racines dans un tel substrat culturel parce qu’ils refusent une réalité douloureuse et qu’ils en arrivent  à nier la vie elle-même, quand son poids  devient trop lourd.

 

Une autre attitude,  opposée à la précédente, est celle que nous retrouvons dans l’acceptation héroïque de la souffrance. Le stoïcisme est devenu une philosophie et l’adjectif stoïque est devenu synonyme de celui qui accepte sans se plaindre de grosses souffrances. Cette acceptation courageuse a été particulièrement attrayante pour le christianisme qui a introduit dans son élaboration théologique certains éléments dérivant du stoïcisme qui semblaient bien s’intégrer à l’acceptation de la croix par Jésus et  à l’attitude des martyrs. En fait, cette contamination n’a jamais été complètement positive car elle est devenue une des sources d’exaltation pseudo-chrétienne de la souffrance,  appelée "dolorisme", et dont on ne se libère qu’avec difficulté.

 

Une quatrième réponse est celle de l’annulation de la souffrance grâce à un cheminement intérieur qui conduit graduellement à abandonner toute passion et toute souffrance, tant physique que psychique. Cette réponse atteint son sommet dans le bouddhisme et se retrouve dans d’autres philosophies et religions orientales qui, de nos jours, exercent une grande attraction sur le monde occidental. L’attention  aux personnes qui souffrent est particulièrement accentuée dans la religion bouddhiste qui fait de la «compassion »  un des sentiments universels qui rapproche l’homme de la divinité. Il convient de noter que l’aide  offerte à celui qui souffre consiste à surmonter les désirs qui  sont à l’origine de sa souffrance plus qu’à trouver la solution aux problèmes, même matériels, qui peuvent en être la cause.

 

La dernière réponse, dont nous parlerons plus longuement dans le paragraphe successif, est celle que nous trouvons dans la plus haute expression du christianisme et que nous pouvons définir comme valorisation de la souffrance. Sans en dévoiler totalement le mystère, et sans vouloir la transformer en une réalité positive en soi, le christianisme offre des «raisons »  à la douleur et en transforme l’absurdité en instrument éventuel de bien pour soi et pour autrui. Une telle démarche se retrouve chez des personnes qui font de la sublimation ou chez celles qui y trouvent des compensations quand elles parviennent à rationaliser leur souffrance.

 

De toute manière, et au-delà de toutes ces interprétations, nous ne pouvons nier une dimension strictement personnelle à la souffrance dont la signification échappe à tout effort de généralisation et ne trouve son sens que dans l’univers existentiel de chaque individu. La souffrance devient alors un élément biographique dont le mystère profond ne pourra jamais être dévoilé ni ramené à la simple raison.

 

 

2.1.2. La souffrance et ceux qui souffrent dans le christianisme

 

Dans la vision judéo-chrétienne,  la douleur de même que le mal dont elle est l’expression, n’appartient pas au projet originel de la création et ne provient donc pas  de Dieu.  Contrairement à ce qui passe dans les autres religions il n’y a pas de divinité du mal à l’origine de la souffrance. La douleur, et le mal dont elle est l’expression, appartient à la condition humaine mais exprime en même temps le mystère d’une réalité que Dieu ne veut pas, dont il ne jouit pas et qui attend seulement d’être rachetée. Une réalité négative, «absence »  plus que présence, comme saint Augustin en avait déjà l’intuition.

 

Pour faire cela l’Écriture Sainte a recours à l’image mythique d’une condition humaine exempte de toute souffrance et dans laquelle la douleur pénètre parce que le genre humain a transgressé un des commandements de Dieu et  s’est éloigné de son amour. L’image du serpent devient le symbole de l’idolâtrie, c’est-à-dire  le refus de “faire confiance” à Dieu  pour lui préférer une réalité créée et en faire sa divinité.

 

Pendant de nombreux siècles cette connexion “ontologique” entre faute et souffrance comme  punition, était comprise par Israël en un sens “ personnel ” qui voyait dans chaque souffrance la punition d’un péché (mentalité qui persiste encore souvent aujourd’hui). Quand on met en évidence le paradoxe du “ bonheur de l’impie ” et de la “ souffrance du juste ” les sages d’Israël retiennent que l’impie sera puni dans sa descendance et que le juste expie les fautes de ses pères.

 

Le premier cri dramatique contre cette vision  du problème est contenu dans le livre de Job. Avec une sensibilité qui étonne encore aujourd’hui par sa modernité, Job se rebelle contre une telle conception de la douleur et demande des comptes à Dieu, la raison pour laquelle un “ juste ” comme lui doit souffrir d’une manière tellement disproportionnée par rapport à ses fautes. La réponse de Dieu n’est toutefois pas explicite et se limite à  l’invitation  d’accueillir le mystère sans prétendre vouloir l’expliquer et sans renoncer à la foi en un Dieu qui ne veut que le bien de ses enfants.

 

 

Cette grande typologie du “ juste souffrant ” se retrouve sous une forme solennelle dans la personne du “ serviteur souffrant de Yahvé ” personnage en qui la tradition successive a identifié l’image du Christ qui “ se charge ” des souffrances du peuple pour l’en libérer. Une telle “expiation vicariante” fortement identifiée par saint Paul, dans l’épître aux Romains 3, 25 doit  être comprise non pas tant comme la “ punition ” d’un homme seul à la place de tout le peuple, mais comme les sacrifices d’expiation de l’antiquité,  dans lesquels l’holocauste de la victime devenait l’instrument du pardon de Dieu. Le sacrifice du Christ et, en vertu de son corps mystique, la douleur des croyants (mais selon la perspective de RM,19 et Eph.1, 7-10, du monde entier également) devient ainsi l’instrument du pardon de Dieu.

 

 

2.1.3. Le message de libération de l'évangile

Jésus Christ libère dans sa chair l’homme du péché et donc de toutes ses conséquences. Cette dimension subjective acquiert une portée pratique dans toutes les oeuvres qu’il réalise. La guérison des malades, l’accueil des marginaux, la défense des pauvres constituent une partie essentielle de sa mission. Son action en faveur des pauvres et des rejetés devient un signe messianique (cf Mt 11, 3-5). La force de la libération intégrale de l’homme par Dieu, dont l’Exode  a été l’expérience historique et symbolique, retrouve en Jésus toute sa vigueur.

 

L’attitude de Jésus envers l’homme malade est pour nous un exemple. Il participe profondément à ce qui lui arrive ou au chagrin de ses proches

(cf. Mt 14,14 ;15,32 ;Lc 7,13 ;Jn 11,36) ; il ne le critique pas

ni ne le blâme parce qu’il souhaite guérir ; souvent Jésus lui-même prend l’initiative (cf Mc 10,49 ; Lc 8,49 ; Jn 5,6) ; il refuse tout lien de cause à effet entre péché individuel et maladie actuelle (cf Jn 9,1-3) ; il guérit tout l’homme malade (cf Mt 9,1-7). Son oeuvre ne se limite pas à un simple geste thaumaturgique mais veut le bien intégral de l’homme, il veut son salut et pas simplement sa  santé.

 

Avoir soin de ceux qui sont dans le besoin devient ainsi un nouveau signe de l’alliance entre l’homme et Dieu. Le pacte entre le créateur et la créature est reproposé par l’amour guérisseur de Dieu. La force de cet amour fait revivre le pauvre, le malade, l’exclu. Les fondements charismatiques de l’hospitalité, dont il faut approfondir les racines bibliques et théologiques se basent sur la répétition  dans l’histoire de cet acte guérisseur confié aux fidèles du Christ.

 

 

2.2.            L’hospitalité dans l’Ancien Testament

 

2.2.1. Le Dieu Hospitalité

 

Quand nous parlons d’hospitalité aujourd’hui, nous ne pensons en général qu’à l’accueil que nous offrons en recevant un hôte à la maison.  Mais si on veut retourner au sens théologique de cette attitude humaine, il faut avant tout capter la dimension ontologique de l’hospitalité.

 

Il ne serait même pas exagéré de voir dans la réalité trinitaire la racine  profonde d’une  vie divine qui devient hospitalité. Hospitalité du Père qui “ crée un espace ” dans son essence, depuis toute éternité, pour engendrer le Fils, mais également hospitalité du Fils qui accueille en lui le don générateur  du Père. Enfin hospitalité de l’Esprit qui devient don réciproque entre le Père et le Fils et donc identité personnelle d’un amour accueillant.

 

Une telle dimension trinitaire de l’hospitalité ne concerne pas seulement l’essence divine, mais également celui  en qui Dieu établit sa demeure et qui devient ainsi le sujet  accueillant la divinité. (cf. Jn 13,20).  La participation eucharistique, dans l’ancien canon latin, était présentée comme l’acte d'accueillir Jésus sous son toit  et l’Esprit est  appelé «l’hôte de l’âme» (2)

 

Sur le plan immanent ensuite, la création elle-même se révèle le fruit de cette hospitalité divine primordiale qui, en même temps,  génère de son essence et accueille un projet réalisable à l’extérieur d’elle-même. L’hospitalité  piège donc l’éternité en la  situant dans la dimension historique et en faisant du temps, avant l’homme encore, son hôte. Toutefois, c’est dans la création de l’homme que Dieu manifeste plus complètement qu’il est hospitalité, en l’acceptant dans sa création et  en  lui enjoignant de  la  dominer, mais avant tout en l’accueillant dans son esprit créateur dont il conserve l’empreinte.

 

Et l’alliance succède à la création, dans ses multiples expressions symbolisées diversement par le récit biblique. Comme rencontre de l’homme avec Dieu, l’alliance, dont nous parle l’Écriture Sainte,  devient rencontre entre Dieu et son hôte mais également entre l’homme et son hôte divin.  Même si elles expriment des réalités ontologiques différentes, dans l’alliance,  l’hospitalité devient réciprocité, don mutuel. Et chaque fois que dans l’histoire individuelle et collective cette alliance est brisée, le pardon divin et la réconciliation avec l’homme qui s’ensuit, témoignent des ressources inépuisables d’un accueil toujours nouveau.

 

 

2.2.2.   Le  concept d’hospitalité

 

 

Le contexte culturel sous-jacent à l’Ancien Testament est celui du monde sémite marqué par la tension entre l’accueil dû à l’hôte et, en même temps, une certaine méfiance en son endroit comme élément  “ menaçant ”  l’identité du peuple. Ce qui de toute manière unifie l’attitude d’Israël  par rapport à l’autre est de le considérer comme étranger. Il existe au moins trois termes qui soulignent différentes attitudes. Le premier est  zar  et indique celui qui appartient à  une autre race ou tribu, qui est  un étranger par rapport à son pays et parfois même un ennemi (DT 25,5; Jb 15,19; Is 61, 5; 25,2.5). Le deuxième est ger qui indique l’étranger résidant dans le pays (les Israéliens en Egypte ou les Cananéens en Israël); le troisième est tosab  qui indique l’étranger résidant temporairement dans un autre pays (Gn 23,4; Dt 14,21). Une telle multitude de termes témoigne la diversité d’attitudes adoptées envers l’étranger en tenant compte de la condition précise dans laquelle celui-ci se trouve. Nous pouvons dire en résumé qu’Israël établissait une distinction entre les peuples étrangers, les étrangers qui résidaient dans le pays et les étrangers de passage. C’est envers ces derniers que s’exerçait la plus haute forme d’hospitalité. Il suffit de penser à l’épisode raconté dans le livre de la Genèse 19, 1-8  où Lot est prêt à offrir ses filles aux hommes de la ville à condition qu’ils n’en touchent pas les hôtes. En réalité, à l’origine  de cette  disparité de comportement il existait peut-être une même finalité : celle de surmonter la menace que représentait l’étranger pour sa communauté soit en s’opposant à lui, soit en l’entourant d’attentions. D’autre part, nous trouvons une trace de cette ambivalence dans les relectures latines tardives de ce concept et dans la racine commune du terme hospes (hôte) et hostis (ennemi).

 

Ce que nous venons de présenter ne doit pas nous faire oublier l'hospitalité qui se vivait et pratiquait en Israël, entre concitoyens. Ce “ prochain ” (dont le concept sera révolutionné par Jésus) était le compatriote, le coreligionnaire. Pratiquer l’hospitalité envers lui était un devoir fondamental en tant que membre de ce peuple dont l’identité n’était pas seulement ethnique, mais également et surtout religieuse. En devenant le peuple élu, Israël découvrait les exigences de l’hospitalité envers toutes ces catégories de personnes (il suffit de penser aux veuves et aux orphelins) qui en avaient besoin.

 

 

2.2.3.   Les motivations de l’hospitalité

 

L’hospitalité dans le contexte de l’Ancien Testament, comme d’ailleurs dans toutes les cultures antiques, ne doit pas se comprendre comme  nous le faisons aujourd’hui, comme un simple accueil de l’hôte, c’est-à-dire lui offrir le gîte et le couvert. Offrir l'hospitalité signifiait inclure son hôte  dans son cercle d’intérêts,  le défendre contre ses ennemis, en le protégeant et en lui manifestant un profond respect existentiel,  s’occuper de sa personne et veiller à  ses besoins.  

Les raisons d’une telle attention (en plus de celles qui existent pour ses compatriotes, mises en évidence plus haut) sont diverses. Tout d’abord il en existe une, d’ordre culturel, qu’Israël partage avec ses voisins.  Derrière l’étranger en quête d’hospitalité  pourrait se cacher une divinité. Dans la réélaboration monothéiste, les divinités se transforment en anges. On en voit une indication claire dans l’épître aux Hébreux 13,2 : “ Ne négligez pas l’hospitalité; c’est en la pratiquant que sans le savoir, certains ont accueilli des anges ”.

 

Une deuxième motivation est plus spécifique et se réfère clairement à l’histoire d’Israël.  L’Araméen errant que fut Abraham, père du peuple élu, a vécu comme un  étranger et c’est  comme  peuple étranger qu’Israël a vécu en Égypte. Et donc Israël comprend très bien la condition de l’étranger et sait à quel point il a besoin d’hospitalité.  L’avertissement de l’Ecriture Sainte est très clair pour ceux qui seraient tentés de le mépriser : “ Vous traiterez l’expatrié qui séjourne chez vous comme un indigène parmi vous, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous étiez des expatriés au pays d’Egypte. ” (Lv 19,34; cf. aussi Ex 22,20; 23,9)

 

Et enfin il existe une motivation religieuse (qui sera ensuite développée dans le Nouveau Testament), celle de suivre l’exemple de Dieu. Dieu est hospitalité. En premier lieu il accueille l’étranger et demande que l’on soit hospitalier à son égard (cf. DT 10,18); Dieu veut qu’on lui donne une partie des biens qui lui sont consacrés (cf. Dt 26, 12). Le fait qu’Israël se comporte également ainsi ne manifeste que sa volonté d’obéir à Dieu, une des voies de la fidélité à la loi (cf. Lv 16,29; 18,26; 19,10.33).

 

 

2.2.4.   Les références principales

 

Parmi les épisodes les plus significatifs, nous vous rappelons la visite de trois hommes à Abraham, près du chêne de Manre. Il faut remarquer la manière dont Abraham reconnaît dans l’hôte son “ Seigneur ”. Avant même de connaître les raisons de cette visite et parmi ses différents interlocuteurs, Abraham capte la “ visite ” de Dieu. Tous ses gestes  en découlent et peuvent être interprétés dans une clé théologique : il se prosterne à terre (culte), prépare personnellement le veau et le lait (offrande), croit  aux paroles des trois hommes (foi), les supplie de ne pas détruire Sodome (prière). En d’autres mots, nous pouvons affirmer que  l’hospitalité devient une occasion de rencontre avec Dieu.

 

L’épisode de la veuve de Sarepta est exemplaire et significatif pour l’auteur sacré. Cette femme ne voulant pas manquer à ses devoirs d’hospitalité envers Elie partage avec lui sa dernière bouchée de pain, tout ce qui lui restait pour elle et pour son fils. Et c’est en vertu de cette hospitalité qu’il est guéri par le prophète (cf. 1 Rois 17,20). Nous retrouvons une version assez analogue dans le récit de la prostituée de Rahab qui cache les espions que Josué avait envoyés à Jéricho et qui reçoit en échange la sécurité  pour elle et pour sa famille. (cf. Js 2, 1-12) On peut également voir le lien qui existe entre la vie de l’accueillant et celle de l’accueilli dans le livre de Tobie qui dit avoir donné la dîme de ses biens aux orphelins, aux veuves et aux étrangers (cf. Tb 1, 8). L’hospitalité qui est geste d’accueil pour la vie de l’autre est récompensée par le don même de la vie.

 

Le livre de l’Ecclésiastique invite à exercer l’hospitalité envers tous les nécessiteux d’une manière très poétique : “Sois pour les orphelins comme un père, comme un mari pour leur mère : alors tu seras comme un fils du Très-Haut et il t’aimera plus que ta mère ne t’aime. ” (eccli  4,10). L’hospitalité à laquelle l’Écriture Sainte nous invite nous rend d’une certaine manière  “ parents ” de la personne accueillie, et en même temps elle nous fait expérimenter la tendresse maternelle de Dieu. Il ne faut pas oublier la  grande dimension de féminité inhérente au concept de miséricorde. Le terme hébreu de rachamîn est lié étymologiquement aux entrailles maternelles qui se dilatent pour accueillir la vie nouvelle. Hospitalité et miséricorde sont ainsi unies dans un binôme qui deviendra l’icône du Dieu miséricordieux “ ami de la vie ” (cf. Sag 11, 26).

 

C’est dans une telle perspective qu’il faut situer l’hospitalité envers le malade, c’est-à-dire les gestes concrets d’accueil à son endroit. A ce propos la figure de l’archange saint Raphaël est admirable qui, en tant que “ médecine de Dieu ”  est présence accueillante et guérissante.  Ce  personnage devient ainsi une métaphore non seulement de la “solution médicale ” du problème, si on veut le définir ainsi, mais également de l’accompagnement du malade, du moribond, du pauvre dont la seule médecine parfois, est  celle d’une présence amie.

 

Le destinataire d’une telle attitude hospitalière devient  le mort lui-même, comme en témoigne le livre de Tobie  en la liant étroitement à l’hospitalité comprise conformément à la tradition (Tb 2, 1-4). Tobie, en effet, envoie son fils chercher un pauvre pour l’inviter au repas, mais son fils ne trouve qu’un compatriote mort, abandonné sur la place. Alors sans aucune hésitation il laisse là son repas et va l’ensevelir. D’une certaine façon cela devient un partage convivial avec le pauvre.

 

Enfin il ne faut pas sous-estimer le récit qui inclut la dimension de l’hospitalité dans l’ascendance historique du Messie. C’est l’histoire de Ruth, femme étrangère qui accompagne sa belle-mère Noemi dans son pays d’origine pour finir par y épouser Booz, dans le champ duquel elle était aller glaner. De cette union naîtra le grand-père de David. Les deux époux seront récompensés en devenant les ancêtres de Jésus, car tous deux ont exercé l’hospitalité : Booz envers la femme étrangère et Ruth  envers le pays étranger pour lequel elle a quitté le sien : l’hospitalité comme don d’accueil mutuel, abandonne ses certitudes pour trouver une nouvelle sécurité dans la nouveauté de la rencontre.

 

 

2.2.5.            L’hospitalité institutionnelle.

 

Une réalité particulièrement intéressante est celle du choix des six villes  qui serviront de refuge. Quiconque aura frappé quelqu’un par inadvertance pourra y trouver refuge. ” (Nomb 35,15). L’institution de ces villes-refuges constitue le moment où l’hospitalité d’individuelle ou communautaire devient structurelle. Ce n’est plus la personne qui est appelée à être hospitalière, mais toute la communauté qui devient une “ institution accueillante". La ville devient presque  une icône de tout organisme futur qui se consacrera entièrement à accueillir l’autre démuni et lui donner tout ce dont il a besoin, non seulement une hospitalité momentanée mais une “ ville ” c’est-à-dire  tout un système de coordonnées biographiques dans lequel il peut recommencer à vivre.

 

 

2.3.            L’hospitalité dans le Nouveau Testament

 

2.3.1. La perspective évangélique

 

Avant d’examiner les gestes concrets d’hospitalité de la part de Jésus, il faudrait réfléchir sur l’événement “ hospitalier ” qui est à la base de la foi chrétienne, c’est-à-dire l’Incarnation.  Marie devient “ l’hôte de Dieu ” par excellence, en l’accueillant dans son sein et, l’Emmanuel, en tant que “ Dieu parmi nous ”, devient l’hôte de l’humanité toute entière. Ce n’est pas par hasard que de l’accueil de Marie, présenté poétiquement dans l’Annonciation, jaillira immédiatement un geste merveilleusement hospitalier, comme la visite à Élisabeth et l’accueil que cette dernière réserve à la mère de Jésus.

 

Aux contenus et aux motivations de l’hospitalité  dans l’Ancien Testament, s’ajoute la contribution novatrice du message et des œuvres de Jésus. L’accueil de l’autre, surtout s’il est dans le besoin, acquiert à la lumière de l’évangile une triple perspective.

 

La première découle de l’identification du Christ lui-même avec le pauvre (cf. Mt 25,31-45). En accueillant le pauvre on accueille le Christ, pour aimer le Christ il faut aimer le pauvre; ce qui est fait (ou n’est pas fait) au pauvre est fait (ou n’est pas fait) au Christ. Il s’agit d’une authentique transfiguration du pauvre dans le Christ, tout aussi emblématique que le célèbre épisode de la vie de saint Jean de Dieu.(3)

 

La deuxième perspective est celle du jugement eschatologique. Celui-ci se base exclusivement sur la charité (et non sur l’observance formelle des commandements) et trouve dans l’hospitalité bien comprise, un des paramètres d’évaluation. Nous pouvons même dire, si nous donnons à ce terme  une acception plus large, qu’il est l’âme de tout le message eschatologique  quand cette hospitalité devient accueil de l’autre et fait de l’autre l’objet de tous ses soins.

 

Enfin, le Dieu Hospitalité de l’Ancien Testament qui défendait l’étranger, l’orphelin et la veuve, devient visible dans le Christ dont la vie se passe entièrement au service des autres. Ses paroles ne sont pas de simples exhortations, mais se transforment en actions et deviennent une référence exemplaire pour tous les chrétiens. Il serait impossible de vouloir synthétiser tous les gestes d’hospitalité, d’accueil de l’autre accomplis par le Christ. Nous nous contenterons donc de rappeler avant tout, l’attitude de bienveillance avec laquelle il accueille chaque malade; il ne se limite pas à en guérir la maladie, mais il embrasse tout son univers existentiel. Il touche le lépreux, rompant ainsi le mur de ségrégation qui le marginalisait; il redonne la vue à l’aveugle en ouvrant les yeux de tous sur cette croyance erronée qui établissait un lien entre faute individuelle et maladie; il ressuscite le fils de la veuve de Naïm parce qu’il est ému de la situation dans laquelle se trouve cette femme. Il accueille les prostituées et, ce faisant,  s'expose aux critiques des bien-pensants;  il devient  l’hôte des publicains en partageant leur table et accepte l’hostilité de tout un peuple, le geste de ses bourreaux qu’il n’hésite pas à excuser, la trahison ou la lâcheté de ses amis, l’abjection de la croix.

 

En substance, le Christ est “ l’hôte par excellence de l’histoire ” et c’est à lui que doivent se confronter tous ceux qui veulent suivre le chemin de l’hospitalité.

 

2.3.2.   La philoxénie

 

La diversité terminologique utilisée dans l’Ancien Testament, même si traduite  par des mots appropriés dans le Nouveau, est d’une certaine façon “ dépassée” par un terme spécifique qui désigne l’hospitalité : philoxénie, c’est-à-dire l’amour pour l’étranger. Ce lien décisif entre hospitalité et charité (philoxénie et agapè) est le trait spécifique qui caractérise l’hospitalité néotestamentaire.

 

Par conséquent nous pouvons dire que la philoxénie constitue presque un terme “ technique ”, entré dans le vocabulaire chrétien pour indiquer une attitude d’accueil particulière envers le prochain, en général celui qui est davantage dans le besoin. Ce n’est pas par hasard que  Mathieu  l’inclut dans ses exemples de charité pour expliquer le jugement eschatologique déjà cité (Mt 25,35); Paul la situe dans les exhortations relatives à l’exercice de la charité (Rom 12,13); Pierre fait la même chose, en soulignant le devoir de la réciprocité (1Pi 4,9); l’épître aux Hébreux ne la dissocie pas de la philadelphie, c’est-à-dire de l’amour pour son prochain. Tous sont tenus à la pratiquer, mais elle est une prérogative particulière de l’évêque (1Tm 3,2;5,10; Tt1,8).

 

L’Écriture Sainte laisse percevoir que ce qui est une exigence générale de la charité peut devenir  une expression charismatique spécifique  pour certains.

 

 

2.3.3.            Hospitalité et évangélisation

 

Outre le lien spécifique qui existe entre l’hospitalité et la charité, le Nouveau Testament offre une autre raison pour apprécier cette vertu, celle  des exigences de l’évangélisation. Le message évangélique est toujours lié au commandement de guérison : “ Guérissez les malades qui s’y trouveront et dites-leur : <Le Royaume de Dieu est tout proche de vous > ” (Lc 10,9; cf. Mt 10,7-8). Un peu, comme c’est le cas pour les “ missions populaires ” modernes, les maisons des chrétiens devenaient de vrais “ centres d’écoute ”. Un tel devoir d’accueil est particulièrement spécifié dans 3Jn 7-8 : “ Car c’est pour le Nom du Christ qu’ils se sont mis en route, sans rien accepter des païens. Notre devoir est donc d’accueillir de tels hommes afin de collaborer avec eux pour la vérité ”. Nous avons plusieurs témoignages néotestamentaires sur cette pratique (Rm 16,4; Phil 22) et c’est à cause de cette pratique d’évangélisation que des familles entières bien vite se convertissent (cf. Act16). L’hospitalité devient ainsi pour la communauté un instrument d’évangélisation, au niveau du témoignage, de la parole et des structures, et,  se transforme en signe précurseur de la libération évangélique intégrale.

2.3.4.   Le Bon Samaritain

 

La grande parabole de l’hospitalité est celle du bon Samaritain en qui la tradition ecclésiale successive a identifié le Christ lui-même et l’idéal du chrétien(4).  Ce qui est significatif, c’est le motif qui a provoqué ce récit : une question posée à Jésus sur la manière de comprendre qui est son prochain. Dans la conception juive de l’époque, n’était retenu comme son prochain, et donc digne de l’amour d’Israël, que son compatriote ou une personne liée à soi par des liens particuliers du sang ou de l’amitié etc. Jésus par un paradoxe inédit, pour indiquer qui est le “ prochain ”, c’est-à-dire le plus proche, choisit “ le plus lointain ”, l’ennemi haï, le Samaritain.

 

La parabole est également intéressante  parce qu’elle offre des indications pour une  méthodologie de l’hospitalité qui peut être  pour nous d’une actualité exemplaire. Avant tout, le Samaritain  fait passer l’accueil du blessé avant ses intérêts personnels  (il se trouvait en voyage, s’arrête, retarde ses engagements) et le fait en ne se conformant pas au comportement des autres (non seulement le prêtre et le lévite, mais également les autres Samaritains). Il accomplit ce qu’il juge être son devoir, sans hésiter même si  “ tous les autres refusent de le faire”.

 

Ensuite il s'efforce d'utiliser au mieux ses ressources. Il  nettoie et  soigne les blessures  avec les seuls remèdes dont il dispose, il les panse avec des bandages improvisés, il le charge sur sa monture et lui trouve un hébergement  adéquat.

 

Enfin il organise une structure d’assistance et, en le faisant, il y fait participer la communauté. L’aubergiste devient le prototype de toute réalité sociale qui, si interpellée de manière appropriée par celui qui a reçu le charisme de l’hospitalité, devient à son tour institution d’accueil. En outre, le Samaritain, doté d’un sain pragmatisme, se soucie de trouver les fonds nécessaires pour l’assistance du malade et donne de sa bourse,  faisant preuve ainsi d’une vraie solidarité sociale.

 

La conclusion de la parabole est l’invitation éternelle qui est devenue l'histoire de la vie de saint Jean de Dieu et de tous ceux qui ont reçu en don le charisme de l’hospitalité : va et fais-toi aussi de même.

 

 

Questions pour l’étude de la charte et pour

 la préparation au prochain chapitre général

 

1.      Illustrez par des exemples l’attitude que vous rencontrez davantage face à la souffrance, chez les frères, les collaborateurs et ceux que nous servons. (Cf.2.1.1.)

2.      Montrez l’évolution de l’hospitalité entre l’Ancien et le Nouveau Testament (les différences, les similitudes, les affinités et le dépassement de certains concepts).

 

 

 

Notes au deuxième chapitre

 

(1)   CONCILE VATICAN II Constitution Pastorale Gaudium et Spes, n. 10, 1964

(2)   Cf. Veni Sancte Spiritus

(3)   Tradition qui fait référence à l’épisode où Jean de Dieu lave les pieds d’un pauvre qui se transfigure dans la personne de Jésus.

(4)   Cf. Jean-Paul II, Salvifici Doloris, 1984, Chapitre VII.

 


3

 

LE CHARISME DE L’HOSPITALITE

CHEZ SAINT JEAN DE DIEU ET DANS L’ORDRE HOSPITALIER

 

 

3.1.      Le charisme de l’hospitalité chez saint Jean de Dieu.

 

Le charisme de l’hospitalité est entendu ici comme un don de l’Esprit pour une mission ecclésiale en faveur des pauvres, des malades et des nécessiteux.

Ce charisme, et la mission qui l’accompagne, ont été vécu par notre fondateur avec un style qui lui était propre et tellement caractéristique, qu’il a inauguré une “culture” de l'hospitalité, originale et de grande vitalité. Cette  culture  constitue une valeur prophétique pour un renouvellement dans l’Église et dans la société.(1)

 

Pour la famille hospitalière, il doit continuer à être un levain qui revitalise les services de l’Ordre dans le monde entier. Nous en donnons ici les caractéristiques principales.

 

 

3.1.1. Hospitalité miséricordieuse

 

L’hospitalité de Jean de Dieu se base sur l’expérience chrétienne que notre fondateur a faite de la miséricorde de Dieu. Ceci lui a permis de prendre conscience de sa condition de pécheur et lui a révélé la miséricorde infinie  et le grand amour d'un Dieu qui pardonne gratuitement et établit une communion de vie avec tous ses enfants. Cette expérience constitue la caractéristique fondamentale et la source d’où jaillit toute sa richesse.

 

“ Si nous considérions combien est grande la miséricorde de Dieu, jamais nous ne cesserions de faire le bien quand nous le pouvons ” (2)

 

Nous pensons spontanément à saint Jean de Dieu comme à un être fondamentalement miséricordieux, compatissant, capable de comprendre, de pardonner et d’aider son prochain, et nous avons raison.  Mais nous ne devons pas oublier que tout cela est le fruit de la conscience profonde qu’il avait du pardon du Seigneur. Il considérait la vie et les choses de la vie comme des dons divins et gratuits de la miséricorde divine.

 

“ Notre Seigneur Jésus Christ n’use-t-il pas envers nous d’une si grande miséricorde qu’il nous donne le manger, le boire, le vêtement et tout, sans aucun mérite de notre part? ” (3).

 

Le bien que notre fondateur demande et auquel il aspire le plus pendant sa conversion, est le pardon et la miséricorde divine, comme nous pouvons le lire dans les chapitres VII, VIII et IX de la biographie de Castro. Il prie et supplie le Seigneur de lui faire miséricorde, et dès qu’il l’a obtenue, il s’en  fait l’intermédiaire envers tous les blessés de la vie.

 

L’hospitalité miséricordieuse de saint Jean de Dieu est ce qui frappe davantage le lecteur attentif aux actions extraordinaires  accomplies par cet homme  pour soulager les souffrances  de toutes sortes de malheureux.

 

Nous pouvons affirmer avec certitude que l’expérience profonde de l’hospitalité miséricordieuse que Dieu lui a témoigné l’a transformé en hospitalier miséricordieux envers tous, sans exception, et nous pourrions ajouter sans limites.

 

Il ne met aucune limite à son action pour soulager les malheureux. La liste des nécessiteux de Grenade et de ses environs, secourus par saint Jean de Dieu et rapportée par Castro au chapitre XII, et celle donnée par le saint lui-même dans la deuxième lettre à Gutierre Lasso, coïncident et couvrent pour ainsi dire toutes les catégories des déshérités qui existaient à cette époque.

 

 

3.1.2.            Hospitalité de solidarité

 

Cette expérience et la révélation de la miséricorde de Dieu envers lui ont provoqué deux réponses : une de kenosis (anéantissement)(4) ou humiliation pénitentielle, bien visible dans les sources, et,  successivement une réponse d’hospitalité miséricordieuse envers tous.(5)  F. de Castro nous raconte comment Jean de Dieu, le jour de sa conversion se dépouille de tout ce qu’il possédait comme pauvre libraire,  pour devenir le disciple de Jésus Christ.  Il nous dit, en outre :

 

En ville comme dans ses voyages, il allait toujours nu-pieds, nu-tête, barbe et cheveux coupés ras. Délaissant la chemise, il portait pour tout vêtement un manteau de drap grossier de couleur grise et des pantalons en toile de laine.Il ne se déplaçait jamais autrement qu’à pied, et ce, même en voyage, malgré la fatigue et l’état pitoyable de ses pieds. Depuis le jour où il entra au service du Seigneur jusqu’à sa mort, il alla toujours tête nue, indifférent à la pluie comme à la neige. Et pourtant il compatissait profondément avec les souffrances, aussi légères fusent-elles, de ses semblables et n’avait de cesse de les adoucir, comme si lui-même vivait dans un bien-être continuel.(6)

 

Sa première maison a connu des débuts bien modestes pour accueillir des pauvres comme lui. Castro le raconte en peu de mots.

 

Résolu à venir en aide aux pauvres, Jean de Dieu s’entretint avec plusieurs âmes charitables qui l’avaient soutenu dans ses tourments. Avec leur aide il loua une maison à la poissonnerie de la ville,  idéalement située près de la Place Bibarrambla. C’est là en effet qu’il recueillait les malheureux, les infirmes et les estropiés.  Il acheta ensuite quelques nattes de jonc et de vieilles couvertures sur lesquelles ils puissent s’étendre. Faute d’argent, il ne pouvait faire mieux pour l’instant. (7)

 

Nous pouvons affirmer que saint Jean de Dieu s’est identifié aux pauvres et aux malades qu'il accueillait et soignait comme s’il était un d’entre eux. Il les a guéris malgré ses limites, avec les richesses du charisme de l’hospitalité que Dieu lui avait donné. Il ne refusait jamais d’aider une personne dans le besoin et, bien que démuni et pauvre, il utilisait toutes les ressources dont il pouvait disposer.

 

 

3.1.3.            Hospitalité de communion

 

Médiateur entre les riches et les pauvres, les puissants et les méprisés de ce monde, Jean de Dieu a pratiqué l’hospitalité de la communion.

 

Avec saint Jean de Dieu, demander l' aumône se transforme en une richesse spirituelle. L’Ordre ne peut ignorer ce patrimoine mais doit adapter ses méthodes aux différentes époques et cultures. Il faut le considérer comme une circulation des biens pour la construction spirituelle d'une société de solidarité.

 

Quand Jean circulait la nuit en criant “ faites le bien mes frères à vous-mêmes pour l’amour de Dieu ” il voulait inquiéter et provoquer les consciences à ne pas dormir sur les misères de leurs frères, il demandait et donnait dans une dynamique de réciprocité.

 

Quand il écrivait des lettres de remerciement pour les dons reçus, et dans lesquelles il racontait sa douleur devant les souffrances des misérables qu’il ne pouvait soulager tout seul, et quand il avait recours sans cesse à des emprunts qu’il ne pouvait rembourser qu’avec peine, il s'efforçait de construire une communauté de communion où tous pourraient se sentir frères, aimés, aidés et pardonnés par Dieu, comme lui-même se sentait aimé et pardonné. Il savait que si tous pouvaient vivre une expérience profonde de la miséricorde de Dieu comme lui la vivait, l’Église et la société deviendraient vraiment la famille des enfants de Dieu, habitée par la vie et la communion divine et attentive aux besoins des nécessiteux.

 

 

3.1.4.            Hospitalité créatrice

 

Dans une ville qui comptait une dizaine d’hôpitaux et de maisons pour pauvres,  la quantité de malades et d’abandonnés que la sensibilité de Jean de Dieu a découvert est presque incroyable. Il est étonnant de voir comment il s’est ouvert un espace nouveau dans la pratique de l’hospitalité. Il a anticipé ceux qui avaient la responsabilité de le précéder pour résoudre les problèmes de tous ces malheureux.

 

Son hospitalité était une réponse à ceux qui n'en trouvaient pas (les abandonnés) et aux nouveaux besoins que les autres ignoraient encore (ceux que rongeait la culpabilité, la haine ou  la vengeance). Saint Jean de Dieu voyait toutes les souffrances, qu’elles soient du corps ou de l’esprit. (8)

 

3.1.5.            Hospitalité intégrale (holistique)

 

En pratiquant l’hospitalité, Jean de Dieu prend soin de toute la personne. Pour lui, le malade ou le nécessiteux n’était pas seulement un corps et une âme, un pécheur ou une pécheresse, un rancunier ou un menteur. Tous étaient des personnes. Tous étaient ses frères et ses sœurs. Tous étaient dignes d’être aidés et pardonnés par lui et par ses collaborateurs. Et pourquoi? Parce que Dieu se comporte ainsi, pourvoyant chaque jour aux besoins de tous, (9) en sauvant et pardonnant (10) et parce que les voir souffrir ainsi lui "brisait le cœur" (11).

 

L’hospitalité de saint Jean de Dieu, dirions-nous aujourd’hui, était à la fois  préventive et d’urgence, curative et réhabilitative, il guérissait les curables et accompagnait les incurables. Elle était pédagogique pour les orphelins, les enfants abandonnés et formatrice pour les prostituées qu’il aidait à se libérer de leur faute et à entrer dans un projet de formation et d’insertion sociale. Dans son hôpital, il offrait aux pèlerins le gîte et le couvert,  du bois pour le feu  et des locaux; aux malades des médicaments, des infirmiers, des aumôniers et des secours spirituels. (12)

 

La pratique hospitalière de saint Jean de Dieu nous montre que l’adage chinois du poisson et de la canne  à pêche est mal présenté quand on l’interprète sous forme de dilemme entre deux choix. L’hospitalité au service de ceux qui sont dans le besoin doit toujours être et…et… en tenant compte des personnes et des circonstances de lieu et de temps.

 

3.1.6. Hospitalité de réconciliation

 

Saint Jean de Dieu était compréhensif et traitait tout le monde, les pécheurs, les oppresseurs et les opprimés, de la même manière dont il se sentait traité par  Dieu: il pardonnait, aidait et guérissait les blessures physiques et morales. Souvent, il traitait d’abord les blessures morales et spirituelles,  comme condition nécessaire pour arriver à la guérison des maladies du corps et à un état d’harmonie.

 

Dans un monde divisé et lacéré par tant d’idéologies, de fondamentalismes, de discriminations ethniques engendrant la haine, la rancœur ou le désir de vengeance, la capacité de pardon et de réconciliation de  saint Jean de Dieu, son habilité à construire des ponts de fraternité mérite d’être étudiée et imitée par nous tous, membres de la famille hospitalière. Pour tous, collaborateurs et assistés, Il était un merveilleux guérisseur, capable de résoudre les tensions et les conflits.

 

Comme le Christ, il guérissait avec ses propres plaies. Ses biographes font remarquer à quel point  il avait été traumatisé d’avoir été séparé de ses parents; comme il avait souffert de la solitude, des frustrations de la vie militaire mais surtout de ses propres fautes,  des injures subies et des angoisses provoquées par les dettes contractées pour soulager les pauvres et les malades, ses frères.  L'expérience de ces blessures existentielles faisaient de lui un hospitalier, spécialisé dans l’art de guérir et de réconcilier entre eux des ennemis, et de les transformer en ses proches collaborateurs, comme ce fut le cas avec Antoine Martin et tant d’autres.

 

A la Duchesse de Sessa, sa bienfaitrice, il décrivait la manière dont il se soignait en contemplant les blessures du Christ crucifié  et lui conseillait de faire de même :

 

“ Dans la douleur mon plus grand soulagement et ma meilleure consolation sont de regarder et de contempler Jésus Christ crucifié ” (13)

 

“ Recourez à la passion de Jésus Christ … vous en éprouverez une grande consolation ” (14)

 

C’est ainsi qu’il parvint à obtenir d’Antoine Martin de pardonner et de se réconcilier avec Pierre Velasco et  qu'il les a  tous deux convaincus de devenir ses  collaborateurs  directs et ses premiers frères.

 

C’était avec la passion du Christ,  que le vendredi, il guérissait les blessures de la prostitution chez tant de femmes détruites par ce genre de vie. C’est en vertu de son charisme d’hospitalité miséricordieuse qu’il pardonne à la femme arrachée par lui au monde de la prostitution et qui l’injuriait : “ Tôt ou tard, je dois te pardonner, alors je te pardonne tout de suite ”  (15) Il la convertit ainsi une deuxième fois, comme elle en témoignera  elle-même pendant les funérailles du saint.

 

Quand on l’accuse auprès de l’archevêque d’accueillir des gens indignes dans “ sa maison de Dieu ” il  déclare  que lui seul est indigne d’y être : “ et puisque Dieu tolère les bons et les méchants, que le soleil se lève tous les jours sur tous, il me paraît peu raisonnable de chasser les abandonnés et les affligés de leur propre maison ”. (16)

 

3.1.7.            L’hospitalité génératrice de bénévolat et de collaboration.

 

L’amour miséricordieux et sans frontières de saint Jean de Dieu avait une telle vitalité qu’il engendrait l’amour, la charité chrétienne et la collaboration;  c’était une hospitalité rayonnante, un charisme de participation.

 

Cette force charismatique, reçue de Dieu et à laquelle saint Jean de Dieu a été radicalement fidèle, l’a transformé en un brasier rayonnant l’hospitalité qui attirait, à différents niveaux, la solidarité et la collaboration.

 

Nous pouvons distinguer différents niveaux de collaborateurs allant de ceux qui aidaient par des actions ou des aumônes ponctuelles, à ceux qui devenaient des  permanents, comme Angulo et tant d’autres cités dans ses lettres, la biographie de Castro et le document du Procès contre les moines de saint Jérôme. Certains l’ont suivi dans le bénévolat au point de s'identifier totalement avec son charisme.  

 

Parmi les collaborateurs les plus directs on compte les premiers compagnons ou frères portant l’habit, les bienfaiteurs qui se sont davantage identifiés à son charisme et ont compris que son œuvre était également la leur.  Ce sentiment d’appartenance à l’hôpital et à l'œuvre de Jean de Dieu générait à son tour un grand mouvement de solidarité. Cette identification au charisme, poussait nombre de ses collaborateurs à le promouvoir et à défendre son originalité en se mettant à son service avec tous leurs biens.(17)

 

Cette identité d’appartenance à la famille de saint Jean de Dieu reste un modèle valable pour le temps présent et pour l’avenir.

 

3.1.8.            Hospitalité prophétique

 

Un des points les plus originaux de l’hospitalité de saint Jean de Dieu est son aspect prophétique. Sans moyens, étranger immigrant avec une réputation de folie, se donnant totalement à Jésus Christ et à ceux qui souffrent,  il a tracé des voies nouvelles pour l’Église et pour la société.

 

Ses attitudes hospitalières étaient étonnantes, déconcertantes, mais ont fonctionné comme des phares dans la nuit  pour indiquer de nouvelles pistes d’assistance et d’humanité . En partant de rien, il a créé un nouveau modèle de  citoyen, de chrétien et d'hospitalier. Cette hospitalité prophétique a agi comme un levain dans l'Eglise pour le renouvellement de l’assistance.  Ce modèle a fonctionné également comme conscience critique et guide pour sensibiliser les consciences à de nouvelles attitudes et  pratiques dans leur service auprès des pauvres et des marginaux.

 

 

3.2.            L’hospitalité au cours de l’histoire

 

3.2.1. L'hospitalité à partir  des premiers collaborateurs et au cours des siècles.

 

Les premiers frères(18) et compagnons de saint Jean de Dieu ont participé à son charisme hospitalier, ils l’ont pratiqué et  diffusé. L’acte de fondation de l’hôpital d’Antoine Martin de Madrid parle de la situation de dénuement extrême  dans lequel se trouvaient “ les malades avec plaies contagieuses ”.  Lui-même, dans son testament, affirme que Jean de Dieu l’a laissé à la tête de son hôpital, à sa place, comme un autre lui-même. (19)

 

Ses compagnons sont  mentionnés par les témoins comme des hospitaliers très proches  des pauvres et des malades. La personnalité de Jean de Dieu, humble, pauvre et dépouillé dans un anéantissement volontaire, (kenosis) se détache dans  toute sa grandeur pour se mettre au niveau des pauvres et pour les servir,  et,  demeure pour ses compagnons et ses collaborateurs, l’exemple à imiter.

 

Les témoins du Procès sont unanimes pour déclarer que “ les frères recevaient avec grande charité et libéralité tous les pauvres sans exception, indigène ou étranger, curable ou incurable, fou ou sain d’esprit, petits enfants et orphelins. Ils le faisaient pour imiter Jean de Dieu, leur fondateur. Ils accueillaient tout le monde, les morisques comme les chrétiens de vieille souche. (20)

 

 

Après cette première étape, pendant cinq siècles,  les frères et les collaborateurs de l'Ordre ont donné un précieux témoignage de fidélité au charisme de l'hospitalité, qu'ils aient été célèbres  ou non. (21)

 

D’autre part, dès les premières décennies de la vie de l'Ordre, l’assistance sur les champs de bataille, dans les armées et auprès des soldats, également en temps de paix, est devenue une constante dans des pays comme l’Espagne, l'Italie, le Portugal et la France.

 

L’action de l’Ordre est particulièrement active dans deux secteurs : celui des urgences  en cas d’épidémies et celui des hôpitaux en pays de mission; certains  de ceux-ci deviendront les “ hôpitaux-doctrine ”(22) où l’enseignement de la doctrine chrétienne était assuré.

 

Une autre expression de l’hospitalité se manifeste dans plusieurs pays sous forme d’écoles de médecine et de chirurgie et de cours pour infirmiers afin de préparer les membres et les collaborateurs de l’Ordre.

 

Pendant le XIXème et le XXème siècle, la psychiatrie devenant une branche spécialisée de la médecine, l’Ordre commence à fonder et à gérer des centres spécifiquement destinés aux malades mentaux. En France, ce développement  est particulièrement important  sous l’impulsion de Paul de Magallon au XIXème siècle, avec la restauration de l’Ordre après son extinction suite à la Révolution de 1789.  Benoît Menni fait de même au Portugal et en Espagne.

 

D’autres provinces, à partir des différentes restaurations européennes du XIXème siècle (allemande, polonaise, autrichienne et italienne) fondent des œuvres exclusivement consacrées aux malades et handicapés mentaux, aux enfants et jeunes adultes. Les provinces d'Irlande, d'Angleterre et d'Australie-Asie se sont spécialisées dans des services pour handicapés mentaux ; leurs efforts pour les différencier des malades mentaux représentent une contribution importante; ils se sont efforcés de faire changer la terminologie utilisée à leur endroit afin de souligner leurs droits et leur dignité de personnes.

 

L’assistance aux enfants et aux jeunes handicapés physiques a été une réponse de Benoît Menni à ce besoin si urgent en Espagne à l’époque et jusqu’à récemment.  Aujourd’hui,  certains hôpitaux généraux pédiatriques d'avant garde ont pris la relève, de même que certains centres orthopédiques et de réhabilitation.

 

Une expression du charisme de saint Jean de Dieu qui s’est fort développée au cours des dernières décennies est constituée par les accueils de nuit pour les SDF, les homes pour personnes âgées, et les centres pour les personnes ayant des difficultés d'apprentissage ou pour les handicapés mentaux..

 

L’Ordre a toujours eu à cœur de développer sa dimension missionnaire. On peut dire que l’expansion missionnaire de l’Ordre remonte à ses origines. La fondation de Cartagène (Colombie) en 1596 a été la première parmi les dizaines de fondations qui ont été créées en Amérique, en Afrique et en Asie jusqu’au siècle dernier.

 

Après une période d’extinction, les fondations missionnaires ont repris en Amérique, en Afrique, en Asie et en Océanie. L’Ordre veut continuer aujourd’hui l’évangélisation du monde de la santé comme l’a fait saint Jean de Dieu et comme Jésus Christ nous demande de le faire.

 

3.2.2. Présence actuelle

 

Les exigences de la Nouvelle Evangélisation, demandée par l'Eglise au seuil du troisième millénaire, ont poussé l'Ordre à s'interroger sur une Nouvelle Hospitalité qui doit  s’exprimer en un double sens : dans des œuvres novatrices pour la société et dans de nouvelles réponses pour pallier aux lacunes présentes.

 

A partir du chapitre général de 1976 et, plus encore, depuis le chapitre extraordinaire de 1979, l'Ordre a accompli un effort considérable pour moderniser son assistance dans les centres traditionnels. Beaucoup d’activités ont  pris leur essor et il convient d’en rappeler les principales.

 

L’humanisation et la pastorale ont connu pendant ces vingt dernières années une revitalisation très nécessaire pour complémenter et compenser les grands développements techniques des hôpitaux et répondre aux souffrances concrètes des malades et de leurs familles.

 

L’assistance hospitalière de l’Ordre a toujours insisté sur une approche intégrale, holistique et ne peut donc se passer d’assurer des soins pastoraux et spirituels appropriés.

 

L’humanisation, la pastorale, de même que la formation permanente, indispensable pour les frères et les collaborateurs, constituent des moyens incontournables pour renouveler la présence de l’Ordre dans les centres traditionnels.  S’ils sont bien utilisés, ils deviennent des outils précieux pour repenser les services de l’Ordre, pour assurer une nouvelle hospitalité et une nouvelle évangélisation.

 

Au cours de ces dernières années  ce travail d’humanisation et de pastorale s'accompagne d'une formation en matière de bioéthique et d'éthique de la santé.

 

La modernisation des structures aux nouveaux besoins et aux exigences techniques et humaines, avec de nouveaux critères de gestion  qui attribuent prioritairement les ressources à des programmes bien définis, ont contribué à grandement renouveler  nos hôpitaux et nos centres.

 

Nos centres traditionnels ont connu une évolution dans tous les domaines. Les innovations des technologies médicales se reflètent dans les changements continuels de nos centres. Leur structure matérielle  a subi de profondes mutations pour incorporer des équipements techniques et des changements en matière d'assistance, afin d'appliquer de nouvelles méthodologies et introduire le travail en équipes pluridisciplinaires.  L’objectif étant  toujours  d’offrir un service meilleur et plus complet au malade, considéré avant tout  comme une personne.

 

Le changement le plus significatif a été l’intégration des collaborateurs. Jusqu’il  y a peu d’années, la communauté des frères, avec l’aide de quelques laïcs, pouvait seule assumer le service auprès des malades. Aujourd’hui ce sont les collaborateurs qui sont les principaux acteurs dans les œuvres ; ils sont présents dans tous les secteurs, même les postes de  gestion et  de direction.

 

Un nombre toujours plus grand de bénévoles travaille aux côtés de nos collaborateurs en assumant des responsabilités  dans le domaine de l’humanisation et des services de pastorale.

 

Cette présence, renouvelée et actualisée, donne d’excellents résultats dans nos centres traditionnels grâce au travail de formation au niveau local, provincial et international.

 

De cette manière, l’avenir des œuvres traditionnelles passe en partie par la modernisation des instruments techniques, des méthodes de travail et de gestion et d’administration en faisant particulièrement attention aux moyens de communication et d’information.

 

La recherche scientifique se développe avec des programmes établis en collaboration avec les facultés universitaires compétentes.

 

 

Les frères doivent assurer une présence de guide en matière d'éthique et de morale, ils doivent être une conscience critique, des précurseurs et des prophètes de la bonne nouvelle pour les pauvres, les malades et les nécessiteux d’aujourd’hui, quelle que soit leur culture ou leur religion.

 

3.2.3.            Nouvelles formes de présence

 

Depuis plusieurs années, les initiatives novatrices de l’Ordre répondent  aux nouveaux besoins qui surgissent dans notre société .

 

Dans certains cas, on retourne à des expressions qui étaient déjà présentes chez saint Jean de Dieu, à savoir, une plus grande ouverture à la société, aux familles et à leurs besoins.

 

Notre hospitalité se limite de moins en moins aux hôpitaux et aux centres et embrasse désormais toujours davantage  les domaines de la prévention et de l’éducation en matière de santé, de réhabilitation et de la réinsertion sociale.  Saint Jean de Dieu s’occupait avec diligence de l’éducation et de la formation des orphelins, de même qu’il avait à cœur la réinsertion sociale des prostituées etc.

 

Aujourd’hui l’Ordre  étend son action aux hôpitaux de jour, aux soins à domicile, aux dispensaires. Il promeut des initiatives novatrices pour répondre aux nouvelles pathologies modernes : toxicomanes, Sidéens, malades chroniques en phase terminale, etc.

 

Aux souffrances de la solitude, de l’abandon, du désespoir et du néant existentiel on répond par la création des téléphones de l’espérance, la publication de bulletins et de dépliants contenant des messages humains et chrétiens, et des magazines  pour soutenir la réflexion sur des questions de formation éthique et hospitalière.

 

L’Ordre s’efforce de répondre à ces nouveaux besoins en intensifiant la coopération qui existe entre les frères et leurs collaborateurs dans les œuvres et les projets  d’Église et entre ceux-ci et  les  organismes nationaux et internationaux dans le domaine sanitaire, que ce soit au niveau de la recherche ou de l’assistance.

 

De telles initiatives sont prises dans différentes provinces qui collaborent entre elles et avec des organisations non gouvernementales et avec certains gouvernements, surtout ceux  des pays en développement.

 

Le charisme de saint Jean de Dieu est tellement riche et présente une telle vitalité que lorsque l’Ordre, les frères et leurs collaborateurs se laissent conduire par l’Esprit de Dieu et restent à l’écoute des nouveaux besoins de la société, les fruits de cette hospitalité se multiplient, même si les ressources apparaissent insuffisantes.

 

 

Questions pour la réflexion sur la charte et pour

la préparation au prochain Chapitre Général

 

Comment l’Ordre (frères et collaborateurs) continue-t-il à recréer les principaux traits du charisme de l’hospitalité ?

 

                        Point forts          Points faibles      Propositions

 

1)      Hospitalité miséricordieuse

2)      Hospitalité de solidarité

3)      Hospitalité de communion

4)      Hospitalité créatrice

5)      Hospitalité intégrale

6)      Hospitalité de réconciliation

7)      Hospitalité génératrice

de bénévolat et de collaboration

8)  Hospitalité prophétique

 

 

 

 

 

 

Notes au troisième chapitre

 

(1)            L’Ordre hospitalier dispose aujourd’hui d’une riche documentation pour étudier et approfondir les lignes de force et de vitalité du charisme hospitalier. Les sources documentaires deviennent ainsi des moyens pour arriver  à la source du charisme hospitalier de saint Jean de Dieu et à ses caractéristiques.

          Du point de vue chronologique et par ordre d’importance nous disposons de six lettres de saint Jean de Dieu, et de trois lettres que saint Jean d’Avila lui adresse. Ces lettres sont disponibles en éditions critiques et nous donnent un portrait de valeur de saint Jean de Dieu. Elles nous font voir un personnage, dont on tombe amoureux, un disciple vivant du premier hospitalier de l’histoire, Jésus Christ. Elles nous font percevoir sa passion pour l’homme nécessiteux et souffrant, pour sa mère, l’Église, et,  pour tous ses enfants.

          La deuxième source, par ordre d’importance est sans aucun doute la biographie du saint écrite par François de Castro et publiée en 1585. Avec de solides sources historiques, l’auteur nous donne un compte rendu du parcours humain et spirituel du saint; il y met en évidence l’hospitalité divine dont Jean de Dieu a bénéficié et qui est à l’origine de la sienne, hospitalité illimitée envers tous les pauvres et les malades.

          Depuis 1995, la Famille hospitalière dispose d’une nouvelle source sur la vie et l’hospitalité de saint Jean de Dieu, il s’agit de la Documentaciòn procedente del Archivio de la Deputaciòn Provincial de Granada que formò parte del pleito entre los Hermanos del Ospital de Juan de Dios y los Frayles e convento del monasterio de San Geronimo. " Ce document porte la date du 12.03.1570 (mais le procès n'a commencé qu'en 1572) et compte 171 pages manuscrites qui ont été transcrites par José SANCHEZ MARTINEZ dans son livre: Kenosis y Diakonia en el itinerario espiritual de San Juan de Dios, Madrid 1995. Des 17 témoins qui répondent aux 28 questions, 10 avaient connu saint Jean de Dieu. Cette documentation de même que d'autres documents utilisés par Sanchez dans un autre travail sur ce même procès, constituent la troisième source  importante pour étudier l’hospitalité de saint Jean de Dieu.  

D'autre part nous possédons  les premières constitutions de l'hôpital de Grenade et  les trois bulles fondamentales :

 

1.       Licet ex debito  de Pie V (1er janvier 1572)

2.       Etsi pro debito  de Sixte V (1er octobre 1586)

3.       Piorum virorum  Bref de Paul V (12 avril 1608)[1]

 

Ces textes ont une très grande valeur car ils nous permettent de nous approcher de saint Jean de Dieu et des principes théologiques et juridiques de notre hospitalité. Nous devons y ajouter les pétitions des Supérieurs Généraux, les grâces et les approbations à l'origine de ces bulles. Tous ces documents constituent les sources de notre hospitalité.

 

Des premières  Constitutions rappelons:

 

1.       Regla y Costituciones para el Hospital de Ioan de Dios, desta ciudad de Granada, 1585;

2.   Costituciones hechas en el primer Capitulo General hecho en Roma ano de 1587;

3.   Costitutioni et ordini da osservarsi dagli Frati dell’Ordine di Giovanni di Dio 1589;

4.   Costitutioni del devoto Giovanni di Dio  d’Italia, 1596

5.       Regla del Bienaventurado Padre San Agustin y Costituciones de la Orden de Iuan de Dios, Madrid 1612.

 

          La documentation moderne est abondante, mais pour ne pas être trop long, nous vous rappelons seulement quelques titres plus significatifs après  le chapitre général de 1976 en les mettant par ordre chronologique.

 

. P. Marchesi,  Les bases du renouvellement (1978).

. P.Marchesi,  L’humanisation (1981).

. La dimension apostolique de l’Ordre de saint Jean de Dieu (1982)

. Constitutions de l’Ordre Hospitalier de saint Jean de Dieu (1984)

. P. Marchesi, L’hospitalité du Frère de saint Jean de Dieu en vue de l’an 2000 (1986).

.Déclarations du LXII Chapitre Général (1988)

. B. O’Donnell, Serviteur et prophète (1990)

. Saint Jean de Dieu est encore vivant aujourd’hui  (1991)

.Frères de saint Jean de Dieu et collaborateurs laïcs, ensemble pour servir et promouvoir la vie, (1992)

. La nouvelle évangélisation et la nouvelle hospitalité au seuil du troisième millénaire (1994).

. P.Piles, La force de la charité (1995)

. P.Piles, Jean de Dieu :  appel à la nouvelle hospitalité (1996)

. P.Piles, Laissez-vous guider par l’Esprit (1996)

. La dimension missionnaire de l’Ordre Hospitalier. Prophètes dans le monde de la santé (1997).

 

          Les études et les recherches critiques réalisées au cours des siècles et plus récemment, sur la vie, la spiritualité et l’hospitalité de saint Jean de Dieu constituent des contributions inestimables pour approfondir le thème traité dans cette “charte”. Pour ne pas alourdir la lecture du présent document, nous renvoyons à la bibliographie finale pour les titres plus significatifs.

(2)          Première lettre de saint Jean de Dieu à la Duchesse de Sessa (1DS), 13. Voir également GAMEIRO, A. Koinonia, filoxenia y martyrion em S. João de Deus e na sua Orden nascente, thèse de doctorat, Rome, 1996, en cours de publication.

(3)          Deuxième lettre de saint Jean de Dieu à la Duchesse de Sessa (2DS), 18.

(4)          Cf. SANCHEZ MARTINEZ, José. Kenosis y Diakonia en el itinerario espiritual de San Juan de Dios, Madrid 1995.

(5)          Cf. deuxième lettre de saint Jean de Dieu à Gutierre Lasso (2GL), 5. Cette liste n’est pas complète. Castro ajoute d’autres nécessiteux au chapitre XVI. Le saint a secouru des personnes malades moralement. Nous connaissons sa sollicitude envers les prostituées, les prisonniers, les marginalisés les maures et probablement les « nouveaux chrétiens » de provenance juive, les esclaves et les autres exclus comme les incurables.

(6)          CASTRO, op.cit. chapitre XVII.

(7)          Ibid. Chapitre XII.

(8)          Cf. 2GL,8

(9)          Première lettre de saint Jean de Dieu à Gutierre Lasso (1GL), 2.

(10)      Lettre de saint Jean de Dieu à Louis-Baptiste (LB), 19.

(11)      1 DS,15.

(12)       Du chapitre XII au chapitre XX de son livre, Castro explique bien les différentes dimensions de l’hospitalité de saint Jean de Dieu.

(13)      2 DS,9.

(14)      1 DS,9.

(15)      CASTRO, ibid., chapitre XV.

(16)      Ibidem, chapitre XX.

(17)      Cette solidarité, capable de s’identifier avec autrui apparaît clairement dans les lettres à Gutierre Lasso et à la Duchesse de Sessa, dans la biographie de Castro et dans les témoignages du procès et concerne des dizaines de collaborateurs.

(18)      Dans le Procès contre les moines de saint Jérôme (cf. SANCHEZ, op. cit.) qui précède la biographie de Castro, on parle beaucoup des attitudes hospitalières des frères qui portent l’habit de saint Jean de Dieu. Jean d’Avila (Angulo) cite leurs noms : Antoine Martin, Pedro Pecador, Alonso Retigano et Domingo Benedicto.

(19)      ORTEGA LAZARO,L., o.h., Anton Martin…pp.17-18 et 31.

(20)      Déclarations extraites du procès entre les frères de l’hôpital de Jean de Dieu et ceux du monastère de saint Jérôme, 1572-73. SANCHEZ MARTINEZ, José op. cit. pp.181-188 et 285 et suivantes.

(21)          Toutefois, nous estimons qu’il est important, pour préciser l’identité et l’originalité de l’Ordre, de connaître, même si cette connaissance est partielle, certaines de ces personnalités exceptionnelles par leur manière de vivre les valeurs de l’hospitalité.

          Les saints, bienheureux et vénérables méritent d’être rappelés en premier lieu : saint Jean Grande, saint Richard Pampuri, bienheureux Benoît Menni et les nombreux bienheureux martyrs. Parmi les vénérables et ceux dont on a introduit la cause de béatification citons, François Camacho, Antoine Martin, José Olallo Valdes, Eustache Kugler et un autre groupe de martyrs, sans oublier tous les autres qui, dans l’histoire de l’Ordre, ont souffert le martyre ou la persécution pour le Christ et pour l’hospitalité au Brésil, en Colombie, au Chili, en Pologne, aux Philippines, en France, en Espagne et, récemment également dans d’autres pays.

          De nombreux frères “ fondateurs ” et “ refondateurs ” de communautés et œuvres de l’Ordre mériteraient d’être mieux connus, comme expressions vivantes de la vitalité et des valeurs de notre charisme. Ainsi les frères Bonelli (France); Gabriel Ferrara et Jean Baptiste Cassinetti (Italie et Allemagne), François Hernandez (Amérique). A une époque plus récente il convient de rappeler les noms du Père Jean Marie Alfieri (Italie), Paul de Magallon (France), Eberhard  Hacke et Magnobon Markmiller (Allemagne)et celui du Bienheureux Benoît Menni (Espagne, Portugal et Mexique).

          Dans le domaine de la recherche historique il faut se souvenir des frères qui, par amour pour l’Ordre et  avec un grand esprit scientifique, ont réalisé un travail qui nous permet aujourd’hui de connaître le parcours de notre charisme.

          Un autre groupe de frères fameux s'est distingué comme médecins, chirurgiens, pharmaciens, botanistes, dentistes, mais la liste en serait trop longue. Nous en mentionnons certains dans le chapitre 6, note 11, du présent document consacré à la formation et à la recherche dans l’Ordre.

          Après cette liste de noms de frères qui ont été les prophètes de l’hospitalité il faudrait  ajouter les noms de certains collaborateurs qui, à cause de leur amour pour l’Ordre et les valeurs qu’il incarne, méritent d’être rappelés.

(22)   ANTIA, Juan Grande, dans Labor Hospitalario-Misionera de la Orden de San Juan de Dios en el mundo, fuera de Europa, AA.VV., Madrid, 1929.

« De Philippe II à Ferdinand VII, les frères hospitaliers étaient responsables de la santé aux armées, surtout pendant les expéditions aux Indes et pendant les guerres et les épidémies.

          Outre la centaine d’hôpitaux-doctrine qu’ils possédaient en Amérique et où ils soignaient les Espagnols, les soldats, les indigènes ils géraient une école de la foi pour les Indiens bien fréquentée, et ils avaient également des pharmacies et des dispensaires pour secourir tous ceux qui en avaient besoin. Dans ces hôpitaux-doctrine, les Indiens ne retrouvaient pas seulement la santé du corps mais aussi celle de l’âme. De cette manière les disciples de saint Jean de Dieu sont restés fidèles à la devise de leur fondateur par le corps à l’âme, devise qui reste valable pour tout bon hospitalier. »

 


 

4.

PRINCIPES SUR LESQUELS SE BASE NOTRE HOSPITALITE

 

 

En acceptant l'invitation de L'Eglise de devenir chaque jour davantage conscient de la mission évangélisatrice de tout groupe  et de toute œuvre ecclésiale, l'Ordre, avec la Nouvelle Hospitalité, veut développer clairement son identité en s'inspirant de la "culture de l'Ordre". Celle-ci nous engage tous, frères et collaborateurs, à agir en fonction des principes de notre hospitalité. Dans le présent chapitre nous développons chacun de ceux-ci.

 

 

4.1. Dignité de la personne

 

4.1.1. Le respect de la dignité de la personne comme une caractéristique essentielle d’une attitude authentiquement chrétienne. La création de l’homme et de la femme, à image et ressemblance de Dieu,  (Gen 1,27) leur confère une dignité indiscutable. Parmi tous les êtres vivants, l’être humain est le seul à ressembler à Dieu, à être convié à communiquer avec Dieu, capable de l’écouter et de lui répondre. La dignité de chaque personne devant Dieu constitue les fondements de sa dignité face aux autres humains et à lui-même. C’est la raison ultime de l’égalité fondamentale et de la fraternité entre les hommes, quelles que soient leur race, leur nationalité, leur sexe, leurs origines, leur culture ou leur classe sociale. C’est la raison pour laquelle personne n’a le droit d’utiliser un autre être humain comme un objet. Au contraire chacun a le droit d’être traité avec respect comme un être autonome et responsable.

 

Le respect et l’amour de soi découlent de cette dignité que Dieu reconnaît à l’être  humain. Par conséquent nous devons nous valoriser et avoir soin de notre santé. De même, nous devons aimer notre prochain comme nous-mêmes et respecter le caractère sacré de la vie de chaque personne, reflet de la gloire de Dieu (Gen 9,6).

 

4.1.2. Ce respect doit être universel.  Le respect de la dignité de la personne, créée à l'image de Dieu, exige de considérer son prochain, sans aucune exception, comme soi-même, en ayant soin de veiller sur sa santé et de lui procurer les moyens de mener une existence digne de ce nom.(1) Il faut affirmer que la dignité de la personne demeure immuable quelles que soient les anomalies dont elle peut être affectée, les limites dont elle peut souffrir ou la marginalisation qu’elle peut subir.

 

Le respect de la dignité de la personne créée à l’image de Dieu est présent dans la philosophie des droits de l’homme et dans la conscience croissante de leur importance au niveau international.

 

Le caractère universel du respect de la dignité de l’homme s’explicite dans l’affirmation de Kant sur le caractère précieux de la personne, pour ce qu’elle est en soi,  dotée d’une dignité propre, non monnayable quel qu’en soit le prix . Le corollaire éthique est que tous les hommes sont égaux en tant que tels, et, méritent la même considération et le même respect. La dignité est inhérente à l’être humain en tant que sujet de droits et de devoirs. (2)

 

 

4.1.3. Attitude intérieure nécessaire  pour mieux accueillir  les malades et les nécessiteux.  La valeur et la dignité de la personne  posent souvent question dans les situations de souffrance, de maladie, d’handicap ou de mort et risquent parfois d’être reléguées aux oubliettes. L’Ordre hospitalier en prenant soin des malades et des nécessiteux, annonce à tous les hommes le merveilleux héritage de foi et d’espérance transmis par l’Evangile.

 

L’attitude de Jésus en faveur des plus faibles et des marginaux est  pour l’Ordre et en suivant l’exemple de saint Jean de Dieu, un appel à s’engager dans la défense et la promotion  de la dignité et des droits fondamentaux de la personne.

 

Parmi les différentes réalisations de l’Ordre, certaines s’inscrivent plus particulièrement dans la perspective de la Nouvelle Hospitalité et manifestent des signes évangéliques significatifs :

 

·      les accueils de nuit : comme expression de la gratuité, souvent ignorée dans notre société qui  promeut l’efficacité et la productivité;

·      .les malades en phase terminale : pour témoigner la valeur de la vie au moment de mourir;

·      les malades du SIDA : pour s’opposer aux peurs et aux préjugés irrationnels;

·       les toxicomanes : pour aimer l’homme qui est incapable de s’aimer;

·       les immigrés : pour accueillir Jésus, l’étranger comme authentique expression d’hospitalité;

·      les personnes âgées : pour affirmer la valeur de la vie dans sa globalité ;

·      les invalides et les malades chroniques : comme expression de la valeur et de la dignité de l’être humain.

 

Chaque lieu de souffrance, de pauvreté et de maladie est un lieu privilégié où nous, religieux de saint Jean de Dieu,  exerçons et vivons l’Evangile de la miséricorde.(3)

 

 

4.2.            Respect de la vie humaine

 

4.2.1 La vie comme bien fondamental de la personne est la condition préliminaire pour jouir des autres biens. La vie est le bien fondamental par excellence et ne peut être subordonné à aucun autre bien et, par conséquent, tous les êtres humains doivent pouvoir  y avoir également droit.

 

Le devoir de se réaliser, propre  à chacun  – nous  acceptons que la vie est un don, mais également un engagement à mener à bon terme -  présuppose le devoir de conserver ce bien fondamental comme condition “ sine qua non ” pour pouvoir réaliser la mission reçue avec sa vie. Quelle que soit la manière de le formuler, le principe éthique demeure : atteindre l’objectif pour lequel nous avons été créés, tendre à la perfection ou à l’épanouissement dans la société.

 

La vie, qui pour le  croyant est un don de Dieu, doit  être respectée du début jusqu’à sa fin naturelle. Ce droit à la vie est inviolable et constitue le fondement le plus fort du droit à la santé et des autres droits de la personne et donc rien ne justifie le recours à l’avortement ou à l’euthanasie active.

 

4.2.2. Protection spéciale des  malades porteurs de handicaps physiques, mentaux et psychologiques. Nous devons voir dans tout handicapé mental ou physique un membre de la communauté humaine, un être qui souffre et qui, plus que tout autre, a besoin de notre appui et de nos marques de respect  pour l’aider à croire dans sa valeur comme personne. Ceci est particulièrement important à notre époque, car notre société se montre chaque jour plus intolérante envers les porteurs de handicap, les invalides et les infirmes. (4)

 

L’Ordre hospitalier doit se distinguer pour sa disponibilité et sa volonté d’appliquer, dans la mesure du possible, les principes d’intégration, de normalisation et de personnalisation. Le principe d’intégration s’oppose à la tendance d'isoler, de ségréguer ou de négliger les handicapés. Le principe de normalisation comporte une volonté de réhabilitation des invalides et des infirmes en créant des milieux de vie les plus normaux possible. Le principe de personnalisation met en évidence le respect de la dignité, du bien-être  et de  l’épanouissement  de la personne tout  en promouvant ses facultés physiques, psychiques, spirituelles et morales.

 

4.2.3. Promouvoir la vie en  collaborant à la mise en œuvre de conditions pour surmonter la misère, la faim et la maladie. Dans ses efforts pour une  nouvelle évangélisation, l’Ordre  devra manifester visiblement l’évangile de la vie en soutenant  tous les efforts qui sont faits pour éliminer les structures injustes et inhumaines et en créant des possibilités de vie digne là où sévit la pauvreté, la maladie, la marginalisation et l’abandon.

 

Comme disciples du Christ, et éclairés par le charisme de saint Jean de Dieu,  nous devons soutenir et promouvoir la vie  par l'exercice de la charité . Celui-ci s'exprime par le témoignage, personnel et institutionnel, dans les diverses formes de bénévolat et d’animation sociale et dans un engagement politique.

 

Ce service demande de protéger la vie pendant toute sa durée: depuis la naissance jusqu’à l’accompagnement fraternel de tous ceux qui souffrent à cause de la maladie, de la marginalisation ou du besoin en respectant, défendant et promouvant  leur dignité de personne. Le malade en phase terminale mérite particulièrement notre attention.

 

Cette promotion de la vie se fait dans le domaine de la prévention, le traitement des handicapés et la réhabilitation des invalides. Tout ce qui se fait pour créer des conditions aptes à permettre la participation de ceux-ci à la vie et au développement de la société qui est la leur, ne suffit jamais; il faut créer un milieu social qui les accepte comme des membres à part entière mais avec des besoins spéciaux qui doivent être reconnus et satisfaits.

 

4.2.4.Obligations et limites  pour conserver sa vie. La vie est le bien fondamental et la condition nécessaire pour bénéficier de tous les autres biens, mais ce n’est pas un  bien absolu. On peut la sacrifier pour sauver d’autres êtres humains ou pour servir de nobles idéaux qui donnent tout son sens à la vie elle-même. La vie, la santé et toutes les activités temporelles sont subordonnées à des fins spirituelles.

 

Nous nions  la domination absolue et radicale de l’homme sur la vie et  nous ne pouvons donc pas accomplir des gestes comme celui de détruire la vie, qui présuppose une domination totale et indépendante sur celle-ci.  Nous pouvons affirmer qu’il faut sauvegarder  sa  vie  à bon escient, mais non pas  la conserver à n’importe quel prix. La vie est sacrée certes, mais la qualité de cette vie est tout aussi importante, c’est-à-dire qu’il faut pouvoir la vivre  de manière humaine et lui donner un sens.  L’obligation de conserver la vie dans des situations particulièrement pénibles n’existe pas.

 

Tous les traitements qui prolongent la vie biologique ne sont pas bénéfiques pour le patient en tant que personne. Les individus n’ont pas le devoir d’accepter des moyens disproportionnés  pour  conserver leur vie. Pour juger si les moyens utilisés pour conserver la vie au malade sont appropriés il faut tenir compte des conditions physiques et psychiques du malade et  comparer le type de thérapie au degré de difficultés et de risques  qu’elle comporte, aux espoirs raisonnables de réussite qu’elle offre et au niveau de qualité de vie qui en découle (vu dans la perspective du malade), à  la durée de survie escomptée, aux  désagréments qu’un tel traitement et son coût supposent pour le malade et ses  proches.

 

4.2.5.   Le devoir de ne pas attenter à la vie d’autrui. La vie humaine est sacrée car dès son origine elle est le fruit de l’action créatrice de Dieu et demeure toujours en relation avec son Créateur, son unique fin. Seul Dieu est le Seigneur de la vie, depuis son origine jusqu’à sa fin. Personne, dans aucune circonstance ne peut s’attribuer le droit de tuer directement un être humain .(5)  En vertu du charisme hospitalier qui accueille indistinctement toute personne, l'Ordre se prononce contre la peine de mort quelles que soient les circonstances.

 

L’euthanasie, dans le vrai sens du terme est une action ou une omission qui par sa nature provoque intentionnellement la mort dans le but d’éliminer toute souffrance, et elle est donc une violation grave de la loi de Dieu. “La tentation de l’euthanasie apparaît comme un des symptômes les plus inquiétants de cette ‘culture de mort’ qui progresse partout dans la société du bien-être ” . (6)

 

4.2.6.  Nos devoirs face aux ressources de la biosphère. La protection de l’intégrité de la création est soutenue par l’intérêt croissant  que provoque la défense de l’environnement. L’équilibre écologique et un emploi durable et juste des ressources mondiales sont des éléments importants de justice  pour toutes les communautés de notre "village planétaire" et constituent une question de justice pour les futures générations qui hériteront de ce que nous leur léguerons. L’exploitation à outrance des ressources naturelles et de l’environnement détériore la qualité de la vie, détruit les cultures et réduit les pauvres à la misère.(7)  Nous devons promouvoir des  stratégies pour assumer nos responsabilités par rapport au milieu  dans lequel nous vivons et dont nous ne sommes que les intendants.

 

Nos structures étant des lieux où l’on consomme quantité de matériaux divers, nous pouvons manifester concrètement que nous nous soucions de l’environnement en créant des comités à cette fin, en privilégiant l’utilisation de matériaux biodégradables et recyclables et en organisant des ateliers pour sensibiliser les frères et les collaborateurs sur ces questions.(8)

 

 

4.3.            Promotion de la santé et lutte contre la douleur et la souffrance

 

4.3.1.Le devoir de promouvoir la santé de la population. Parmi les différents moyens de promotion, il faut mettre l’accent sur l’information et les programmes d’éducation qui promeuvent un style de vie sain et diminuent les dangers pour la santé y compris l’usage du tabac, de l’alcool et autres drogues; l’activité sexuelle qui augmente le danger de contracter le SIDA et d'autres maladies sexuellement transmissibles; la mauvaise alimentation; l'inactivité physique et l’immunisation insuffisante  des enfants.

 

Dans beaucoup de pays, l’éducation sanitaire constitue un des moyens pour diminuer la morbidité et la mortalité infantiles grâce à l’allaitement au sein et à l’information fournie aux parents sur une alimentation appropriée et sur les dangers de  l’eau contaminée.(9)

 

4.3.2. Le devoir éthique de défendre le bien du malade. Nous tous qui travaillons dans le monde de la santé, nous avons le devoir éthique de faire tout ce qui est possible pour le bien du malade en tout moment. Nous devons en outre assumer cette responsabilité en luttant pour promouvoir et assurer la santé de la population.(10)

 

4.3.3. Se mettre du côté des pauvres et des blessés de la vie comme un impératif évangélique de justice. Dans un monde de souffrance et de pauvreté (qui touche la majorité de la population du monde) la mission de rendre saint Jean de Dieu présent est particulièrement  importante,  car la pauvreté opprimante –  à cause des structures sociales injustes qui excluent les pauvres – engendre une violence systématique contre la dignité des hommes, des femmes, des enfants et de ceux qui ne sont pas encore nés, qui est intolérable dans le Royaume voulu par Dieu. 

 

"Notre Ordre existe pour évangéliser les pauvres et pour les assister dans leurs souffrances selon le style de saint Jean de Dieu. (...)Nous avons été témoins de quelques efforts faits pour adapter notre vie et nos structures au service des marginaux: hôpitaux de jour, asiles de nuit, assistance pour les malades du SIDA et les malades en phase terminale, développement de zones marginales en partant de centres bases déjà existants... Ces efforts requièrent toutefois une action plus cohérente, c'est-à-dire que l'Ordre doit s'engager de manière plus marquée dans l'optique du pauvre en s'identifiant clairement avec cette option  dans son style de vie,  afin qu'à travers sa façon de vivre, son service, sa mission d'annonce et de dénonciation, il exerce dans ce sens une influence toujours plus grande sur l'Eglise et sur les structures de la société." (11)

 

4.3.4.Traitement correct du malade face à l’acharnement thérapeutique. Tout en promouvant la santé, nos hôpitaux ne peuvent considérer la mort comme un phénomène  étranger à  éliminer, mais comme une partie intégrante de la vie  particulièrement important pour la réalisation plénière et transcendantale du malade. Par conséquent chaque malade doit être soutenu dans son désir d’assumer et de vivre, conformément à sa religion, ce passage de la  vie qu’est la mort. Si on lui cache la vérité et si, sans raisons  pressantes, on l’isole  de ses proches,  de ses amis ou de sa communauté religieuse ou idéologique on  ne lui facilite pas ce passage(12).  L’humanisation de la médecine se réalisera quand ce droit crucial du malade sera respecté à ce moment décisif de son existence.

 

4.3.5.Soins palliatifs  Les centres de l’Ordre qui soignent des malades en phase terminale doivent pouvoir disposer, dans la mesure du possible, d’unités de soins palliatifs destinées à soulager leurs souffrances pendant cette phase finale de la maladie et  assurer en même temps aux malades un accompagnement humain approprié.(13)

 

 

4.4. L’efficacité et la bonne gestion

 

4.4.1. Le devoir de conscientiser la population à ne pas considérer le budget santé comme un gaspillage économique.  Dans tous les pays, le budget de l'état est incapable de répondre aux demandes des services sanitaires. C’est donc un devoir  de collaborer pour que la société comprenne que les coûts de l’assistance médicale ne constituent pas un simple gaspillage. Ceux-ci représentent  un investissement en ressources humaines pour réduire la souffrance des habitants et  leur offrir la possibilité  de se consacrer à un travail productif, ou de vivre chez eux, ou de bénéficier d’une assistance sanitaire à un coût inférieur. Par conséquent les dépenses  des services médicaux ont un  impact sur la diminution des autres coûts sociaux.

 

4.4.2. Administration et gestion efficace des ressources. Les personnels de la santé doivent assumer la responsabilité de gérer avec efficacité les dépenses. Ce qui précède exige l’emploi de méthodes efficaces pour l’établissement de diagnostics et de thérapies  qui tiennent compte des indices de qualité et de paramètres applicables et réalistes.

 

4.4.3.            L’institution hospitalière en tant qu’entreprise doit viser à ce que toute la personne recouvre la santé.  Le personnel hospitalier et l’entreprise hospitalière doivent  veiller à ce que toute la personne guérisse, dans sa  dimension psychosomatique, sociale et spirituelle et réaliser ainsi l’humanisation de l’assistance sanitaire. Créer un climat humain et humanisant contribue à la productivité et à l’efficacité du travail lui-même. (14)

 

4.4.4. Investir pour créer un climat humain et humanisant, propice à la rentabilité des ressources. Comme pour toutes les autres entreprises, la création d’un climat humain et humanisant contribue à rentabiliser les ressources et à améliorier les conditions de travail des membres du personnel. En s’humanisant,  ils peuvent à leur tour créer des conditions plus humanisantes pour les malades. (15)

 

Il faut mettre particulièrement l’accent sur le recyclage des connaissances et des compétences par une formation appropriée, adaptée aux circonstances de temps et de lieu.

 

 

4.4.5. Droits et devoirs des travailleurs.  Le droit au travail est pris en considération dans les contrats, conformément aux lois en vigueur. Il revient à l'expert en la matière de trouver les solutions techniques et légales capables de concilier ce droit à l'objection de conscience; en outre, l’expert veillera à en tenir compte lors de  la formulation du contrat de travail, dans ses révisions successives et lors de l’entrée en vigueur des nouvelles conventions collectives. L’attention aux droits des travailleurs, qui doit exister dans tous nos hôpitaux et centres socio-sanitaires, dans le respect rigoureux de la justice sociale, ne doit cependant pas se faire au prix de leur existence même et en opposition avec cette même justice sociale.

 

 

4.5.       Nouvelle hospitalité et nouvelles exigences:

          le Tiers Monde  et le Quart Monde.

 

Le fossé qui sépare les pays de l’hémisphère nord industrialisé, de ceux de l’hémisphère sud en voie de développement, ne cesse de croître. A l’abondance de services et de biens disponibles dans certaines parties du monde, surtout dans le Nord industrialisé, correspond une régression inadmissible dans le Sud et c’est dans cette région géopolitique que vit la majorité de l’humanité. Quand on considère l’éventail des différents secteurs : production et distribution des biens alimentaires, hygiène, santé, habitat, disponibilité d’eau potable, conditions de travail, surtout pour les femmes, durée moyenne de la vie et autres indicateurs économiques et sociaux, le cadre général apparaît dans toute sa désolation tant au niveau des statistiques en général qu’en  les comparant aux données correspondantes des pays les plus industrialisés du monde. (16)

 

Les forces économiques et sociales des pays  industrialisés excluent des millions de personnes, communément appelées le quart monde,  des avantages sociaux . Un tableau désolant apparaît : dénuement extrême d’hommes, de femmes et d’enfants qui, “en plus de devoir  vivre dans des conditions terribles de malaise physique et psychologique ont perdu la légitimation d’être des sujets de droit parce qu’ils n’ont pas la garantie d’une protection juridique et sociale”. Comme exemples concrets citons les chômeurs, les jeunes sans espoir de travail, les enfants des rues abandonnés et exploités, les personnes âgées seules et sans sécurité sociale, les anciens détenus, les victimes de la drogue, les malades du SIDA, les immigrés en général et les clandestins  en particulier… tous ceux qui sont condamnés à une vie de dure pauvreté, de marginalisation sociale et de précarité culturelle.(17)

 

4.5.1 Solidarité et  coopération.  L’évangile de Jésus Christ est un message de liberté et une force de libération. Cette libération est, avant tout et principalement,  la libération de l’esclavage radical du péché. Ceci exige une libération des nombreuses entraves d’ordre culturel, économique, social et politique, conséquences du péché se transformant en obstacles pour empêcher les hommes de vivre avec dignité.(18)

 

« La solidarité est une vertu éminemment chrétienne. Elle pratique le partage des biens spirituels plus encore que  matériels ». Le principe de solidarité est une exigence directe de la fraternité humaine et chrétienne. La solidarité se manifeste d’abord dans la distribution des biens et dans la rémunération du travail. Les problèmes socio-économiques peuvent être résolus seulement et à condition que toutes les forces en présence collaborent : solidarité des riches avec les pauvres mais également solidarité des pauvres entre eux; solidarité des employeurs avec leurs salariés mais également solidarité des salariés entre eux; solidarité entre les nations et les peuples. La solidarité internationale est une exigence d’ordre moral. Dans une bonne mesure, la paix  du monde en dépend. (19)

 

4.5.2. Droits et devoirs de ceux qui travaillent dans les centres de saint Jean de Dieu. Le document  du LXIIIème Chapitre Général met  clairement en évidence  les principaux éléments que l’on exige des religieux et des collaborateurs de saint Jean de Dieu.(20) Nous en citons les aspects suivants :

 

. S’humaniser pour humaniser et être des témoins de sainteté selon l’enseignement radical des béatitudes et l’exemple de saint Jean de Dieu, pauvre parmi les pauvres, serviteur et prophète.

 

. La promotion des personnes dans tous les domaines : soins du malade, accueil affectueux des malades chroniques, attention spéciale aux plus faibles et aux plus pauvres, accompagnement des mourants, transformation des gestes de soins en gestes d’évangélisation.

 

. Présenter la culture de l’hospitalité comme une alternative à la culture de l’hostilité qui non seulement domine toujours davantage les relations entre les peuples, les nations et les ethnies, mais également les relations interpersonnelles. Faire preuve d’une nouvelle capacité d’accueil, en créant des communautés de foi ouvertes qui interpellent  ceux avec qui nous entrons en contact: les malades, leurs proches, les collaborateurs, les amis. Chaque centre doit devenir une petite église domestique capable de créer la communion chrétienne où les joies et les souffrances de l’un deviennent celles de l’autre. Aujourd’hui, plus que jamais, le frère de saint Jean de Dieu est appelé à être le témoin du “Dieu qui aime la vie” (Sag 11, 26) qui se mêle aux siens et qui, par sa présence, rend la terre hospitalière et l’homme vraiment homme.

 

L’Ordre doit par conséquent :

 

. Valoriser et promouvoir les qualités des personnes qui collaborent avec lui, les faire participer à l’évangélisation de ceux qui sont présents dans le centre et les inviter à l’occasion de certains événements particuliers de la vie de la communauté.

 

. Préparer des professionnels qui s’identifient avec la philosophie et les valeurs de l’Ordre pour qu’ils puissent assumer des  postes de  responsabilité et  d’animation.

 

. Promouvoir et respecter les principes de la justice sociale

 

Pour leur part, les collaborateurs doivent :

 

. Remplir leurs devoirs professionnels en respectant les principes de l’hospitalité qui se traduisent principalement dans une humanisation de l’assistance.

 

. Manifester leur volonté de respecter et de vivre l’esprit évangélique.

 

 

4.5.3.Le bénévolat : gratuité et identification

 

“  Est bénévole celui qui, outre ses devoirs professionnels  et familiaux, consacre de manière continue et désintéressée, une partie de son temps à des activités non en faveur de lui même  ou de ses associés  (ce qui constitue la différence avec l’associationnisme), mais en faveur des autres ou des intérêts sociaux collectifs, conformément à un projet qui ne s’épuise pas  au moment  de l’intervention même, (ce qui le différencie de la bienfaisance) mais qui tend à éliminer ou modifier les causes du besoin  et de la marginalisation sociale ” (21)

 

Notre philosophie, tout en étant  identique à celle des autres mouvements de bénévolat,  acquiert chez nous une nuance particulière car il s’agit  d’un bénévolat qui s’exerce dans le cadre d’un hôpital ou d’un centre de l’Ordre.  Nos bénévoles doivent respecter les critère suivants :

 

.  volonté d’adhérer : les bénévoles appartiennent librement à la même organisation parce qu’ils l’ont demandé ;

 

.  gratuité : leur dévouement est le fruit d’un exigence intérieure, d’un engagement personnel, il n’existe aucune contrainte extérieure ;

 

. solidarité :  désir de répondre aux besoins d’autrui, de manifester sa compassion ;

 

.  complémentarité : les bénévoles sont présents là où les services sociaux sont absents et promeuvent de cette façon la justice sociale ;

 

.épanouissement personnel: on se propose toujours de donner, mais en fait on constate que bien souvent on reçoit davantage que ce qu’on donne.

 

.préparation : on exige une formation appropriée qui donne les connaissances historiques, la dimension apostolique, les valeurs de l’Institut et la capacité de savoir faire face en toute circonstance ;

 

.esprit de corps : on travaille en étant encadré, en formant un groupe sans aucune forme d’individualisme;

 

.l’ évangile : étant donné que notre bénévolat est non-confessionnel, il se base sur l’évangile en suivant le modèle vécu par saint Jean de Dieu, sa manière de se dévouer au service des pauvres, des malades et des nécessiteux. Les lieux où ce bénévolat s’exerce sont confessionnels : gratuité dans le service et identification avec le charisme de l’Ordre résument les fondements de notre bénévolat.(22)

 

 

4.6.            Evangélisation, inculturation et mission

 

4.6.1. Vision globale.  Evangéliser constitue la vocation propre de l’Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe pour l’évangélisation, c’est-à-dire pour témoigner, enseigner et prêcher la bonne nouvelle de Jésus Christ.  Jésus annonce avant tout le salut, ce grand don de Dieu qui est libération de tout ce qui opprime l’homme,mais qui est surtout libération du péché.(23)

 

L'évangélisation se base sur le commandement missionnaire de Jésus lui-même:

« Allez donc, et faites des disciples de toutes les nations…Et voici que je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde. »(Mt 28,18-10; cf. Mc 16,15-18; Lc 24,46-49; Jn 20, 21-23).

 

Pour réaliser ce commandement, l’évangile doit s’incarner, se traduire (sans trahir) dans les différentes cultures. L’évangélisation n’est pas possible sans inculturation.

 

La rupture entre l’évangile et la culture est, sans aucun doute, le drame de notre époque comme cela fut la cas en d’autres moments de  l’histoire. (25) D’autre part la sécularisation comporte, comme nous l’avons signalé plus haut, l’établissement  d’une culture de l’indifférence  où l’on convertit  en présupposé culturel la notion  que le monde termine dans l’immanent et où les questions  de transcendance se révèlent culturellement et socialement  négligeables. Dans cette situation, ceux qui souhaitent être chrétiens sans renoncer  à leur époque, sans vouloir s’exiler de la culture dans laquelle ils vivent, doivent  faire l’effort d’inculturer le christianisme dans les cultures qui sont nées de la modernité.

 

Grâce à  l’inculturation  nous pouvons transmettre la bonne nouvelle  à partir de chaque culture   qui apporte ainsi sa propre richesse à l’incarnation historique de l’évangile. Ceci signifie que l’évangile en s’incarnant concrètement subit de fortes transformations par rapport aux formes précédentes d’inculturation. Ainsi comprise, l’inculturation permet « d’atteindre et de bouleverser par la force de l’évangile, les critères de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l’humanité qui sont en contraste avec la parole de Dieu et le dessein du salut ” (26)

 

Dans une démarche  correcte,  l’inculturation s’articule en fonction de deux principes : la compatibilité des différentes cultures avec l’évangile et l’hypothèse de départ de la communion avec l’Eglise Universelle. (27)

.

4.6.2.            Evangélisation, inculturation et mission de l’Ordre.  A une époque où l’homme contemporain croit davantage  aux gestes qu’aux paroles, il  se fie davantage à l’expérience qu’à la doctrine, à la vie et aux faits qu’aux théories.(28)  L’Ordre se trouve dans une situation privilégiée pour évangéliser et inculturer la foi  car il est présent dans de nombreuses cultures, dans 46 pays et sur 5 continents. La culture de la technique,  probablement la plus hostile aux valeurs chrétiennes est cependant sensible au témoignage d’un engagement  concret pour le bien d’autrui.

 

Le charisme de l’Ordre nous permet un tel engagement, car la promotion de l’homme dans tous les domaines est notre mission : le soin de l’homme malade, l’accueil affectueux des malades chroniques, l’attention spéciale aux plus faibles et aux plus pauvres ou l’accompagnement des mourants.

 

Ce n’est que si nous restons fidèles à notre charisme que nous parviendrons à évangéliser et inculturer le monde de la technique    la culture de l’hostilité  devra affronter celle de la nouvelle hospitalité.

 

La question à laquelle nous devons répondre à l’avenir est comment transformer les gestes de soins en authentiques gestes d’évangélisation, comment transformer les lieux où nous travaillons en lieux significatifs d’évangélisation. Humaniser et évangéliser sont les deux côtés d’une même médaille pour nous car “là où il n’y a pas la charité, Dieu est absent, même si Dieu est partout présent ”(29).

 

 

Questions pour la réflexion sur la charte et pour

la préparation au prochain chapitre général

 

1)      Décrivez les signes qui indiquent la manière dont se vivent les principes de l’hospitalité dans les centres et les communautés de l’Ordre dans les domaines suivants :

-         Dignité de l’homme

-         Respect de la vie humaine

-         Promotion de la santé et lutte contre la douleur et la souffrance

-         Efficacité et bonne gestion

-         Nouvelle hospitalité

-         Evangélisation, inculturation et mission.

2)      Décrivez ce qui empêche ou freine cette expérience :

 

n      Dignité de l’homme

n      Respect de la vie humaine

n      Promotion de la santé et lutte contre la douleur et la souffrance

n      Efficacité et bonne gestion

n      Nouvelle hospitalité

n      Evangélisation, inculturation et mission.

 

3)      Comment formez-vous les frères et les collaborateurs sur le respect de ces principes ? Comment en assurez-vous la diffusion auprès des personnes que nous servons ?

4)      Que faudrait-il faire pour assurer une meilleure formation sur ces principes et comment mieux les faire connaître ?

 

 

 

Notes au quatrième chapitre

 

(1)          Cf. CONCILE VATICAN II, Consititution Pastorale Gaudium et Spes (GS), n.27.

(2)     Le concept de dignité humaine et celui des droits de l’homme sont étroitement liés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948) ; dans la Convention Internationale sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels (1966) ; dans la Convention Internationale sur les Droits Civils et Politiques (1966) ; dans le récent Accord sur les Droits de l’Homme en Biomédecine (1997) . Même si toutes ces déclarations ne précisent pas clairement en quoi consiste cette dignité ni sur quoi elle se base, toutes reconnaissent que celle-ci fait partie de ce qu’est l’être humain et que tous les membres de la famille humaine ont les mêmes droits inaliénables, fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.

(3)     Cf. LXIIème Chapitre Général. La Nouvelle Evangélisation et la Nouvelle Hospitalité au Seuil du Troisième Millénaire, Bogota, 1994, # 5.6.1.

(4)     L’OMS indique comme déficit la perte ou l’anomalie d’une structure anatomique ou d’une fonction physique ou psychique. Un handicap est la diminution ou l’incapacité de réaliser une activité de la manière et avec les résultats jugés normaux. Une invalidité est un infirmité produite à la suite d’un handicap ou d’un accident qui restreint le champ des activités jugées normales pour une personne en tenant compte de son âge, de son sexe et des différents facteurs sociaux et culturels. (A. Anderson, «Simplemente otro ser humano» Salud Mundial, 34, janvier 1981 :6).

(5)     Jean-Paul II, Evangelium Vitae (EV), 5

(6)     Cf. Ibid. EV, 64-65.

(7)     Cf. Paul VI, Octogesima Adveniens,21; Jean-Paul II, EV 27,42.

(8)          La Nouvelle Evangélisation et l’Hospitalité…Op. Cit., 5.6.3, Situations concrètes.

(9)          Document de l’Association Médicale Mondiale « Projet de déclaration sur la promotion de la santé », 10.75 /94, août 1994.

(10)      Ibidem

(11)   La Nouvelle Evangélisation et l’Hospitalité…, Op. cit., 3.6.3

(12)   Cf. EV, 15

(13)   Cf. Ibid. EV 44

(14)   Cf. Jean-Paul II, Centesimus Annus 40 ; 20 ;32.

(15)   Cf. MARCHESI, Pierluigi L’Humanisation, 1981.

(16)   Cf. Jean-Paul II, Sollicitudo Rei Socialis, 14.

(17)   Lettre pastorale du Cardinal Carlo Maria Martino, 1992-1993.

(18)   Cf. INSTRUCTION DE LA CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Liberté chrétienne et libération, Rome, 1986

(19)   C.C. 1939-1942

(20)   La Nouvelle Evangélisation et l’Hospitalité…, Op. cit. 4.4.

(21)          CARITAS. Cf. M.del Carmen Furès : El voluntariado en nuestra sociedad, dans Labor Hospitalaria, 1985 ; 1984 :206.

(22)   PILES F., Pascual Origen y Trayectoria del Voluntariado en la Orden Hospitalaria de San Juan de Dios, Congreso Nacional de Voluntarios de San Juan de Dios, 18-20 octobre 1995.

(23)   Cf. Paul VI Evangelii Nuntiandi (EN) 9,14.

(24)   Par culture il faut entendre ici la manière dont un groupe de personnes vit, pense, s’organise, célèbre et partage la vie. Chaque culture est étayée par un système de valeurs, des contenus et une vision du monde qui s’expriment par le langage, les gestes, les symboles, les rites et les styles de vie.

(25)   Ibid.,20 ; Gaudium et Spes, 43.

(26)   EN, 19

(27)   Cf. Jean-Paul II, Redemptoris Missio, 54.

(28)          Ibidem.,42.

(29)   Saint Jean de Dieu, Lettre à Louis-Baptiste, 15. Cf. La Nouvelle Evangélisation et l’Hospitalité…, 4,3.


5

 

APPLICATION A DES SITUATIONS CONCRETES

 

 

5.1.          Assistance intégrale et droits du malade.

 

Notre contribution à la société sera crédible dans la mesure où nous saurons appliquer les progrès techniques et scientifiques. Par conséquent, il est  particulièrement important pour nous de moderniser sans cesse notre assistance en fonction de ces progrès.

 

Notre assistance doit tenir compte de tous les aspects de la personne : physique, psychique, social et spirituel.  Ce n'est que lorsque nous respectons cet objectif que nous pouvons parler d'assistance intégrale..

 

C’est probablement le domaine dans lequel la tradition de l’Ordre est la plus forte. La qualité de l’attention aux malades est une caractéristique qui l’a distingué au cours des siècles.

 

Les premières constitutions déjà insistaient sur la manière de traiter les malades et l’Ordre  s'est efforcé d'y être fidèle  tout au long de son histoire.

 

 

5.1.1.   La relation avec le malade, le nécessiteux et leurs proches

 

L’attention aux besoins de la personne, y compris ceux de nature spirituelle, constituent un élément clé de tout service sanitaire et social.

 

L’homme est un être de relations; dans la mesure où nous entrons en contact avec les autres nous nous fortifions en tant que personnes. Quand nous faisons tout pour que ce contact se transforme en rencontre alors nous vivons pleinement notre capacité relationnelle.

 

Par conséquent, il est impératif de savoir écouter, accepter, accueillir, canaliser les aspects positifs et négatifs de chaque personne.

 

La maladie, quelles que soient ses manifestations, exprime les limites et  la faiblesse de l’homme  et c’est dans ce contexte que se situe la demande implicite et explicite d’aide.

 

Quand l'être humain souffre, il cherche quelqu'un à qui pouvoir parler; il a besoin d'un interlocuteur sur lequel décharger le poids qui l’écrase.  C’est pourquoi tous ceux qui appartiennent à l’Ordre hospitalier  - religieux, collaborateurs, bénévoles etc.- doivent acquérir et développer les qualités suivantes :

 

5.1.1.1.Ouverture : aux nouveaux apports de la société, aux nouveaux critères de compétence, aux nouvelles exigences de l’homme, aux autres cultures. La personne et l'institution qui savent accueillir ce que la société et le monde offrent et y discerner les éléments  positifs  pour les assumer, font preuve d’ouverture.

 

 

5.1.1.2.Accueil. Accueillir avec affection et dans un climat d’espérance celui qui arrive pour lui permettre d’avoir confiance à son tour dans ceux qui se chargeront de lui. Le premier contact est très important, il peut ouvrir ou fermer les portes. Pour le malade il est crucial, compte tenu de la situation de besoin dans laquelle il se trouve. Dans une circonstance difficile, se sentir accepté et accueilli est l’élément essentiel pour avoir confiance en ceux qui auront soin de soi. Il faut veiller particulièrement à ce que les pratiques bureaucratiques et administratives ne deviennent pas un obstacle, empêchant l’accueil authentique du malade.

 

5.1.1.3.Capacité d’écoute et de dialogue. Il faut permettre à la personne d’exprimer ce qu’elle ressent, ses exigences, ses craintes, ses peurs. Il faut qu'elle perçoive qu'on l'écoute avec confiance et sérénité, dans ses moments de joie comme dans ses moments de peine. Le malade doit comprendre qu'on écoute, respecte et tient compte de ce qu'il dit . Il est probablement  en train de dire la seule chose dont il est capable en ce moment; y compris même  « se dire ».

 

Il y aura des circonstances où le malade souhaitera ce qui n'est pas bon pour lui. Il faut alors  faire preuve de compréhension et lui expliquer ce que nous avons l’intention de faire même quand cela provoque des divergences de vues.

 

 

5.1.1.4.Aptitude au service.  Notre compétence technique, notre savoir et toute notre personne doivent toujours être au service du bien intégral du malade et de ses proches. Il ne faut pas toujours faire ce que le malade désire ou demande, mais notre attitude lui fera comprendre si nous agissons pour son bien ou si nous choisissons nos aises.

 

5.1.1.5.Simplicité.  L’humilité de qui est conscient d'aider celui qui se trouve en difficulté mais qui veut éviter de créer une situation de dépendance.  Simplicité de celui qui recherche la vérité, le bien de tous, y compris celui de structures aussi complexes que celles de nos hôpitaux.

 

5.1.2.   Droits du malade

 

Les droits du malade s’inscrivent dans le contexte plus vaste des droits fondamentaux de l’homme. Les droits à la santé se situent dans la catégorie des droits de la deuxième génération au même niveau que les droits économiques et sociaux. Pendant les années soixante, la question des droits  du malade a éveillé un très grand intérêt. En tant que personne, le malade est le sujet des mêmes droits universels que tous les autres êtres humains, mais étant donné qu’il se trouve dans une situation particulière il doit être aussi l’objet d’une plus grande attention et une plus grande solidariété. De nombreuses déclarations nationales, régionales ou locales ont été rédigées en ce sens.

 

L’Ordre  accepte ces droits et, dans l’optique d’une assistance intégrale, il valorise en particulier ceux qui suivent :

 

5.1.2.1. Discrétion.  La discrétion recouvre trois valeurs, 

étroitement liées  à l'assistance : l’intimité, le secret  et la confiance. Le respect pour la personne exige le respect de l’intimité (1) du  patient, de cet espace où chacun de nous se révèle à soi-même où il se reconnaît, où il affirme et forme son identité. Le respect de l’espace privé de chacun permet  la vie en société. Le voile du secret protège le respect mutuel et ouvre le chemin à la confiance et consent d’accéder à la vie intime de l’autre.

 

Le respect mutuel et la confiance permettent de révéler à l'autre ses secrets parce qu'on a la certitude que ceux-ci ne seront pas divulgués. L'obligation du secret professionnel consiste à ne pas révéler ce que l’on a appris dans l’exercice de sa profession.

 

L’exemption de cette obligation existe pour empêcher une injustice, par exemple pour éviter une contagion ou un autre mal dont la société ne pourrait se libérer sans connaître ce secret.

 

La spécialisation et la technicisation graduelle de la médecine exigent de plus en plus un travail en équipe. A ce moment existe le secret professionnel  partagé qui exige de tous une attention particulière pour ne pas violer l’intimité du malade.

 

Chaque membre du personnel d’un hôpital ou d’un centre doit être attentif et veiller à respecter ce droit du malade.  Il suffit de penser aux conversations sur les malades dans les lieux publics ou à la facilité avec laquelle des personnes non autorisées peuvent avoir accès aux dossiers des patients. Il faut particulièrement faire attention aux  malades dont les diagnostics et traitements sont  informatisés.

 

Pour faciliter le respect de la vie privée du malade, les centres devront disposer ,dans la mesure du possible, d’une structure fixe ou mobile (comme par exemple des chambres individuelles ou des lieux réservés et séparés par des rideaux ou des paravents) qui permettent, le cas échéant, l’isolement du malade. Il faut tenir compte aussi de l’âge et de la gravité de la situation de ceux qui partagent une même chambre.

 

Le malade pourra exprimer le besoin de rester seul ou avec une personne de son choix pendant la visite du médecin ou les soins médicaux. De même il devra pouvoir parler en privé avec le personnel administratif. En outre, il faut considérer que tout hôpital, surtout s’il s’agit d’un hôpital universitaire, ou siège d’un enseignement médical, est un lieu de formation pour laquelle la collaboration du malade est indispensable.

 

5.1.2.2.Vérité.  Le droit du malade à connaître la vérité va de pair avec le droit au secret.  Ces deux droits sont complémentaires et constituent une base solide pour construire un climat de confiance  entre le médecin et le malade. Toutefois des conflits peuvent surgir sur les modalités à utiliser pour guérir. Les décisions concrètes doivent faire attention au bien intégral du malade sans oublier pour autant  que la santé est un bien social.

 

Le droit de chaque homme à connaître la vérité sur ce qui le concerne et l’obligation de lui fournir les informations nécessaires sont à la base de la  vie commune en société. Le mensonge et le manque de sincérité détruisent la confiance, tellement nécessaire dans les relations interpersonnelles compte tenu de l’ambiguïté (fenêtre-masque) de notre aspect corporel. La confiance est particulièrement importante dans les relations entre le malade et le médecin. C’est la raison pour laquelle cette relation doit  acquérir une véracité qui comporte toujours une certaine responsabilité car elle ne concerne pas  seulement des faits objectifs mais des réalités lourdes  d’éléments subjectifs, surtout quand le pronostic se réfère à l’avenir du malade et à ses capacités fonctionnelles (liberté et autonomie de mouvements) ou à la perte de la vie ou à d’autres vérités tout aussi difficiles à accepter.

 

Il faut considérer comme prioritaire le droit du malade à connaître la vérité sur son état de santé à condition que cela ne soit pas au détriment de sa personne. Parfois il faut se taire par amour, pour éviter de créer un dommage inutile. Toutefois il n’est pas honnête de se taire simplement pour fuir les difficultés. On peut toujours dire la vérité et aider le malade à l'assumer, lorsqu’on sait faire preuve de tact.  Le médecin ne peut pas se contenter de respecter l’obligation générale de dire la vérité sans faire attention au conflit d’intérêts possible chez le malade.

 

Les  principes ne nous permettent pas d’établir des recettes toutes faites ni d’offrir des panacées universelles. Le médecin doit dire la vérité mais sans blesser pour cela inutilement la santé ou les autres valeurs du malade. Son objectif est le bien du malade considéré dans son intégralité.

 

Il existe des facteurs qui conditionnent ce que l'on peut et doit dire : la solidité du malade, sa force d’âme, ses convictions personnelles et son équilibre psychique de même que le type de relation qui s’est établie entre lui et son médecin.  En outre, il faut tenir compte des circonstances économiques, familiales et sociales  auxquelles le malade devra faire face après avoir consulté le médecin. Le diagnostic et le pronostic sont particulièrement importants dans ce contexte.

 

Quand il s’agit de maladies  objectivement et subjectivement inoffensives, tout dire tranquillise le malade. Quand la maladie a des espoirs de guérison, il convient de donner une information appropriée au malade pour obtenir sa collaboration qui est indispensable pour vaincre la maladie.

 

Le droit du malade à connaître la vérité est incontournable, surtout quand il doit prendre des décisions. Il revient au médecin de lui faciliter cette tâche.  Le médecin ne peut se substituer à lui et doit veiller à ne pas projeter ses propres complexes ou inhibitions. Il devra prendre le temps nécessaire et les moyens qui s’imposent pour faire comprendre au malade la vérité et lui permettre ainsi de décider avec sagesse. Parfois le malade a besoin de temps pour pouvoir assumer certains éléments de ce qui lui a été révélé.

 

La connaissance certaine d’une mort inévitable et proche doit être communiquée au malade pour que celui-ci puisse vivre consciemment ce dernier acte de sa vie. Ce devoir présuppose que le sujet soit capable d’assumer et de remplir son rôle de manière appropriée en ce moment décisif. Lui laisser «un morceau de ciel ouvert » comme dit quelqu’un, peut  aider, mais il ne faut pas oublier qu’en abandonnant de fausses illusions on ouvre la porte à un autre type d’espérance qui lui permet d’assumer la vérité avec un plus grand élan et de se réaliser ainsi pleinement en tant qu’homme. Ceci est également vrai pour les personnes qui ne croient pas dans l’au-delà, mais qui ont su donner un sens à leur vie. L’expression ambiguë  “droit du malade à mourir” a un sens réel : personne ne peut être privé du droit de vivre sa mort et de couronner ainsi la réalisation de sa vie.

 

On renoncera à communiquer la vérité quand  l’autre est incapable de la supporter. Le droit à la vérité cesse quand celui-ci débouche sur le désespoir fataliste et sur l’annulation de soi, quand cette communication est perçue comme une condamnation à mort sans aucune raison ni aucun sens.

 

Le titulaire du droit à connaître la vérité est le malade, à condition qu’il soit adulte et en possession de ses moyens. Quand celui-ci n’est pas capable d’assumer ses responsabilités, car il n’en a pas la maturité ou pour une autre raison, l’information doit être transmise à qui doit prendre les décisions à sa place, comme l’héritier ou la personne intéressée au bien du malade. Quand le malade est capable d’entendre la vérité sur son cas, celle-ci ne doit pas être communiquée à ses proches ou à son conjoint, sauf si on est certain que le malade le souhaite ainsi.

 

En respectant le droit à la vérité et le droit  au secret il faut tenir compte du respect dû à la liberté de conscience du malade et du médecin. Nous ne nous occuperons ici que des exigences liées au premier cas.

 

« La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre »(2)  L’athée également se sent interpellé par ce fait, quelle que soit la manière dont il le comprend ou l’explique. Le médecin comme le prêtre peut s’approcher de ce sanctuaire dans l’exercice de ses fonctions et comme lui, il doit veiller à ne pas le violer. Ni l’état et encore moins l’Eglise ne peuvent attenter à la liberté de conscience sous prétexte du bien commun.

 

Le médecin ne peut jamais forcer la conscience du malade. Son devoir est de lui rendre par ses soins la santé, même s’il n’approuve pas la conduite qui est à l’origine de la maladie (maladies vénériennes, infections suite à un avortement mal fait etc.). De même il lui est interdit de profiter de la situation de dépendance du malade pour lui “faire la morale”. Rien ne l’empêche toutefois de favoriser le processus de guérison et d’humanisation en aidant le malade à mettre sa conscience  en paix. Mais ceci doit se faire dans le plus grand respect de la liberté du malade même si on juge qu'il est dans l'erreur. Le médecin  facilitera l’accès de l’aumônier auprès du malade ou de toute autre personne qui, d'après lui,  peut  l’aider à donner un sens à sa maladie et à sa mort, quelle que soit sa religion ou idéologie.

 

5.1.2.3.Autonomie. La valorisation et le respect de l’autonomie, surtout dans un milieu sanitaire, est une conquête de la modernité. Récemment encore, il existait un paternalisme très fort  dans les relations entre médecin et patient; il était habituel pour le médecin de prendre toutes les décisions et pour  le malade de se fier complètement à lui, car il était conscient de ne pas avoir les connaissances ni les compétences suffisantes pour pouvoir intervenir. D’autre part le malade était convaincu que le médecin aurait toujours agi pour son bien.

 

 

Le “malade post-moderne” comme on l’appelle aujourd’hui ne raisonne plus de cette façon. Il est conscient de ses droits, parmi lesquels  le droit à la vie et à la protection de la santé occupent une place prioritaire. Il est conscient en outre d’être le seul titulaire de ces droits dont il ne peut déléguer la défense à d’autres, du moins aussi longtemps qu’il est à même de comprendre et de vouloir.

 

Un tel changement de perspective n’a pas été indolore et  au paternalisme du passé, inacceptable aujourd’hui,  a succédé une contractualisation exaspérée où la relation entre malade et médecin est considérée comme un simple contrat dont chaque partie est tenue à respecter les différentes clauses. Dépasser cette  polarité exige la mise en place d’une authentique alliance thérapeutique où le médecin coopère avec le malade, pour son bien et dans le respect des choix mutuels. Pour créer une telle alliance il faut bien comprendre ce qu’est l’autonomie du malade.

 

D’après une interprétation classique, un choix peut être considéré comme autonome quand il respecte trois conditions. La première est celle de l’intention. Il doit s’agir d’un choix absolument volontaire et non simplement voulu. La deuxième concerne la connaissance  de ce qui se décide. Bien sûr tout ceci remet en cause le problème de la vérité au malade mentionnée dans le paragraphe précédent. Et la troisième concerne l’absence de contrôle extérieur. Ceci signifie qu’il ne doit y avoir aucune forme de coercition (pas même celle que l’autorité du soignant  pourrait exercer sur le malade ou celle de la peur d’un abandon thérapeutique de sa  part), ni manipulation (par exemple altérer ou déformer la vérité même si c’est dans la présomption du bien du malade). Parmi ces critères on inclut aussi souvent l’absence de “ persuasion ”, même si nous croyons qu’une tentative équilibrée et respectueuse de persuasion peut s’avérer nécessaire quand celle-ci vise le bien réel du malade.

 

Dans la pratique,  l’autonomie du malade se manifeste pleinement dans le consentement au moment de l’acte médical, diagnostic ou thérapie, dont nous parlerons plus tard.

 

5.1.2.4.Liberté de conscience. Le droit à la liberté de conscience, clairement formulé dans l’article 18 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme  et inséré dans la majorité des constitutions des états modernes, est une réponse à la dimension éthique de l’être humain et de sa manière de concevoir son existence comme un don et un projet à réaliser. La dimension religieuse n’est pas exclue de ce contexte. Il faut rappeler à ce sujet comment la Déclaration Dignitatis Humanae du Concile Vatican II commence en affirmant que “la personne a droit à la liberté religieuse ”.

 

L’exercice de cette liberté est conditionné au principe général de la responsabilité personnelle et sociale, c’est-à-dire  au fait que chaque homme ou groupe social est obligé de tenir compte des droits des autres et de ses devoirs envers les autres et du bien commun. Ces limites se concrétisent dans un système législatif qui protège concrètement cette liberté religieuse et la défend d’un prosélytisme injuste.

 

 

Chaque être humain  et toute l’Eglise  ont le droit de témoigner de leur foi. Le droit à la liberté religieuse inclut le droit de donner ce témoignage en respectant toujours la justice et la dignité de la conscience des autres. Mais le prosélytisme est la corruption de ce témoignage parce qu’il comporte des abus dans ses  manifestations et constitue une atteinte à la liberté religieuse d’autrui. Les principales attitudes à réprouver, selon le Conseil Œcuménique et le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, sont les suivantes :

 

* exercer une pression physique, morale ou sociale qui débouche sur l’aliénation ou la privation du discernement personnel, de la libre volonté et de la pleine autonomie et responsabilité de la personne;

*  offrir un avantage matériel ou temporel, direct ou indirect,  en échange d'un témoignage de foi;

* profiter d'une situation de besoin ou de faiblesse, ou d'ignorance pour convertir à sa foi;

* éveiller des doutes quant à la bonne foi de l’autre;

* faire des  allusions injustes ou peu charitables contre les croyants des autres communautés chrétiennes ou membres des religions non chrétiennes, dans le but de les convertir; prononcer des jugements offensifs qui blessent les sentiments des autres chrétiens ou membres des autres religions.

 

 

5.1.3.            Programmes d’humanisation et de pastorale.

 

5.1.3.1. Programmes d’humanisation. S’il est vrai qu’un hôpital qui ignore les progrès de la science et de la technique en sera finalement écrasé et ne trouvera plus d’interlocuteurs, il est aussi vrai que science et technique comportent de graves dangers.

 

L’évolution constante, l’apparition de nouveaux équipements et techniques de travail risquent de marginaliser la personne, tant le malade que celui qui le soigne.  Dans beaucoup de traitements, le personnel soignant perd  le rôle de premier plan qui était le sien pour n’occuper qu’une place secondaire et parfois même insignifiante. Pensons par exemple à tous les services où le diagnostic et les techniques sont  informatisés etc. et où dans le temps, le professionnel était indispensable pour un travail de qualité.

 

Toute cette évolution n’est pas neutre ni en marge de la personne. On tend à un certain isolement, à une ségrégation ou à un despotisme technologique qui est particulièrement dangereux quand il s’agit d’un malade, sujet passif de tout ce déploiement professionnel : tout pour le malade mais sans le malade.

 

C’est pour cela qu’il est indispensable de mettre sur pied des programmes d’humanisation dans nos centres.  Nous ne parlons pas simplement ici des services fournis mais également de la planification  d’authentiques programmes d’humanisation.

 

On doit obtenir de tous les professionnels de la santé qu’ils se sentent appelés à avoir soin du malade, de sa personne et de sa famille. C’est en cela que consistera l’humanisation des œuvres de saint Jean de Dieu: assurer que tous les soignants travaillent pour le malade et avec le malade en utilisant les meilleurs moyens techniques disponibles.

 

5.1.3.2.Pastorale socio-sanitaire.  L'homme entre en crise quand il tombe malade ou dans le besoin.

 

Parce que nous sommes convaincus que la foi en Jésus Christ est une source de salut et de vie,  nous croyons que la personne  en crise, parce que malade, peut entrer en contact avec cette dimension de foi si elle existe, et transformer ainsi ce moment de crise en source de salut et de guérison intégrale.

 

Une des grandes valeurs de notre société est son pluralisme. L’époque où les régimes politiques, l’autorité, la foi et la religion étaient imposés appartiennent désormais au passé. La foi est un don et comme tel on peut l’accueillir ou le refuser, l'ignorer ou le cultiver.

 

Dans nos œuvres nous avons voulu une présence pluraliste du personnel de la santé et des patients; il y a donc parmi eux,  ceux qui ont accueilli le don de la foi et l’ont fait grandir et ceux qui l’ont refusé ou ne le possèdent pas.

 

Nous voulons servir et aider tout le monde, sans discrimination.  Nous voulons parcourir avec chacun, un chemin qui lui permet de revoir son histoire personnelle et de valoriser ce moment de crise qu'est la maladie, avec toutes les limites et la dépendance que cela suppose.

 

Il faudra procéder avec tact et respect et suivre le rythme indiqué par le malade lui-même.

 

Avec ceux qui ont explicitement le don de la foi nous pourrons la célébrer ouvertement,  mais toujours en fonction de leur degré de croissance et de maturité.

 

Nos centres sont des œuvres de l’Eglise et par conséquent leur mission est d’évangéliser à partir des soins que nous donnons, en suivant l’exemple de saint Jean de Dieu  qui considérait les malades et les nécessiteux dans leur intégralité. Parler d’attention intégrale implique  avoir soin de la dimension spirituelle de la personne comme d’une réalité essentielle, organiquement liée aux autres dimensions de l’être humain : biologique, psychologique et sociale.

 

La dimension spirituelle va bien au-delà de la  dimension religieuse tout en englobant cette dernière. Beaucoup de personnes trouvent en Dieu les réponses aux questions fondamentales de la vie,  tandis que pour d’autres la donnée de la foi en Dieu n’est pas importante pour leur vie et ils cherchent ces réponses ailleurs. D’autre part, Dieu n’a pas pour tous le même sens, ni n'est le même pour tous. L’expérience que l’on fait de Dieu n’est pas identique pour tout le monde.

 

Nous devons, dans le respect et la liberté, nous occuper des besoins spirituels des malades et des marginaux en essayant de leur donner ce dont ils ont besoin dans la mesure de nos possibilités.

 

Il est évident que la maladie, la pauvreté ou la marginalisation sont des circonstances où l’on se pose  beaucoup de questions sur le sens de la vie et la présence salvifique de Dieu.  C’est pour cela que nous devons accompagner et répondre aux différentes situations de manière ponctuelle. C’est ce qui explique notre souci de mettre en place une pastorale  de la santé et  de la marginalisation.

 

La pastorale est l’action évangélisatrice d’accompagnement des personnes qui souffrent en leur annonçant, par la parole et le témoignage, la bonne nouvelle du salut, comme l’a fait Jésus, dans le respect des croyances et des convictions des personnes.

 

Le service de la pastorale a comme principale mission de s’occuper des besoins spirituels des malades et des nécessiteux, de leurs familles et des personnels  de la santé.  Cela exige une structure appropriée qui demande du personnel, des moyens et un programme pour réaliser la mission fixée. L’équipe de pastorale est formée de personnes préparées et totalement consacrées à ce travail; d’autres peuvent les aider, soit à temps partiel,  soit comme bénévoles.

 

Il doit y avoir un plan d’action pastorale et un programme concret en fonction des besoins de chaque centre et de ceux des personnes que l’on y soigne. Il y aura des lignes d’action tant pour ce qui concerne les contenus philosophiques  que les contenus théologiques et pastoraux. En tenant compte de ce qui précède, il faudra élaborer un plan de pastorale qui réponde aux authentiques nécessités spirituelles des malades, de leurs proches et du personnel soignant. Il faudra y mettre en évidence les objectifs, les initiatives avec leurs  paramètres d’évaluation; il faudra différencier les centres et les usagers et programmer pour chaque groupe une pastorale appropriée.

 

L’équipe de pastorale devra veiller à  sa formation pour rester à jour professionnellement et spirituellement et pour mieux servir les personnes. Le conseil de pastorale, formé principalement d’un groupe de professionnels du centre, soutiendra l'équipe de pastorale par son travail de réflexion et  par ses orientations. 


5.2.           Problèmes auxquels nous devons faire face dans notre service.

 

5.2.1. Sexualité et procréation

 

5.2.1.1. Procréation responsable. La procréation humaine constitue la voie par laquelle Dieu coopère avec l’homme qui devient librement l’instrument de son acte créateur.  De là découle la valeur de l’acte générateur confié à la procréation responsable du couple.(3) Une telle responsabilité créatrice rend le couple particulièrement attentif à la bivalence d’union et de procréation de la sexualité conjugale. Dans la réalisation d’une telle fonction, le couple se laisse guider par la Parole de Dieu et les enseignements de l’Eglise, accueillis avec responsabilité et dans le respect de la conscience de chacun.

 

Dans les centres de l’Ordre, il faudra promouvoir toutes les structures qui, conformément aux situations sanitaires et culturelles des différents pays, peuvent favoriser l'exercice de la responsabilité en matière de procréation grâce à la mise en place de services de consultation appropriés.

 

Ces critères inspireront également les prestations professionnelles du personnel soignant dans leurs  contacts avec les patients.

 

5.2.1.2. Interruption de grossesse. La vie humaine a une valeur reconnue universellement même si elle est perçue différemment selon les sensibilités historiques et culturelles. Son respect et sa protection sont à la base de toutes les professions et organisations sanitaires.

 

La protection de la vie va de son origine jusqu’à sa fin naturelle, quelles qu’aient été les modalités ou les circonstances de fécondation, l'état de santé  avant ou après la naissance, les capacités de relation et l'acceptation sociale. En suivant l’exemple de saint Jean de Dieu, devant tout signe de vie précaire, il faut s’engager individuellement et comunautairement pour protéger le don que Dieu a confié à l’homme.

 

En jugeant la vie inviolable, on formule le principe éthique auquel il faut se tenir quelle que soit la complexité des questions théologiques sur le moment de “l’animation” (que  celle-ci ait  lieu au moment de la conception ou à un moment ultérieur). D’après les positions prudentes et équilibrées de   Donum vitae  et  d’ Evangelium vitae  il faut respecter l’être humain comme une personne dès sa conception. (4)

 

L’inviolabilité de la vie humaine défend dès lors, dans tous les centres de l’Ordre,  la pratique de l’avortement volontaire et toute autre pratique qui supprime la vie dès ses débuts ou en empêche le développement régulier.

 

Il faudra veiller particulièrement à ce que les procédures de diagnostic prénatal ne soient pas exclusivement orientées vers une interruption de grossesse au cas où on décèlerait des malformations du fœtus. L’engagement positif pour la vie, pour celui qui est plus faible et nécessiteux, comme c’est le cas de celui qui est malformé, exigent  un accueil positif, en fidélité à l'action de saint Jean de Dieu. Ceci est d’autant plus nécessaire que la culture dominante et les politiques de nombreux états veulent nier le droit à la vie aux sujets "imparfaits”.  Effectuer de tels diagnostics dans les centres de l’Ordre requiert en même temps la mise en place de structures de  consultation  pour le couple ou la famille en difficulté après la naissance d’un enfant malformé.

 

Il faut en outre veiller à ce que la réprobation de l’avortement volontaire ne se traduise pas en mépris pour celui qui l’a pratiqué. Nos centres, en faisant preuve de charité chrétienne, devraient devenir non seulement des centres où l’on accueille la vie mais également des centres, où, des vies profondément perturbées pour avoir pratiqué un avortement,  puissent se reconstruire. La condamnation de l’erreur ne doit pas se traduire en condamnation de celui qui a commis l’erreur; au contraire, une action appropriée, empreinte d’amour et de respect,  peut aider celui-ci à devenir conscient de son erreur et à garder confiance dans la miséricorde illimitée de Dieu.

 

L’illicéité de la pratique de l’avortement n’exclut pas la pratique d’interventions pharmacologiques ou chirurgicales pour sauvegarder la santé de la mère et qui pourraient avoir également  comme conséquence la mort du fœtus, à condition que celle-ci ne soit pas directement voulue ni obtenue par l’intervention même  et que cette dernière ne puisse en aucun cas être différée.(5)

 

 5.2.1.3. Reproduction médicalement assistée.  De nombreux couples stériles ont recours à des techniques de reproduction médicalement assistée pour surmonter un problème qui ne dépend pas de leur volonté.

 

Aucun centre de l'Ordre ne peut offrir un tel service s'il n'est pas hautement qualifié et reconnu officiellement pour le faire. Dans ce cas seulement il peut aider les couples à résoudre leur problème en utilisant les gamètes du couple même et en respectant la vie de l'embryon.(6)

 

Si la politique sanitaire exigeait d'autres interventions, il faudrait rechercher des solutions acceptables ou de rechange. Les comités d'éthique et de bioéthique peuvent être d’un grand secours dans ces cas.

 

5.2.2. Donation et transplantation  d’organes

 

5.2.2.1. Typologies des greffes.  Les possibilités modernes en matière de greffes nous posent un des plus grands défis éthiques de notre époque et nous invite à une plus grande solidarité interpersonnelle.  Donner ses organes après la mort devrait être considéré comme un devoir par tout homme, et à plus forte raison par tout chrétien. L’Ordre unit ses efforts à ceux de la collectivité pour diffuser une “culture du don”.  Cette dimension du don ne devrait jamais être perdue de vue quels que soient les aspects juridiques liés au consentement plus ou moins explicite du prélèvement d’un organe après la mort.

 

Un travail de caractère culturel est nécessaire pour surmonter certaines craintes lors du prélèvement d’un organe du cadavre à cause du soi-disant caractère sacré du cadavre même.(7)  l’Ordre, comme structure sanitaire d’une part, et, comme expression d’un organisme ecclésial de l’autre,  pourrait contribuer à éliminer ces réticences. Il ne faut pas confondre le culte des morts, dont la piété chrétienne est riche, avec un culte des cadavres.

 

Le problème change quand il s’agit de greffes entre vivants. Tout en restant un geste de grande générosité et parfois même héroïque, compte tenu de son caractère assez exceptionnel, on ne peut pas considérer celui-ci comme un devoir  éthique à remplir comme dans le cas du don post-mortem. Il s’agit d’actes extraordinaires  qui ne sont pas obligatoires au sens strict du mot et qui sont l’expression d’une admirable générosité.

 

 

5.2.2.2. La mort cérébrale.  Le problème de la vérification de la mort cérébrale se pose dans le cas de prélèvement d’organes sur un cadavre. Il est évident qu’on ne peut prélever un organe que sur un sujet effectivement mort. C’est pour cela qu’il existe aujourd’hui  des critères rigoureux dont il faut tenir compte pour une telle vérification. Une personne est morte quand, à la suite de certains paramètres cliniques et/ou instrumentaux,  il n’y a plus aucune activité,  tant au niveau du cortex cérébral qu’au niveau du tronc encéphalique (8). Ces deux critères suffisent et sont reconnus par la communauté scientifique internationale et  ne doivent pas être remis en question à la suite de nouvelles plus ou moins à sensation divulguées par les media. En effet, la mort est un processus et non pas un événement et, par conséquent la fin de l’existence terrestre ne constitue pas  la mort de tout l’organisme (qui continue à vivre dans certaines de ses composantes, même après la cessation de l’activité cérébrale) mais la mort de l’organisme comme un tout.

 

5.2.2.3. Utilisation des tissus embryonnaires et fœtaux.  Dans certaines pathologies, en particulier de type hématologique ou neurologique, on utilise depuis longtemps la greffe de tissus fœtaux (cellules hépatiques, cérébrales, etc.). Etant donné qu’en général les sujets sur lesquels le prélèvement est fait sont des fœtus avortés volontairement,  cela pose un problème éthique délicat quant à “l’usage” de tels sujets, “l’instrumentalisation” possible de l’acte abortif et la validité du consentement souscrit par la mère. En soi, l’utilisation des tissus embryonnaires et fœtaux, après avoir pondéré un juste équilibre entre risques et bénéfices, ne devrait pas constituer un problème éthique. Toutefois il faudra éviter toute instigation plus ou moins tacite à l’avortement, ou la considération que ces fœtus sont des vies à perdre et sur lesquels par conséquent on peut tout faire.  Leur dignité d’êtres humains devra toujours être respectée; en outre, ce geste, même s’il est capable de sauver d’autres vies, ne devra jamais légitimer un acte abortif (9).

 

 

5.2.3. Malades chroniques et en phase terminale

 

5.2.3.1. Euthanasie. Le respect de la vie couvre toute la durée de l’existence humaine, de ses origines jusqu’à sa fin naturelle(10). Par le terme d’euthanasie nous entendons l'acte médical ou son omission dans le but de provoquer volontairement la mort. On ne peut plus parler d'euthanasie quand l'intention n'est pas de provoquer la mort mais d'éviter un acharnement thérapeutique inutile.

 

En suivant le même principe du double effet, appliqué plus haut à l’avortement, on ne peut  parler d’euthanasie dans le cas d’un geste thérapeutique visant à améliorer la condition pathologique d’un individu, par exemple pour éliminer la douleur, mais avec le risque d'anticiper involontairement la mort.

 

Le devoir de garantir à tous, une mort digne, comporte l’obligation d'assurer des soins jusqu’à la fin. La différence profonde qui existe entre une thérapie qui aboutit à la guérison et des  traitements ou soins, est qu’il n’existe aucun malade  que l’on ne peut soigner, bien qu’il y en ait d’incurables.

L’alimentation parentérale,  la désinfection des blessures, l’hygiène corporelle, des conditions de vie  appropriées sont des droits inaliénables pour tout malade jusqu’à la fin de sa vie.

 

5.2.3.2. Directives anticipées. Il s’agit d’un document qui exprime la volonté de la personne ( valeurs et  convictions) au cas où, par suite d’une lésion ou d’une maladie, elle devenait incapable de la manifester. On demande de respecter  son droit à ne pas être soumise à des traitements démesurés ou inutiles, ni de prolonger son agonie de façon déraisonnable et de soulager ses souffrances par des médicaments appropriés, même si ceux-ci devaient abréger sa vie.

 

Formulé comme déclaration d’intentions, il est évident qu’un tel testament est recommandable. En effet il précise la volonté du patient sur la manière dont il désire être traité par les médecins à la fin de sa vie. Ces directives n’ont pas encore une force légale, dans le sens strict du terme, et c’est pour cela qu’une grande partie de la société demande avec insistance de les reconnaître légalement pour pouvoir avoir recours aux tribunaux en cas de litige.

 

L’Eglise ne peut en aucune façon accepter que l’on provoque la mort, même si celle-ci est directement souhaitée et librement demandée par l’intéressé. Les directives anticipées sont acceptables pour les catholiques, alors que les autres procédures pour disposer de sa vie, au point de provoquer directement la mort en ayant recours à des tiers, en cas de maladie ou d’invalidité incurable et permanente, ne le sont pas.

 

Il faut, en outre, prendre en considération d’autres formes de protection des droits du malade lorsque des tiers doivent intervenir car le patient en est incapable.  Ceci exige la reconnaissance légale d’un tuteur, délégué à prendre les décisions médicales. Cette personne, choisie par le patient, aura le pouvoir de décider comme s’il s’agissait du patient lui-même, des actes à poser pour le protéger.

 

5.2.3.3.Soins appropriés et acharnement thérapeutique. Bien qu’orientés à  promouvoir la santé, nos hôpitaux ne peuvent considérer la mort  comme un phénomène étranger qui doit être mis en marge, mais comme une partie intégrante de la vie particulièrement importante pour l’épanouissement transcendantal du malade. Par conséquent,  tout malade doit avoir le droit d’assumer responsablement sa mort,  conformément à sa foi et à son sens de la vie.(11) Il ne faut donc pas lui cacher la vérité ni le priver, sans réelle nécessité, de ses relations habituelles avec sa famille et ses amis, sa communauté religieuse ou idéologique. Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra humaniser la médecine pendant ces moments décisifs de l’existence.

 

Ceci exige de pouvoir vivre le moment de la mort avec responsabilité et dignité. Chaque être humain a droit à une mort digne. Si d’une part on ne peut la provoquer directement,  de l’autre on ne peut insister sur des traitements qui influent indûment sur la durée de la vie ou sur sa qualité, en prolongeant l’agonie par un acharnement thérapeutique inutile (12).

 

5.2.3.4. Soins palliatifs  Depuis ses origines, l'homme a eu recours à des soins palliatifs, chaque fois qu’il a du affronter la phase “terminale” d’une maladie, en  soutenant le malade  avec tous les remèdes disponibles mais également en l’aidant, en le réconfortant et en l’accompagnant jusqu’au seuil de la mort. Aujourd’hui, nous avons une conception plus élaborée de ces soins et de meilleures structures opérationnelles (dans les hospices, dans les unités de soins palliatifs etc.) qui nous permettent de ne pas abandonner à son  propre sort  le malade touché par une pathologie incurable. Les soins palliatifs se présentent comme des “soins totaux” offerts à la personne dans le cadre d’une relation d’aide globale qui se charge de tous ses besoins.(13)

 

En réalité, les soins palliatifs ne sont rien d'autre que de faire exactement tout ce qui doit être fait pour ce malade. Cela ne sera peut-être pas la guérison, parce que celle-ci est impossible, mais ce sera toute une série de mesures (parfois très exigeantes du point de vue technique) pour garantir une bonne qualité de vie pour tout le temps qui lui reste à vivre.

 

A la lumière de ces considérations, les institutions de l’Ordre qui s’occupent de malades en phase terminale devraient disposer, autant que possible, d’unités de soins palliatifs pour rendre cette phase de la maladie plus supportable au malade et lui assurer en même temps un accompagnement humain plus approprié.

 

 

5.2.4.Problèmes liés à la recherche sur sujets humains

 

5.2.4.1.Expérimentation clinique. En médecine, la recherche constitue depuis toujours un des principaux moteurs de progrès. Nous lui sommes redevables des conquêtes actuelles de la science outre certaines découvertes fortuites, comme celle des antibiotiques ou des rayons X. Aujourd’hui la recherche n’a plus lieu dans le  secret d’un laboratoire ni sur les animaux, mais se fait directement sur l’homme. Une telle procédure n’est pas laissée au libre arbitre de certains chercheurs,  mais est devenue aujourd’hui une nécessité indispensable, surtout dans le domaine de la pharmacologie. Après avoir été essayé en laboratoire  et  sur l’animal, le nouveau médicament doit être testé sur l’homme. Il ne s’agit évidemment pas d’utiliser l’homme comme un cobaye,  mais de mettre au point  des modalités thérapeutiques pour le bien du sujet sur lequel on fait l’expérimentation et pour celui de beaucoup d’autres, dans la suite. Cette expérimentation ne peut avoir lieu qu’à certaines conditions spécifiées dans de nombreuses chartes et déclarations internationales. (14) Etant donné qu’une telle recherche se fait, le plus souvent,  en milieu hospitalier, il est  essentiel que nos centres en soient bien informés et  les respectent.

 

La première de celles-ci est que le but de toute expérimentation est d'obtenir un avantage : la mise sur le marché d’un instrument thérapeutique, d’un médicament inexistant auparavant ou plus efficace ou meilleur que celui qui existait jusqu’alors: coûts inférieurs, moindres risques, plus grande facilité d’administration etc.

 

Toute expérimentation devra bien sûr se faire avec le consentement de l’intéressé. Pour que celui-ci soit valide il faut qu’il soit absolument libre. Cela signifie qu’il ne peut s’accompagner d’aucune forme de contrainte, pas même implicite ou de caractère moral comme pourrait  l’être l’autorité et l’influence du médecin ou la peur de ne pas être soigné correctement.

 

En outre, ce consentement devra être documenté en spécifiant au patient qu’il participe à une expérimentation clinique avec ses dangers et avantages éventuels, les alternatives possible, les couvertures offertes par les assurances etc. Pour que le malade puisse donner un consentement valide,  il faut qu’au préalable il soit correctement informé de son état de santé. Ceci n’empêche pas de fournir toutes les informations sur son cas de manière graduelle, et en y faisant participer ses proches. Il ne faut pas violer la conscience du malade au cas où celui-ci aurait exprimé le désir d’ignorer la vérité sur son cas. Il ne faut pas non plus entrer dans tous les détails d’effets secondaires hypothétiques. Il suffit que cette information soit véridique et appropriée.

 

Il faudrait que les différents centres ou  que les provinces élaborent des formulaires appropriés à utiliser au moment d’obtenir le consentement du malade. Il est fondamental que les membres du personnel soignant comprennent que la demande du consentement n’est pas une procédure à caractère légal pour protéger le médecin, mais un droit du patient et,  comme tel, comporte un devoir éthique de leur part.

 

5.2.4.2.Recherche sur les personnes incapables et les groupes vulnérables. Tout ce qui précède concerne l’expérimentation clinique sur des sujets compétents du point de vue juridique et éthique, c’est-à-dire capables de comprendre parfaitement ce qui leur est dit et fait et d’exprimer un consentement pleinement conscient. L’expérimentation ne se limite pas à de tels sujets, ni ne peut se limiter à ceux-ci car, dans ce cas, en seraient exclus les enfants, les malades mentaux ou sujets dans le coma qui, eux aussi, ont besoin de nouvelles découvertes thérapeutiques. Il faudra envisager des procurations appropriées confiées aux personnes qu’on suppose vouloir le bien du patient à cause des rapports affectifs qui les lient  ou à cause de leur fonction institutionnelle. Ce n’est qu’à ces conditions, et après avoir évalué si les risques que le patient court  en valent la peine au regard des avantages qu’il peut en escompter, que l’on peut entreprendre licitement une expérimentation.

 

Une autre question se pose dans le cadre des expérimentations sur des sujets sains.  De tels sujets n’accepteraient que très rarement le risque de l’expérimentation sans rien en obtenir en échange. En effet très souvent ces sujets sont des détenus auxquels on promet une diminution de peine. Cette pratique se justifie souvent sous prétexte que de cette façon ces détenus paieraient leur dette à la société. D’autres fois il s’agit  d‘étudiants qui sont remboursés pour leurs prestations ou dans d’autres cas encore, il s’agit de vrais cobayes humains recrutés dans des pays du Tiers Monde en échange d’une rémunération dérisoire. Il est superflu de dire ici, que dans ces cas la condition fondamentale d’adhésion libre à l’expérimentation manque et que de telles pratiques lèsent la dignité de la personne. Dans nos centres, par conséquent, il faudra veiller à ce que toute expérimentation, même sur des personnes saines,  se fasse toujours avec le plein consentement, donné en toute liberté et avec la garantie appropriée d’absence de risques majeurs.

 

5.2.4.3.Fœtus et embryons. Pour ce qui concerne l’expérimentation prénatale deux cas se présentent essentiellement. Tout d’abord l’expérimentation sur les embryons surnuméraires, fruit de la fécondation in vitro. Très souvent celle-ci  se fait sous des prétextes pseudo-humanitaires, jugeant qu’il vaut mieux utiliser de cette façon l’embryon plutôt que de l’exposer à la suppression ou aux risques de la congélation. Le deuxième cas est celui de l’expérimentation faite sur des  femmes enceintes qui ont décidé d’interrompre leur grossesse. Là aussi on prétend utiliser un fœtus qui serait de toute façon perdu. En fait, de telles considérations, même si la recherche se fait pour une noble cause, portent à une manipulation de l’être humain, car il n’est plus la fin mais le moyen de l’expérimentation(15).

 

La situation est différente dans le cas d’une thérapie expérimentale pour améliorer la qualité de vie du fœtus, même si elle comporte beaucoup de risques. L’avantage escompté doit être nettement supérieur à celui d’une autre thérapie ou à la passivité.

 

5.2.4.4.Comités de bioéthique  Les comités de recherche clinique existent dans la plupart des hôpitaux pour promouvoir la recherche clinique et pharmacologique. Ces comités constituent également une instance de formation qui inspire et promeut la réflexion et l'information sur les innovations scientifiques, didactiques et administratives du monde de l'assistance.

 

Les comités d'éthique se présentent aujourd’hui comme des organismes pour la défense de l’autonomie et des droits du patient. Il faudrait promouvoir leur existence dans tous les centres de l’Ordre. Toutes les composantes du centre devront y être représentées de manière appropriée et devront surtout y figurer des personnes compétentes sur le plan éthique.

 

Les lois qui régissent leur existence, et par conséquent la physionomie de ces comités est différente d’un pays à l’autre. Dans certains, ils existent au niveau national et dans d’autres au niveau des hôpitaux. Certains s’occupent exclusivement de recherche et d’autres de problèmes cliniques. Certains sont totalement indépendants et d’autres relèvent d’une  institution, et ainsi de suite.

 

Nous pouvons affirmer que les comités d’éthique  remplissent en général trois fonctions:

La première concerne les autorisations à accorder.  C’est à lui que revient l’examen des tests, qu’ils soient de nature médicale ou chirurgicale. Dans ce contexte, les comités devront exprimer un avis pondéré qui tienne compte de toutes les conditions de licéité  permettant cette expérimentation (motivations pour proposer l’étude, proportion risques/avantages, protection du malade, consentement informé etc.)

 

En deuxième lieu les comités ont une fonction consultative dans le cadre de laquelle ils sont directement interpellés par des tiers (personnel soignant, malades, organismes extérieurs) pour formuler un avis sur des questions d’éthique et éclairer la conscience des opérateurs dans des situations de conflit.

 

Et enfin ces comités ont une fonction culturelle car ils peuvent formuler des directives en matière de comportement éthique et promouvoir différentes initiatives (séminaires, congrès, publications etc.) et une meilleure compétence éthique au niveau du personnel et des institutions.

 

En outre ces comités peuvent avoir une grande influence culturelle  car ils se transforment en instruments de formation en promouvant chez les religieux et le personnel soignant une grande attention aux questions d’éthique.

 

 

5.2.5. Problèmes éthiques en matière de médecine prédictive

 

5.2.5.1. La communication du diagnostic. Les possibilités modernes de la médecine prédictive, utilisée dans nombre de nos centres, présente des problèmes bioéthiques inconnus jusqu’à nos jours. Le premier concerne la communication du diagnostic. A qui le communiquer? Au malade ou à ses proches? Ou aux deux? Le critère éthique en matière de vérité à communiquer au patient nous dit que le premier titulaire de ce droit, même s’il n’en a pas l’exclusivité, est le malade lui-même, quelle que soit la gravité de sa maladie. Le problème se pose d’ailleurs d’une manière plus urgente en cas de diagnostic funeste.

 

Le cas des maladies génétiques ne devrait pas constituer une exception à cette règle. Toutefois  le caractère particulier de nombre de ces maladies, dont l’évolution clinique demande souvent la participation des proches, invite à la réflexion et exige qu’on se pose la question. Il n’est pas possible ici d’approfondir le problème mais de renvoyer simplement à un examen attentif de chaque situation en demandant de tenir compte des “droits” de toutes les personnes concernées, en donnant une priorité absolue au malade (qui ne pourra jamais être privé d’une vérité qui le touche d’aussi près) mais en tenant également compte, si le cas le demande,  des justes exigences de ses proches.

 

5.2.5.2. Patrimoine génétique et protection du secret. L’évolution prochaine de la médecine prévoit  une pleine connaissance du patrimoine génétique de l’individu non seulement pour ce qui concerne sa structure physiologique, mais,  et c’est ce qui nous intéresse davantage, pour évaluer les pathologies éventuelles. Si au départ, ceci constitue la prémisse indispensable pour les corriger dans l’avenir (génie génétique), cette éventualité pose de nouvelles questions éthiques.

 

La première concerne la confidentialité de ces données qui, conservées dans des “banques génétiques”, pourraient constituer un élément dangereux de chantage ou d’invasion de la vie privée de la personne. Le problème est identique à celui qui se pose quand une personne non autorisée fait intrusion dans des archives cliniques ou informatiques. Il remet en lumière la vieille question de la confidentialité des données individuelles. Dans le cas présent, la profondeur de cette agression intime au plus profond des fibres secrètes de la structure humaine est ce qui frappe le plus. Mais les critères à appliquer aux autres situations devraient pouvoir également être utilisés ici.

 

Etroitement liée à ce problème est la question de l’établissement d’une “carte d’identité génétique” dernier objectif espéré de cette médecine prédictive dont on parle tant. Quels sont les problèmes qu’un tel instrument pourrait poser? Comment l’individu réagira-t-il en se sachant porteur de plusieurs maladies génétiques qui ne se manifestent pas toujours cliniquement mais qui toutefois  sont potentiellement présentes? Quelle influence cela jouera-t-il sur le choix du partenaire? Il ne faut pas oublier que jusqu’à ce jour on a toujours insisté sur des examens prématrimoniaux pour prévenir les maladies génétiques et que le recours à un tel moyen en faciliterait le dépistage. Pourra-t-il conditionner les choix affectifs des individus? Certes il s’agit là d’un horizon encore lointain mais auquel il convient de se préparer.

 

Un dernier aspect, plus pragmatique mais tout aussi important, concerne les implications d’ordre professionnel et en matière d’assurances. Il n’est pas exclu que l’employeur puisse réclamer demain la carte d’identité génétique (comme il le fait aujourd’hui lorsqu’il demande un certificat médical) et refuser des travailleurs génétiquement inaptes, dans l’immédiat ou dans l’avenir. Ceci constituerait une grave forme de discrimination sur le travail et face à une telle éventualité, la philosophie de nos centres devrait prévoir des mesures pour protéger ces travailleurs qui pourraient constituer un "nouveau groupe de pauvres" dans l’avenir.

 

 

5.2.6. Problèmes éthiques dans les cas de marginalisation

 

 5.2.6.1.LesToxicomanes. Même si dans tous les peuples et à toutes les époques, des formes de dépendance physique et/ou psychique par rapport à certaines substances ont existé, très souvent sur une toile de fond magico-religieuse, ce n’est qu’aujourd’hui que ce problème  a pris une dimension éthique et sociale de vaste envergure. Les motivations principales sont dues à la large diffusion de ce phénomène, à sa popularité chez les  jeunes, aux torts individuels et sociaux que le recours à de telles substances comporte.

 

Ce problème très complexe interpelle l’Ordre qui doit s’en  occuper à plus d’un titre. Tout d’abord pour les composantes strictement sanitaires qu’un tel problème comporte: premiers soins en urgence, cures de désintoxication clinique, traitement médical des complications.

 

En deuxième lieu, pour les interventions d’ordre psychologique et éducatif pour surmonter la dépendance psychique. S’il est en effet relativement simple de surmonter l’accoutumance physique, on ne peut pas en dire autant de l’accoutumance psychique. Si une proposition forte, capable de remplir le vide des valeurs qui a porté à la toxicomanie manque, le sujet touché ne parviendra jamais à gagner  sa bataille  contre l’accoutumance. C’est la raison pour laquelle l’Eglise est présente avec plusieurs structures (centres d’accueil, communautés thérapeutiques) qui ont permis la récupération et la réinsertion sociale des toxicomanes.

 

Enfin il ne faut pas négliger la dimension sociale d’un tel engagement  qui est tout à fait  en accord avec le charisme de l’Ordre. La toxicomanie entre sans aucun doute parmi ces nouvelles pauvretés dont on parle aujourd’hui et qui doivent interpeller fortement l’Ordre. (16)

 

Les activités mentionnées ci-dessus ne devront pas se faire en désaccord avec les services publics mais devront leur être complémentaires. Ceci ne signifie nullement qu’il faille être d’accord avec les mesures législatives et sociales qui ne sont pas en harmonie avec la mission charismatique de nos œuvres.

 

D’autres formes de dépendance, comme l’alcoolisme par exemple, sont assimilables à la toxicomanie. Dans certains pays le problème de l’alcoolisme atteint des niveaux bien plus élevés que ceux de la toxicomanie. En outre les couches sociales que ce problème touche  sont encore plus vastes, et, constituent un domaine dans lequel l’Ordre peut s’engager efficacement.

 

5.2.6.2. Les Malades du SIDA.  La diffusion  actuelle de cette pathologie et les répercussions sociales qu’elle comporte  exige une réponse  valide de notre Ordre dans plusieurs domaines.

 

Tout d’abord une réponse d’ordre culturel,  évitant une mentalité et des attitudes  discriminatoires. Ceci est particulièrement nécessaire quand le sujet séropositif ou malade du SIDA se trouve dans un hôpital général pour différentes raisons (urgence, intervention chirurgicale etc.) et est hospitalisé  avec d’autres malades ou en contact avec d’autres visiteurs.

 

Cette attitude d’accueil devra s’exprimer ensuite de manière plus spécifique et en fidélité à notre charisme, dans des structures appropriées pour ces malades, ou pour les accompagner  pendant la phase finale de leur maladie. L’Ordre doit promouvoir de telles initiatives et ne pas oublier l’héritage du passé qui a vu beaucoup de nos religieux perdre leur vie pour assister et soigner les malades contagieux.

 

En outre, l’Ordre contribuera au travail de prévention de cette pathologie en mettant l’accent sur une éducation aux valeurs. Quand de telles stratégies se révèlent inefficaces ou insuffisantes il faut demeurer vigilant et conscient que de telles mesures ne constituent pas une garantie absolue de prévention de la contamination.

 

Il serait en outre souhaitable que l’Ordre participe aux activités de recherche lancées par d’autres organisations sanitaires  pour trouver de nouveaux remèdes préventifs ou thérapeutiques pour vaincre définitivement ce fléau.

 

Enfin il faudra veiller particulièrement à ce que la compréhension, l’accueil, le refus de la marginalisation et d’une “condamnation divine” présumée qui se manifesterait soi-disant par cette pathologie, ne se traduise par une légitimation des comportements qui en sont à l’origine.

 

5.2.6.3. Porteurs de handicap.  Même si la société contemporaine semble avoir  redécouvert  une attention envers les handicapés, appelés généralement  “différents”, avec l’élimination des barrières architecturales,  au niveau culturel, nous constatons un certain refus de cette réalité. Ceci se manifeste par un eugénisme prénatal qui pousse à la suppression de l’embryon touché par une anomalie quelconque jusqu’à l’euthanasie  pour supprimer le nouveau-né malformé ou l’adulte handicapé.

 

Dénoncer ces faits ne sert à rien si en même temps on ne travaille pas à mettre en évidence l’accueil et l’amour qu’une vraie société civile doit réserver à ses membres défavorisés. Une société à mesure d’homme ne doit pas être orientée vers les forts mais vers les faibles. Par conséquent, l’Ordre devrait donner ce témoignage, avant même de créer des œuvres pour handicapés.

 

A ce propos la combinaison fréquente d’un handicap physique et psychique nous renvoie aux considérations faites dans le paragraphe précédent. D’autre part dans le cas d’un handicap purement physique, l’effort sera fait pour une réhabilitation  intégrale. Dans cette perspective la société a tout autant besoin de réhabilitation, car souvent elle est incapable de reconnaître chez le porteur de handicap une personne ayant des problèmes particuliers.

 

 

5.2.6.4. Malades mentaux. Comme tout le monde le sait,  notre Fondateur a toujours privilégié cette catégorie de malades et nous continuons à le faire dans nos œuvres.  L’Ordre a acquis un bagage d’expériences et de connaissances  qui ont souvent précédé les solutions adoptées par les services publics. Toutefois, en plus des problèmes  d’assistance pris en considération par les législations  des différents pays  il existe à leur endroit des problèmes d’éthique.

 

Le premier, qui est en quelque sorte le dénominateur commun des autres, concerne la capacité de consentement de ces malades. La valorisation de l’autonomie du patient et le refus du paternalisme médical, concerne également ces malades  et même davantage, compte tenu de leurs limites au niveau de l’exercice de cette autonomie. On pourrait être tenté, dans ce cas seulement et avec les meilleures intentions du monde, à retourner à l’ancienne attitude paternaliste. Il faut éviter cette tentation à tout prix et n’y céder que dans les cas d’extrême nécessité ou quand les proches, tuteurs ou comités éthiques sont absents et que l’on se trouve dans l’impossibilité de partager avec d’autres les décisions à prendre. Dans tous les autres cas, il faut faire participer le malade aux décisions, dans la mesure où ses facultés le lui permettent, ou y faire participer les personnes qui, par leur situation, ont à cœur le bien du patient.

 

Ce problème qui, dans certains cas, apparaît de manière évidente et dramatique, comme pour l’utilisation de l’électrochoc ou  l’administration de  sédatifs forts, semble nettement plus habituel dans l’administration de psychotropes ou dans l’imposition de limitations dans la vie quotidienne. Dans ces cas, un consentement général ou implicite de qui a l’autorité de le faire, suffit au moment de l’hospitalisation du malade.

 

L’exercice de la sexualité pose un problème plus délicat. La condition préliminaire étant  que celui-ci soit librement voulu. Chez le handicapé mental il existe différents  degrés de restriction de cette liberté décisionnelle alors que les stimuli sexuels sont présents. Si d’une part, tout acte mutilateur(dans ce cas la fonction reproductrice), semble irrespectueux de la dignité de la personne, d’autre part, le sujet qui présente un déficit psychique n’est pas à même d’user librement de cette faculté  qui, si elle est utilisée,  pourrait déboucher sur une grossesse. L’être ainsi conçu, non pas par un acte d’amour mais par irresponsabilité – même innocente – serait privé du droit d’avoir des parents, parce que ceux-ci sont incapables d’assumer cette responsabilité et  le fruit de cette union serait confié à une institution. Pour ne pas parler des cas où la femme serait  obligée de subir cet acte. C’est donc pour  respecter l’être humain dans sa totale identité corporelle qu’il faudra éviter de manière responsable que le malade mental  puisse  se nuire et nuire aux autres.

 

De toute manière, au-delà des problématiques spécifiques, les structures psychiatriques de l’Ordre devront toujours se caractériser par l’humanité de leurs traitements et témoigner ainsi leur fidélité à cette délicatesse particulière dont saint Jean de Dieu a fait preuve; comme lui, les membres de l’Ordre devront être prophétiques dans un milieu qui a sans cesse besoin de s’humaniser. Il ne faut pas comprendre ces traitements de manière réductrice qui  se limitent à donner au malade mental un espace vital approprié, lui assurer une bonne hygiène, une nourriture de qualité, une liberté de mouvements, la possibilité de conserver des liens affectifs avec sa famille etc. mais ils doivent  également examiner et promouvoir toutes ses possibilités d’épanouissement comme personne. Pour cela,  il faudra faire appel à tout son potentiel et  à toutes ses ressources, également à ses ressources spirituelles. C’est un processus qui doit porter à la valorisation d’une personnalité qui, bien que marquée aussi profondément par la maladie, laisse toujours paraître le visage de l’homme.

 

5.2.6.5. Personnes âgées. Le nombre des personnes âgées augmente dans la société contemporaine et s’accompagne  de pathologies et de services sanitaires avec tous  les problèmes sociaux que cela suppose. Certaines familles se trouvent devant des difficultés objectives et ne peuvent accueillir une personne âgée; d’autres refusent de le faire pour des motifs égoïstes.  Pour ces raisons beaucoup de personnes âgées habitent en maison de repos et l’Ordre gère de nombreuses structures de ce genre dans différentes parties du monde.

 

 

Les parcours existentiels portant une personne âgée à finir ses jours dans une maison de repos sont nombreux. Tout en n’ayant aucun droit de juger les familles qui ont fait ce choix, l’Ordre doit, dans la mesure du possible, favoriser les liens affectifs entre la personne âgée et sa famille et l’aider éventuellement à éliminer les obstacles qui peuvent s’y opposer.

 

Le séjour d’une personne âgée dans une maison gérée par l’Ordre ne doit pas seulement signifier avoir trouver un lieu où habiter, mais doit également être marqué par l’empreinte charismatique de l’Ordre. Ceci signifie qu’il faut valoriser ce troisième âge; il faut éviter de le masquer avec l’illusion de la jeunesse éternelle mais  le faire vivre comme une étape particulière de la vie avec ses richesses et ses problèmes. Cette étape se caractérise par la perte des forces physiques, d’un rôle social, des affections, du travail, de sa maison etc. qui devra être compensé par le positif de l’expérience vécue, des souvenirs, du bien réalisé etc. Dans une perspective de foi, enfin, cette période peut acquérir également le sens d’une longue veille en préparation de la rencontre avec l’éternité.

 

5.2.6.6. Problèmes émergents. Par ce terme nous voulons indiquer différents types de marginalisation ou de “nouvelles pauvretés” qui existent déjà et dont l’Ordre s’occupe, et d’autres plus récentes et qui constituent un défi pour notre imagination et notre engagement moral.

 

Le premier est constitué par le problème des immigrés et des réfugiés, phénomène en forte croissance dans tous les pays du monde occidental. Si d’une part les problèmes qu’il pose sont surtout d’ordre social (intégration culturelle et religieuse, problèmes de l’emploi etc.) ils constituent un lieu où le charisme de l’hospitalité peut trouver son expression spécifique. Les réponses peuvent être différentes, marquées par une créativité à l’écoute de l’Esprit et suscitées par les besoins spécifiques de chaque pays ou institution sociale. Bien sûr, outre l’accueil,  il y a la résolution des problèmes d’ordre sanitaire pour des personnes qui souvent n’ont accès à aucune forme de sécurité sociale. L’Ordre devra créer des structures particulières ou trouver d’autres solutions dans le cadre d’institutions qui existent déjà.

 

Se trouvent dans une situation analogue les sans domicile fixe, les clochards, les squatters  tellement pauvres qu’ils  sont obligés de vivre dans la rue, sous les porches ou dans les salles d’attente des gares. Peut-être  que malgré l’écart des siècles, le spectacle de cette humanité souffrante est assez semblable  à celui qui se présentait aux yeux de saint Jean de Dieu ou de saint Jean Grande. Dès lors, toute initiative à leur endroit (par des dons de matériel, la création d'un accueil de nuit, l'aide sanitaire etc.) se situe dans la ligne d’une continuité charismatique.

 

A côté des situations que nous venons de mentionner,  l’Ordre devra peut-être répondre dans l’avenir à des problématiques qui sont aujourd'hui moins perçues et plus sporadiques. Pensons par exemple aux femmes ou aux enfants qui sont les victimes de la  violence ou d’abus de tous genres, aux personnes qui ont tenté de se suicider, à la solitude des veuves, aux problèmes psycho-alimentaires (anorexie, boulimie) etc. Si nous voulons offrir une réponse appropriée aux souffrances de l’homme moderne nous devons être attentifs à ces “nouvelles souffrances”  pour réagir en temps voulu avec créativité et amour.

 

 

5.3. Gestion et administration

 

5.3.1. Gestion

 

5.3.1.1Organisation et utilisation des ressources.  Notre fondateur a su être un pionnier de l’assistance à son époque grâce à des critères d’organisation et de distribution des ressources.  Comme lui, nous aussi  nous sommes appelés à être des novateurs dans notre société. A notre époque, plus encore qu’à  la sienne, l’organisation et la gestion constituent une composante importante de cette contribution.

 

Un slogan de nos centres pourrait être le suivant : capacité de distribuer et d'utiliser correctement les ressources disponibles, en privilégiant le spécifique de nos institutions. Ceci pourrait assurer l’avenir du centre et fournir une assistance intégrale au malade et au nécessiteux.

 

La rémunération et la formation des opérateurs, l’obtention des produits et du matériel nécessaire pour un fonctionnement correct, la technologie appropriée et l’humanisation devront aller de pair. Si un de ces éléments est négligé en faveur des autres on va  droit vers la crise et la rupture.

 

La recherche de la justice,  au niveau local et régional, sans perdre de vue notre vocation universelle, doit inspirer nos décisions même si dans certains moments ou circonstances cela peut s’avérer difficile.

 

Obtenir ces ressources est la tâche principale des administrateurs qui devront y consacrer une bonne partie de leur temps. Ils devront trouver les moyens de défendre le travail que réalise le centre et promouvoir en même temps son œuvre et ses projets.

 

5.3.1.2. Professionnalisme. Notre professionnalisme ne peut être mis en discussion si nous voulons répondre à notre vocation et assurer une assistance intégrale.

 

En donnant une réponse professionnelle, cohérente avec les principes éthiques de notre profession et qui s'inspire de la philosophie de l’Institut, nous donnerons à nos œuvres l'identité que celles-ci doivent avoir. La compétence technique et humaine constituent les fondements indispensables pour qu’une telle réponse professionnelle soit possible.

 

5.3.1.3. Compétence technique. Le centre devra veiller de la même façon à ce que son équipement technique et technologique soit à la hauteur de l’assistance qu’il prétend donner. Seule une compétence technique appropriée nous permettra de donner la contribution spécifique que nous voulons.

 

Les changements technologiques constants exigent des efforts additionnels pour rester à la hauteur des progrès scientifiques. Les opérateurs doivent s’appliquer pour acquérir une formation technique suffisante et feront le nécessaire pour se recycler au rythme des nouvelles conquêtes scientifiques.

 

5.3.2. Organisation

 

5.3.2.1.L’organisation doit être une expression de la mission de l’œuvre. Notre mission est très riche et diversifiée dans chacun de nos centres et exige dès lors une organisation pluriforme. Nous ne pouvons pas adopter partout le même modèle. 

 

Dans la mesure où notre organisation est empreinte de la philosophie de notre mission nous en faciliterons la transmission à tous les opérateurs du centre. La formule de séparer la fonction du supérieur de celle du directeur général du centre, déjà en vigueur dans plusieurs centres, s'est démontrée efficace et est devenue  absolument indispensable dans beaucoup de nos centres.

 

Le frère supérieur de la communauté et le directeur général du centre sont appelés à former une équipe avec les autres membres du comité de gestion et d’administration.

 

La principale fonction de cet organisme est de travailler en équipe interdisciplinaire et de promouvoir cette modalité de travail dans toutes les instances du centre.

 

 

5.3.2.2. Défense du pluralisme La diversité des opinions et des cultures constituent une piste appropriée pour connaître la vérité sur l’homme. Nous devons donc créer des espaces et des  critères d’organisation qui permettent l’expression d’un tel pluralisme. Nos valeurs, la culture de chaque œuvre sera le lieu où articuler un tel pluralisme.

 

5.3.2.3. Délégation. Participation. Responsabilités. Notre objectif est de faire assumer par chacun les responsabilités dont  il est capable, des plus petites aux plus grandes. Pour que ceci soit possible nous assurons au sein de notre organisation un système de délégation des responsabilités.

 

5.3.2.4. Décentralisation/Centralisation.  Nous faisons en sorte que celui qui assume un poste de direction protège les initiatives et les attentes des collaborateurs.

 

Nous mettons en œuvre des programmes de travail qui permettent aux collaborateurs d’évoluer et d’assumer des responsabilités que souvent nous réservons aux supérieurs.

 

Nous faisons notre possible pour  permettre aux professionnels d’accroître leurs compétences, aux équipes d’acquérir un plus grand d’espace d’intervention, aux cadres intermédiaires de prendre des initiatives et, aux cadres supérieurs d’assumer plus de  responsabilités.

 

Nous faisons en sorte que la subsidiarité, valeur particulièrement liée à la tradition chrétienne, soit un élément fondamental dans le fonctionnement de nos œuvres.

 

L'Ordre souhaite favoriser une décentralisation appropriée tout en respectant les exigences de la centralisation, conformément aux principes et aux valeurs que nous voulons promouvoir.

 

5.3.2.5 Nouvelles formules juridiques. Notre point de référence a toujours été le droit canonique. Outre celui-ci,  et conjointement avec lui, il est possible de trouver des formules pour de nouveaux modes de gestion, de délégation ou de participation.

 

Traditionnellement  l’Ordre était propriétaire des œuvres. L’évolution en cours à notre époque, la nouvelle dimension des œuvres et les changements qui ont lieu dans les services sanitaires et sociaux nous conseillent de ne pas nous limiter à cette seule formule.

 

La Fondation, l’Association, l’Organisation sans but lucratif ou les organisations non-gouvernementales constituent des formules juridiques plus aptes à répondre à certaines réalités et pourraient s’avérer avantageuses, comme l’ont démontré des expériences concrètes faites dans certaines œuvres. Il faudra discerner quelles sont les formules les plus appropriées à l’époque et au lieu où nous nous trouvons.

 

5.3.2.6.Travail en équipe. Ce n’est qu’en unissant nos efforts que nous pourrons soigner la personne et répondre à ses besoins.

 

Au niveau de la direction: Quand les responsables d’un centre se montrent capables de former une équipe de travail ils pourront inspirer et animer les autres composantes du centre à faire de même. La tentation de faire preuve d’efficacité individuellement est très grande avec toutes les conséquences que cela comporte.

Au niveau des cadres intermédiaires: Le rôle le plus difficile dans un centre est celui qui est assumé par ceux ou celles qui se trouvent au milieu. Eux aussi doivent pouvoir travailler en équipe et faire parvenir aux cadres supérieurs les exigences de leurs subalternes, de même qu’ils doivent faire parvenir à ces derniers les plans de travail de la direction.

Au niveau des services: Quand tous ceux qui sont au service d’un malade ou d’un nécessiteux sont capables de travailler ensemble nous offrons une assistance intégrale.

 

Dans les centres à gestion complexe nous pourrons ne pas appartenir tous à la même équipe, mais nous pouvons tous nous sentir membres d’une équipe appelée à donner une réponse intégrale aux besoins du malade, ce qui exige la collaboration de tous ceux qui sont à son service.

 

5.3.3.Politique des ressources humaines

 

5.3.3.1.Critères généraux. L’Ordre hospitalier de saint Jean de Dieu, en tant qu’organisation est:

 

- essentiellement une œuvre humaine, fruit des efforts de tous ceux qui en font partie;

- conscient que ses œuvres sont des entreprises sans but lucratif à caractère spécifique, devant conjuguer leurs objectifs  avec les responsabilités sociales et économiques  d’une institution ecclésiale;

- réceptif quant à l’évolution en cours dans le monde des entreprises - sociologie, relations humaines, psychologie - s’étant adapté aux temps actuels en introduisant  les changements nécessaires d’organisation et d’administration pour assurer une plus grande efficacité, tout en respectant  la philosophie, la culture et le style qui lui sont propres;

- attentif au personnel employé dans ses œuvres et propose des relations entre organisation et travailleurs qui répondent aux besoins des deux parties en précisant les mécanismes qui facilitent une action commune de tous pour atteindre les objectifs fixés.

 

Pour réaliser tout ce qui figure plus haut il faut faire preuve d’une disponibilité sincère à clarifier les relations avec le personnel à la lumière des législations en vigueur, de la doctrine sociale de l’Eglise et en protégeant les droits du malade et du nécessiteux qui constituent la raison d’être de nos œuvres.

 

5.3.3.2.Relations avec les travailleurs.  La personne étant l’élément fondamental de toute l’organisation, la gestion des ressources humaines doit veiller à  orienter, motiver, promouvoir et intégrer les travailleurs en tenant compte de leurs exigences et des finalités de l’œuvre et en respectant toujours les critères de justice sociale.

 

Diriger un centre signifie savoir gérer les personnes qui y travaillent car sans elles, rien ne se fait.  La gestion des ressources humaines exige des compétences professionnelles  en matière d’administration et de relations humaines.

 

Tous les centres de l’Ordre doivent améliorer leur système de  communications afin d'atteindre, par des moyens et canaux appropriés, tous les niveaux de l’organisation et tous les travailleurs. Il faut promouvoir une information véridique et compréhensible.

 

Un autre point important  est l’accueil, l’insertion et l'accompagnement du travailleur nouvellement engagé dans les centres de l’Ordre,  pendant les premières étapes de son travail.

 

5.3.3.3.L’action syndicale.  Depuis longtemps désormais, la doctrine sociale de l’Eglise a reconnu le droit des travailleurs de former des associations pour la défense de leurs droits. Le syndicalisme est une réalité sociale reconnue mondialement. L’Ordre reconnaît et respecte la liberté syndicale.

 

La doctrine sociale de l’Eglise assume et soutient cette réalité et la considère un élément indispensable de la vie sociale contemporaine, comme force constructrice  de l’ordre social et de la solidarité, capable d’obtenir non seulement une amélioration au niveau de l'avoir mais également un mieux être. Les syndicats ne sont pas seulement des instruments contractuels mais également des lieux où la personnalité du travailleur s’exprime; leurs services collaborent au développement d’une authentique culture du travail et aident à participer humainement à l’expansion de l’entreprise.

 

Accepter cette réalité exige que l'information et la communication entre la direction et les syndicats se fassent dans une attitude d'honnêteté et de réalisme, en protégeant toujours les droits des malades et de ceux qui sont accueillis dans nos centres.

 

5.3.3.4. Sélection du personnel et contrats. Le personnel sera choisi en tenant compte de ses qualifications techniques et humaines et en s’assurant que ses motivations, aptitudes et comportements respectent les principes de l’Ordre. Il est important que chaque centre possède des normes claires en matière de sélection du personnel et en outre, il est souhaitable que tous  soient informés des procédures en vigueur: postes vacants, réglementations, formulaires etc.

 

Il faut particulièrement faire attention aux éléments suivants en matière de contrats:

 

- Dimension technique: Lors de l’octroi d’un emploi on veillera à ce que le candidat possède les diplômes requis par la loi pour un tel poste. En outre, on vérifiera qu'il  possède les capacités et les compétences professionnelles nécessaires pour  un tel travail.

 

- Dimension humaine: Il faut examiner  si le candidat possède certaines qualités humaines comme celle de nouer des relations, l’équilibre émotif, le sens des responsabilités et la capacité de prendre des décisions, une vocation sanitaire et/ou sociale.

 

-Dimension éthique: Les personnes qui travaillent dans les centres de l’Ordre, et ceci constitue une condition indispensable,  doivent promouvoir les principes de leur code de déontologie professionnelle et respecter les principes de l’Institut.

 

-Dimension religieuse: On veillera à ce que le comportement des personnes favorise la dimension religieuse dans le centre.

 

 

5.3.3.5.Sécurité de l’emploi. Nous partons du principe que tous les contrats de travail de l’Ordre doivent respecter les lois en vigueur dans les différents pays à condition de ne pas violer les principes de l'Ordre.

 

Toutefois, même si tout ce qui se fait dans ce domaine doit privilégier le bien du centre et celui des personnes qui y sont accueillies, il faut éviter toute situation d’instabilité et de démotivation en garantissant une sécurité et une stabilité dans l’emploi qui encourage un plus grand dévouement dans le travail.

 

La dynamique du fonctionnement des centres ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre requiert un réseau complexe de suppléances et de substitutions qui ne permet pas toujours de garantir une stabilité d’emploi pour ceux qui occupent certains postes temporaires. Ceci ne nous empêche pas d’étudier des systèmes pour limiter cette instabilité.

 

5.3.3.6.Système salarial. Tout travail mérite une juste rémunération, voilà la clé de toute l’éthique sociale. Les problèmes de salaires sont ceux qui font davantage l’objet de revendications de la part des travailleurs.

 

La doctrine sociale de l’Eglise considère le salaire comme le critère de vérification concrète de la justice sociale dans les relations de travail.  Tout en n'étant pas l’unique critère de vérification il en est certainement le plus important.

 

Il n’est pas facile de quantifier quel est le salaire juste, étant donné que le salaire en soi dépend des conditions économiques des différents pays, des attentes du marché - marché sanitaire et social inclus - de la situation de chaque centre et des besoins et attentes de chaque travailleur.

 

Il s’ensuit une obligation de rémunérer les travailleurs avec un salaire juste  qui parfois ne répond pas à leurs attentes. Au-delà de la question du salaire, il faut s’engager pour améliorer les conditions économiques et sociales des travailleurs. Leur confort et leur bien-être sont  un atout pour le confort et le bien-être des malades et des nécessiteux.

 

5.3.3.7.Motivation. Dans la mesure où un travailleur  peut satisfaire ses besoins fondamentaux et voir dans l’organisation pour laquelle il travaille un lieu où réaliser ses capacités humaines et professionnelles il se sentira motivé.

 

Motiver le personnel est un moyen fondamental pour atteindre un des objectifs de l’organisation, à savoir l’épanouissement humain et professionnel des travailleurs.

 

En bref, le système de rémunération (salaires, incitations, primes…) les conditions de travail (milieu, sécurité, travail en équipe…) ainsi que les encouragements individuels (stabilité de l’emploi, épanouissement, valorisation…) influent sur le degré de satisfaction des travailleurs. Il est donc nécessaire d'en tenir compte.

 

L'Odre fait particulièrement attention à la promotion personnelle. Il s’agit d’une action spécifique de la direction, et en particulier du responsable des ressources humaines de chaque centre. Il faut que nos employés perçoivent des possibilités d’avenir dans nos centres pour mieux vivre leur profession et  vocation. Il faudra dans chaque cas utiliser les outils appropriés: pour certains ce sera la formation, pour d’autres la recherche et pour d’autres encore l’enseignement etc.

 

5.3.3.8.Convergence des valeurs entre tous ceux qui constituent le centre. Le pluralisme est une des caractéristiques de notre société.

 

Il faut reconnaître que l’époque où une culture dominait une autre touche à sa fin.

 

Depuis longtemps désormais nous nous efforçons de regrouper et d’intégrer cette réalité pluriculturelle au niveau de la gestion, de la direction et de l’assistance. Il faut poursuivre sur cette lancée pour arriver à intégrer les différents éléments culturels qui sont présents dans nos centres.

Tout projet de convergence suppose une entente: personne ne peut vivre des valeurs qui lui sont imposées.

Il sera probablement nécessaire de préciser quels sont les minima auxquels on ne peut pas toucher, mais à partir de là il s’agit de former une culture possédant des valeurs spécifiques, promue et assumée par tous.

 

Dans la mesure où les collaborateurs disposent d’un espace dans lequel exprimer leurs idées et leurs valeurs, ils  s’engageront à la réalisation d’un projet partagé.  De même, ils doivent se sentir responsables des questions et des secteurs qui leur sont délégués.

 

5.3.3.9.Créer une culture d’appartenance au centre, à la province, à l’Ordre.

Les recherches récentes des sciences de l'administration ont mis en évidence l'importance pour les organisations de posséder une "culture de l'organisation" qui soit cohérente avec leur mission et leurs valeurs. Depuis sa fondation, l'Ordre a soutenu cette même idée.

 

Nous avons adopté dans le passé certaines attitudes paternalistes et protectrices envers les employés par un réflexe inconscient de défense de ce qui est nôtre, en particulier notre culture. Pour surmonter cette attitude défensive,  tout en ne perdant pas les valeurs que cette culture véhicule, nous devons former un groupe de personnes qualifiées du point de vue professionnel, capables d’orienter et de diriger la réalisation d’une culture commune.

 

Le respect et l’application des lois du travail, surtout les normes relatives à la sécurité sur le travail et à la protection de la santé du travailleur constituent un élément incontournable de ce processus.

 

Nous devons renforcer chez nos employés le sentiment de gratification devant un travail bien fait, de soulagement  en constatant que les objectifs fixés sont atteints, de sérénité et de paix intérieure en se sentant professionnellement réalisés et en voyant, qu’avec leurs collègues, ils contribuent à la construction de notre monde et de services sanitaires et sociaux meilleurs.

 

Il ne faut  pas oublier que le danger de se fossiliser dans le travail existe. La direction prendra les initiatives qui s’imposent pour éviter que le personnel ne s’installe et perde son enthousiasme et son zèle du début. Il revient à la direction d'écarter ce danger et de prendre les mesures éventuelles qui s'imposent.

 

Il ne faut pas oublier qu’une œuvre qui n’offre pas des garanties de stabilité ne sera jamais un lieu où les collaborateurs auront envie de se donner à fond dans la promotion d’un projet commun.

 

L'Ordre soutient et défend les travailleurs en cas d’intervention juridique, sauf dans les cas de négligence professionnelle évidente. Face aux dénonciations qui, malheureusement parviennent aux centres, il faut faire preuve d’honnêteté sur les pratiques institutionnelles et donner clairement son appui aux personnes impliquées.

 

Si nous voulons promouvoir une telle culture dans nos œuvres, il faudra trouver des instruments appropriés pour résoudre les tensions parfois inévitables dans les relations de travail.  Même dans des situations conflictuelles, nous devons faire tout notre possible pour trouver une solution acceptable pour tous.

 

 

5.3.4. Politique économique et financière

 

5.3.4.1.Organisation sans but lucratif. Notre Institution a toujours été définie comme une "organisation sans but lucratif” et n’a donc pas pour objectif d’accumuler des richesses.

 

Les recettes que l’on peut obtenir seront destinées au centre pour qu’à tout moment ses équipements et  ses méthodes de travail soient  à la hauteur du rôle qui doit être le sien.

 

5.3.4.2. Dimension bénéfique et sociale.  A l’origine, notre Institut a bénéficié des dons et de la collaboration généreuse de beaucoup de personnes pour pouvoir remplir sa mission. Il faut continuer à promouvoir cette dimension de la charité chrétienne pour continuer l’œuvre de notre Ordre. Il faut maintenant donner une dimension plus universelle à notre solidarité. Les inégalités s’accentuent toujours davantage dans notre monde et les différences entre riches et pauvres sont chaque jour plus grandes.  Nos œuvres pourraient accroître leur action bienfaisante et sociale en renforçant la solidarité entre les différents centres des différents pays.

 

5.3.4.3. Equilibre financier. L’art de la gestion est celui d’affecter les ressources conformément  aux besoins.  Dans les centres, il faudra affecter les ressources aux différentes  activités que celui-ci réalise en veillant à garantir l’avenir du centre par un juste équilibre financier. Si suite à une mauvaise répartition des ressources, nous mettons le centre dans une situation économique de déficit, nous mettons en danger l’avenir de l’œuvre et de toutes les personnes qui en font partie.

 

5.3.4.4.Transparence au niveau de la gestion. Si nous parvenons à transformer en réalité, les valeurs que nous voulons promouvoir et qui donnent leur sens à notre mission, il n’existe aucune raison pour laquelle la réalité économique de nos centres ne soit pas connue du personnel de la santé, des usagers, de la société et de l’administration publique. Si nous mettons en œuvre une gestion transparente avec des principes clairs il n’existe aucune raison pour ne pas les faire connaître. La situation économique du centre (activités, recettes, dépenses, résultats, investissement, disponibilités financières) constitue une des réalités du centre qui peut,  elle aussi,  être connue.

 

Elaborer annuellement un bilan des activités de chaque centre, pourrait constituer un moyen efficace pour mieux les faire connaître et pour encourager la coresponsabilité.

 

5.3.5.Responsabilité sociale

 

5.3.5.1. Le critère qui justifie la raison d’être des œuvres est leur utilité pour la société.  Chaque institution ou œuvre court le risque de se fermer sur elle-même et de légitimer sa raison d’être, en marge de la réalité. Il n’est pas rare de voir des institutions, qui par suite d'un tel isolement projettent une œuvre qui n’est pas nécessaire ou que personne n’a demandé. Nous ne devons pas tomber dans ce piège. La raison d’être de nos œuvres réside dans l'utilité du service qu’elles offrent et elles doivent donc rester ouvertes aux changements pour demeurer d’actualité. Les Constitutions de l’Ordre précisent à ce propos que nous sommes les intendants de nos œuvres et non pas leurs propriétaires et que nous devons garantir un juste emploi de leurs ressources.

 

5.3.5.2.Respect et application de la loi. Nous devons toujours respecter et appliquer la loi dans notre travail. Toutefois, nous ne pouvons pas nous contenter de ces exigences minimales auxquelles tous les membres d'une société sont soumis, mais nous devons promouvoir en outre les principes qui nous animent.

 

Une situation délicate surgit quand la loi est en désaccord avec l’identité et les valeurs de l’Institut. Dans ce cas, faisant appel au pluralisme que nous voulons promouvoir dans notre société, nous invoquons l’objection de conscience pour ce qui concerne l’application de la loi dans nos œuvres.

 

5.3.5.3.Engagement pour la justice sociale dans la distribution des ressources.   Garantir une juste distribution des ressources dans notre société n'est pas facile. Les groupes de pression d’une part, les grandes inégalités de l’autre peuvent faire pencher la balance de manière très injuste. Il faudra dès lors faire un effort de gestion et d’éducation aux valeurs pour que ce ne soit pas toujours la loi du plus fort qui l’emporte. Nous devrons tenir compte des différentes réalités avec l’intention de garantir une juste répartition des ressources.

 

Il faut être particulièrement attentif à la dimension universelle de nos vies et de nos œuvres. Nous devons admettre que l’injustice sévit dans la distribution mondiale des ressources. Il ne faut pas que nous soutenions cette injustice. Nous devons travailler pour la solidarité, à partir d'une même mission et  d’une vision universelle des problèmes.

 

Voilà l’espace où nous pouvons mettre en application la doctrine sociale de l’Eglise. En agissant de la sorte nous pourrons contribuer à sa diffusion pour que celle-ci devienne un livre de référence pour notre société.

 

5.3.5.4. Dénoncer ce qui doit l'être. Il faut que nous fassions connaître notre réflexion et nos suggestions dans des situations délicates et graves. En dénonçant ces cas, nous ne nous contenterons pas de nous plaindre mais nous offrirons des indications et des ébauches de solution. Si nous parvenons à appliquer les solutions proposées nous aurons pleinement rempli notre fonction de dénonciation.

 

5.3.6.Présence de la société dans le Centre.

 

5.3.6.1. Les usagers, les associations des malades et leurs familles.  Nous appelons traditionnellement l’usager de nos centres le “patient” mais le moment est venu pour lui d'assumer un rôle actif. Il existe deux types d’associations de malades:

 

- les associations générales de malades avec l’intention de présenter des revendications et une certaine prédisposition à utiliser les voies légales;

- les associations spécifiques  pour certaines maladies ou pathologies chroniques ou graves.

 

Ces deux associations doivent avoir leur place dans nos centres.

 

Les premières surgiront en général, après la présentation d'une plainte ou d'une revendication. Il faudra créer un espace dans lequel elles puissent exprimer cette revendication et se sentir des interlocuteurs sociaux valables, car elles peuvent collaborer avec nous et nous pouvons les faire participer au travail que nous réalisons.

 

Les deuxièmes doivent trouver dans le centre un appui privilégié surtout au début de leur existence. Dans la réalité de notre société,  ce n’est qu’en formant un groupe que l’on parvient à atteindre certains objectifs, et au  départ, il est parfois difficile de former de tels groupes. Le centre constitue toujours une plate-forme qui permet de surmonter ces difficultés initiales. Dans tous les cas, le dialogue et des positions ouvertes permettront aux parties en cause,  le centre et l’association, d’être informés des situations réelles, des possibilités, des limites et des erreurs.

 

Malheureusement nous ne pouvons empêcher les plaintes ou les poursuites judiciaires - très souvent dans un seul but de lucre - mais nous pouvons trouver différentes formes de relations qui se basent sur une confiance mutuelle.

 

Les relations avec le public qui offrent au citoyen différentes possibilités d’exprimer son opinion, est un moyen particulièrement heureux pour obtenir sa collaboration avec le centre.

 

5.3.6.2.Les travailleurs.  Les travailleurs disposent d'organismes de représentation reconnus par la loi qui précisent leurs rapports avec l’institution.

 

Dans la mesure où nous considérons que l’institution est une réalité que tous construisent et partagent, il faut trouver des  formes et  des styles de relations qui, tout en ne négligeant pas ce qui précède, ouvrent  un espace pour ce nouveau projet que nous voulons réaliser dans tous nos centres.

 

Pour certains, ce lien se limitera exclusivement à un rapport de travail. Pour ceux-ci le cadre de référence sera législatif. D’autres se sentiront motivés par une vocation qui dépasse le cadre professionnel. Il faudra trouver des pistes officielles et officieuses pour leur permettre d’intensifier leur engagement de solidarité avec les malades et les nécessiteux.

 

Et enfin nous voyons que d’autres encore considèrent leur présence dans l’œuvre comme une expression de leur foi. Ceux-ci aussi devront disposer d’un espace où pouvoir exprimer en groupe, ce qui  les motive à servir les malades et les nécessiteux dans une de nos œuvres.

 

Sauf le premier cas, qui est régi par la loi,  chaque centre devra étudier les meilleures modalités pour exprimer ces liens qui unissent les travailleurs à l’œuvre de saint Jean de Dieu.

 

5.3.6.3.Les bienfaiteurs.  Ceux-ci ont permis à notre fondateur de réaliser son œuvre. Ils ont été capables de soutenir les nombreux engagements pris par saint Jean de Dieu pour le bien des malades et des nécessiteux.

 

Au cours des siècles ils ont continué à soutenir notre œuvre. Dans certains pays ceux-ci sont plus actifs que dans d’autres. Jusqu’à la création de l’état providence, la majorité de nos œuvres ont vécu grâce à la générosité des personnes qui ont eu confiance dans l’Ordre.

 

Aujourd’hui la majorité de nos centres ne dépendent plus de dons, comme c’était le cas dans le passé; toutefois, cette générosité continue à se manifester et reste indispensable si nous voulons  être fidèles à notre devoir de charité et de solidarité. Le principe qui anime une telle générosité reste toujours le même: la personne choisit d’être solidaire d’autrui par l’intermédiaire de l’Ordre de saint Jean de Dieu.

 

Les formes peuvent évoluer et ont évolué et ne cesseront de le faire. Il nous revient de rendre cette solidarité effective  et  juste, et si possible de l’intensifier.

 

Le moment est venu  pour nous d'insister sur le caractère collectif de cette solidarité  pour mieux  répondre aux besoins les plus urgents.

 

Il s’agit d’une question qui demande réflexion, des échanges et de la créativité pour trouver les fonds et les moyens de renforcer ce réseau de solidarité.

 

Ce thème, que nous devons tous promouvoir, est fort présent dans la culture de bon nombre de nos œuvres et de nos provinces. Les nouveaux moyens de communication permettront de valoriser ce travail et de renforcer le lien qui existe entre les bienfaiteurs et l’œuvre.

 

 

5.3.6.4.Les bénévoles.  Au cours de son histoire, l’Ordre a toujours compté sur la collaboration d’autrui,  comme marque de solidarité ou comme expression de charité chrétienne.  Notre fondateur a pu diffuser son œuvre grâce au soutien généreux de bienfaiteurs  et de bénévoles.

 

L’Ordre a su se situer par rapport aux nouveaux mouvements du bénévolat et a fait dans certains pays un travail de pionnier pour incorporer ces mouvements à l’intérieur de ses centres.  Un travail de recyclage s’impose constamment pour ne pas demeurer ancré dans des idées ou  des structures désormais démodées. Chaque centre possède sa propre physionomie et devra faire preuve de créativité et d’originalité  pour promouvoir le bénévolat. La diversité dans ce cas précis est une preuve de  richesse.

 

Le processus d’orientation et de sélection des candidats, le profil du bénévole, sa mission dans le centre, le temps qu’il y consacre, la formation dont il a besoin etc. sont des questions dont il faut discuter au niveau de l’Ordre et de celui de chaque centre.

 

Les associations de bénévoles devraient faire part de leurs observations aux organes directeurs du centre car leur manière de percevoir la réalité pourrait être différente et il serait regrettable ne pas être informé de leur vision des choses.

 

5.3.6.5.L’Eglise locale. Comme Institut, l’Ordre est exempté de la juridiction de l’Ordinaire du lieu. Toutefois, si nous souhaitons avoir une présence significative dans le siècle nous devons collaborer et coordonner nos efforts avec ceux de l’Eglise locale. Comme Eglise, nous constituons tous ensemble le peuple de Dieu et nous devons réfléchir sur la manière d’agir comme tel.

 

Le lieu le plus indiqué pour une telle collaboration est le niveau diocésain et paroissial. Les conditions pour que prêtres, religieux et laïcs collaborent ensemble à un même projet ne sont pas encore idéales, cependant tout en ne renonçant pas à l’identité qui est la sienne ni à ses propres projets pastoraux, il faut  arriver à construire ensemble une pastorale commune.

 

5.3.6.6.L’administration publique. Nos œuvres s’adressent au public et dans de nombreux cas elles s’insèrent dans des services sanitaires ou sociaux de l’état. Ceci exige des relations très souples avec l’administration publique pour pouvoir être bien informés sur la réalité actuelle et les perspectives d’avenir, et, pour lui communiquer à notre tour nos plans futurs.

 

Il faut continuer à maintenir des contacts et des relations avec l’administration publique. Ceci exige de notre part honnêteté, clarté et transparence. Honnêteté  comme expression de cohérence avec les principes que nous défendons; clarté quant à notre position et à ce que nous prétendons; transparence enfin par rapport à nos critères en matière d’affectation des ressources que nous recevons.

 

L’Ordre doit réfléchir sur le rôle qui est le sien dans le cadre de ses relations avec les autres institutions. Nous nous heurtons à deux dangers: celui de se laisser piéger par ces relations et  perdre au cours de ans, ce qui constitue l’essence de notre identité; ou s’éloigner de ces relations et risquer que le projet d’assistance soutenu par le centre se perde, parce que déconnecté de la réalité.

 

Maintenir de telles relations avec les services de l’administration publique exige une formation professionnelle, humaine et religieuse approfondie si nous ne voulons pas obtenir l’effet contraire. Une fois de plus nous insistons sur la nécessité d’utiliser un langage qui soit compris par notre société.

 

5.3.7.Evaluation

 

Si nous voulons être fidèles à la mission que nous sommes en train de réaliser ou de recréer nous devons  périodiquement  vérifier la manière dont nous exécutons nos plans. Nous devons évaluer la manière dont les principes philosophiques de l’Ordre sont appliqués au niveau de la gestion, de la direction et de l’assistance.

 

5.3.7.1.Attention aux signes des temps. Notre société est une réalité très dynamique. La science est en évolution constante et chaque jour de nouvelles méthodes, de nouveaux instruments et techniques de travail voient le jour. Un message, un principe philosophique est d’actualité quand il se transmet avec des moyens, des méthodes et des techniques actuelles. Autrement on risque de parler dans le vide. Il faudra donc évaluer la portée des moyens que la société nous donne, car il se peut que dans le but d’être plus efficace nous utilisions des instruments qui sont contraires à la philosophie de l’Institut.

 

5.3.7.2.Réponse aux besoins de l’homme et de la société. Dans cette évolution constante de la société, l’homme aussi est en train de changer, même si nous ne sommes pas capables de distinguer si c’est le changement de la société qui fait  évoluer l’homme ou si ce sont les changements que connaît l’homme qui font évoluer la société. Quoi qu’il en soit, dans cette situation nous devons faire face à:

 

de nouvelles maladies;

de nouvelles modalités de contracter une maladie qui, à leur tour exigent de nouvelles modalités d’assistance;

de nouveaux problèmes au sein de la famille que nous devons être capables

d’éclairer, de soutenir et d’accompagner;

de nouveaux besoins qui exigent  de notre part, créativité et solidarité si nous voulons donner une réponse cohérente;

de nouvelles formes d’égoïsme qui nous interpellent  pour trouver de nouvelles réponses de solidarité institutionnelle.   

 

Répondre avec des moyens modernes aux besoins de la personne tout en respectant le style et les valeurs de l’Ordre, signifie demeurer fidèle à la Nouvelle Hospitalité, synthèse de notre projet apostolique

 

Questions pour la réflexion sur la charte et pour

la préparation au prochain Chapitre Général

 

1) Dans nos centres et nos communautés, quelles sont les réussites que vous obtenez et les difficultés que vous rencontrez dans les domaines suivants :

- assistance intégrale et défense des droits du malade

- réponse aux problèmes spécifiques

-         - gestion et direction.

2)A la lumière du diagnostic précédent, définissez les priorités de l’Ordre dans les domaines suivants :

-         assistance intégrale et défense des droits du malade

-         réponse aux problèmes spécifiques

-         gestion et direction.

 

 

Notes au cinquième chapitre

 

(1)          Certains préfèrent le terme de privacy qui recouvre un domaine plus vaste, plus global des différents aspects de la personnalité qui, s’ils sont examinés isolément ne présentent pas un intérêt particulier, mais s’ils sont considérés comme un tout, offrent une image de la personnalité de l’individu que celui-ci a le droit de protéger jalousement.

(2)          CONCILE VATICAN II, Gaudium et Spes (GS), 16.

(3)          Jean-Paul II, Evangelium Vitae (EV), 44.

(4)          Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Donum Vitae,22 février 1987, § 2.

(5)          Conseil Pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, Charte des Personnels de la Santé, Cité du Vatican 1995, § 142.

(6)          Ibid.,21

(7)          Ibid.,87

(8)          Ibid.,129

(9)          Ibid.,146

(10)      Cf.EV 57.

(11)      Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’euthanasie, 5 mai 1980, p. 549 Cf.

(12)      Cf. Charte des Personnels de la Santé, 119-120.

(13)      Cf. EV 65.

(14)      Cf. Code de Nuremberg, Déclaration d’Helsinki, Déclaration de Genève, Good clinical Practice, etc. En plus des critères du Magistère voir également la Charte des Personnels de la Santé,75-82.

(15)      Cf. EV 63.

(16)      Cf. Pierluigi Marchesi,L’Hospitalité de l’Ordre de saint Jean de Dieu en vue de l’An 2000, Rome, 1986, Appendice 3.

 

 

 

 

 

6

FORMATION ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE

 

 

6.1. Formation

 

6.1.1.Formation technique, humaine et charismatique

 

Outre ce qui figure dans les autres chapitres du présent document, nous voulons souligner ici la responsabilité qu’ont les membres de l’Ordre et leurs collaborateurs de se former. Nous n’insisterons pas sur la nécessité d’une formation humaine, comprise comme connaissance de soi et approfondissement des moyens utiles pour entrer en contact avec autrui et avec la  société, indispensables pour celui qui veut devenir un artisan d’humanisation dans les œuvres de l’Ordre.

 

Notre époque est déterminée par les caractéristiques suivantes : rapidité des progrès scientifiques en général et de la biomédecine en particulier ;  rapidité et  facilité des communications ; mondialisation des problèmes ; une mentalité technico-scientifique au moment de conceptualiser et d’aborder la réalité de

l’homme au point de déboucher sur un réductionnisme scientifique ; les mouvements fondamentalistes religieux : réductionnisme spirituel. L’unique critère éthique que nous partageons mondialement, du moins en théorie, est celui du respect de la dignité de la personne ; ce critère exige que nous ne traitions jamais la personne  comme un moyen pour atteindre un but, même si ce dernier est élevé ou nous semble tel. Ce fait, qui n’est certes pas nouveau, acquiert une importance particulière pour les professionnels de la santé dans leurs relations avec le malade .

 

Depuis les années 70 nous avons assisté à une profonde transformation de la relation qui existe entre le patient et son médecin. Pendant les siècles passés on n’était pas conscient que le patient qui en était capable, devait être considéré comme un protagoniste moral et  autonome pour toutes les décisions  concernant sa santé. L’information correcte donnée au malade se situe au premier plan. Le médecin  a perdu son rôle unique et prépondérant, du moins dans le monde occidental. Aujourd’hui nous parlons de relations  entre le patient et  une équipe soignante, entre le patient et le monde qui l’entoure.  L’ambiguïté de certaines technologies, dont l’application correcte n’élimine pas de graves conflits entre les valeurs vitales et les valeurs spirituelles, l’importance croissante des soins médicaux et des techniques de laboratoire dans l’établissement d’un diagnostic, exigent une formation plus rigoureuse qu’auparavant. Le niveau et la qualité de l’assistance, dans les hôpitaux ou dans des centres socio-sanitaires, dépendent en grande partie du niveau de formation  du personnel soignant.

 

Dans le cadre de la formation permanente, la formation technique ou professionnelle doit aller de pair avec la formation humaine et éthique;  on mettra l’accent de préférence sur le premier aspect tout en soulignant l’importance de l’autre. Il faudra veiller à un recyclage des connaissances qui permette une assistance intégrale conformément aux critères actuellement en vigueur.

 

Chaque centre doit promouvoir des programmes de formation à tous les niveaux et doit les prévoir dans son budget.

 

Se recycler du point de vue scientifique ou technique n’exigera pas, en général, un effort excessif sur le plan de la motivation, tandis que  se former ou  se reformer sur le plan de la philosophie de l’assistance et des critères charismatiques de l’Ordre  exigera une motivation plus grande. Ceci contribuera à accroître le sens d’appartenance à l’Ordre et deviendra un instrument pour actualiser les valeurs qui imprègnent sa culture et son identité. La direction des différents centres en tiendra compte et l’inscrira dans le plan de formation du centre même.

 

Dans la mesure du possible il faut s’informer des programmes et des expériences en cours dans d’autres régions pour pouvoir éventuellement les adopter et les adapter aux différents centres. Malheureusement, les formateurs, capables à la fois de comprendre les problématiques du monde de la santé et  de dominer les courants de la pensée contemporaine – philosophie, théologie, pastorale et spiritualité- sont bien rares ; il faudra s’efforcer de constituer des équipes et renforcer les compétences de ceux qui travaillent à ce programme commun. Celui-ci doit être réaliste et efficace. Les comités d’éthique peuvent remplir cette fonction.

 

En ce moment où se vit avec force la nécessité du dialogue interreligieux, il nous faut suivre les recommandations que le Concile Vatican II adresse aux fidèles : « L’Eglise exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec ceux qui suivent d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se trouvent en eux. » (1) Il devient donc indispensable d’assurer, à côté d’une formation professionnelle et technique, une solide formation en philosophie, théologie et sur le charisme de l’Ordre en mettant l’accent sur la personne et le mystère de Jésus Christ.

 

Les grands courants de la pensée philosophique (2) et théologique doivent être les piliers sur lesquels se base la formation; le charisme de l’Ordre et ses connaissances profondes doivent toujours inspirer les attitudes et les comportements envers les malheureux.

 

Il sera possible de cette manière d’instaurer un quadruple dialogue, si nécessaire dans notre monde de pluralisme religieux : (3)

 

·        Dialogue de vie,  où les personnes s’efforcent de vivre dans un esprit d’ouverture et de bon voisinage, en partageant leurs soucis, leurs  peines et leurs joies.

·        Dialogue d’action, où les chrétiens collaborent avec les autres pour le développement intégral et la liberté.

·        Dialogue interreligieux, où les personnes enracinées dans leurs traditions religieuses respectives, partagent leurs richesses spirituelles par exemple dans le domaine de la prière et de la contemplation, de la foi et de la recherche de Dieu et de l’Absolu.

·        Dialogue théologique, où les experts s’efforcent de comprendre plus à fond leurs héritages religieux respectifs et où ils reconnaissent et apprécient leurs différentes valeurs spirituelles.

 

6.1.2. Les comités d’éthique en tant qu’instruments de formation

 

Bien que nous ayons déjà traité de cette question dans le chapitre cinq du présent document, nous allons l’aborder ici dans la perspective de la recherche et de la formation.

 

Dans le domaine clinique, le terme de bioéthique reste uni au concept du dialogue pluridisciplinaire en tant que méthodologie de travail et, à partir de 1978, aux principes habituels de la bioéthique contemporaine : autonomie, bienfaisance et non la malfaisance, et la justice. Ces principes, conformément au paradigme anthropologique du personnalisme d’inspiration chrétienne, sont la traduction du principe du respect de la dignité de la personne, du service pour le bien du patient considéré dans son intégralité, et de la solidarité.

 

La nécessité d’assurer la protection des sujets humains qui participent à une expérimentation clinique et l’importance de la correction scientifique du protocole de recherche sont à l’origine de l’institutionnalisation de comités compétents. Il s’agit des comités éthiques de recherche clinique et comités de bioéthique. Dans la littérature américaine, les noms correspondants sont Institutional Review Boards et Institutional Ethics Committee qu’on appelle aussi Clinical Ethics Committess.

 

La constitution, la reconnaissance juridique et les fonctions de ces comités éthiques de recherche clinique diffèrent d’un pays à l’autre. Tous cependant doivent respecter et veiller à l’application des normes d’une bonne pratique clinique. Les décisions prises par de tels comités ont force de loi. Leurs membres doivent être qualifiés pour revoir les projets de recherche en évaluant tout d’abord si les données scientifiques disponibles suffisent ; ils doivent également vérifier que les expérimentations pharmacologiques et toxicologiques faites sur les animaux offrent suffisamment de garanties pour les tenter sur l’être humain. Ils s’assureront  également que la personne concernée par l’expérimentation a été correctement informée de sa portée et y participe librement. En outre, ils vérifieront si l’objet de la recherche est important ou non ; si l’expérimentation proposée correspond aux objectifs prévus ; s’il existe une assurance pour couvrir les dommages éventuels que pourrait entraîner, pour la personne concernée, une expérimentation clinique.

 

La participation à de tels comités comporte une grande valeur pédagogique et est très enrichissante. Le dialogue bioéthique acquiert toute sa portée pédagogique pendant la discussion des cas concrets dans les comités d’éthique. De tels comités sont au départ déjà formateurs parce qu’ils sont pluridisciplinaires, adoptent une méthodologie d’information/formation, développent le respect mutuel,  examinent des cas particulièrement délicats,  doivent trouver des solutions quand des conflits de valeurs se présentent et  fixer des règles à appliquer dans des cas semblables.

 

La fonction d’enseignement est particulièrement importante et tout d’abord envers ses propres membres. En deuxième lieu, ces comités doivent programmer l’enseignement de la bioéthique dans la province et ses différents centres et veiller à l’application de tels programmes.  Le dialogue pluridisciplinaire constitue la méthode de travail nécessaire. La prise de décision doit se faire par consensus éthique et pas uniquement par consensus stratégique. Les consultants pour des cas concrets, médecins, infirmiers, psychologues…, doivent être des membres « ad hoc » pendant les délibérations pour que les décisions acquièrent une obligation morale. La composition de ces comités est différente selon la typologie du centre : hôpital, centre résidentiel ou centre socio-sanitaire.

 

Les comités d’éthique représentent en fin de compte quelque chose d’aussi ancien que la consultation médicale collégiale et quelque chose d’aussi récent que la reconnaissance d’un travail en équipe  et d’une médecine  axée sur le malade reconnu comme agent moral autonome qui ne perd pas ses droits parce qu’hospitalisé. Les comités qui fonctionnent correctement peuvent être des instruments efficaces pour définir la « lex artis » de l’hôpital avec toutes ses implications juridiques.

 

Le comité doit préciser quel sera son système de valeurs de référence en cas de conflits : inspiration chrétienne ; droits de l’homme ; codes de déontologie professionnelle, nationaux ou internationaux, etc. Le comité d’éthique doit  faire preuve de cohérence au moment de prendre des décisions.

 

Il faut assurer le bon fonctionnement de ces comités par le recours à différentes mesures dont la plus importante est le comité pour résoudre les cas urgents.

 

A ce propos nous aimerions préciser certains aspects. Il est important, à notre avis, d’analyser correctement les conditions nécessaires avant de prendre une décision éthique : a) une histoire clinique correcte ; b) la compétence professionnels pour la discussion scientifique du cas clinique ; c) le contrôle de qualité.

 

Après avoir établi quel est le problème clinique et les différentes possibilités de traitement, il faut examiner les dimensions éthiques liées à la qualité de vie, du point de vue professionnel et dans l’optique du malade et de sa famille dont il faut respecter les systèmes de valeurs. Il faut tenir particulièrement compte des facteurs qui ne sont pas cliniques, surtout ceux de nature économique et sociale si on prétend exercer une médecine holistique.

 

Le consentement de tiers, quand le malade est dans l’incapacité de l’exprimer, est un problème particulièrement délicat en néonatologie, en psychiatrie, pour les malades dans le comas ou  les handicapés mentaux, etc.  Là où ces cas limites se présentent fréquemment, la présence d’un comité éthique au service d’une médecine de qualité, à la fois scientifique, technique et humaine, est particulièrement  bénéfique.

 

La formation pour résoudre les conflits en matière de recherche et d’application clinique exige avant tout : 1) des capacités et compétences professionnelles pour comprendre le problème posé dans l’optique de celui qui y travaille ; 2) réfléchir sur sa propre attitude éthique et sur les fondements de celle-ci. Il faut distinguer ici, le fait en soi (attitude cohérente dans la vie quotidienne entre l’être et l’agir) de sa conceptualisation éventuelle. Il faut pouvoir compter sur un programme de formation anthropologique et d'éthique philosophique et/ou théologique. 3) Méthodologie pour résoudre les conflits dans un climat de dialogue qui n'exclut  pas la confrontation.

 

Nous nous limitons ici à ce troisième point. Les principes de bioéthique mentionnés précédemment constituent des instruments pédagogiques utiles pour le dialogue au sein des comités d’éthique. La solution des problèmes peut s’envisager au niveau d’une discussion des principes qui se trouvent en conflit et de leur hiérarchie. Doit-on, par exemple, donner la priorité au principe d’autonomie du patient ou à celui de la recherche de son bien ? Cette solution peut également se baser sur l’analyse de cas semblables. Nous estimons que cette dernière option est plus appropriée dans les discussions de cas cliniques.

 

 

6.2. Enseignement

 

6.2.1. L’enseignement, une constante dans l’Ordre

 

L’enseignement dans l’Ordre remonte au fondateur qui, avant d’enseigner, s’est laissé former  à Guadaloupe, lieu célèbre dans toute l’Espagne depuis la fin du XVème siècle, pour la pratique de la médecine.

 

« Guadaloupe lui donne en même temps une vision scientifique et caritative de la médecine. Il y fréquente l’école de médecine, de haut niveau, assiste aux leçons pratiques et théoriques données aux débutants, il y voit aussi des instruments inconnus dans tous les autres hôpitaux d’Espagne. » (4)

 

Le premier disciple de saint Jean de Dieu, Antoine Martin avait l’enseignement particulièrement à cœur. Il avait l’intention de créer dans la ville de Madrid en 1553, une école pour chirurgiens dans son hôpital de « l’amour de Dieu ». Son successeur, Pierre Delgado réalisera son projet. (5)

 

« Cette école de chirurgie obtient un grand succès et très rapidement y affluent ceux qui souhaitent passer leurs examens devant le tribunal de médecine et être reçus médecins. L’Hôpital de la place Antoine Martin est le premier de Madrid à offrir un enseignement et des spécialisations ». (6)

 

Tout au long de son expansion d’abord en Espagne, Europe  et en Amérique Latine et ensuite sur les autres continents, l’Ordre n’a jamais oublié son intérêt pédagogique. Il est vrai que son enseignement fut davantage oral qu’écrit, dans un langage clair, pratique et accessible à tous. Il a également rédigé d’importants manuels de spécialisation.

 

L’Ordre a concrétisé ce souci pédagogique dans le passé et continue à le faire actuellement par la création de plusieurs écoles de différents niveaux.

 

 

6.2.2. L’enseignement, un impératif d’actualité

 

En 1956, l’Organisation Mondiale de la Santé, l’OMS a défini l’hôpital comme étant, entre autres, « centre de formation du personnel médical et centre de recherche ».

 

A partir de cette date, les lois sanitaires des différents pays considèrent l’enseignement comme un impératif : il n’y a pas de modèle d’assistance qui n’y consacre un espace important.  Enseigner ce qui se vit au quotidien et le transmettre à la communauté par l’un des multiples moyens dont nous disposons à l’heure actuelle, est une tâche aussi importante que celle de guérir, prévenir et chercher.

 

L’enseignement au sein de structures signifie chaque jour davantage une garantie de qualité. Si nous ne montrions pas à la société ce que nous faisons dans le domaine de l’enseignement, nous n’existerions pas avec la vitalité qu’on attend de nous. Il faut dès lors que les centres prévoient une ligne budgétaire pour l’enseignement ; il faut en outre se concerter avec les entités publiques ou privées  pour demeurer fidèles à cette vocation d’enseignement qui existe depuis les débuts de notre Institut.

 

Dans l’avenir, chaque centre devra assumer une fonction d’enseignement. Elle confirmera notre raison d’être dans la société, constituera un élément fondamental pour garantir la qualité de notre service et témoignera de notre engagement d’enseigner à tous comment repenser le bien de ceux qui souffrent.

 

6.3. Recherche

 

6.3.1. Communication de l’optique de l’Ordre

 

Pendant ses cinq siècles d’existence, l’Ordre a contribué de nombreuses manières au bien de la santé et de la vie. Jean de Dieu lui-même, obéissant au conseil du maître Jean d’Avila, a commencé son « aventure hospitalière » en allant à Baeza et à Guadaloupe pour se former. Certains prétendent que Jean d’Avila nourrissait une grande curiosité scientifique et était parfaitement au courant de la qualité des hôpitaux gérés par les frères de saint Jérôme à Guadaloupe ; il y envoie Jean de Dieu comme pèlerin et comme apprenti pour y découvrir comment fonctionne un hôpital. (7) De retour à Grenade, Jean de Dieu réalise son projet de servir les malades en fondant deux hôpitaux d’avant garde. L’histoire le reconnaît à juste titre comme fondateur de l’hôpital moderne.

 

Les frères et leurs collaborateurs, fidèles à l’héritage dynamique de saint Jean de Dieu, ont perfectionné ses méthodes au cours des siècles en accumulant des expériences et en augmentant leurs connaissances. « On peut dire en général que l’évolution de l’Ordre reflète l’évolution de la psychiatrie et de la neurologie » (8).

 

Ce sont les frères hospitaliers qui organisent le premier hôpital pour épileptiques d’Europe. (9) Depuis les premières fondations aussi, ils complètent leurs soins par des activités de formation. C’est à partir du XXIème siècle que l’on parle des premières écoles de chirurgie installées dans les hôpitaux de l’Ordre. (10) En outre, ils ont créé des écoles de chimie, de pharmacie, de médecine et pour infirmiers ; certaines ont  été érigées plus récemment et sont toujours en fonction.

 

Certains frères connus et d’autres qui le  sont moins ont été des médecins, des chirurgiens, des dentistes, des infirmiers  exceptionnels et  des exemples montrant comment on peut unir le charisme hospitalier à la recherche scientifique. (11)

 

L’Ordre existe depuis des siècles dans le monde de la santé et celui des services sociaux et il doit donc favoriser sans cesse l’amélioration de l’assistance grâce à une recherche ciblée. Sans renoncer à aucun type de recherche en particulier, l’Ordre devrait la privilégier dans le domaine de l’humanisation, de la bioéthique - dans ses aspects cliniques, épidémiologiques, gestionnels et d’enseignement  médical et infirmier -, de la pastorale; du dialogue interreligieux dans la rencontre des pauvres et des nécessiteux;  des valeurs de l’Institut en général etc.

 

L’approfondissement créatif du présent document, la qualité des ressources humaines  dans chaque situation et les motivations des collaborateurs pour renforcer la dimension novatrice dont l’Ordre a toujours fait preuve au long de son histoire, indiqueront quelles pistes de travail sont les plus appropriées.

 

6.3.2. Promotion de la recherche en vue du troisième millénaire.

 

Le progrès constant de la science et l’intérêt du personnel de la santé pour son travail et pour l’expérimentation imposent une promotion adéquate de la recherche. Tout progrès médical a été précédé d’une grande recherche (théorie, travail en laboratoire, expérimentation sur les animaux et sur l’homme). Cette recherche est indispensable si nous voulons assurer une assistance intégrale.

 

Même si traditionnellement l’activité de l’Ordre s’est orientée davantage vers les soins directs des malades et des nécessiteux, face aux nouvelles situations sociales et sanitaires les centres doivent faire entrer la recherche dans le cadre de leurs activités.

 

Depuis plusieurs années cela se réalise déjà au bénéfice des patients ; en outre les collaborateurs sont satisfaits car ils s’insèrent dans les circuits de la recherche internationale et participent à ce progrès de la santé auquel toute la communauté scientifique s’intéresse.

 

Les principaux moyens pour réaliser une telle recherche sont : l’expérimentation clinique, les congrès auxquels participent d’autres instituts de recherche, le travail en réseau avec des programmes internationaux, les spécialisations de certains collaborateurs.

 

Pour mieux promouvoir la recherche, le centre pourra constituer des associations dans le but d’organiser et de coordonner le travail pluridisciplinaire  en faisant appel éventuellement à des experts qualifiés externes. 

 

Un problème délicat demeure l’affectation des ressources. Il ne s’agit pas de fonds soustraits au malade, mais au contraire de fonds utilisés pour améliorer ses chances de guérison, même si les résultats ne sont pas immédiats car parfois les ressources employées ne donnent pas les résultats escomptés.

 

C’est pour cela que l’Ordre ne doit pas se contenter de valoriser et

 d’encourager la recherche expérimentale dans ses propres centres, mais il doit la promouvoir auprès des organisations dont c’est le champ d’action. Il faudra en tenir compte si la typologie du centre le permet, au moment de signer des conventions avec le gouvernement dans le but d’obtenir une ligne budgétaire, même modeste, pour les activités de recherche.

 

 

Questions pour la réflexion sur la charte et pour

la préparation au prochain chapitre général

 

1)        Quels sont les programmes de formation, d’enseignement et de recherche qui existent dans votre centre et votre province ? Faites une évaluation de leur mise en œuvre et de leur efficacité.

2)        Quelles devraient être les priorités de l’Ordre dans les domaines suivants:

 

-         formation

-         enseignement

-         recherche

 

 

 

Notes au chapitre sixième

 

(1)          Concile Vatican II, Nostra Aetate, 2s.

(2)          Cfr. Jean-Paul II, Fides et Ratio, 1999, chapitre 1.

(3)          Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux et Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples : Dialogue et Annonce, C.P.D.I. (1991) 210-250.

(4)          JAVIERRE, José Maria, Juan de Dios, loco de Granada, Sigueme, Salamanca, 1996.

(5)          PLUMED MORENO C. « Jornadas Internationaces de enfermeria » San Juan de Dios, 1992.

(6)          ALVAREZ SIERRA, José Antòn Martin y el Madrid de los Austrias, 1961.

(7)          JAVIERRE, ibid. p. 413.

(8)          RUMBAUT, Ruben D. John of God : his place in the history of Psychiatry and Medicine,1978, ediciòn bilinguë (Ing /Esp), p. 115.

(9)          ALVAREZ SIERRA, José Influencia de San Juan de Dios y de su Orden en el progresso de la Medicina y de la Cirugia, Talleres Arges, Madrid, 1950, p.148.

(10) RUSSOTTO Gabriel OH. San Giovanni di Dio e il suo Ordine Ospedaliero,Roma 1969, Deuxième Tome, p. 124.

(11)   Gabriel Russotto, dans son histoire de l’Ordre, remplit 73 pages de noms, accompagnés d’une documentation très riche. Parmi les personnalités les plus connues comme médecins et chirurgiens il faut relever le Fr. Gabriele Ferrara (Italie) , Fr. Alonso Pabon (Espagne), Fr. Bernardo Fyrtram (Autriche), Fr. Ambrogio Guivebille (Autriche), P. Lazzaro Nöbel (Allemagne), Fr. Matias del Carmen Verdugo (Chili), Fr. Michele Isla (Colombie), P. Probo Martini (Allemagne, Tchéquie, Silésie), P. Bertando Schröder (Autriche), P. Norberto Boccius (Hongrie, Rep. Tchèque), P. Manuel Chaparro (Chili), P. Ludovico Perzima (Pologne), Fr. Eliseo Talochon (France), P. Odilone Wolf (Rép. Tchèque), Fr. Giusto Sarmiento (Amérique), P. Fausto Gradischeg (Autriche), P. Giovanni Luigi Portalupi (Italie), P. Benedetto Nappi (Italie), P. Celestino Opitz (Rép. Tchèque), P. Prosdocimo Salerio (Italie), P. Celso Broglio (Italie), P. Giovanni di Dio Sobel (Silésie), P. Francesco Salerio (Italie), P. Francesco de Sales Whitaker (Irlande et Angleterre). La liste est close depuis saint Richard Pampuri.

          Parmi les pharmaciens et botanistes  les plus fameux de l’histoire de l’Ordre, rappelons le P. Agostino Stromayer (Rép. Tchèque), P. Innocenzo Monguzzi (Italie), P. Ottavio Ferraro (Italie), P. Gallicano Bertazzi (Italie), P. Atanasio Pellicia (Italie) et P. Antonio Matia dell’Orto (Italie).

          Parmi les dentistes deux noms sont particulièrement connus : Fr. Jean de Dieu Pelizzoni (Italie) et P. Jean Baptiste Orsenigo (Italie); ce dernier est devenu assez populaire à Rome.

          En Colombie, le Fr.Miguel de Isla (XVIIIème  siècle) fut médecin et professeur de médecine et restaurateur de la faculté de médecine de l’université du Rosario. Au Chili, le Fr. Manuel Chaparro introduit le vaccin, jamais utilisé jusqu’à ce jour et inconnu même en Europe, pour contrôler une terrible épidémie de variole de 1765 à 1772.

          Il faut aussi rappeler qu’en 1821 le Fr. Ottavio Ferrario, pharmacien, a découvert l’iodoforme,  même si on attribue cette découverte à un français qui la fit  la même  année. En 1822, le Fr. Ferrario fut la première personne en Italie à extraire la quinine en isolant les constituants actifs du quinquina.

 


 

7

 

LA DROITURE  PERSONNELLE, FONDEMENT DE NOTRE ACTION

 

 

7.1.      La droiture comme projet existentiel.

 

7.1.1.   Vivre harmonieusement les valeurs qui forment la personne.

 

Par droiture personnelle nous entendons la qualité morale de la personne dont l’agir est en harmonie avec les principes et les valeurs spirituelles qu’elle professe. « Operari sequitur esse » (l’agir suit l’être) Cette droiture exige un coeur entier, la correction dans l’action et la fidélité au milieu des épreuves et des difficultés. En dernière instance il faut ajouter que l’homme droit est celui qui vit conformément au commandement d’amour du Christ : “ aimez-vous les uns les autres comme moi je vous ai aimés ”.

 

L’unité d’esprit et de coeur, de cohérence entre la pensée et l’action exige un processus plus ou moins long de maturation humaine, psychologique et spirituelle qui diffère d’un individu à l’autre et dépend de leur volonté de servir et de répondre avec générosité.

 

Vivre harmonieusement l’action et l’union avec Dieu, selon le charisme de saint Jean de Dieu est une tâche qui exige l’attention de toute une vie.

 

Si  notre action ne vise que l’utilité sociale et l’efficacité et oublie la dimension du témoignage de l’amour du Christ selon le charisme de saint Jean de Dieu, nous  ne respectons pas notre projet existentiel car nous portons atteinte à notre droiture, et nos œuvres n’auront pas la force évangélisatrice qu’elles devraient avoir. Si la personne est droite, elle l’est pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle dit ou fait.

 

7.1.2 .L’homme, témoin de la transcendance et de l’amour.

 

La vocation de l’homme est la vie divine : “ irrequietum est cor nostrum donec requiescat in Te ”, (notre coeur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en Toi).Suivre Jésus Christ, plénitude de la révélation de Dieu, est le cheminement de l’homme vers la plénitude de son épanouissement. Suivre Jésus selon le style de saint Jean de Dieu en s’identifiant avec les plus pauvres et les plus démunis est le modèle par excellence de l’Ordre hospitalier.

 

Se donner inconditionnellement aux autres comme signe de l’amour de Dieu exige un certain degré de maturité humaine et spirituelle : l’expérience intime de Dieu, se savoir aimé par Dieu et se connaître et s’accepter  comme on est sont des conditions nécessaires pour  atteindre un niveau d’identité, de confiance et de liberté  indispensables pour l’apostolat. La prière est nécessaire pour vitaliser, unifier et intégrer la vie spirituelle dans les activités quotidiennes.

 

L’expérience de la miséricorde de Dieu pour nous et  de son amour inconditionnel nous indique de quelle manière nous devons entrer en relation avec les malheureux et les aider à construire leur vie, apprécier leur dignité et  leur révéler qu’eux aussi sont capables d’aimer. L’expérience de l’amour inconditionnel aide une personne à découvrir sa vocation d’enfant de Dieu.

 

En  révélant  à l’homme sa qualité d’être libre, appelé  à entrer en communion avec Dieu, l’évangile lui dévoile l’ampleur de cette liberté : libération de tout esclavage, libération du péché, libération pour proclamer l’évangile, libération pour grandir en liberté selon l’Esprit.

 

 

7.2.      La conscience comme moteur de notre action

 

« Au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme; sa dignité est de lui obéir, et c’est  elle qui le jugera. » (1)

 

« La dignité de la personne implique et exige la rectitude de la conscience morale. La conscience morale comprend la perception des principes de la moralité (syndérèse), leur application dans les circonstances données par un discernement pratique des raisons et des biens, et, en conclusion, le jugement porté sur les actes concrets à poser ou déjà posés. La vérité sur le bien moral, déclarée dans la loi de la raison, est reconnue pratiquement et concrètement par le jugement prudent de la conscience. On appelle prudent l’homme qui choisit conformément à ce jugement. »(2)

 

« L’homme a le droit d’agir en conscience et en liberté afin de prendre personnellement les décisions morales. L’homme ne doit pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse. »(3)

 

« Dans la formation de la conscience, la Parole de Dieu est la lumière sur notre route; il nous faut l’assimiler dans la foi et la prière, et la mettre en pratique. Il nous faut encore examiner notre conscience au regard de la Croix du Seigneur. Nous sommes assistés des dons de l’Esprit Saint, aidés par le témoignage ou les conseils d’autrui et guidés par l’enseignement autorisé de l’Eglise.”

 

La réflexion personnelle et communautaire, dont une des manifestations sont les comités d’éthique, peut apporter des lumières quand il faut affronter des problèmes difficiles  dont les cas concrets ne sont pas contemplés dans les normes éthiques du Magistère. Compétence professionnelle, docilité et respect du Magistère, esprit de dialogue sont les exigences essentielles pour discerner la manière de se comporter dans des cas particulièrement délicats où il est nécessaire d’établir une hiérarchie des valeurs en conflit.

 

Etant donné que les problèmes  éthiques les plus importants du droit naturel ne trouvent pas une réponse explicite dans la bible, il faut insister davantage sur des fondements convaincants et rationnels qui ne se basent pas uniquement sur l’autorité :  Sans cette condition il sera toujours plus difficile pour l’homme d’aujourd’hui, conscient de son autonomie et de sa responsabilité, d’exprimer  librement son consentement.

 

 

7.3.            Conscience et droiture morale.

 

7.3.1.   Le service du malade et du nécessiteux comme “ conditio sine qua non ”

 

Le terme “ serviteur ” utilisé dans les premières communautés ecclésiales formalise et définit la condition du croyant qui, par amour, se met au service de ses frères. Cette attitude est encore plus évidente dans l’attention de la communauté ecclésiale  envers les malades et les nécessiteux.

 

Des témoignages  du passé (serment d’Asaph, prière de Maimonide, etc) avaient souligné l’engagement éthique du service du soignant et la notion même d’un ministère socio-sanitaire, commun à de nombreuses idéologies et cultures. Toutefois, pour le christianisme cette idée acquiert une importance particulière en référence au ministère du Christ, “ diacre ” du Père pour les hommes, serviteur de Dieu pour être serviteur des frères. Ce n’est pas par hasard que Polycarpe (à la fin du Ier siècle) l’appellera “ diacre et serviteur de tous ”.

 

C’est pour cela que dans l’Ordre, qui fait de l’hospitalité son charisme spécifique, la dimension du service est absolument  obligatoire et exprime la raison d’être de ses œuvres et l’attitude intérieure des collaborateurs les plus engagés.

 

Dans une telle perspective on peut inscrire une différentiation entre les vocations où la pluralité devient motif de richesse charismatique  et où les différents états de vie et de milieux de travail deviennent des occasions d’engagements ministériels. Là où l’engagement professionnel et ecclésial sont directement liés aux réponses existentielles d’autrui, comme c’est le cas pour l’Ordre, le service devient une ligne maîtresse qui guide toute son action.

 

7.3.2. Niveaux d’engagement personnel dans la mission de l’Ordre.

 

 

7.3.2.1. Les frères.  Ils constituent, comme c’est normal, les personnes les plus radicalement engagées en vertu de leur profession religieuse. Ce terme (profession)  n’est pas par hasard identique à celui qui désigne une activité de travail. Les deux situations sont caractérisées par trois éléments : la foi, déclarée ouvertement et formellement dans la réalité existentielle que l’on embrasse; l’appartenance à un groupe social particulier et qui fait de cette réalité sa raison d’être; l’engagement à manifester dans sa vie la réalité professée.

 

La première dimension concerne le domaine de l’intellect et se réalise, si on peut s’exprimer de la sorte, en “ croyant dans l’hospitalité ”. On ne peut  vivre ni agir selon le style de saint Jean de Dieu, c’est-à-dire en incarnant concrètement le charisme de l’hospitalité, si on ne croit pas dans cette hospitalité. Il s’agit de renouveler un témoignage qui jaillit des profondeurs de sa vocation,  en se renouvelant chaque jour et en reformulant  quotidiennement son “ oui ” à l’hospitalité.

 

La deuxième perspective,  concerne le domaine relationnel, c’est-à-dire le sens d’appartenance et plus concrètement la dimension communautaire de sa vie. Celle-ci est avant tout le miroir d’une vocation. Tout en n’éliminant pas la dimension personnelle d’un Dieu  qui  “ nous appelle par notre nom ”, la réponse à cette vocation se vit dans une communauté ; en outre, celle-ci se  réalise au niveau de l’être au sein de l’Ordre et  dans la vie fraternelle et l’engagement hospitalier au niveau de l’agir.

 

Enfin la perspective de la volonté qui se manifeste dans la profession des vœux. A ce propos il est nécessaire de souligner une fois de plus leur dimension oblative plus qu’ascétique; il faut les voir davantage dans leur réalité de “ don ” plus que de “ renonciation ”. Dans une telle optique, leur sens peut acquérir valeur d’exemple même pour les collaborateurs qui y trouvent  une dimension de communion  capable de dépasser le simple fait de travailler ensemble. Le frère pourra ainsi partager avec le laïc l’obéissance comme adhésion aux circonstances existentielles dont la trame peut révéler la volonté de Dieu; la pauvreté comme don de ses richesses intérieures, de son temps, de son intelligence, de son cœur; la chasteté comme offrande de sa corporalité et de ses richesses propres ; l’hospitalité comme expression d’accueil et de service envers les blessés de  la vie.

 

7.3.2.2. Les collaborateurs laïcs. Dans cette catégorie nous pouvons inclure tous ceux qui travaillent dans les maisons de l’Ordre ou participent comme “ externes ” aux initiatives promues par l’Ordre et en réalisent les finalités. “Les niveaux de cette participation sont évidemment différents. Il y a des personnes qui se sentent particulièrement liées à l’Ordre par des liens spirituels; d’autres, parce qu’ils participent à sa mission. Ce qui compte c’est que le don de l’hospitalité reçu par saint Jean de Dieu instaure entre les frères et leurs collaborateurs un lien de communion qui les encourage à approfondir leur vocation chrétienne et à être pour les pauvres et les nécessiteux un signe visible de l’amour miséricordieux du Père pour les hommes »(4)

 

Quelle que soit leur foi, les collaborateurs de nos centres contribuent à réaliser l’objectif de l’œuvre  et participent ainsi à sa mission. Ils instaurent  avec l’Ordre un rapport qui se base essentiellement sur le travail car ils sont  les artisans de l’œuvre réalisée par l’Ordre pour le bien de la collectivité.  Par leur nombre et leur travail ils offrent une contribution significative aux œuvres de l’Ordre, même s’ils ne souhaitent pas un partage charismatique plus profond parce que cela ne correspond pas à leurs convictions. Dans le respect de leurs choix et sans aucunement forcer les consciences, il faudra cependant leur fournir tous les instruments pour qu’ils puissent suivre un cheminement qui, en temps voulu, pourra les porter à assumer librement un engagement  plus direct  dans la mission de l’Ordre.

 

Les collaborateurs plus sensibles et plus engagés qui veulent partager pleinement la mission de l’Ordre peuvent se considérer comme participant  au charisme de saint Jean de Dieu comme les frères. Dans un tel contexte,ils pourront former des associations reconnues par l’Eglise qui expriment dans le style de vie séculière le témoignage du charisme hospitalier et qui contribuent à  réaliser et à revitaliser la mission de l’Ordre. Dans cette perspective, la collaboration entre les frères et les laïcs  n’est plus un fait occasionnel et spontané mais se transforme en une authentique intégration.

 

Il s’agit d’une perspective fortement perçue dans l’Eglise universelle: «Aujourd’hui, beaucoup d’Instituts, souvent en raison de situations nouvelles, sont parvenus à la conviction que leur charisme peut être partagé avec les laïcs, qui, par conséquent, sont invités à participer de façon plus intense à la spiritualité et à la mission de l’Institut lui-même. On peut dire que, dans le sillage des expériences historiques comme celles des divers Ordres séculiers ou Tiers-Ordres, un nouveau chapitre, riche d’espérance, s’ouvre dans l’histoire des relations entre les personnes consacrées et le laïcat. »(5)

 

 

Questions pour la réflexion sur cette charte et pour la

préparation au prochain Chapitre Général

 

1)             Quelles ressources utilisez-vous pour promouvoir cette droiture dont il est question dans ce chapitre?

2)             Que faudrait-il faire d’autre ?

 

 

Notes au septième chapitre

 

(1)          Concile Vatican II, Gaudium et Spes, 16

(2)          Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 1780

(3)          Ibid.n. 1782

(4)          Curie Générale, Frères de saint Jean de Dieu et collaborateurs, ensemble pour servir et promouvoir la vie. 116

(5)          Jean-Paul II, Vita consecrata, 1997, 54

 

 

 

 


 

8.

CREER L’AVENIR AVEC ESPEREANCE

 

 

8.1. Les défis du moment présent

 

Dans notre réflexion sur l’avenir, et, plus précisément sur le rapport qui existe entre la créativité et la temporalité, nous devons tenir compte et surmonter une difficulté :le temps qui fait l’objet de notre analyse n’est pas un espace mental abstrait et éloigné, mais une composante de notre présent.

C’est le moment présent qui prépare l’avenir avec toutes les valeurs que comporte notre témoignage. L’engagement et le témoignage ne doivent  pas se transférer dans un avenir hypothétique qui nous dispenserait  sans cesse d’assumer nos responsabilités actuelles et futures.

 

Nous devons nous préparer au troisième millénaire avec une attitude courageuse et prophétique pour assumer des nouveaux rôles et donner de nouveaux témoignages.(1)  Dans le monde de l’hospitalité, l’espérance en tant qu’annonce du salut, projette un avenir possible à condition de créer des structures de santé qui accueillent l’homme souffrant d’aujourd’hui. Créer veut dire commencer et promouvoir des processus capables de féconder le temps pour produire des initiatives fidèles à la volonté de Dieu et aux signes qui la manifestent.

 

Créer, dans le monde de l’hospitalité, signifie engendrer et témoigner sans cesse un amour vivant, agissant, constructif pour soutenir les blessés de la vie. S’arrêter pour projeter et  penser l’avenir sans INNOVER  risque d’exclure l’Ordre de l’histoire.

 

Le changement d’époque que nous sommes en train de vivre nous impose d’évaluer et donc de choisir et de trouver des réponses concrètes les plus appropriées possible qui tiennent compte du pluralisme culturel croissant, du mouvement de défense des droits de l’homme, du vieillissement de la population, de la diffusion des pauvretés, anciennes et nouvelles, du désir de paix et de la réduction des ressources économiques disponibles pour la défense de l’état providence.

 

Comme on peut le lire dans ce document, le dialogue bioéthique s’impose en tant que paramètre pour une action religieuse et professionnelle correcte, car il offre un point de vue plus universel pour guider nos comportements et nos choix qui veulent toujours promouvoir l’humanité de la personne.

 

L’homme, comme l’a témoigné saint Jean de Dieu, n’est pas un objet quelconque dans le paysage, mais un être original et unique. (2).

 

Pour comprendre quel devra être notre témoignage  d’hospitaliers dans l’avenir,  nous devons examiner plus à fond les exigences de l’homme nécessiteux en reliant l’éthique et la spiritualité à une anthropologie cohérente.

 

Aujourd’hui, les frères et leurs collaborateurs doivent être des prophètes d’espérance, des prophètes de la dignité des blessés de la vie, des prophètes de l’amour, que la technique et les lois du marché, présents également dans le monde de la santé et de l’assistance, étouffent.

 

Dans le passé, très souvent nous avons anticipé  ou remplacé l’état. Aujourd’hui nous devons collaborer avec lui et imprégner les structures du marché, de la culture et de l’esprit de saint Jean de Dieu pour défendre les pauvres, les personnes âgées et les malades chroniques.  L’Ordre doit traduire le magistère social de l’Eglise avec l’aide d’experts compétents, respectueux de la créativité, de l’amour et de la spiritualité  même de l’Ordre.

 

Tout cela nous portera à réexaminer la présence de l’Ordre dans certaines œuvres spécifiques mais permettra peut-être aussi  une refondation à l’aube de ce nouveau millénaire.

 

Créer l’avenir, signifie se mêler à l’humanité,  comme le levain dans la pâte en renonçant à demeurer des spectateurs muets à l’abri de nos fenêtres et de nos murs où nous nous leurrons d’englober le monde entier.

 

Envoyés à évangéliser le monde de la santé, nous annonçons aux pauvres que le salut est au milieu de nous et se manifeste en accueillant le Christ dans nos frères. Toute action d’hospitalité est un signe d’espérance pour atteindre la santé authentique.

 

 

8.2. La force prophétique de l’hospitalité

 

Pour vivre dans la nouvelle hospitalité nous devons repenser notre présence dans le monde de la santé en mutation, en entrant dans un mouvement vertigineux qui risque de nous détruire si nous ne définissons pas clairement nos projets et nos stratégies. Il ne s’agit pas de sauver des œuvres mais de permettre d’annoncer l’Évangile en pratiquant le charisme de l’hospitalité comme service rendu à Dieu dans la personne des nécessiteux. Après avoir tant entendu parler du changement, nous sommes invités aujourd’hui à franchir une étape supplémentaire et à aller au-delà. Nous devons commencer un processus destiné à nous réinventer et à réinventer l’hospitalité.

 

Attendre ou vouloir être parfaits dans ce processus de changement,  signifie que nous ne sommes pas à l’écoute de Dieu qui pense aussi notre histoire personnelle et pas seulement celle de nos œuvres. Le temps, l’avenir ne nous seront pas favorables si nous n’avons pas le courage de vivre notre aujourd’hui avec plénitude.

 

La force prophétique en effet, ne s’exprime pas simplement dans la capacité d’interpréter les signes des temps, mais également et surtout  dans la capacité de dépasser le moment présent et de savoir lire l’avenir avec le regard de Dieu.

 

 «  …Même si le renouvellement n’a pas été rayé du lexique de l’Ordre et de ses projets et même s’il est souhaité et recherché par les individus et les communautés, il faut cependant insister avec plus de force sur sa nécessité et  sur les moyens pour le réaliser. »(3)

 

Réfléchir sur le renouvellement avec un esprit prophétique nous fait penser à beaucoup de choses pour lesquelles il faudrait faire un authentique discernement. Renouveler l’hospitalité signifie offrir des services de qualité, évaluer correctement les ressources économiques, considérer les exigences de la justice sociale, soigner la formation des frères et celle de leurs collaborateurs, adapter les structures administratives.

 

Un vrai effort pour une formation d’un type nouveau pour les frères et leurs collaborateurs est une priorité. On ne peut plus de nos jours avoir une formation « provinciale », il faut une formation d’envergure mondiale. Il est donc indispensable de valoriser les  expériences  des différentes provinces de l’Ordre, par des échanges culturels et pastoraux, tant pour les religieux que pour les collaborateurs laïcs, pour retrouver un nouvel élan, un nouvel enthousiasme, capables d’inspirer une nouvelle évangélisation et une nouvelle hospitalité.

 

Tout cela ne peut suffire pour arriver à un mouvement novateur durable. Nous ne devons donc pas nous limiter à corriger les situations. Nous devons plutôt, inspirés par un authentique amour pour notre service charismatique, aller à la racine des problèmes, remettre en discussion ce qui nous coûte davantage, c’est-à-dire nous-mêmes, en tant que personnes, en tant que religieux ou laïcs hospitaliers; revoir notre mentalité et la manière dont nous concevons notre communauté et nos centres.

 

Nous devons construire un nouveau tissu communautaire où notre rôle de « propriétaires » des œuvres s’équilibre avec celui « d’animateurs ».

 

Il faut s’ouvrir à un partage plus convaincu et cohérent avec ceux qui souhaitent s’unir à nous par des liens plus forts que ceux de la simple collaboration.

 

Se renouveler, inventer un nouveau mode de présence dans le monde de la santé exige  un nouveau projet et des nouvelles structures culturelles, visibles et invisibles. Nous devons penser à une transformation qui permet de conserver dans le temps les progrès réalisés, quelles que soient les contextes économiques et sociaux.(4)

 

 

Le but de notre vie de  frère de saint Jean de Dieu est de rendre présent, dans notre apostolat de charité, le Christ qui nous invite à engager notre existence dans l’évangélisation des pauvres et des malades (5)

 

A la lumière de la nouvelle évangélisation, l’Eglise nous invite aujourd’hui à vérifier :

·        si notre apostolat a un véritable pouvoir évangélisateur;

·        dans quelle mesure nos communauté  sont conscientes de leur rôle évangélisateur;

·        jusqu’à quel point chaque frère perçoit et apprécie qu’il doit être un témoin de l’Evangile;

·        dans quelle mesure nous savons être des animateurs motivés, enracinés dans l’Evangile, attentifs aux sciences humaines et conscients des exigences administratives;

·        dans quelle mesure nous avons réussi à harmoniser la dimension apostolique et la dimension contemplative de notre vie.

 

Il me semble important de redécouvrir la joie qui habite le prophète, ravi d’avoir découvert le sens de sa vocation : « Tu m’as séduit, oh Seigneur, et moi je me suis laissé séduire !»

 

Participer ensemble  à la gestion, au témoignage, à la mission ou à la spiritualité est indispensable pour réaliser le ministère de guérison et de salut que nous annonçons à l’humanité souffrante.

 

Nous devons nous convaincre que la participation engage les personnes et exige la révision du système hiérarchique qui, souvent,  conditionne les relations entre les  laïcs et les religieux et entre les religieux eux-mêmes.

 

La participation doit  tracer un itinéraire qui englobe des aspects culturels et de communication, des questions d’organisation et préparer à des relations plus modernes entre l’hôpital-entreprise et la communauté hospitalière.

 

Ceci requiert que nous nous interrogions sans cesse sur les problèmes concrets comme celui de l’efficacité, du meilleur usage des structures techniques,  de la qualité du travail et des services, et sur notre capacité de donner la priorité au malade.  Sans cesse nous nous efforcerons de créer un milieu de travail satisfaisant dont le malade sera toujours le centre.

 

La participation peut accroître la satisfaction des personnels de la santé et des usagers si celle-ci est étayée par un développement professionnel approprié, un système de rémunération plus proche des modalités de participation et par une attention à la formation spirituelle de tous les fidèles au charisme de l’hospitalité.

 

Mais en outre, et  sur un autre plan, la participation exige une meilleure communication interactive..

 

 

8.3. Vitalité humaine et divine du charisme de l’hospitalité.

 

Seul l’homme enraciné dans la confiance en Dieu, Père, pourra  relever les défis auxquels nous devrons face dans l’avenir et maintenir les acquis éventuels. On peut investir dans tous les domaines, mais si les hommes ne sont pas à la hauteur, il n’y a rien à faire. En répondant à l’appel de Dieu, nous mettons tout notre être, toutes nos ressources au service de l’humanité.

 

C’est dans cette optique que le charisme de l’hospitalité se transforme, par notre intermédiaire, en grâce  pour ceux qui souffrent et nous engage à devenir des guides. Ceci exige de notre part, une grande cohérence entre notre vécu au quotidien, nos engagements professionnels et notre action évangélisatrice.

 

Enracinés dans la foi  dans le Christ, homme-Dieu, sauveur de l’homme, nous devons faire respecter la dignité de la personne de même que la dimension transcendantale  de la vie de chaque être humain.

 

C’est à ce niveau que se situe la dimension spirituelle, plus directement théologique de notre charisme. La vitalité humaine du charisme, le visible  de notre style, doit être une manifestation de l’invisible,  de notre lien avec Dieu. La manière dont nous reconnaissons Dieu et « le sens » de sa fonction dans l’histoire, la nature, l’existence des hommes marque la place et le rôle que nous Lui donnons dans notre vie personnelle…

 

Le modèle d’action apostolique que nous devons formuler et réaliser doit trouver son fondement dans la théologie du service. En effet, si notre vocation est de soulager les souffrances, nous devons préciser la manière dont nous la concevons comme un service rendu à Dieu. En effet, il est écrit :

 

« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, accompagné de tous les anges, il siégera sur son trône glorieux. …Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez accueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; j’ai été en prison, et vous êtes venu me voir. Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim et que nous t’avons donner à manger ; ou avoir soif et que nous t’avons donné à boire ?…Quand est-ce que nous t’avons vu malade ou en prison et que nous sommes venus te voir ? Et le Roi leur répondra : vraiment, je vous le dis, autant de fois que vous l’avez fait au moindre de mes frères que voici, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25, 31-40)

 

Ce qui semblait très instinctivement proche de la mentalité de l’Eglise primitive, qui a produit le texte des évangiles, l’esprit de communion et du témoignage vivant , sont bien plus difficiles à réaliser  à notre époque.

 

Notre vision du monde, la culture moderne nous ont portés à exclure des choses terrestres la dépendance vitale par rapport à Dieu et au transcendant.

 

Il est donc nécessaire de revoir nos modes de pensée et d’action pour transformer notre existence, et devenir non seulement des paroles transparentes mais des témoins vivants de l’amour miséricordieux.(6)

 

Il devient donc indispensable d’élaborer un modèle efficace de théologie du service.

 

Le concept du service est au centre de la tradition chrétienne.

 

Dans l’immense complexité de la société contemporaine, la recherche d’un modèle de théologie du service doit se faire en prenant du recul par rapport aux habitudes doctrinales, comme si nous devions faire un saut périlleux pour inventer quelque chose de nouveau. Nous sommes appelés à repenser la relation fondamentale et toujours nouvelle qui existe entre la foi chrétienne et les formes de service religieux, politique ou intellectuel rendues au monde par les chrétiens.

 

Il faut un courage nouveau pour risquer cette double ouverture qui englobe en en seul mouvement Dieu, celui qui est totalement autre, et l’homme tout à fait semblable à nous. Une théologie donc axée sur l’hospitalité de Dieu pour l’homme et celle de l’homme pour l’homme.

 

Notre service, qui inspire l’action mais ne peut s’épuiser dans celle-ci, doit s’inscrire dans cette ouverture difficile..

 

Les malades et les malheureux se transforment ainsi en source de vie parce que nous croyons en Dieu.

 

Créer un espace pour l’autre, exercer le charisme de l’hospitalité signifie d’une certaine façon céder la place à l’autre et le faire vivre avec nous et en nous.

 

Traduire en actes ces principes révolutionnerait le sens de notre présence ; nous offririons un témoignage qui pourrait fasciner les jeunes de notre époque et  donnerait à nos centres les caractéristiques que notre fondateur voulait pour son hôpital.

 

Attitude de simple disponibilité mais également de lutte pour simplement trouver « une place »pour les autres ; dans notre prière, nos paroles, l’exercice de notre profession, l’accueil, l’assistance et l’accompagnement des blessés de la vie.

 

L’hospitalité devient ainsi le lieu théologique où Dieu nous accueille de toute éternité ;  le lieu qui inspire les gestes pour Le faire accueillir par les hommes et Le rendre présent au monde.

 

 

 

Questions pour la réflexion sur la charte et pour

la préparation au prochain Chapitre Général

 

1)      Quels sont les signes qui nous font envisager l’avenir avec crainte ?

2)      Quels sont les signes qui nous font envisager l’avenir avec espoir ?

 

 

 

Notes au Chapitre Huit

 

(1)          Nous trouvons une première piste dans le document :L’Hospitalité de l’Ordre de saint Jean de Dieu en vue de l’an 2000, présenté aux frères en avril 1987.

(2)          Cfr. 2ème Lettre de saint Jean de Dieu à la Duchesse de Sessa.

(3)          LXIIIème Chapitre Général La Nouvelle Evangélisation et l’Hospitalité au Seuil du Troisième Millénaire, Bogota 1994, n.3.3. dernier paragraphe.

(4)          Tout le poids de cette proposition est mieux expliqué dans la page finale du document La Nouvelle Evangélisation et l’Hospitalité au Seuil du Troisième Millénaire, op. cit. 5,6.

(5)          Cfr. Constitutions n. 41

(6)          Cfr. Constitutions n. 2

(7)          Jean-Paul II, Redemptor Hominis, 1979. Voir également sur ce point Vita Consecrata n.73

 


 

CHARTE

DE L’ORDRE HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU

L’assistance aux malades et aux nécessiteux

selon le style de saint Jean de Dieu

Table des matières

 

1.      PRINCIPES, CHARISME ET MISSION DE L’ORDRE

HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU                                       3

 

1.1. Projeter l’avenir en fonction de nos principes                                       3

1.2. Le charisme de l’Ordre                                                                                    5

1.3. La mission de l’Ordre                                                                                    6

 

2. FONDEMENTS BIBLIQUES ET THEOLOGIQUES DE L’HOSPITALITE

 

2.1.             L’approche philosophique et religieuse de la souffrance                           8

            2.1.1. L’homme face à la douleur                                                                   9

            2.1.2. La souffrance et ceux qui souffrent dans le christianisme                   10

            2.1.3. Le message de libération de l’évangile.                                             11                   

2.2.            L’hospitalité dans l’Ancien Testament                                                       12

            2.2.1. Le Dieu Hospitalité                                                                                12

            2.2.2. Le concept d’hospitalité                                                                  13

            2.2.3. Les motivations de l’hospitalité                                                  14

            2.2.4. Les références  principales                                                                    15

            2.2.5. L’hospitalité institutionnelle                                                               16

2.3.            L’hospitalité dans le Nouveau Testament

            2.3.1. La perspective évangélique                                                                   16

            2.3.2. La philoxénie                                                                                        18

            2.3.3. Hospitalité et évangélisation                                                               18

            2.3.4. Le bon Samaritain                                                                                19

 

3. LE CHARISME DE L’HOSPITALITE CHEZ

SAINT JEAN DE DIEU ET DANS L’ORDRE HOSPITALIER                                  21

 

3.1. Le charisme de l’hospitalité chez saint Jean de Dieu                                       21

            3.1.1. Hospitalité miséricordieuse                                                             21

            3.1.2. Hospitalité de solidarité                                                                                   22

            3.1.3. Hospitalité de communion                                                                   23

            3.1.4. Hospitalité créatrice                                                                                   23

            3.1.5. Hospitalité intégrale                                                                                    24

            3.1.6. Hospitalité de réconciliation                                                                24

            3.1.7. Hospitalité génératrice de bénévolat et de collaboration                 26

            3.1.8. Hospitalité prophétique                                                                  26

 

3.2.L’Hospitalité  au cours de l’histoire                                                          27

            3.2.1. L’hospitalité à partir des premiers collaborateurs

                        et au cours des siècles                                                                          27

            3.2.2. Présence actuelle                                                                         28

            3.2.3. Nouvelles formes de présence                                                                       30

 

4. PRINCIPES SUR LESQUELS SE BASE NOTRE HOSPITALITE                      36

            4.1. Dignité de la personne                                                                                  36

            4.1.1. Le respect de la dignité de la  personne

 comme une caractéristique essentielle d’une                                                                                           attitude authentiquement chrétienne.                                                                                                     

            4..1.2. Ce respect doit être universel                                                                36

4.1.3. Attitude intérieure nécessaire pour mieux accueillir

 les malades et les nécessiteux.                                                      37

            4.2. Respect de la vie humaine                                                                   37

            4.2.1. La vie comme bien fondamental de la personne est la condition                                           préliminaire pour jouir des autres biens.                                       37

            4.2.2. Protection spéciale des malades porteurs de handicaps

                        physiques, mentaux et psychologiques.                                                                                                38

            4.2.3. Promouvoir la vie en collaborant  à la mise en œuvre de conditions                                        pour surmonter la misère, la faim et la maladie.                                    38

            4.2.4. Obligations et limites pour conserver sa vie.                                           39

            4.2.5. Le devoir de ne pas attenter à la vie d’autrui                                           39

            4.2.6. Nos devoirs face aux ressources de la biosphère                              40

            4.3. Promotion de la santé et lutte contre la douleur

                   et la souffrance                                                                                       40

            4.3.1. Le devoir de promouvoir la santé de la population                                40

            4.3.2. Le devoir éthique de défendre le bien du malade.                                40

            4.3.3. Se mettre du côté des pauvres et des blessés de la vie

                     comme un impératif évangélique de justice.                                      41

            4.3.4. Traitement correct du malade face à

                    l’acharnement thérapeutique.                                                               41                    4.3.5. Soins palliatifs.                                                                                      41

            4.4. L’efficacité et la bonne gestion.                                                                        41

            4.4.1. Le devoir de conscientiser la population à ne pas

                 considérer le budget santé comme un gaspillage économique                  41

4.4.2. Administration et gestion efficace des ressources                               42

            4.4.3. . L’institution hospitalière doit viser à ce que

                        toute la personne recouvre la santé.                                                   42

            4.4.4. Investir pour créer un climat humain et humanisant

                        propice à la rentabilité des ressources.                                     42

            4.4.5. Droits et devoirs des travailleurs.                                                       42

            4.5. Nouvelle hospitalité et nouvelles exigences:

             le Tiers monde  et le Quart monde.                                                  42

            4.5.1. Solidarité et coopération.                                                                 43

            4.5.2.Droits et devoirs de ceux qui travaillent dans les

                        centres de saint Jean de Dieu.                                                                44

            4.5.3. Fondements du bénévolat: gratuité et identification.                            45

            4.6. Evangélisation, inculturation et mission.                                           46

4.5.1. Vision globale                                                                                       46

            4.5.2. Evangélisation, inculturation et mission de l’Ordre.                                    46

                       

 

5. APPLICATION A DES SITUATIONS CONCRETES                                     51

 

5.1. Assistance intégrale et droits du malade                                                            51

            5.1.1. La relation avec le malade; le nécessiteux et leurs proches.              51

                        5.1.1.1. Ouverture                                                                                 52

                        5.1.1.2. Accueil                                                                         52

                        5.1.1.3. Capacité d’écoute                                                                       52

                        5.1.1.4. Aptitude au service                                                              52

                        5.1.1.5. Simplicité                                                                                  52

                       

            5.1.2. Droits du malade                                                                                    52

                        5.1.2.1. Discrétion                                                                                 53

                        5.1.2.2. Vérité                                                                                       54

                        5.1.2.3. Autonomie                                                                                56

                        5.1.2.4. Liberté de conscience                                                                    57

            5.1.3. Programmes d’humanisation et de pastorale                                             58

                        5.1.3.1. Programmes d’humanisation                                                  58

                        5.1.3.2. Pastorale socio-sanitaire                                                  59

5.2. Problèmes auxquels nous devons faire face dans notre service.             60

            5.2.1. Sexualité et procréation                                                                 60

                        5.2.1.1. Procréation responsable                                                      61

                        5.2.1.2. Interruption de grossesse                                                          61

                        5.2.1.3. Reproduction médicalement assistée                                     61

            5.2.2. Donation et transplantation d’organes                                         62

                        5.2.2.1. Typologies des greffes                                                  62

                        5.2.2.2. La mort cérébrale                                                                      63

                        5.2.2.3. Utilisation des tissus embryonnaires et fœtaux                      63

            5.2.3. Malades chroniques et en phase terminale                                             64

                        5.2.3.1. Euthanasie                                                                                64

                        5.2.3.2. Directives anticipées                                                                     64

                        5.2.3.3. Soins appropriés et acharnement thérapeutique                65

                        5.2.3.4. Soins palliatifs                                                               65

            5.2.4. Problèmes liés à la recherche sur sujets humains                                   66

                        5.2.4.1. Expérimentation clinique                                                          66

                        5.2.4.2. Recherche sur les personnes incapables et

sur les groupes vulnérables 67

                        5.2.4.3. Fœtus et embryons                                                                     67

5.2.4.4. Comités de bioéthique                                                         68

            5.2.5. Problèmes éthiques en matière de médecine prédictive                    69

                        5.2.5.1. La communication du diagnostic                                        69

                        5.2.5.2. Patrimoine génétique et protection du secret               69

            5.2.6. Problèmes éthiques dans les cas de marginalisation                                  70

                        5.2.6.1. Toxicomanes                                                                            70

                        5.2.6.2. Malades du Sida                                                                 71

                        5.2.6.3. Porteurs de handicap                                                                       72

                        5.2.6.3. Malades mentaux                                                                        72

5.2.6.5. Personnes âgées                                                                73

                        5.2.6.6. Problèmes émergents                                                                     74

5.3. Gestion et administration                                                                                    75

            5.3.1. Gestion                                                                                                            75

                        5.3.1.1. Organisation et utilisation des ressources                                75

                        5.3.1.2. Professionnalisme                                                                    76

                        5.3.1.3. Compétence technique                                                          76

            5.3.2. Organisation                                                                                       76

                        5.3.2.1. L’organisation doit être une expression

                                   de la mission de l’œuvre                                                 76

                        5.3.2.2. Défense du pluralisme                                                         76

                        5.3.2.3. Délégation, participation, responsabilités                          77

                        5.3.2.4. Décentralisation / Centralisation                                                 77

                        5.3.2.5. Nouvelles formules juridiques                                              77       

                        5.3.2.6. Travail en équipe                                                              78

            5.3.3. Politique des ressources humaines                                                         78

                        5.3.3.1. Critères généraux                                                                       78

                        5.3.3.2. Relations avec les travailleurs                                       79

                        5.3.3.3. L’action syndicale                                                                      79

                        5.3.3.4. Sélection du personnel et contrats                                                79       

                        5.3.3.5. Sécurité de l’emploi                                                                        80

                        5.3.3.6. Système salarial                                                                        80

                        5.3.3.7. Motivation                                                                                81

                        5.3.3.8. Convergence des valeurs entre ceux

                                  qui constituent le centre                                                           81

                        5.3.3.9. Créer une culture d’appartenance au centre,

 à la province, à l’Ordre 82

            5.3.4. Politique économique et financière                                                        83

                        5.3.4.1. Organisation sans but lucratif                                     83

                        5.3.4.2. Dimension sociale de bienfaisance                                          83                                5.3.4.3. Equilibre financier                                                                        83

                        5.3.4.4. Transparence au niveau de la gestion                          83

            5.3.5. Responsabilité sociale                                                                         84

                        5.3.5.1. Le critère qui justifie la raison d’être de nos œuvres

                                    est leur utilité pour la société                                                  84

                        5.3.5.2. Respect et application de la loi                                         84       

                        5.3.5.3. Engagement pour la justice sociale

dans la distribution des ressources 84

                        5.3.5.4. Dénoncer ce qui doit l’être                                                    85

            5.3.6. Présence de la société dans le centre                                                  85

                        5.3.6.1. Les usagers; les associations des malades et leurs familles            85

                        5.3.6.2.Les travailleurs                                                              86

                        5.3.6.3. Les bienfaiteurs                                                             86

                        5.3.6.4. Les bénévoles                                                               87

                        5.3.6.5. L’Eglise locale                                                              87

                        5.3.6.6. L’administration publique                                                         88

                                                                                               

            5.3.7. Evaluation                                                                                          88

                        5.3.7.1. Attention aux signes des temps                                       88

                        5.3.7.2. Réponse aux besoins de l’homme et de la société                      89

 

6. FORMATION, ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE                                     91

6.1. Formation

6.1.1. Formation technique, humaine et charismatique               91                    6.1.2. Les comités d’éthique en tant qu’instruments de formation            93                               

 

6.2. L’enseignement                                                                                               95

6.2.1. L’enseignement, une constante dans l’Ordre                         95

6.2.2. L’enseignement un impératif de grande actualité                        96                                           

 

6.3. La recherche                                                                                            97

6.3.1.Communication de l’optique de l’Ordre                         97

6.3.2. Promotion de la recherche en vue du troisième millénaire            98

 

7. LA DROITURE PERSONNELLE, FONDEMENT DE NOTRE ACTION            101

 

7.1. La droiture comme projet existentiel                                                        101

7.1.1. Vivre harmonieusement les valeurs qui forment la personne                      101

            7.1.2. L’homme, témoin de la transcendance et de l’amour                            101

           

7.2. La conscience comme moteur de notre action                                      102

 

7.3. Conscience et droiture morale                                                             103

7.3.1.Le service du malade et du nécessiteux comme 

  « conditio sine qua non »                                                                103

            7.3.2.Niveaux d’engagement personnel dans la mission de l’Ordre             103

                        7.3.2.1. Les religieux                                                                             104

                        7.3.2.2. Les collaborateurs laïcs                                                      104

 

8.CREER L’AVENIR AVEC ESPERANCE                                                              107

 

8.1. Les défis du moment présent                                                                        107

8.2. La force prophétique de l’hospitalité                                                     108

8.3. Vitalité humaine et divine de notre charisme                                              111

 

 
 

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