Charte de l’Ordre Hospitalier de Saint Jean de Dieu
L’assistance aux Malades et aux Nécessiteux selon le Style de Saint Jean de Dieu
CHARTE
DE L’ORDRE HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU
L’ASSISTANCE AUX MALADES ET AUX
NÉCESSITEUX
SELON LE STYLE DE SAINT JEAN DE
DIEU
PRESENTATION
La présente lettre accompagne le
document: «La Charte de l’Ordre Hospitalier de saint Jean de Dieu» . Nous avons
voulu aborder différents thèmes dans ce document pour mieux éclairer le type d’hospitalité que nous sommes appelés à
vivre aujourd’hui pour continuer à incarner le prophétisme de saint Jean de
Dieu au seuil du troisième millénaire.
Le programme du gouvernement de l’Ordre
avait prévu l’élaboration de ce document au cours de son présent mandat. A cet
effet il a nommé trois groupes différents qui se sont réunis ensemble à deux
reprises à Rome et qui ont, à leur tour, nommé une petite commission pour
travailler et retravailler le texte en tenant compte des contributions des
différents groupes; c’est ce texte que vous avez maintenant entre les mains.
Le programme du gouvernement avait prévu
toute une série d’initiatives auxquelles il a fallu renoncer parce qu’il a été
impossible de préparer le présent texte dans les délais prévus.
Le conseil général estime dès lors qu’au
lieu de faire un nouveau travail pour le prochain chapitre général, les
communautés et les groupes de collaborateurs devraient étudier la Charte
pendant l’année académique 1999-2000 en suivant les orientations fournies par
la commission précapitulaire. De cette manière, en plus de l’étude et de
l’approfondissement du présent document, nous préparerons le programme à
discuter et à approuver pendant le LXVème Chapitre Général pour le prochain mandat de six ans.
Les membres de la commission responsable
pour la rédaction du présent texte et les supérieurs majeurs de l’Ordre, réunis
à Rome du 30 novembre au 4 décembre 1998, ont adhéré à cette proposition.
Le document aborde différents chapitres
importants pour notre mission :
·
Le
thème de l’hospitalité dans sa dimension philosophique, théologique et biblique
pour éclairer les attitudes de Jean de Dieu et les traditions de l’Ordre et
pour mieux mettre en évidence les principes sur lesquels nous voulons baser
notre hospitalité aujourd’hui.
·
La
dimension éthique de l’être humain et de l’assistance. Le document décrit les
principes généraux sur lesquels se base notre éthique et les situations
concrètes auxquelles nous sommes appelés à répondre aujourd’hui mais selon le
style de saint Jean de Dieu.
·
Le
thème de la culture de l’hospitalité en soulignant surtout l’importance de la
formation et de la recherche pour relever les défis du troisième millénaire.
·
La
nécessité de réaliser une gestion charismatique dans nos structures. Nous
devons utiliser les lois du management de manière charismatique et le faire en
ajoutant à notre travail de gestionnaire les valeurs vécues par des disciples
du Christ et de Jean de Dieu. Nous devons le faire également en nous basant sur
la doctrine sociale de l’Église.
Si nous procédons de cette manière, nous
arriverons au prochain chapitre général avec un programme qui nous aidera à
mieux vivre les six prochaines années et mieux répondre aux exigences de notre
charisme et à celles du XXIème siècle.
Nous ferons connaître officiellement ce
document le jour de la fête de saint Jean de Dieu pendant l’année du
jubilé, jour de la réconciliation, pour
souligner son importance et pour mieux vivre l’hospitalité aujourd’hui.
Que Jean de Dieu nous aide à nous
réconcilier avec nous-mêmes pour qu’à notre tour nous puissions être des agents
de réconciliation partout où nous exerçons l’hospitalité.
Frère
Pascal Piles
Supérieur
Général
1.PRINCIPES,
CHARISME ET MISSION
DE L’ORDRE HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU
1.1. Projeter
l'avenir en fonction de nos principes
L'humanité aborde le XXIème siècle avec peurs et espérances. D'énormes progrès ont été accomplis dans la manière de comprendre et de gérer le monde, devenu un grand village planétaire. De grandes différences subsistent toutefois et les souffrances des individus et des collectivités, résultats des guerres, des égoïsmes de classe et de groupe, et des limites de notre nature même, nous rappellent sans cesse la présence permanente de la douleur, de la maladie et de la mort.
L'Ordre hospitalier de saint Jean de Dieu
appartient à ce village planétaire. Nous sommes 1.500 frères, quelques 40.000
collaborateurs, employés et bénévoles,
et près de 300.000 collaborateurs et
bienfaiteurs. Nous sommes présents sur cinq continents dans 46 pays, répartis
en 21 provinces religieuses, 1 vice-province, 6 délégations générales et 5
délégations provinciales pour remplir notre apostolat au service des malades,
des pauvres et de ceux qui souffrent dans 293 œuvres. Tous, nous sommes membres
d'un même corps, l'Ordre, mais nous vivons des réalités très différentes.
Certains d'entre nous vivent et travaillent dans des centres et des sociétés
hautement technicisées alors que d'autres se trouvent dans des sociétés en voie
de développement. Certains vivent dans des pays où règne la paix alors que
d'autres subissent la violence et la guerre ou doivent faire face aux séquelles
de conflits meurtriers. Certains vivent dans un climat de liberté alors que les autres en sont privés
et se voient limiter leurs droits fondamentaux. Certains se dévouent dans des
activités strictement hospitalières et d'autres s'occupent davantage de
questions sociales et de marginalisation. Certains offrent leur soutien pour
aider à mieux vivre d'autres accompagnent les mourants pour les aider à mourir
avec dignité.
Tous nous travaillons pour offrir une
assistance intégrale et holistique, mais en mettant l'accent sur des
domaines différents: santé physique,
santé psychique ou conditions de vie dignes que ce soit dans l'hémisphère Nord
ou dans l'hémisphère Sud, dans une
culture occidentale ou orientale.(1)
Au seuil du troisième millénaire de notre
ère, partout, les hommes et les femmes
s'interrogent sur leur avenir, celui de leurs institutions et de leur
société.
Nous tous, qui réalisons l’œuvre de
l’Ordre hospitalier de saint Jean de Dieu dans le monde, nous nous interrogeons
aussi sur son avenir pour pouvoir continuer à servir l’homme qui souffre et a
besoin de nous pour reconstruire son projet personnel.
Au moment de projeter l’avenir, le désir d’incarner de nouvelles réalités
fait commettre l’erreur parfois, d’ignorer le passé, non pas à dessein, mais
par oubli ou par négligence. Dans d’autres cas, la nécessité d’un
renouvellement profond et des situations limites demandent des réponses
nouvelles, et exigent de se libérer du passé comme on jette du lest pour avoir
plus de liberté pour construire l’avenir.
L’Ordre hospitalier veut projeter
l’avenir dès maintenant, en tenant compte des éléments positifs du passé et à
la lumière d’une réflexion actualisée sur les valeurs et les principes qui ont
toujours inspiré son action.
Ceci entraînera très probablement pour
l’Ordre des changements qui, dans certains lieux devront être radicaux, s'il souhaite demeurer présent et actif
pendant le prochain millénaire et offrir un service et un message d’actualité.
Toute œuvre de saint Jean de Dieu doit
dès lors se fonder sur les valeurs qui ont caractérisé l’Ordre dès le début de
son existence.
Ces valeurs devront être inculturées,
actualisées dans leur expression, appliquées harmonieusement dans les
différentes parties du monde, car ce n’est qu’ainsi qu’elles pourront être
connues et acceptées.
Nous présentons ci-dessous le numéro 43
des Statuts Généraux de l'Ordre qui souligne les principes suivants:
·
considérer
la personne assistée comme le centre d'intérêt de nous tous, qui vivons et
travaillons dans l'hôpital ou dans toute autre œuvre d'assistance;
·
promouvoir
et défendre les droits du malade et du nécessiteux en tenant compte de leur
dignité personnelle;
·
s'engager
avec fermeté à défendre et à promouvoir la vie humaine;
·
reconnaître
le droit de la personne assistée à être convenablement informée sur son état de
santé;
·
observer
les exigences du secret professionnel et faire en sorte qu'il soit respecté
aussi par tous ceux qui approchent les malades et les nécessiteux;
·
défendre
le droit de mourir avec dignité en étant attentifs et en respectant les justes
désirs et les besoins spirituels des mourants, parce que nous sommes conscients
que la vie humaine a un terme mais trouvera sa plénitude dans le Christ;
·
respecter
la liberté de conscience des personnes que nous assistons ainsi que celle de
nos collaborateurs, mais exiger que soit acceptée et respectée l'identité de
nos centres hospitaliers;
·
valoriser
et promouvoir les qualités et les compétences professionnelles de nos
collaborateurs en les encourageant à participer activement à la mission
d'assistance et apostolique de l'Ordre et en les invitant à participer aux
prises de décision dans nos œuvres en fonction de leurs aptitudes et
responsabilités;
·
refuser
la recherche du profit en observant les normes économiques justes.(2)
Nous estimons que les frères et leurs
collaborateurs représentent le capital
le plus important pour mener à bien
notre mission. C’est pour cela que dans
nos rapports avec eux, nous nous engageons à vivre et à promouvoir les principes
de la justice sociale; nous souhaitons en outre partager notre charisme avec
ceux qui se sentent inspirés par l’esprit de saint Jean de Dieu.
Dans le cadre de notre mission, et en
particulier pour ce qui concerne les secteurs les plus défavorisés, nous sommes
ouverts à la collaboration avec les organisations ecclésiales et civiles à condition que celles-ci respectent nos
principes.(3)
Ces principes, profondément présents chez
notre fondateur se sont structurés au cours des ans, en s’appuyant sur la réflexion
et le bien fait par ses successeurs. Nous aussi, nous devons réfléchir sur la définition de la mission de l’Ordre
Hospitalier en tenant compte de la tradition.
Le principe qui étaye l'action de Jean de
Dieu est son désir de faire le bien, bien fait: ne pas se limiter à une
assistance sans vie qui néglige la qualité, mais unir le sens de la charité
chrétienne à celui de la justice pour offrir aux malades et aux nécessiteux un
service qualifié et efficace du point de vue technique et scientifique".(4)
1.2.
Le charisme de l'Ordre
Jean de Dieu était un homme charismatique: sa manière d'agir
attirait l'attention de tous ceux qui le connaissaient au point que son
rayonnement dépassait les murs de Grenade pour atteindre les villages et les
villes d'Andalousie et de Castille. Son charisme transcendait sa personne
et ne se limitait pas seulement à des attitudes et à des
gestes humains d'amour pour les malades et les démunis mais éveillait
l'admiration et invitait à la
collaboration.
En théologie, le charisme est toute forme
de présence de l'Esprit qui enrichit le
croyant et le rend capable d'accomplir un service pour autrui. Le religieux se
consacre à vivre un charisme particulier
comme don reçu de l'Esprit, par la grâce et la rencontre vitale avec Dieu et
par l'ouverture et le service rendu à l'humanité.
Par la grâce de l'Esprit, le charisme de
l'hospitalité s'est incarné en Jean de Dieu et est devenu la semence vivante
qui, au cours des temps, a inspiré des
hommes et des femmes à l'imiter pour prolonger la présence miséricordieuse de
Jésus de Nazareth, en se mettant au service de ceux qui souffrent.
Les Constitutions de l'Ordre définissent
ainsi le charisme:
"En vertu de ce don, nous sommes
consacrés par l'action de l'Esprit Saint, qui nous fait participer de façon
singulière à l'amour miséricordieux du Père. Cette expérience nous inspire des
attitudes de bienveillance et de dévouement: elle nous rend capables
d'accomplir la mission d'annoncer et de réaliser le Royaume parmi les pauvres
et les malades; elle transforme notre existence et fait en sorte qu'à travers
notre vie se manifeste l'amour particulier du Père envers les plus faibles, que
nous cherchons à sauver à la manière de Jésus".(5)
Le frère se consacre et vit en communion
avec d'autres qui, comme lui, ont entendu cet appel à vivre ce même
charisme. Cet amour-communion doit
également se manifester à l'extérieur par la réalisation d'une mission en
faveur des autres membres de l'Eglise ou
des nécessiteux en général.
Les frères hospitaliers, consacrés dans
l'hospitalité, participent directement du charisme de Jean de Dieu; les
collaborateurs y participent aussi car ils en sont irradiés: "Celui qui
rencontre Jean de Dieu découvre dans sa vie une espèce de lumière qui le pousse
à vivre l'hospitalité en imitant Jean et ses frères (...) Les fidèles laïcs qui
se sentent invités à vivre l'hospitalité participent au charisme de Jean de
Dieu en s'ouvrant à la spiritualité et à la mission des frères et en
l'incarnant dans leur vocation personnelle.
Le niveau de participation varie d'une
personne à l'autre. Certains se sentent plus unis à la spiritualité de l'Ordre,
d'autres à l'accomplissement de sa mission concrète. Ce qui importe c'est que
le don de l'hospitalité de Jean de Dieu crée des liens de communion entre les
frères et leurs collaborateurs et les poussent à vivre leur vocation respective
en manifestant aux pauvres et aux
nécessiteux l'amour miséricordieux du Père". (6)
1.3.
La mission de l'Ordre
Les Constitutions de l’Ordre définissent
ainsi sa mission :
“ Encouragés par le don que
nous avons reçu, nous nous consacrons à Dieu et nous nous dévouons au service
de l’Église dans l’assistance aux malades et aux nécessiteux, avec une
préférence marquée pour les plus pauvres ” (7)
Cette présentation générale, valable pour
la totalité de l’Ordre doit ensuite se concrétiser dans chacune de ses œuvres.
En partant du fait que chaque œuvre est spécifique et s’efforce de donner une
réponse aux besoins de certaines personnes à des moments et dans des lieux
concrets, et, que notre mission est D’ EVANGELISER LE MONDE DE LA DOULEUR ET
DE LA SOUFFRANCE PAR LA PROMOTION DES ŒUVRES ET DES STRUCTURES SANITAIRES OU
SOCIALES QUI OFFRENT UNE ASSISTANCE INTEGRALE A LA PERSONNE, il faut que chaque réalité réponde aux
questions suivantes :
·
.
pourquoi ce centre?
·
. à
qui s’adresse notre service?
·
.
qui le réalise?
·
.
quelles sont les structures les plus appropriées?
Voilà le chemin à parcourir pour
concrétiser les principes que nous voulons promouvoir et pour réaliser notre
mission dans la société.
Ce n’est que lorsque nous incarnerons ces
principes, c’est-à-dire quand notre service auprès du malade et du nécessiteux
dans toutes les régions du monde sera inspiré par ces valeurs, que nous
aurons vraiment réalisé une œuvre de
l’Ordre de saint Jean de Dieu.
Une autre étape très importante sera de
décrire les bénéficiaires de notre
action dans chaque centre. Il ne faut
pas nous limiter aux bénéficiaires directs de notre action, mais réfléchir
également sur l'impact que celle-ci peut avoir sur leurs proches, familles et connaissances.
En outre il faut examiner le rayonnement
que chaque centre peut exercer sur le milieu dans lequel il se trouve de même
que sur les personnes et les structures avec lesquelles il est en contact.
Les services que le centre offre doivent
constituer une réalité dynamique, car notre société est en continuelle
mutation de même que l'homme que nous
soignons.
Questions
pour l’étude de la charte et pour
la
préparation au prochain Chapitre Général.
Pour la réflexion dans les centres et les
communautés :
1)
Décrivez
les signes qui montrent que le charisme, la mission et les principes
fondamentaux de l’Ordre sont une réalité vécue.
2)
Décrivez
ce qui empêche de vivre cette réalité ou ne permet pas de la vivre pleinement.
3)
Indiquez
les mesures et initiatives qui garantissent
la mise en pratique du charisme, de la mission et des principes
fondamentaux de l’Ordre.
4)
Indiquez
les signes qui mettent en évidence les liens de communion dans l’hospitalité qui
existent entre les frères et leurs collaborateurs.
5)Que proposez-vous pour renforcer et
développer ultérieurement de tels liens?
Notes
au premier chapitre
(1)
Cf.
PILES FERRANDO, Pascual, Supérieur Général de l’Ordre hospitalier de saint Jean
de Dieu, Lettre circulaire pour le
sexennat 1994-2000, Rome, 1994, n.1.
(2)
ORDRE
HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU,
Statuts Généraux,Rome, 1997, n. 48.
(3)
Cf.
LXIIIème CHAPITRE GENERAL, La Nouvelle
Evangélisation et l’Hospitalité au Seuil du Troisième Millénaire, Bogota,
1994, # 5,6.3.
(4)
Ordre
Hospitalier-Curie Générale, Frères et
Collaborateurs, ensemble pour servir et promouvoir la vie, Rome, 1992, #
13.
(5)
Constitutions, Rome, 1984, 2b.
(6)
Frères et Collaborateurs, ensemble…op.cit. nn. 115-116.
(7)
Constitutions, Rome, 1984, 3.
FONDEMENTS BIBLIQUES ET THEOLOGIQUES
DE L’HOSPITALITE
2.1. L’approche philosophique et
religieuse de la souffrance
2.1.1. L’homme face à la douleur
"Qu'est-ce que l'homme? Quel est le
sens de la douleur, du mal, de la mort qui, malgré tous les progrès subsistent
encore? (...) Qu'y a-t-il après cette vie sur terre?"(1)
La réalité de la souffrance humaine
constitue une question fondamentale à laquelle les religions et les différents
systèmes philosophiques ont voulu donner une
réponse, chacun à leur façon, mais sans jamais réussir à soulever le
voile du mystère qui l’enveloppe.
Nous pouvons résumer en cinq perspectives
les réponses fondamentales à cette question angoissante.
La première est celle qu’on pourrait
qualifier de magique ou mystérieuse et se réfère à l’inéluctabilité et à
l’incompréhensibilité de la souffrance.
Elle s’inspire souvent d'un mythe où la divinité présente son caractère
punitif ou de la venue d’une divinité maléfique qui l’emporte sur la
divinité bénéfique. Tout est projeté dans une dimension surnaturelle et, les remèdes capables d’affranchir l’homme de
sa souffrance appartiennent également au domaine du surnaturel (sorciers,
chamans, rites exorcistes, etc.). Une telle conception persiste encore auprès
de certaines populations soi-disant «primitives » et demeure comme un substrat ancestral dans
de nombreuses conceptions religieuses.
Une deuxième réponse est celle de la
négation de la souffrance; elle nous arrive de l’antique philosophie
épicurienne pour aboutir à l’individualisme hédoniste de ce siècle. Toutes les
réalités douloureuses de la vie constituent une limite à la conquête du plaisir
et il convient donc de ne pas s’en soucier, en s’efforçant de jouir du temps
présent tant que c’est possible. Il s’agit d’un authentique
« refoulement » de la douleur
et de l’angoisse que celle-ci crée. Un
grand nombre des désespoirs contemporains plongent leurs racines dans un tel
substrat culturel parce qu’ils refusent une réalité douloureuse et qu’ils en
arrivent à nier la vie elle-même, quand
son poids devient trop lourd.
Une autre attitude, opposée à la précédente, est celle que nous
retrouvons dans l’acceptation héroïque de la souffrance. Le stoïcisme est
devenu une philosophie et l’adjectif stoïque est devenu synonyme de celui qui
accepte sans se plaindre de grosses souffrances. Cette acceptation courageuse a
été particulièrement attrayante pour le christianisme qui a introduit dans son
élaboration théologique certains éléments dérivant du stoïcisme qui semblaient
bien s’intégrer à l’acceptation de la croix par Jésus et à l’attitude des martyrs. En fait, cette
contamination n’a jamais été complètement positive car elle est devenue une des
sources d’exaltation pseudo-chrétienne de la souffrance, appelée "dolorisme", et dont on ne
se libère qu’avec difficulté.
Une quatrième réponse est celle de l’annulation de la souffrance grâce à un
cheminement intérieur qui conduit graduellement à abandonner toute passion et
toute souffrance, tant physique que psychique. Cette réponse atteint son sommet
dans le bouddhisme et se retrouve dans d’autres philosophies et religions
orientales qui, de nos jours, exercent une grande attraction sur le monde
occidental. L’attention aux personnes
qui souffrent est particulièrement accentuée dans la religion bouddhiste qui
fait de la «compassion » un des sentiments universels qui rapproche
l’homme de la divinité. Il convient de noter que l’aide offerte à celui qui souffre consiste à
surmonter les désirs qui sont à
l’origine de sa souffrance plus qu’à trouver la solution aux problèmes, même
matériels, qui peuvent en être la cause.
La dernière réponse, dont nous parlerons
plus longuement dans le paragraphe successif, est celle que nous trouvons dans
la plus haute expression du christianisme et que nous pouvons définir comme valorisation de la souffrance. Sans en
dévoiler totalement le mystère, et sans vouloir la transformer en une réalité
positive en soi, le christianisme offre des «raisons » à la douleur et en transforme l’absurdité en
instrument éventuel de bien pour soi et pour autrui. Une telle démarche se
retrouve chez des personnes qui font de la sublimation ou chez celles qui y
trouvent des compensations quand elles parviennent à rationaliser leur
souffrance.
De toute manière, et au-delà de toutes
ces interprétations, nous ne pouvons nier une dimension strictement personnelle à la souffrance dont la signification
échappe à tout effort de généralisation et ne trouve son sens que dans
l’univers existentiel de chaque individu. La souffrance devient alors un
élément biographique dont le mystère profond ne pourra jamais être dévoilé ni
ramené à la simple raison.
2.1.2.
La souffrance et ceux qui souffrent dans le christianisme
Dans la vision judéo-chrétienne, la douleur de même que le mal dont elle est
l’expression, n’appartient pas au projet originel de la création et ne provient
donc pas de Dieu. Contrairement à ce qui passe dans les autres
religions il n’y a pas de divinité du mal à l’origine de la souffrance. La
douleur, et le mal dont elle est l’expression, appartient à la condition
humaine mais exprime en même temps le mystère d’une réalité que Dieu ne veut
pas, dont il ne jouit pas et qui attend seulement d’être rachetée. Une réalité
négative, «absence » plus que présence, comme saint Augustin en
avait déjà l’intuition.
Pour faire cela l’Écriture Sainte a
recours à l’image mythique d’une condition humaine exempte de toute souffrance
et dans laquelle la douleur pénètre parce que le genre humain a transgressé un
des commandements de Dieu et s’est
éloigné de son amour. L’image du serpent devient le symbole de l’idolâtrie,
c’est-à-dire le refus de “faire
confiance” à Dieu pour lui préférer une
réalité créée et en faire sa divinité.
Pendant de nombreux siècles cette
connexion “ontologique” entre faute et souffrance comme punition, était comprise par Israël en un
sens “ personnel ” qui voyait dans chaque souffrance la punition d’un
péché (mentalité qui persiste encore souvent aujourd’hui). Quand on met en
évidence le paradoxe du “ bonheur de l’impie ” et de la
“ souffrance du juste ” les sages d’Israël retiennent que l’impie
sera puni dans sa descendance et que le juste expie les fautes de ses pères.
Le premier cri dramatique contre cette
vision du problème est contenu dans le
livre de Job. Avec une sensibilité qui étonne encore aujourd’hui par sa
modernité, Job se rebelle contre une telle conception de la douleur et demande
des comptes à Dieu, la raison pour laquelle un “ juste ” comme lui
doit souffrir d’une manière tellement disproportionnée par rapport à ses
fautes. La réponse de Dieu n’est toutefois pas explicite et se limite à l’invitation d’accueillir le mystère sans prétendre vouloir l’expliquer et
sans renoncer à la foi en un Dieu qui ne veut que le bien de ses enfants.
Cette grande typologie du “ juste
souffrant ” se retrouve sous une forme solennelle dans la personne du
“ serviteur souffrant de Yahvé ” personnage en qui la tradition
successive a identifié l’image du Christ qui “ se charge ” des souffrances
du peuple pour l’en libérer. Une telle “expiation vicariante” fortement
identifiée par saint Paul, dans l’épître aux Romains 3, 25 doit être comprise non pas tant comme la
“ punition ” d’un homme seul à la place de tout le peuple, mais comme
les sacrifices d’expiation de l’antiquité,
dans lesquels l’holocauste de la victime devenait l’instrument du pardon
de Dieu. Le sacrifice du Christ et, en vertu de son corps mystique, la douleur
des croyants (mais selon la perspective de RM,19 et Eph.1, 7-10, du monde
entier également) devient ainsi l’instrument du pardon de Dieu.
2.1.3.
Le message de libération de l'évangile
Jésus Christ libère dans sa chair l’homme
du péché et donc de toutes ses conséquences. Cette dimension subjective
acquiert une portée pratique dans toutes les oeuvres qu’il réalise. La guérison
des malades, l’accueil des marginaux, la défense des pauvres constituent une
partie essentielle de sa mission. Son action en faveur des pauvres et des
rejetés devient un signe messianique (cf Mt 11, 3-5). La force de la libération
intégrale de l’homme par Dieu, dont l’Exode
a été l’expérience historique et symbolique, retrouve en Jésus toute sa
vigueur.
L’attitude de Jésus envers l’homme malade
est pour nous un exemple. Il participe profondément à ce qui lui arrive ou au
chagrin de ses proches
(cf. Mt 14,14 ;15,32 ;Lc
7,13 ;Jn 11,36) ; il ne le critique pas
Avoir soin de ceux qui sont dans le
besoin devient ainsi un nouveau signe de l’alliance entre l’homme et Dieu. Le
pacte entre le créateur et la créature est reproposé par l’amour guérisseur de
Dieu. La force de cet amour fait revivre le pauvre, le malade, l’exclu. Les fondements
charismatiques de l’hospitalité, dont il faut approfondir les racines bibliques
et théologiques se basent sur la répétition
dans l’histoire de cet acte guérisseur confié aux fidèles du Christ.
2.2. L’hospitalité dans l’Ancien
Testament
2.2.1.
Le Dieu Hospitalité
Quand nous parlons d’hospitalité
aujourd’hui, nous ne pensons en général qu’à l’accueil que nous offrons en
recevant un hôte à la maison. Mais si
on veut retourner au sens théologique de cette attitude humaine, il faut avant
tout capter la dimension ontologique de l’hospitalité.
Il ne serait même pas exagéré de voir
dans la réalité trinitaire la racine
profonde d’une vie divine qui
devient hospitalité. Hospitalité du Père qui “ crée un espace ” dans
son essence, depuis toute éternité, pour engendrer le Fils, mais également
hospitalité du Fils qui accueille en lui le don générateur du Père. Enfin hospitalité de l’Esprit qui
devient don réciproque entre le Père et le Fils et donc identité personnelle
d’un amour accueillant.
Une telle dimension trinitaire de l’hospitalité ne concerne pas seulement l’essence divine, mais également celui en qui Dieu établit sa demeure et qui devient ainsi le sujet accueillant la divinité. (cf. Jn 13,20). La participation eucharistique, dans l’ancien canon latin, était présentée comme l’acte d'accueillir Jésus sous son toit et l’Esprit est appelé «l’hôte de l’âme» (2)
Sur le plan immanent ensuite, la création
elle-même se révèle le fruit de cette hospitalité divine primordiale qui, en
même temps, génère de son essence et
accueille un projet réalisable à l’extérieur d’elle-même. L’hospitalité piège donc l’éternité en la situant dans la dimension historique et en
faisant du temps, avant l’homme encore, son hôte. Toutefois, c’est dans la
création de l’homme que Dieu manifeste plus complètement qu’il est hospitalité,
en l’acceptant dans sa création et
en lui enjoignant de la
dominer, mais avant tout en l’accueillant dans son esprit créateur dont
il conserve l’empreinte.
Et l’alliance succède à la création, dans
ses multiples expressions symbolisées diversement par le récit biblique. Comme
rencontre de l’homme avec Dieu, l’alliance, dont nous parle l’Écriture
Sainte, devient rencontre entre Dieu et
son hôte mais également entre l’homme et son hôte divin. Même si elles expriment des réalités
ontologiques différentes, dans l’alliance,
l’hospitalité devient réciprocité, don mutuel. Et chaque fois que dans
l’histoire individuelle et collective cette alliance est brisée, le pardon
divin et la réconciliation avec l’homme qui s’ensuit, témoignent des ressources
inépuisables d’un accueil toujours nouveau.
2.2.2. Le
concept d’hospitalité
Le contexte culturel sous-jacent à
l’Ancien Testament est celui du monde sémite marqué par la tension entre
l’accueil dû à l’hôte et, en même temps, une certaine méfiance en son endroit
comme élément
“ menaçant ”
l’identité du peuple. Ce qui de toute manière unifie l’attitude d’Israël par rapport à l’autre est de le considérer
comme étranger. Il existe au moins
trois termes qui soulignent différentes attitudes. Le premier est zar et indique celui qui appartient à une autre race ou tribu, qui est un étranger par rapport à son pays et
parfois même un ennemi (DT 25,5; Jb 15,19; Is 61, 5; 25,2.5). Le deuxième est ger qui indique l’étranger résidant dans
le pays (les Israéliens en Egypte ou les Cananéens en Israël); le troisième est
tosab qui indique l’étranger résidant temporairement dans un autre pays
(Gn 23,4; Dt 14,21). Une telle multitude de termes témoigne la diversité
d’attitudes adoptées envers l’étranger en tenant compte de la condition précise
dans laquelle celui-ci se trouve. Nous pouvons dire en résumé qu’Israël
établissait une distinction entre les peuples étrangers, les étrangers qui
résidaient dans le pays et les étrangers de passage. C’est envers ces derniers
que s’exerçait la plus haute forme d’hospitalité. Il suffit de penser à
l’épisode raconté dans le livre de la Genèse 19, 1-8 où Lot est prêt à offrir ses filles aux hommes de la ville à
condition qu’ils n’en touchent pas les hôtes. En réalité, à l’origine de cette
disparité de comportement il existait peut-être une même finalité :
celle de surmonter la menace que représentait l’étranger pour sa communauté
soit en s’opposant à lui, soit en l’entourant d’attentions. D’autre part, nous
trouvons une trace de cette ambivalence dans les relectures latines tardives de
ce concept et dans la racine commune du terme hospes (hôte) et hostis (ennemi).
Ce que nous venons de présenter ne doit
pas nous faire oublier l'hospitalité qui se vivait et pratiquait en Israël,
entre concitoyens. Ce “ prochain ” (dont le concept sera révolutionné
par Jésus) était le compatriote, le coreligionnaire. Pratiquer l’hospitalité
envers lui était un devoir fondamental en tant que membre de ce peuple dont
l’identité n’était pas seulement ethnique, mais également et surtout
religieuse. En devenant le peuple élu, Israël découvrait les exigences de
l’hospitalité envers toutes ces catégories de personnes (il suffit de penser
aux veuves et aux orphelins) qui en avaient besoin.
2.2.3. Les motivations de l’hospitalité
L’hospitalité dans le contexte de
l’Ancien Testament, comme d’ailleurs dans toutes les cultures antiques, ne doit
pas se comprendre comme nous le faisons
aujourd’hui, comme un simple accueil de l’hôte, c’est-à-dire lui offrir le gîte
et le couvert. Offrir l'hospitalité signifiait inclure son hôte dans son cercle d’intérêts, le défendre contre ses ennemis, en le
protégeant et en lui manifestant un profond respect existentiel, s’occuper de sa personne et veiller à ses besoins.
Les raisons d’une telle attention (en
plus de celles qui existent pour ses compatriotes, mises en évidence plus haut)
sont diverses. Tout d’abord il en existe une, d’ordre culturel, qu’Israël
partage avec ses voisins. Derrière
l’étranger en quête d’hospitalité
pourrait se cacher une divinité. Dans la réélaboration monothéiste, les
divinités se transforment en anges. On en voit une indication claire dans
l’épître aux Hébreux 13,2 :
“ Ne négligez pas l’hospitalité; c’est en la pratiquant que sans le
savoir, certains ont accueilli des anges ”.
Une deuxième motivation est plus
spécifique et se réfère clairement à l’histoire d’Israël. L’Araméen errant que fut Abraham, père du
peuple élu, a vécu comme un étranger et
c’est comme peuple étranger qu’Israël a vécu en Égypte. Et donc Israël
comprend très bien la condition de l’étranger et sait à quel point il a besoin
d’hospitalité. L’avertissement de
l’Ecriture Sainte est très clair pour ceux qui seraient tentés de le
mépriser : “ Vous traiterez
l’expatrié qui séjourne chez vous comme un indigène parmi vous, et tu l’aimeras
comme toi-même, car vous étiez des expatriés au pays d’Egypte. ” (Lv
19,34; cf. aussi Ex 22,20; 23,9)
Et enfin il existe une motivation religieuse (qui sera ensuite développée
dans le Nouveau Testament), celle de suivre l’exemple de Dieu. Dieu est
hospitalité. En premier lieu il accueille l’étranger et demande que l’on soit
hospitalier à son égard (cf. DT 10,18); Dieu veut qu’on lui donne une partie
des biens qui lui sont consacrés (cf. Dt 26, 12). Le fait qu’Israël se comporte
également ainsi ne manifeste que sa volonté d’obéir à Dieu, une des voies de la
fidélité à la loi (cf. Lv 16,29; 18,26; 19,10.33).
2.2.4. Les références principales
Parmi les épisodes les plus
significatifs, nous vous rappelons la visite de trois hommes à Abraham, près du
chêne de Manre. Il faut remarquer la manière dont Abraham reconnaît dans l’hôte
son “ Seigneur ”. Avant même de connaître les raisons de cette visite
et parmi ses différents interlocuteurs, Abraham capte la “ visite ”
de Dieu. Tous ses gestes en découlent
et peuvent être interprétés dans une clé théologique : il se prosterne à
terre (culte), prépare personnellement le veau et le lait (offrande),
croit aux paroles des trois hommes
(foi), les supplie de ne pas détruire Sodome (prière). En d’autres mots, nous
pouvons affirmer que l’hospitalité
devient une occasion de rencontre avec Dieu.
L’épisode de la veuve de Sarepta est
exemplaire et significatif pour l’auteur sacré. Cette femme ne voulant pas
manquer à ses devoirs d’hospitalité envers Elie partage avec lui sa dernière
bouchée de pain, tout ce qui lui restait pour elle et pour son fils. Et c’est
en vertu de cette hospitalité qu’il est guéri par le prophète (cf. 1 Rois
17,20). Nous retrouvons une version assez analogue dans le récit de la
prostituée de Rahab qui cache les espions que Josué avait envoyés à Jéricho et
qui reçoit en échange la sécurité pour
elle et pour sa famille. (cf. Js 2, 1-12) On peut également voir le lien qui
existe entre la vie de l’accueillant et celle de l’accueilli dans le livre de
Tobie qui dit avoir donné la dîme de ses biens aux orphelins, aux veuves et aux
étrangers (cf. Tb 1, 8). L’hospitalité qui est geste d’accueil pour la vie de
l’autre est récompensée par le don même de la vie.
Le livre de l’Ecclésiastique invite à
exercer l’hospitalité envers tous les nécessiteux d’une manière très
poétique : “Sois pour les
orphelins comme un père, comme un mari pour leur mère : alors tu seras
comme un fils du Très-Haut et il t’aimera plus que ta mère ne t’aime. ”
(eccli 4,10). L’hospitalité à laquelle
l’Écriture Sainte nous invite nous rend d’une certaine manière “ parents ” de la personne
accueillie, et en même temps elle nous fait expérimenter la tendresse maternelle de Dieu. Il ne faut pas
oublier la grande dimension de féminité
inhérente au concept de miséricorde. Le terme hébreu de rachamîn est lié étymologiquement aux entrailles maternelles qui se
dilatent pour accueillir la vie nouvelle. Hospitalité et miséricorde sont ainsi
unies dans un binôme qui deviendra l’icône du Dieu miséricordieux “ ami de
la vie ” (cf. Sag 11, 26).
C’est dans une telle perspective qu’il
faut situer l’hospitalité envers le malade, c’est-à-dire les gestes concrets
d’accueil à son endroit. A ce propos la figure de l’archange saint Raphaël est
admirable qui, en tant que “ médecine de Dieu ” est présence accueillante et guérissante. Ce
personnage devient ainsi une métaphore non seulement de la “solution
médicale ” du problème, si on veut le définir ainsi, mais également de
l’accompagnement du malade, du moribond, du pauvre dont la seule médecine
parfois, est celle d’une présence amie.
Le destinataire d’une telle attitude
hospitalière devient le mort lui-même,
comme en témoigne le livre de Tobie en
la liant étroitement à l’hospitalité comprise conformément à la tradition (Tb
2, 1-4). Tobie, en effet, envoie son fils chercher un pauvre pour l’inviter au
repas, mais son fils ne trouve qu’un compatriote mort, abandonné sur la place.
Alors sans aucune hésitation il laisse là son repas et va l’ensevelir. D’une
certaine façon cela devient un partage convivial avec le pauvre.
Enfin il ne faut pas sous-estimer le
récit qui inclut la dimension de l’hospitalité dans l’ascendance historique du
Messie. C’est l’histoire de Ruth, femme étrangère qui accompagne sa belle-mère
Noemi dans son pays d’origine pour finir par y épouser Booz, dans le champ
duquel elle était aller glaner. De cette union naîtra le grand-père de David.
Les deux époux seront récompensés en devenant les ancêtres de Jésus, car tous
deux ont exercé l’hospitalité : Booz envers la femme étrangère et
Ruth envers le pays étranger pour
lequel elle a quitté le sien : l’hospitalité comme don d’accueil mutuel,
abandonne ses certitudes pour trouver une nouvelle sécurité dans la nouveauté
de la rencontre.
2.2.5. L’hospitalité institutionnelle.
Une réalité particulièrement intéressante
est celle du choix des six villes “qui serviront de refuge. Quiconque aura
frappé quelqu’un par inadvertance pourra y trouver refuge. ” (Nomb
35,15). L’institution de ces
villes-refuges constitue le moment où l’hospitalité d’individuelle ou
communautaire devient structurelle.
Ce n’est plus la personne qui est appelée à être hospitalière, mais toute la
communauté qui devient une “ institution accueillante". La ville
devient presque une icône de tout
organisme futur qui se consacrera entièrement à accueillir l’autre démuni et
lui donner tout ce dont il a besoin,
non seulement une hospitalité momentanée mais une “ ville ”
c’est-à-dire tout un système de
coordonnées biographiques dans lequel il peut recommencer à vivre.
2.3. L’hospitalité dans le Nouveau
Testament
2.3.1.
La perspective évangélique
Avant d’examiner les gestes concrets
d’hospitalité de la part de Jésus, il faudrait réfléchir sur l’événement
“ hospitalier ” qui est à la base de la foi chrétienne, c’est-à-dire
l’Incarnation. Marie devient
“ l’hôte de Dieu ” par excellence, en l’accueillant dans son sein et,
l’Emmanuel, en tant que “ Dieu parmi nous ”, devient l’hôte de
l’humanité toute entière. Ce n’est pas par hasard que de l’accueil de Marie,
présenté poétiquement dans l’Annonciation, jaillira immédiatement un geste
merveilleusement hospitalier, comme la visite à Élisabeth et l’accueil que
cette dernière réserve à la mère de Jésus.
Aux contenus et aux motivations de
l’hospitalité dans l’Ancien Testament,
s’ajoute la contribution novatrice du message et des œuvres de Jésus. L’accueil
de l’autre, surtout s’il est dans le besoin, acquiert à la lumière de
l’évangile une triple perspective.
La première découle de l’identification du Christ lui-même avec le
pauvre (cf. Mt 25,31-45). En accueillant le pauvre on accueille le Christ,
pour aimer le Christ il faut aimer le pauvre; ce qui est fait (ou n’est pas
fait) au pauvre est fait (ou n’est pas fait) au Christ. Il s’agit d’une
authentique transfiguration du pauvre dans le Christ, tout aussi emblématique
que le célèbre épisode de la vie de saint Jean de Dieu.(3)
La deuxième perspective est celle du jugement eschatologique. Celui-ci se
base exclusivement sur la charité (et non sur l’observance formelle des
commandements) et trouve dans l’hospitalité bien comprise, un des paramètres
d’évaluation. Nous pouvons même dire, si nous donnons à ce terme une acception plus large, qu’il est l’âme de
tout le message eschatologique quand
cette hospitalité devient accueil de l’autre et fait de l’autre l’objet de tous
ses soins.
Enfin, le Dieu Hospitalité de l’Ancien
Testament qui défendait l’étranger, l’orphelin et la veuve, devient visible
dans le Christ dont la vie se passe entièrement au service des autres. Ses
paroles ne sont pas de simples exhortations, mais se transforment en actions et
deviennent une référence exemplaire pour tous les chrétiens. Il serait
impossible de vouloir synthétiser tous les gestes d’hospitalité, d’accueil de
l’autre accomplis par le Christ. Nous nous contenterons donc de rappeler avant
tout, l’attitude de bienveillance avec laquelle il accueille chaque malade; il
ne se limite pas à en guérir la maladie, mais il embrasse tout son univers
existentiel. Il touche le lépreux, rompant ainsi le mur de ségrégation qui le
marginalisait; il redonne la vue à l’aveugle en ouvrant les yeux de tous sur
cette croyance erronée qui établissait un lien entre faute individuelle et
maladie; il ressuscite le fils de la veuve de Naïm parce qu’il est ému de la
situation dans laquelle se trouve cette femme. Il accueille les prostituées et,
ce faisant, s'expose aux critiques des
bien-pensants; il devient l’hôte des publicains en partageant leur
table et accepte l’hostilité de tout un peuple, le geste de ses bourreaux qu’il
n’hésite pas à excuser, la trahison ou la lâcheté de ses amis, l’abjection de
la croix.
En substance, le Christ est “ l’hôte
par excellence de l’histoire ” et c’est à lui que doivent se confronter
tous ceux qui veulent suivre le chemin de l’hospitalité.
2.3.2. La philoxénie
La diversité terminologique utilisée dans
l’Ancien Testament, même si traduite
par des mots appropriés dans le Nouveau, est d’une certaine façon
“ dépassée” par un terme spécifique qui désigne l’hospitalité : philoxénie, c’est-à-dire l’amour pour
l’étranger. Ce lien décisif entre hospitalité et charité (philoxénie et agapè)
est le trait spécifique qui caractérise l’hospitalité néotestamentaire.
Par conséquent nous pouvons dire que la philoxénie constitue presque un terme
“ technique ”, entré dans le vocabulaire chrétien pour indiquer une
attitude d’accueil particulière envers le prochain, en général celui qui est
davantage dans le besoin. Ce n’est pas par hasard que Mathieu l’inclut dans ses
exemples de charité pour expliquer le jugement eschatologique déjà cité (Mt
25,35); Paul la situe dans les exhortations relatives à l’exercice de la
charité (Rom 12,13); Pierre fait la même chose, en soulignant le devoir de la
réciprocité (1Pi 4,9); l’épître aux Hébreux ne la dissocie pas de la philadelphie, c’est-à-dire de l’amour
pour son prochain. Tous sont tenus à la pratiquer, mais elle est une
prérogative particulière de l’évêque (1Tm 3,2;5,10; Tt1,8).
L’Écriture Sainte laisse percevoir que ce
qui est une exigence générale de la charité peut devenir une expression charismatique spécifique pour certains.
2.3.3. Hospitalité et évangélisation
Outre le lien spécifique qui existe entre
l’hospitalité et la charité, le Nouveau Testament offre une autre raison pour
apprécier cette vertu, celle des
exigences de l’évangélisation. Le message évangélique est toujours lié au
commandement de guérison : “ Guérissez les malades qui s’y trouveront
et dites-leur : <Le Royaume de Dieu est tout proche de
vous > ” (Lc 10,9; cf. Mt 10,7-8). Un peu, comme c’est le cas pour
les “ missions populaires ” modernes, les maisons des chrétiens
devenaient de vrais “ centres d’écoute ”. Un tel devoir d’accueil est
particulièrement spécifié dans 3Jn 7-8 : “ Car c’est pour le Nom du
Christ qu’ils se sont mis en route, sans rien accepter des païens. Notre devoir
est donc d’accueillir de tels hommes afin de collaborer avec eux pour la
vérité ”. Nous avons plusieurs témoignages néotestamentaires sur cette
pratique (Rm 16,4; Phil 22) et c’est à cause de cette pratique d’évangélisation
que des familles entières bien vite se convertissent (cf. Act16). L’hospitalité
devient ainsi pour la communauté un instrument d’évangélisation, au niveau du
témoignage, de la parole et des structures, et, se transforme en signe précurseur de la libération évangélique
intégrale.
2.3.4. Le Bon Samaritain
La grande parabole de l’hospitalité est
celle du bon Samaritain en qui la
tradition ecclésiale successive a identifié le Christ lui-même et l’idéal du
chrétien(4). Ce qui est significatif,
c’est le motif qui a provoqué ce récit : une question posée à Jésus sur la
manière de comprendre qui est son prochain. Dans la conception juive de
l’époque, n’était retenu comme son prochain, et donc digne de l’amour d’Israël,
que son compatriote ou une personne liée à soi par des liens particuliers du
sang ou de l’amitié etc. Jésus par un paradoxe inédit, pour indiquer qui est le
“ prochain ”, c’est-à-dire le plus proche, choisit “ le plus
lointain ”, l’ennemi haï, le Samaritain.
La parabole est également
intéressante parce qu’elle offre des
indications pour une méthodologie de l’hospitalité qui peut
être pour nous d’une actualité
exemplaire. Avant tout, le Samaritain
fait passer l’accueil du blessé avant ses intérêts personnels (il se trouvait en voyage, s’arrête, retarde
ses engagements) et le fait en ne se conformant pas au comportement des autres
(non seulement le prêtre et le lévite, mais également les autres Samaritains).
Il accomplit ce qu’il juge être son devoir, sans hésiter même si “ tous les autres refusent de le
faire”.
Ensuite il s'efforce d'utiliser au mieux
ses ressources. Il nettoie et soigne les blessures avec les seuls remèdes dont il dispose, il
les panse avec des bandages improvisés, il le charge sur sa monture et lui
trouve un hébergement adéquat.
Enfin il organise une structure
d’assistance et, en le faisant, il y fait participer la communauté.
L’aubergiste devient le prototype de toute réalité sociale qui, si interpellée
de manière appropriée par celui qui a reçu le charisme de l’hospitalité,
devient à son tour institution d’accueil. En outre, le Samaritain, doté d’un
sain pragmatisme, se soucie de trouver les fonds nécessaires pour l’assistance
du malade et donne de sa bourse,
faisant preuve ainsi d’une vraie solidarité sociale.
La conclusion de la parabole est l’invitation éternelle qui est devenue l'histoire de la vie de saint Jean de Dieu et de tous ceux qui ont reçu en don le charisme de l’hospitalité : va et fais-toi aussi de même.
Questions
pour l’étude de la charte et pour
la préparation au prochain chapitre général
1.
Illustrez
par des exemples l’attitude que vous rencontrez davantage face à la souffrance,
chez les frères, les collaborateurs et ceux que nous servons. (Cf.2.1.1.)
2.
Montrez
l’évolution de l’hospitalité entre l’Ancien et le Nouveau Testament (les
différences, les similitudes, les affinités et le dépassement de certains
concepts).
Notes
au deuxième chapitre
(1)
CONCILE
VATICAN II Constitution Pastorale Gaudium
et Spes, n. 10, 1964
(2)
Cf.
Veni Sancte Spiritus
(3)
Tradition
qui fait référence à l’épisode où Jean de Dieu lave les pieds d’un pauvre qui
se transfigure dans la personne de Jésus.
(4)
Cf.
Jean-Paul II, Salvifici Doloris, 1984,
Chapitre VII.
3
LE
CHARISME DE L’HOSPITALITE
CHEZ
SAINT JEAN DE DIEU ET DANS
L’ORDRE HOSPITALIER
3.1. Le charisme de l’hospitalité chez saint
Jean de Dieu.
Le charisme de l’hospitalité est entendu
ici comme un don de l’Esprit pour une mission ecclésiale en faveur des pauvres,
des malades et des nécessiteux.
Ce charisme, et la mission qui
l’accompagne, ont été vécu par notre fondateur avec un style qui lui était
propre et tellement caractéristique, qu’il a inauguré une “culture” de
l'hospitalité, originale et de grande vitalité. Cette culture constitue une
valeur prophétique pour un renouvellement dans l’Église et dans la société.(1)
Pour la famille hospitalière, il doit
continuer à être un levain qui revitalise les services de l’Ordre dans le monde
entier. Nous en donnons ici les caractéristiques principales.
3.1.1.
Hospitalité miséricordieuse
L’hospitalité de Jean de Dieu se base sur
l’expérience chrétienne que notre fondateur a faite de la miséricorde de Dieu.
Ceci lui a permis de prendre conscience de sa condition de pécheur et lui a
révélé la miséricorde infinie et le
grand amour d'un Dieu qui pardonne gratuitement et établit une communion de vie
avec tous ses enfants. Cette expérience constitue la caractéristique
fondamentale et la source d’où jaillit toute sa richesse.
“ Si
nous considérions combien est grande la miséricorde de Dieu, jamais nous ne cesserions de faire le bien quand nous le pouvons ” (2)
Nous pensons spontanément à saint Jean de
Dieu comme à un être fondamentalement miséricordieux, compatissant, capable de
comprendre, de pardonner et d’aider son prochain, et nous avons raison. Mais nous ne devons pas oublier que tout
cela est le fruit de la conscience profonde qu’il avait du pardon du Seigneur.
Il considérait la vie et les choses de la vie comme des dons divins et gratuits
de la miséricorde divine.
“ Notre
Seigneur Jésus Christ n’use-t-il pas envers nous d’une si grande miséricorde
qu’il nous donne le manger, le boire, le vêtement et tout, sans aucun mérite de
notre part? ” (3).
Le bien que notre fondateur demande et
auquel il aspire le plus pendant sa conversion, est le pardon et la miséricorde
divine, comme nous pouvons le lire dans les chapitres VII, VIII et IX de la
biographie de Castro. Il prie et supplie le Seigneur de lui faire miséricorde,
et dès qu’il l’a obtenue, il s’en fait
l’intermédiaire envers tous les blessés de la vie.
L’hospitalité miséricordieuse de saint
Jean de Dieu est ce qui frappe davantage le lecteur attentif aux actions
extraordinaires accomplies par cet
homme pour soulager les
souffrances de toutes sortes de
malheureux.
Nous pouvons affirmer avec certitude que
l’expérience profonde de l’hospitalité miséricordieuse que Dieu lui a témoigné
l’a transformé en hospitalier miséricordieux envers tous, sans exception, et
nous pourrions ajouter sans limites.
Il ne met aucune limite à son action pour
soulager les malheureux. La liste des nécessiteux de Grenade et de ses
environs, secourus par saint Jean de Dieu et rapportée par Castro au chapitre
XII, et celle donnée par le saint lui-même dans la deuxième lettre à Gutierre
Lasso, coïncident et couvrent pour ainsi dire toutes les catégories des
déshérités qui existaient à cette époque.
3.1.2. Hospitalité de solidarité
Cette expérience et la révélation de la
miséricorde de Dieu envers lui ont provoqué deux réponses : une de kenosis (anéantissement)(4) ou
humiliation pénitentielle, bien visible dans les sources, et, successivement une réponse d’hospitalité
miséricordieuse envers tous.(5) F. de
Castro nous raconte comment Jean de Dieu, le jour de sa conversion se dépouille
de tout ce qu’il possédait comme pauvre libraire, pour devenir le disciple de Jésus Christ. Il nous dit, en outre :
En
ville comme dans ses voyages, il allait toujours nu-pieds, nu-tête, barbe et
cheveux coupés ras. Délaissant la chemise, il portait pour tout vêtement un
manteau de drap grossier de couleur grise et des pantalons en toile de laine.Il
ne se déplaçait jamais autrement qu’à pied, et ce, même en voyage, malgré la
fatigue et l’état pitoyable de ses pieds. Depuis le jour où il entra au service
du Seigneur jusqu’à sa mort, il alla toujours tête nue, indifférent à la pluie
comme à la neige. Et pourtant il compatissait profondément avec les
souffrances, aussi légères fusent-elles, de ses semblables et n’avait de cesse
de les adoucir, comme si lui-même vivait dans un bien-être continuel.(6)
Sa première maison a connu des débuts
bien modestes pour accueillir des pauvres comme lui. Castro le raconte en peu
de mots.
Résolu
à venir en aide aux pauvres, Jean de Dieu s’entretint avec plusieurs âmes
charitables qui l’avaient soutenu dans ses tourments. Avec leur aide il loua
une maison à la poissonnerie de la ville, idéalement située près de la Place Bibarrambla. C’est là en effet
qu’il recueillait les malheureux, les infirmes et les estropiés. Il acheta ensuite quelques nattes de jonc et
de vieilles couvertures sur lesquelles ils puissent s’étendre. Faute d’argent,
il ne pouvait faire mieux pour l’instant. (7)
Nous pouvons affirmer que saint Jean de
Dieu s’est identifié aux pauvres et aux malades qu'il accueillait et soignait
comme s’il était un d’entre eux. Il les a guéris malgré ses limites, avec les
richesses du charisme de l’hospitalité que Dieu lui avait donné. Il ne refusait
jamais d’aider une personne dans le besoin et, bien que démuni et pauvre, il
utilisait toutes les ressources dont il pouvait disposer.
3.1.3. Hospitalité de communion
Médiateur entre les riches et les
pauvres, les puissants et les méprisés de ce monde, Jean de Dieu a pratiqué l’hospitalité de la communion.
Avec saint Jean de Dieu, demander l'
aumône se transforme en une richesse spirituelle. L’Ordre ne peut ignorer ce
patrimoine mais doit adapter ses méthodes aux différentes époques et cultures.
Il faut le considérer comme une circulation des biens pour la construction
spirituelle d'une société de solidarité.
Quand Jean circulait la nuit en criant “ faites le bien mes frères à vous-mêmes
pour l’amour de Dieu ” il voulait inquiéter et provoquer les
consciences à ne pas dormir sur les misères de leurs frères, il demandait et
donnait dans une dynamique de réciprocité.
Quand il écrivait des lettres de
remerciement pour les dons reçus, et dans lesquelles il racontait sa douleur
devant les souffrances des misérables qu’il ne pouvait soulager tout seul, et
quand il avait recours sans cesse à des emprunts qu’il ne pouvait rembourser
qu’avec peine, il s'efforçait de construire une communauté de communion où tous
pourraient se sentir frères, aimés, aidés et pardonnés par Dieu, comme lui-même
se sentait aimé et pardonné. Il savait que si tous pouvaient vivre une
expérience profonde de la miséricorde de Dieu comme lui la vivait, l’Église et
la société deviendraient vraiment la famille des enfants de Dieu, habitée par
la vie et la communion divine et attentive aux besoins des nécessiteux.
3.1.4. Hospitalité créatrice
Dans une ville qui comptait une dizaine
d’hôpitaux et de maisons pour pauvres,
la quantité de malades et d’abandonnés que la sensibilité de Jean de
Dieu a découvert est presque incroyable. Il est étonnant de voir comment il
s’est ouvert un espace nouveau dans la pratique de l’hospitalité. Il a anticipé
ceux qui avaient la responsabilité de le précéder pour résoudre les problèmes
de tous ces malheureux.
Son hospitalité était une réponse à ceux
qui n'en trouvaient pas (les abandonnés) et aux nouveaux besoins que les autres
ignoraient encore (ceux que rongeait la culpabilité, la haine ou la vengeance). Saint Jean de Dieu voyait
toutes les souffrances, qu’elles soient du corps ou de l’esprit. (8)
3.1.5. Hospitalité intégrale (holistique)
En pratiquant l’hospitalité, Jean de Dieu
prend soin de toute la personne. Pour lui, le malade ou le nécessiteux n’était
pas seulement un corps et une âme, un pécheur ou une pécheresse, un rancunier
ou un menteur. Tous étaient des personnes. Tous étaient ses frères et ses
sœurs. Tous étaient dignes d’être aidés et pardonnés par lui et par ses
collaborateurs. Et pourquoi? Parce que Dieu se comporte ainsi, pourvoyant
chaque jour aux besoins de tous, (9) en sauvant et pardonnant (10) et parce que
les voir souffrir ainsi lui "brisait le cœur" (11).
L’hospitalité de saint Jean de Dieu,
dirions-nous aujourd’hui, était à la fois
préventive et d’urgence, curative et réhabilitative,
il guérissait les curables et accompagnait les incurables. Elle était pédagogique pour les orphelins, les
enfants abandonnés et formatrice pour
les prostituées qu’il aidait à se libérer de leur faute et à entrer dans un
projet de formation et d’insertion sociale. Dans son hôpital, il offrait aux
pèlerins le gîte et le couvert, du bois
pour le feu et des locaux; aux malades
des médicaments, des infirmiers, des aumôniers et des secours spirituels. (12)
La pratique hospitalière de saint Jean de
Dieu nous montre que l’adage chinois du poisson et de la canne à pêche est mal présenté quand on
l’interprète sous forme de dilemme entre deux choix. L’hospitalité au service
de ceux qui sont dans le besoin doit toujours être et…et… en tenant compte des
personnes et des circonstances de lieu et de temps.
3.1.6.
Hospitalité de réconciliation
Saint Jean de Dieu était compréhensif et
traitait tout le monde, les pécheurs, les oppresseurs et les opprimés, de la
même manière dont il se sentait traité par
Dieu: il pardonnait, aidait et guérissait les blessures physiques et
morales. Souvent, il traitait d’abord les blessures morales et spirituelles, comme condition nécessaire pour arriver à la
guérison des maladies du corps et à un état d’harmonie.
Dans un monde divisé et lacéré par tant
d’idéologies, de fondamentalismes, de discriminations ethniques engendrant la
haine, la rancœur ou le désir de vengeance, la capacité de pardon et de
réconciliation de saint Jean de Dieu,
son habilité à construire des ponts de fraternité mérite d’être étudiée et
imitée par nous tous, membres de la famille hospitalière. Pour tous,
collaborateurs et assistés, Il était un merveilleux guérisseur, capable de
résoudre les tensions et les conflits.
Comme le Christ, il guérissait avec ses
propres plaies. Ses biographes font remarquer à quel point il avait été traumatisé d’avoir été séparé
de ses parents; comme il avait souffert de la solitude, des frustrations de la
vie militaire mais surtout de ses propres fautes, des injures subies et des angoisses provoquées par les dettes
contractées pour soulager les pauvres et les malades, ses frères. L'expérience de ces blessures existentielles
faisaient de lui un hospitalier, spécialisé dans l’art de guérir et de
réconcilier entre eux des ennemis, et de les transformer en ses proches
collaborateurs, comme ce fut le cas avec Antoine Martin et tant d’autres.
A la Duchesse de Sessa, sa bienfaitrice,
il décrivait la manière dont il se soignait en contemplant les blessures du
Christ crucifié et lui conseillait de
faire de même :
“ Dans
la douleur mon plus grand soulagement et ma meilleure consolation sont de
regarder et de contempler Jésus Christ crucifié ” (13)
“ Recourez
à la passion de Jésus Christ … vous en éprouverez une grande consolation ”
(14)
C’est ainsi qu’il parvint à obtenir
d’Antoine Martin de pardonner et de se réconcilier avec Pierre Velasco et qu'il les a
tous deux convaincus de devenir ses
collaborateurs directs et ses
premiers frères.
C’était avec la passion du Christ, que le vendredi, il guérissait les blessures
de la prostitution chez tant de femmes détruites par ce genre de vie. C’est en
vertu de son charisme d’hospitalité miséricordieuse qu’il pardonne à la femme
arrachée par lui au monde de la prostitution et qui l’injuriait : “ Tôt ou tard, je dois te pardonner,
alors je te pardonne tout de suite ” (15) Il la convertit ainsi une deuxième fois, comme elle en
témoignera elle-même pendant les
funérailles du saint.
Quand on l’accuse auprès de l’archevêque
d’accueillir des gens indignes dans “ sa maison de Dieu ” il déclare
que lui seul est indigne d’y être : “ et puisque Dieu tolère les bons et les méchants, que le soleil
se lève tous les jours sur tous, il me paraît peu raisonnable de chasser les
abandonnés et les affligés de leur propre maison ”. (16)
3.1.7. L’hospitalité génératrice de
bénévolat et de collaboration.
L’amour miséricordieux et sans frontières
de saint Jean de Dieu avait une telle vitalité qu’il engendrait l’amour, la
charité chrétienne et la collaboration;
c’était une hospitalité rayonnante, un charisme de participation.
Cette force charismatique, reçue de Dieu
et à laquelle saint Jean de Dieu a été radicalement fidèle, l’a transformé en
un brasier rayonnant l’hospitalité qui attirait, à différents niveaux, la
solidarité et la collaboration.
Nous pouvons distinguer différents
niveaux de collaborateurs allant de ceux qui aidaient par des actions ou
des aumônes ponctuelles, à ceux qui devenaient des permanents, comme Angulo et tant d’autres cités dans ses lettres,
la biographie de Castro et le document du Procès contre les moines de saint
Jérôme. Certains l’ont suivi dans le bénévolat au point de s'identifier totalement avec son charisme.
Parmi les collaborateurs les plus directs
on compte les premiers compagnons ou frères portant l’habit, les bienfaiteurs
qui se sont davantage identifiés à son charisme et ont compris que son œuvre
était également la leur. Ce sentiment
d’appartenance à l’hôpital et à l'œuvre de Jean de Dieu générait à son tour un
grand mouvement de solidarité. Cette identification au charisme, poussait
nombre de ses collaborateurs à le promouvoir et à défendre son originalité en
se mettant à son service avec tous leurs biens.(17)
Cette identité d’appartenance à la
famille de saint Jean de Dieu reste un modèle valable pour le temps présent et
pour l’avenir.
3.1.8. Hospitalité prophétique
Un des points les plus originaux de
l’hospitalité de saint Jean de Dieu est son aspect prophétique. Sans moyens,
étranger immigrant avec une réputation de folie, se donnant totalement à Jésus
Christ et à ceux qui souffrent, il a
tracé des voies nouvelles pour l’Église et pour la société.
Ses attitudes hospitalières étaient
étonnantes, déconcertantes, mais ont fonctionné comme des phares dans la
nuit pour indiquer de nouvelles pistes
d’assistance et d’humanité . En partant de rien, il a créé un nouveau modèle
de citoyen, de chrétien et
d'hospitalier. Cette hospitalité prophétique a agi comme un levain dans
l'Eglise pour le renouvellement de l’assistance. Ce modèle a fonctionné également comme conscience critique et
guide pour sensibiliser les consciences à de nouvelles attitudes et pratiques dans leur service auprès des
pauvres et des marginaux.
3.2. L’hospitalité au cours de l’histoire
3.2.1.
L'hospitalité à partir des premiers
collaborateurs et au cours des siècles.
Les premiers frères(18) et compagnons de
saint Jean de Dieu ont participé à son charisme hospitalier, ils l’ont pratiqué
et diffusé. L’acte de fondation de
l’hôpital d’Antoine Martin de Madrid parle de la situation de dénuement
extrême dans lequel se trouvaient
“ les malades avec plaies contagieuses ”. Lui-même, dans son testament, affirme que Jean de Dieu l’a laissé
à la tête de son hôpital, à sa place, comme un autre lui-même. (19)
Ses compagnons sont mentionnés par les témoins comme des
hospitaliers très proches des pauvres
et des malades. La personnalité de Jean de Dieu, humble, pauvre et dépouillé dans
un anéantissement volontaire, (kenosis)
se détache dans toute sa grandeur pour
se mettre au niveau des pauvres et pour les servir, et, demeure pour ses
compagnons et ses collaborateurs, l’exemple à imiter.
Les témoins du Procès sont unanimes pour
déclarer que “ les frères recevaient
avec grande charité et libéralité tous les pauvres sans exception, indigène ou
étranger, curable ou incurable, fou ou sain d’esprit, petits enfants et
orphelins. Ils le faisaient pour imiter Jean de Dieu, leur fondateur. Ils accueillaient
tout le monde, les morisques comme les chrétiens de vieille souche. (20)
Après cette première étape, pendant cinq
siècles, les frères et les
collaborateurs de l'Ordre ont donné un précieux témoignage de fidélité au
charisme de l'hospitalité, qu'ils aient été célèbres ou non. (21)
D’autre part, dès les premières décennies
de la vie de l'Ordre, l’assistance sur les champs de bataille, dans les armées
et auprès des soldats, également en temps de paix, est devenue une constante
dans des pays comme l’Espagne, l'Italie, le Portugal et la France.
L’action de l’Ordre est particulièrement
active dans deux secteurs : celui des urgences en cas d’épidémies et celui des hôpitaux en pays de mission;
certains de ceux-ci deviendront les
“ hôpitaux-doctrine ”(22) où l’enseignement de la doctrine chrétienne
était assuré.
Une autre expression de l’hospitalité se
manifeste dans plusieurs pays sous forme d’écoles
de médecine et de chirurgie et de cours pour infirmiers afin de préparer
les membres et les collaborateurs de l’Ordre.
Pendant le XIXème et le XXème siècle, la
psychiatrie devenant une branche spécialisée de la médecine, l’Ordre commence à
fonder et à gérer des centres spécifiquement destinés aux malades mentaux. En
France, ce développement est particulièrement
important sous l’impulsion de Paul de
Magallon au XIXème siècle, avec la restauration de l’Ordre après son extinction
suite à la Révolution de 1789. Benoît
Menni fait de même au Portugal et en Espagne.
D’autres provinces, à partir des différentes
restaurations européennes du XIXème siècle (allemande, polonaise, autrichienne
et italienne) fondent des œuvres exclusivement consacrées aux malades et
handicapés mentaux, aux enfants et jeunes adultes. Les provinces d'Irlande,
d'Angleterre et d'Australie-Asie se sont spécialisées dans des services pour
handicapés mentaux ; leurs efforts pour les différencier des malades
mentaux représentent une contribution importante; ils se sont efforcés de faire
changer la terminologie utilisée à leur endroit afin de souligner leurs droits
et leur dignité de personnes.
L’assistance
aux enfants et aux jeunes handicapés physiques a été une réponse de Benoît Menni à ce
besoin si urgent en Espagne à l’époque et jusqu’à récemment. Aujourd’hui, certains hôpitaux généraux pédiatriques d'avant garde ont pris la
relève, de même que certains centres orthopédiques et de réhabilitation.
Une expression du charisme de saint Jean
de Dieu qui s’est fort développée au cours des dernières décennies est
constituée par les accueils de nuit pour les SDF, les homes pour personnes
âgées, et les centres pour les personnes ayant des difficultés d'apprentissage
ou pour les handicapés mentaux..
L’Ordre a toujours eu à cœur de
développer sa dimension missionnaire. On peut dire que l’expansion missionnaire
de l’Ordre remonte à ses origines. La fondation de Cartagène (Colombie) en 1596
a été la première parmi les dizaines de fondations qui ont été créées en
Amérique, en Afrique et en Asie jusqu’au siècle dernier.
Après une période d’extinction, les
fondations missionnaires ont repris en Amérique, en Afrique, en Asie et en
Océanie. L’Ordre veut continuer aujourd’hui l’évangélisation du monde de la
santé comme l’a fait saint Jean de Dieu et comme Jésus Christ nous demande de
le faire.
3.2.2.
Présence actuelle
Les exigences de la Nouvelle
Evangélisation, demandée par l'Eglise au seuil du troisième millénaire, ont
poussé l'Ordre à s'interroger sur une Nouvelle Hospitalité qui doit s’exprimer en un double sens : dans des
œuvres novatrices pour la société et dans de nouvelles réponses pour pallier
aux lacunes présentes.
A partir du chapitre général de 1976 et,
plus encore, depuis le chapitre extraordinaire de 1979, l'Ordre a accompli un
effort considérable pour moderniser son assistance dans les centres
traditionnels. Beaucoup d’activités ont
pris leur essor et il convient d’en rappeler les principales.
L’humanisation
et la pastorale ont connu pendant ces
vingt dernières années une revitalisation très nécessaire pour complémenter et
compenser les grands développements techniques des hôpitaux et répondre aux
souffrances concrètes des malades et de leurs familles.
L’assistance hospitalière de l’Ordre a
toujours insisté sur une approche intégrale, holistique et ne peut donc se
passer d’assurer des soins pastoraux et spirituels appropriés.
L’humanisation, la pastorale, de même que
la formation permanente, indispensable pour les frères et les collaborateurs,
constituent des moyens incontournables pour renouveler la présence de l’Ordre
dans les centres traditionnels. S’ils
sont bien utilisés, ils deviennent des outils précieux pour repenser les
services de l’Ordre, pour assurer une nouvelle hospitalité et une nouvelle
évangélisation.
Au cours de ces dernières années ce travail d’humanisation et de pastorale
s'accompagne d'une formation en matière de bioéthique et d'éthique de la santé.
La modernisation des structures aux
nouveaux besoins et aux exigences techniques et humaines, avec de nouveaux
critères de gestion qui attribuent
prioritairement les ressources à des programmes bien définis, ont contribué à
grandement renouveler nos hôpitaux et
nos centres.
Nos centres traditionnels ont connu une
évolution dans tous les domaines. Les innovations des technologies médicales se
reflètent dans les changements continuels de nos centres. Leur structure
matérielle a subi de profondes
mutations pour incorporer des équipements techniques et des changements en
matière d'assistance, afin d'appliquer de nouvelles méthodologies et introduire
le travail en équipes pluridisciplinaires.
L’objectif étant toujours d’offrir un service meilleur et plus complet
au malade, considéré avant tout comme
une personne.
Le changement le plus significatif a été
l’intégration des collaborateurs. Jusqu’il
y a peu d’années, la communauté des frères, avec l’aide de quelques
laïcs, pouvait seule assumer le service auprès des malades. Aujourd’hui ce sont
les collaborateurs qui sont les principaux acteurs dans les
œuvres ; ils sont présents dans tous les secteurs, même les postes de gestion et
de direction.
Un nombre toujours plus grand de
bénévoles travaille aux côtés de nos collaborateurs en assumant des
responsabilités dans le domaine de
l’humanisation et des services de pastorale.
Cette présence, renouvelée et actualisée,
donne d’excellents résultats dans nos centres traditionnels grâce au travail de
formation au niveau local, provincial
et international.
De cette manière, l’avenir des œuvres
traditionnelles passe en partie par la modernisation des instruments techniques,
des méthodes de travail et de gestion et d’administration en faisant
particulièrement attention aux moyens de communication et d’information.
La
recherche scientifique
se développe avec des programmes établis en collaboration avec les facultés
universitaires compétentes.
Les frères doivent assurer une présence
de guide en matière d'éthique et de morale, ils doivent être une conscience
critique, des précurseurs et des prophètes de la bonne nouvelle pour les
pauvres, les malades et les nécessiteux d’aujourd’hui, quelle que soit leur
culture ou leur religion.
3.2.3. Nouvelles formes de présence
Depuis plusieurs années, les initiatives
novatrices de l’Ordre répondent aux
nouveaux besoins qui surgissent dans notre société .
Dans certains cas, on retourne à des
expressions qui étaient déjà présentes chez saint Jean de Dieu, à savoir, une
plus grande ouverture à la société, aux familles et à leurs besoins.
Notre hospitalité se limite de moins en
moins aux hôpitaux et aux centres et embrasse désormais toujours davantage les domaines de la prévention et de l’éducation en matière de santé, de réhabilitation et
de la réinsertion sociale. Saint
Jean de Dieu s’occupait avec diligence de l’éducation et de la formation des
orphelins, de même qu’il avait à cœur la réinsertion sociale des prostituées
etc.
Aujourd’hui l’Ordre étend son action aux hôpitaux de jour, aux
soins à domicile, aux dispensaires. Il promeut des initiatives novatrices pour
répondre aux nouvelles pathologies modernes : toxicomanes, Sidéens,
malades chroniques en phase terminale, etc.
Aux souffrances de la solitude, de
l’abandon, du désespoir et du néant existentiel on répond par la création des
téléphones de l’espérance, la publication de bulletins et de dépliants
contenant des messages humains et chrétiens, et des magazines pour soutenir la réflexion sur des questions
de formation éthique et hospitalière.
L’Ordre s’efforce de répondre à ces
nouveaux besoins en intensifiant la coopération qui existe entre les frères et
leurs collaborateurs dans les œuvres et les projets d’Église et entre ceux-ci et
les organismes nationaux et
internationaux dans le domaine sanitaire, que ce soit au niveau de la recherche
ou de l’assistance.
De telles initiatives sont prises dans
différentes provinces qui collaborent entre elles et avec des organisations non
gouvernementales et avec certains gouvernements, surtout ceux des pays en développement.
Le charisme de saint Jean de Dieu est
tellement riche et présente une telle vitalité que lorsque l’Ordre, les frères
et leurs collaborateurs se laissent conduire par l’Esprit de Dieu et restent à
l’écoute des nouveaux besoins de la société, les fruits de cette hospitalité se
multiplient, même si les ressources apparaissent insuffisantes.
Questions
pour la réflexion sur la charte et pour
la
préparation au prochain Chapitre Général
Comment l’Ordre (frères et collaborateurs) continue-t-il à
recréer les principaux traits du charisme de l’hospitalité ?
Point
forts Points faibles Propositions
1)
Hospitalité
miséricordieuse
2)
Hospitalité
de solidarité
3)
Hospitalité
de communion
4)
Hospitalité
créatrice
5)
Hospitalité
intégrale
6)
Hospitalité
de réconciliation
7)
Hospitalité
génératrice
de bénévolat et de collaboration
8) Hospitalité
prophétique
Notes
au troisième chapitre
(1) L’Ordre hospitalier dispose aujourd’hui d’une riche documentation pour étudier et approfondir les lignes de force et de vitalité du charisme hospitalier. Les sources documentaires deviennent ainsi des moyens pour arriver à la source du charisme hospitalier de saint Jean de Dieu et à ses caractéristiques.
Du
point de vue chronologique et par ordre d’importance nous disposons de six lettres de saint Jean de Dieu, et de
trois lettres que saint Jean d’Avila lui adresse. Ces lettres sont disponibles
en éditions critiques et nous donnent un portrait de valeur de saint Jean de
Dieu. Elles nous font voir un personnage, dont on tombe amoureux, un disciple
vivant du premier hospitalier de l’histoire, Jésus Christ. Elles nous font
percevoir sa passion pour l’homme nécessiteux et souffrant, pour sa mère,
l’Église, et, pour tous ses enfants.
La
deuxième source, par ordre d’importance est sans aucun doute la biographie du saint écrite par
François de Castro et publiée en 1585. Avec de solides sources historiques,
l’auteur nous donne un compte rendu du parcours humain et spirituel du saint;
il y met en évidence l’hospitalité divine dont Jean de Dieu a bénéficié et qui
est à l’origine de la sienne, hospitalité illimitée envers tous les pauvres et
les malades.
Depuis
1995, la Famille hospitalière dispose d’une nouvelle source sur la vie et
l’hospitalité de saint Jean de Dieu, il s’agit de la Documentaciòn procedente del Archivio de la Deputaciòn Provincial de
Granada que formò parte del pleito entre los Hermanos del Ospital de Juan de
Dios y los Frayles e convento del monasterio de San Geronimo. " Ce
document porte la date du 12.03.1570 (mais le procès n'a commencé qu'en 1572)
et compte 171 pages manuscrites qui ont été transcrites par José SANCHEZ
MARTINEZ dans son livre: Kenosis y
Diakonia en el itinerario espiritual de San Juan de Dios, Madrid 1995. Des
17 témoins qui répondent aux 28 questions, 10 avaient connu saint Jean de Dieu.
Cette documentation de même que d'autres documents utilisés par Sanchez dans un
autre travail sur ce même procès, constituent la troisième source importante pour étudier l’hospitalité de
saint Jean de Dieu.
D'autre part nous possédons les premières constitutions de l'hôpital de Grenade et les trois bulles fondamentales :
1. Licet
ex debito de Pie V (1er janvier
1572)
2. Etsi
pro debito de Sixte V (1er octobre
1586)
3. Piorum
virorum Bref de Paul V (12 avril
1608)[1]
Ces textes ont une très grande valeur car ils nous permettent de nous approcher de saint Jean de Dieu et des principes théologiques et juridiques de notre hospitalité. Nous devons y ajouter les pétitions des Supérieurs Généraux, les grâces et les approbations à l'origine de ces bulles. Tous ces documents constituent les sources de notre hospitalité.
Des
premières Constitutions rappelons:
1. Regla y Costituciones para el Hospital de
Ioan de Dios, desta ciudad de Granada, 1585;
2. Costituciones
hechas en el primer Capitulo General hecho en Roma ano de 1587;
3. Costitutioni
et ordini da osservarsi dagli Frati dell’Ordine di Giovanni di Dio 1589;
4. Costitutioni
del devoto Giovanni di Dio d’Italia,
1596
5. Regla
del Bienaventurado Padre San Agustin y Costituciones de la Orden de Iuan de
Dios, Madrid 1612.
La documentation moderne est abondante, mais pour ne pas être trop long, nous vous rappelons seulement quelques titres plus significatifs après le chapitre général de 1976 en les mettant par ordre chronologique.
.
P. Marchesi, Les bases du renouvellement (1978).
.
P.Marchesi, L’humanisation (1981).
.
La dimension apostolique de l’Ordre de
saint Jean de Dieu (1982)
.
Constitutions de l’Ordre Hospitalier de
saint Jean de Dieu (1984)
.
P. Marchesi, L’hospitalité du Frère de
saint Jean de Dieu en vue de l’an 2000 (1986).
.Déclarations du LXII Chapitre Général (1988)
.
B. O’Donnell, Serviteur et prophète
(1990)
.
Saint Jean de Dieu est encore vivant
aujourd’hui (1991)
.Frères de saint Jean de Dieu et
collaborateurs laïcs, ensemble pour servir et promouvoir la vie, (1992)
. La nouvelle évangélisation et la
nouvelle hospitalité au seuil du troisième millénaire (1994).
.
P.Piles, La force de la charité
(1995)
.
P.Piles, Jean de Dieu : appel
à la nouvelle hospitalité (1996)
.
P.Piles, Laissez-vous guider par l’Esprit
(1996)
.
La dimension missionnaire de l’Ordre
Hospitalier. Prophètes dans le monde de la santé (1997).
Les études et les recherches critiques réalisées au cours des siècles et plus récemment, sur la vie, la spiritualité et l’hospitalité de saint Jean de Dieu constituent des contributions inestimables pour approfondir le thème traité dans cette “charte”. Pour ne pas alourdir la lecture du présent document, nous renvoyons à la bibliographie finale pour les titres plus significatifs.
(2)
Première
lettre de saint Jean de Dieu à la Duchesse de Sessa (1DS), 13. Voir également
GAMEIRO, A. Koinonia, filoxenia y
martyrion em S. João de Deus e na sua Orden nascente, thèse de doctorat,
Rome, 1996, en cours de publication.
(3)
Deuxième
lettre de saint Jean de Dieu à la Duchesse de Sessa (2DS), 18.
(4)
Cf.
SANCHEZ MARTINEZ, José. Kenosis y
Diakonia en el itinerario espiritual de San Juan de Dios, Madrid 1995.
(5)
Cf.
deuxième lettre de saint Jean de Dieu à Gutierre Lasso (2GL), 5. Cette liste
n’est pas complète. Castro ajoute d’autres nécessiteux au chapitre XVI. Le
saint a secouru des personnes malades moralement. Nous connaissons sa
sollicitude envers les prostituées, les prisonniers, les marginalisés les
maures et probablement les « nouveaux chrétiens » de provenance
juive, les esclaves et les autres exclus comme les incurables.
(6)
CASTRO,
op.cit. chapitre XVII.
(7)
Ibid.
Chapitre XII.
(8)
Cf.
2GL,8
(9)
Première
lettre de saint Jean de Dieu à Gutierre Lasso (1GL), 2.
(10)
Lettre
de saint Jean de Dieu à Louis-Baptiste (LB), 19.
(11)
1
DS,15.
(12)
Du chapitre XII au chapitre XX de son livre,
Castro explique bien les différentes dimensions de l’hospitalité de saint Jean
de Dieu.
(13)
2
DS,9.
(14)
1
DS,9.
(15)
CASTRO,
ibid., chapitre XV.
(16)
Ibidem,
chapitre XX.
(17)
Cette
solidarité, capable de s’identifier avec autrui apparaît clairement dans les
lettres à Gutierre Lasso et à la Duchesse de Sessa, dans la biographie de
Castro et dans les témoignages du procès et concerne des dizaines de
collaborateurs.
(18)
Dans
le Procès contre les moines de saint
Jérôme (cf. SANCHEZ, op. cit.) qui précède la biographie de Castro, on
parle beaucoup des attitudes hospitalières des frères qui portent l’habit de
saint Jean de Dieu. Jean d’Avila (Angulo) cite leurs noms : Antoine
Martin, Pedro Pecador, Alonso Retigano et Domingo Benedicto.
(19)
ORTEGA
LAZARO,L., o.h., Anton Martin…pp.17-18
et 31.
(20)
Déclarations
extraites du procès entre les frères de
l’hôpital de Jean de Dieu et ceux du monastère de saint Jérôme, 1572-73.
SANCHEZ MARTINEZ, José op. cit. pp.181-188
et 285 et suivantes.
(21) Toutefois, nous estimons qu’il est important, pour préciser
l’identité et l’originalité de l’Ordre, de connaître, même si cette
connaissance est partielle, certaines de ces personnalités exceptionnelles par
leur manière de vivre les valeurs de l’hospitalité.
Les
saints, bienheureux et vénérables
méritent d’être rappelés en premier lieu : saint Jean Grande, saint
Richard Pampuri, bienheureux Benoît Menni et les nombreux bienheureux martyrs.
Parmi les vénérables et ceux dont on a introduit la cause de béatification
citons, François Camacho, Antoine Martin, José Olallo Valdes, Eustache Kugler
et un autre groupe de martyrs, sans oublier tous les autres qui, dans
l’histoire de l’Ordre, ont souffert le martyre ou la persécution pour le Christ
et pour l’hospitalité au Brésil, en Colombie, au Chili, en Pologne, aux
Philippines, en France, en Espagne et, récemment également dans d’autres pays.
De
nombreux frères “ fondateurs ”
et “ refondateurs ” de
communautés et œuvres de l’Ordre mériteraient d’être mieux connus, comme
expressions vivantes de la vitalité et des valeurs de notre charisme. Ainsi les
frères Bonelli (France); Gabriel Ferrara et Jean Baptiste Cassinetti (Italie et
Allemagne), François Hernandez (Amérique). A une époque plus récente il
convient de rappeler les noms du Père Jean Marie Alfieri (Italie), Paul de
Magallon (France), Eberhard Hacke et
Magnobon Markmiller (Allemagne)et celui du Bienheureux Benoît Menni (Espagne,
Portugal et Mexique).
Dans
le domaine de la recherche historique il faut se souvenir des frères qui, par
amour pour l’Ordre et avec un grand
esprit scientifique, ont réalisé un travail qui nous permet aujourd’hui de
connaître le parcours de notre charisme.
Un
autre groupe de frères fameux s'est distingué comme médecins, chirurgiens,
pharmaciens, botanistes, dentistes, mais la liste en serait trop longue. Nous
en mentionnons certains dans le chapitre 6, note 11, du présent document
consacré à la formation et à la recherche dans l’Ordre.
Après
cette liste de noms de frères qui ont été les prophètes de l’hospitalité il
faudrait ajouter les noms de certains
collaborateurs qui, à cause de leur amour pour l’Ordre et les valeurs qu’il
incarne, méritent d’être rappelés.
(22) ANTIA, Juan Grande, dans Labor
Hospitalario-Misionera de la Orden de San Juan de Dios en el mundo, fuera de
Europa, AA.VV., Madrid, 1929.
« De Philippe II à Ferdinand
VII, les frères hospitaliers étaient responsables de la santé aux armées, surtout pendant les expéditions aux Indes et
pendant les guerres et les épidémies.
Outre
la centaine d’hôpitaux-doctrine
qu’ils possédaient en Amérique et où ils soignaient les Espagnols, les soldats,
les indigènes ils géraient une école de
la foi pour les Indiens bien fréquentée, et ils avaient également des
pharmacies et des dispensaires pour secourir tous ceux qui en avaient besoin.
Dans ces hôpitaux-doctrine, les Indiens ne retrouvaient pas seulement la santé
du corps mais aussi celle de l’âme. De cette manière les disciples de saint
Jean de Dieu sont restés fidèles à la devise de leur fondateur par le corps à l’âme, devise qui reste
valable pour tout bon hospitalier. »
4.
PRINCIPES
SUR LESQUELS SE BASE NOTRE HOSPITALITE
En acceptant l'invitation de L'Eglise de
devenir chaque jour davantage conscient de la mission évangélisatrice de tout
groupe et de toute œuvre ecclésiale,
l'Ordre, avec la Nouvelle Hospitalité, veut développer clairement son identité
en s'inspirant de la "culture de l'Ordre". Celle-ci nous engage tous,
frères et collaborateurs, à agir en fonction des principes de notre
hospitalité. Dans le présent chapitre nous développons chacun de ceux-ci.
4.1.
Dignité de la personne
4.1.1.
Le respect de la dignité de la personne comme une caractéristique essentielle
d’une attitude authentiquement chrétienne. La création de l’homme et de la femme,
à image et ressemblance de Dieu, (Gen
1,27) leur confère une dignité indiscutable. Parmi tous les êtres vivants,
l’être humain est le seul à ressembler à Dieu, à être convié à communiquer avec
Dieu, capable de l’écouter et de lui répondre. La dignité de chaque personne
devant Dieu constitue les fondements de sa dignité face aux autres humains et à
lui-même. C’est la raison ultime de l’égalité fondamentale et de la fraternité
entre les hommes, quelles que soient leur race, leur nationalité, leur sexe,
leurs origines, leur culture ou leur classe sociale. C’est la raison pour
laquelle personne n’a le droit d’utiliser un autre être humain comme un objet.
Au contraire chacun a le droit d’être traité avec respect comme un être
autonome et responsable.
Le respect et l’amour de soi découlent de
cette dignité que Dieu reconnaît à l’être
humain. Par conséquent nous devons nous valoriser et avoir soin de notre
santé. De même, nous devons aimer notre prochain comme nous-mêmes et respecter
le caractère sacré de la vie de chaque personne, reflet de la gloire de Dieu
(Gen 9,6).
4.1.2.
Ce respect doit être universel. Le respect de la dignité de la personne,
créée à l'image de Dieu, exige de considérer son prochain, sans aucune
exception, comme soi-même, en ayant soin de veiller sur sa santé et de lui
procurer les moyens de mener une existence digne de ce nom.(1) Il faut affirmer
que la dignité de la personne demeure immuable quelles que soient les anomalies
dont elle peut être affectée, les limites dont elle peut souffrir ou la
marginalisation qu’elle peut subir.
Le respect de la dignité de la personne
créée à l’image de Dieu est présent dans la philosophie des droits de l’homme
et dans la conscience croissante de leur importance au niveau international.
Le caractère universel du respect de la
dignité de l’homme s’explicite dans l’affirmation de Kant sur le caractère
précieux de la personne, pour ce qu’elle est en soi, dotée d’une dignité propre, non monnayable quel qu’en soit le
prix . Le corollaire éthique est que tous les hommes sont égaux en tant que
tels, et, méritent la même considération et le même respect. La dignité est
inhérente à l’être humain en tant que sujet de droits et de devoirs. (2)
4.1.3.
Attitude intérieure nécessaire pour
mieux accueillir les malades et les
nécessiteux. La valeur et la dignité de la personne posent souvent question dans les situations
de souffrance, de maladie, d’handicap ou de mort et risquent parfois d’être
reléguées aux oubliettes. L’Ordre hospitalier en prenant soin des malades et
des nécessiteux, annonce à tous les hommes le merveilleux héritage de foi et
d’espérance transmis par l’Evangile.
L’attitude de Jésus en faveur des plus
faibles et des marginaux est pour
l’Ordre et en suivant l’exemple de saint Jean de Dieu, un appel à s’engager
dans la défense et la promotion de la
dignité et des droits fondamentaux de la personne.
Parmi les différentes réalisations de
l’Ordre, certaines s’inscrivent plus particulièrement dans la perspective de la
Nouvelle Hospitalité et manifestent des signes évangéliques
significatifs :
·
les accueils de nuit : comme expression de la
gratuité, souvent ignorée dans notre société qui promeut l’efficacité et la productivité;
·
.les malades en phase terminale :
pour témoigner la valeur de la vie au moment de mourir;
·
les malades du SIDA : pour s’opposer aux peurs
et aux préjugés irrationnels;
·
les
toxicomanes : pour aimer l’homme qui est incapable de s’aimer;
·
les immigrés :
pour accueillir Jésus, l’étranger comme authentique expression d’hospitalité;
·
les personnes âgées : pour affirmer la valeur
de la vie dans sa globalité ;
·
les invalides et les malades chroniques : comme expression de la
valeur et de la dignité de l’être humain.
Chaque lieu de souffrance, de pauvreté et
de maladie est un lieu privilégié où nous, religieux de saint Jean de
Dieu, exerçons et vivons l’Evangile de
la miséricorde.(3)
4.2. Respect de la vie humaine
4.2.1
La vie comme bien fondamental de la personne est la condition préliminaire pour jouir des autres biens. La vie est le bien fondamental par
excellence et ne peut être subordonné à aucun autre bien et, par conséquent,
tous les êtres humains doivent pouvoir
y avoir également droit.
Le devoir de se réaliser, propre à chacun
– nous acceptons que la vie est
un don, mais également un engagement à mener à bon terme - présuppose le devoir de conserver ce bien
fondamental comme condition “ sine qua non ” pour pouvoir réaliser la
mission reçue avec sa vie. Quelle que soit la manière de le formuler, le
principe éthique demeure : atteindre l’objectif pour lequel nous avons été
créés, tendre à la perfection ou à l’épanouissement dans la société.
La vie, qui pour le croyant est un don de Dieu, doit être respectée du début jusqu’à sa fin
naturelle. Ce droit à la vie est inviolable et constitue le fondement le plus
fort du droit à la santé et des autres droits de la personne et donc rien ne
justifie le recours à l’avortement ou à l’euthanasie active.
4.2.2.
Protection spéciale des malades
porteurs de handicaps physiques, mentaux et psychologiques. Nous devons voir dans tout
handicapé mental ou physique un membre de la communauté humaine, un être qui
souffre et qui, plus que tout autre, a besoin de notre appui et de nos marques
de respect pour l’aider à croire dans
sa valeur comme personne. Ceci est particulièrement important à notre époque,
car notre société se montre chaque jour plus intolérante envers les porteurs de handicap, les invalides et
les infirmes. (4)
L’Ordre hospitalier doit se distinguer
pour sa disponibilité et sa volonté d’appliquer, dans la mesure du possible,
les principes d’intégration, de normalisation et de personnalisation. Le
principe d’intégration s’oppose à la tendance d'isoler, de ségréguer ou de
négliger les handicapés. Le principe de normalisation comporte une volonté de
réhabilitation des invalides et des infirmes en créant des milieux de vie les
plus normaux possible. Le principe de personnalisation met en évidence le
respect de la dignité, du bien-être et
de l’épanouissement de la personne tout en promouvant ses facultés physiques,
psychiques, spirituelles et morales.
4.2.3.
Promouvoir la vie en collaborant à la
mise en œuvre de conditions pour surmonter la misère, la faim et la maladie. Dans ses efforts pour une nouvelle évangélisation, l’Ordre devra manifester visiblement l’évangile de
la vie en soutenant tous les efforts
qui sont faits pour éliminer les structures injustes et inhumaines et en créant
des possibilités de vie digne là où sévit la pauvreté, la maladie, la
marginalisation et l’abandon.
Comme disciples du Christ, et éclairés
par le charisme de saint Jean de Dieu,
nous devons soutenir et promouvoir la vie par l'exercice de la
charité . Celui-ci s'exprime par le témoignage, personnel et
institutionnel, dans les diverses formes de bénévolat et d’animation sociale et
dans un engagement politique.
Ce service demande de protéger la vie
pendant toute sa durée: depuis la naissance jusqu’à l’accompagnement fraternel
de tous ceux qui souffrent à cause de la maladie, de la marginalisation ou du
besoin en respectant, défendant et promouvant
leur dignité de personne. Le malade en phase terminale mérite
particulièrement notre attention.
Cette promotion de la vie se fait dans le
domaine de la prévention, le traitement des handicapés et la réhabilitation des
invalides. Tout ce qui se fait pour créer des conditions aptes à permettre la
participation de ceux-ci à la vie et au développement de la société qui est la
leur, ne suffit jamais; il faut créer un milieu social qui les accepte comme
des membres à part entière mais avec des besoins spéciaux qui doivent être
reconnus et satisfaits.
4.2.4.Obligations
et limites pour conserver sa vie. La vie est le bien fondamental
et la condition nécessaire pour bénéficier de tous les autres biens, mais ce
n’est pas un bien absolu. On peut la
sacrifier pour sauver d’autres êtres humains ou pour servir de nobles idéaux
qui donnent tout son sens à la vie elle-même. La vie, la santé et toutes les
activités temporelles sont subordonnées à des fins spirituelles.
Nous nions la domination absolue et radicale de l’homme sur la vie et nous ne pouvons donc pas accomplir des
gestes comme celui de détruire la vie, qui présuppose une domination totale et
indépendante sur celle-ci. Nous pouvons
affirmer qu’il faut sauvegarder sa vie
à bon escient, mais non pas la
conserver à n’importe quel prix. La vie est sacrée certes, mais la qualité de
cette vie est tout aussi importante, c’est-à-dire qu’il faut pouvoir la
vivre de manière humaine et lui donner
un sens. L’obligation de conserver la
vie dans des situations particulièrement pénibles n’existe pas.
Tous les traitements qui prolongent la
vie biologique ne sont pas bénéfiques pour le patient en tant que personne. Les
individus n’ont pas le devoir d’accepter des moyens disproportionnés pour
conserver leur vie. Pour juger si les moyens utilisés pour conserver la
vie au malade sont appropriés il faut tenir compte des conditions physiques et
psychiques du malade et
comparer le type de thérapie au degré de difficultés et de risques qu’elle comporte, aux espoirs raisonnables
de réussite qu’elle offre et au niveau de qualité de vie qui en découle (vu
dans la perspective du malade), à la
durée de survie escomptée, aux
désagréments qu’un tel traitement et son coût supposent pour le malade
et ses proches.
4.2.5. Le devoir de ne pas attenter à la vie
d’autrui. La vie
humaine est sacrée car dès son origine elle est le fruit de l’action créatrice
de Dieu et demeure toujours en relation avec son Créateur, son unique fin. Seul
Dieu est le Seigneur de la vie, depuis son origine jusqu’à sa fin. Personne,
dans aucune circonstance ne peut s’attribuer le droit de tuer directement un
être humain .(5) En vertu du charisme
hospitalier qui accueille indistinctement toute personne, l'Ordre se prononce
contre la peine de mort quelles que soient les circonstances.
L’euthanasie, dans le vrai sens du terme
est une action ou une omission qui par sa nature provoque intentionnellement la
mort dans le but d’éliminer toute souffrance, et elle est donc une violation
grave de la loi de Dieu. “La tentation de l’euthanasie apparaît comme un des
symptômes les plus inquiétants de cette ‘culture de mort’ qui progresse partout
dans la société du bien-être ” . (6)
4.2.6. Nos devoirs face aux ressources de la
biosphère. La
protection de l’intégrité de la création est soutenue par l’intérêt
croissant que provoque la défense de
l’environnement. L’équilibre écologique et un emploi durable et juste des
ressources mondiales sont des éléments importants de justice pour toutes les communautés de notre
"village planétaire" et constituent une question de justice pour les
futures générations qui hériteront de ce que nous leur léguerons.
L’exploitation à outrance des ressources naturelles et de l’environnement
détériore la qualité de la vie, détruit les cultures et réduit les pauvres à la
misère.(7) Nous devons promouvoir
des stratégies pour assumer nos
responsabilités par rapport au milieu
dans lequel nous vivons et dont nous ne sommes que les intendants.
Nos structures étant des lieux où l’on
consomme quantité de matériaux divers, nous pouvons manifester concrètement que
nous nous soucions de l’environnement en créant des comités à cette fin, en
privilégiant l’utilisation de matériaux biodégradables et recyclables et en
organisant des ateliers pour sensibiliser les frères et les collaborateurs sur
ces questions.(8)
4.3. Promotion de la santé et lutte
contre la douleur et la souffrance
4.3.1.Le
devoir de promouvoir la santé de la population. Parmi les différents moyens de
promotion, il faut mettre l’accent sur l’information et les programmes
d’éducation qui promeuvent un style de vie sain et diminuent les dangers pour
la santé y compris l’usage du tabac, de l’alcool et autres drogues; l’activité
sexuelle qui augmente le danger de contracter le SIDA et d'autres maladies
sexuellement transmissibles; la mauvaise alimentation; l'inactivité physique et
l’immunisation insuffisante des
enfants.
Dans beaucoup de pays, l’éducation
sanitaire constitue un des moyens pour diminuer la morbidité et la mortalité
infantiles grâce à l’allaitement au sein et à l’information fournie aux parents
sur une alimentation appropriée et sur les dangers de l’eau contaminée.(9)
4.3.2.
Le devoir éthique de défendre le bien du malade. Nous tous qui travaillons dans le monde
de la santé, nous avons le devoir éthique de faire tout ce qui est possible
pour le bien du malade en tout moment. Nous devons en outre assumer cette
responsabilité en luttant pour promouvoir et assurer la santé de la
population.(10)
4.3.3.
Se mettre du côté des pauvres et des blessés de la vie comme un impératif évangélique de justice. Dans un monde de souffrance et de pauvreté
(qui touche la majorité de la population du monde) la mission de rendre saint
Jean de Dieu présent est particulièrement
importante, car la pauvreté
opprimante – à cause des structures
sociales injustes qui excluent les pauvres – engendre une violence systématique
contre la dignité des hommes, des femmes, des enfants et de ceux qui ne sont
pas encore nés, qui est intolérable dans le Royaume voulu par Dieu.
"Notre Ordre existe pour évangéliser
les pauvres et pour les assister dans leurs souffrances selon le style de saint
Jean de Dieu. (...)Nous avons été témoins de quelques efforts faits pour
adapter notre vie et nos structures au service des marginaux: hôpitaux de jour,
asiles de nuit, assistance pour les malades du SIDA et les malades en phase
terminale, développement de zones marginales en partant de centres bases déjà
existants... Ces efforts requièrent toutefois une action plus cohérente, c'est-à-dire
que l'Ordre doit s'engager de manière plus marquée dans l'optique du pauvre en
s'identifiant clairement avec cette option
dans son style de vie, afin qu'à
travers sa façon de vivre, son service, sa mission d'annonce et de
dénonciation, il exerce dans ce sens une influence toujours plus grande sur
l'Eglise et sur les structures de la société." (11)
4.3.4.Traitement
correct du malade face à l’acharnement thérapeutique. Tout en promouvant la santé, nos
hôpitaux ne peuvent considérer la mort comme un phénomène étranger à
éliminer, mais comme une partie intégrante de la vie particulièrement important pour la
réalisation plénière et transcendantale du malade. Par conséquent chaque malade
doit être soutenu dans son désir d’assumer et de vivre, conformément à sa
religion, ce passage de la vie qu’est
la mort. Si on lui cache la vérité et si, sans raisons pressantes, on l’isole de ses proches, de ses amis ou de sa communauté religieuse ou idéologique on ne lui facilite pas ce passage(12). L’humanisation de la médecine se réalisera
quand ce droit crucial du malade sera respecté à ce moment décisif de son
existence.
4.3.5.Soins
palliatifs Les centres de l’Ordre qui soignent des
malades en phase terminale doivent pouvoir disposer, dans la mesure du
possible, d’unités de soins palliatifs destinées à soulager leurs souffrances
pendant cette phase finale de la maladie et
assurer en même temps aux malades un accompagnement humain
approprié.(13)
4.4.
L’efficacité et la bonne gestion
4.4.1.
Le devoir de conscientiser la population à ne pas considérer le budget santé
comme un gaspillage économique. Dans tous les pays, le budget de l'état est
incapable de répondre aux demandes des services sanitaires. C’est donc un
devoir de collaborer pour que la société
comprenne que les coûts de l’assistance médicale ne constituent pas un simple
gaspillage. Ceux-ci représentent un
investissement en ressources humaines pour réduire la souffrance des habitants
et leur offrir la possibilité de se consacrer à un travail productif, ou
de vivre chez eux, ou de bénéficier d’une assistance sanitaire à un coût
inférieur. Par conséquent les dépenses
des services médicaux ont un
impact sur la diminution des autres coûts sociaux.
4.4.2.
Administration et gestion efficace des ressources. Les personnels de la santé doivent
assumer la responsabilité de gérer avec efficacité les dépenses. Ce qui précède
exige l’emploi de méthodes efficaces pour l’établissement de diagnostics et de
thérapies qui tiennent compte des
indices de qualité et de paramètres applicables et réalistes.
4.4.3. L’institution hospitalière en tant
qu’entreprise doit viser à ce que toute la personne recouvre la santé.
Le personnel hospitalier et l’entreprise hospitalière doivent veiller à ce que toute la personne guérisse,
dans sa dimension psychosomatique,
sociale et spirituelle et réaliser ainsi l’humanisation de l’assistance
sanitaire. Créer un climat humain et humanisant contribue à la productivité et
à l’efficacité du travail lui-même. (14)
4.4.4.
Investir pour créer un climat humain et humanisant, propice à la rentabilité
des ressources.
Comme pour toutes les autres entreprises, la création d’un climat humain et
humanisant contribue à rentabiliser les ressources et à améliorier les
conditions de travail des membres du personnel. En s’humanisant, ils peuvent à leur tour créer des conditions
plus humanisantes pour les malades. (15)
Il faut mettre particulièrement l’accent
sur le recyclage des connaissances et des compétences par une formation
appropriée, adaptée aux circonstances de temps et de lieu.
4.4.5.
Droits et devoirs des travailleurs. Le droit au travail
est pris en considération dans les contrats, conformément aux lois en vigueur.
Il revient à l'expert en la matière de trouver les solutions techniques et
légales capables de concilier ce droit à l'objection de conscience; en outre,
l’expert veillera à en tenir compte lors de
la formulation du contrat de travail, dans ses révisions successives et
lors de l’entrée en vigueur des nouvelles conventions collectives. L’attention
aux droits des travailleurs, qui doit exister dans tous nos hôpitaux et centres
socio-sanitaires, dans le respect rigoureux de la justice sociale, ne doit
cependant pas se faire au prix de leur existence même et en opposition avec
cette même justice sociale.
4.5. Nouvelle
hospitalité et nouvelles exigences:
le Tiers Monde et le Quart Monde.
Le fossé qui sépare les pays de
l’hémisphère nord industrialisé, de ceux de l’hémisphère sud en voie de
développement, ne cesse de croître. A l’abondance de services et de biens
disponibles dans certaines parties du monde, surtout dans le Nord
industrialisé, correspond une régression inadmissible dans le Sud et c’est dans
cette région géopolitique que vit la majorité de l’humanité. Quand on considère
l’éventail des différents secteurs : production et distribution des biens
alimentaires, hygiène, santé, habitat, disponibilité d’eau potable, conditions
de travail, surtout pour les femmes, durée moyenne de la vie et autres
indicateurs économiques et sociaux, le cadre général apparaît dans toute sa
désolation tant au niveau des statistiques en général qu’en les comparant aux données correspondantes
des pays les plus industrialisés du monde. (16)
Les forces économiques et sociales des
pays industrialisés excluent des
millions de personnes, communément appelées le quart monde, des avantages sociaux . Un tableau désolant
apparaît : dénuement extrême d’hommes, de femmes et d’enfants qui, “en
plus de devoir vivre dans des
conditions terribles de malaise physique et psychologique ont perdu la
légitimation d’être des sujets de droit parce qu’ils n’ont pas la garantie
d’une protection juridique et sociale”. Comme exemples concrets citons les
chômeurs, les jeunes sans espoir de travail, les enfants des rues abandonnés et
exploités, les personnes âgées seules et sans sécurité sociale, les anciens
détenus, les victimes de la drogue, les malades du SIDA, les immigrés en
général et les clandestins en
particulier… tous ceux qui sont condamnés à une vie de dure pauvreté, de
marginalisation sociale et de précarité culturelle.(17)
4.5.1
Solidarité et coopération. L’évangile de Jésus Christ est un message de liberté et une force
de libération. Cette libération est, avant tout et principalement, la libération de l’esclavage radical du
péché. Ceci exige une libération des nombreuses entraves d’ordre culturel,
économique, social et politique, conséquences du péché se transformant en
obstacles pour empêcher les hommes de vivre avec dignité.(18)
« La solidarité est une vertu
éminemment chrétienne. Elle pratique le partage des biens spirituels plus
encore que matériels ». Le
principe de solidarité est une exigence directe de la fraternité humaine et
chrétienne. La solidarité se manifeste d’abord dans la distribution des biens
et dans la rémunération du travail. Les problèmes socio-économiques peuvent
être résolus seulement et à condition que toutes les forces en présence
collaborent : solidarité des riches avec les pauvres mais également
solidarité des pauvres entre eux; solidarité des employeurs avec leurs salariés
mais également solidarité des salariés entre eux; solidarité entre les nations
et les peuples. La solidarité internationale est une exigence d’ordre moral.
Dans une bonne mesure, la paix du monde
en dépend. (19)
4.5.2.
Droits et devoirs de ceux qui travaillent dans les centres de saint Jean de
Dieu. Le
document du LXIIIème Chapitre Général
met clairement en évidence les principaux éléments que l’on exige des
religieux et des collaborateurs de saint Jean de Dieu.(20) Nous en citons les
aspects suivants :
. S’humaniser
pour humaniser et être des témoins de sainteté selon l’enseignement radical
des béatitudes et l’exemple de saint Jean de Dieu, pauvre parmi les pauvres,
serviteur et prophète.
. La promotion des personnes dans tous
les domaines : soins du malade, accueil affectueux des malades chroniques,
attention spéciale aux plus faibles et aux plus pauvres, accompagnement des
mourants, transformation des gestes de soins en gestes d’évangélisation.
. Présenter la culture de l’hospitalité comme une alternative à la culture de l’hostilité qui non seulement
domine toujours davantage les relations entre les peuples, les nations et les
ethnies, mais également les relations interpersonnelles. Faire preuve d’une
nouvelle capacité d’accueil, en créant des communautés de foi ouvertes qui
interpellent ceux avec qui nous entrons
en contact: les malades, leurs proches, les collaborateurs, les amis. Chaque
centre doit devenir une petite église domestique capable de créer la communion
chrétienne où les joies et les souffrances de l’un deviennent celles de
l’autre. Aujourd’hui, plus que jamais, le frère de saint Jean de Dieu est
appelé à être le témoin du “Dieu qui aime la vie” (Sag 11, 26) qui se mêle aux
siens et qui, par sa présence, rend la terre hospitalière et l’homme vraiment
homme.
L’Ordre doit par conséquent :
. Valoriser et promouvoir les qualités
des personnes qui collaborent avec lui, les faire participer à l’évangélisation
de ceux qui sont présents dans le centre et les inviter à l’occasion de
certains événements particuliers de la vie de la communauté.
. Préparer des professionnels qui
s’identifient avec la philosophie et les valeurs de l’Ordre pour qu’ils
puissent assumer des postes de responsabilité et d’animation.
. Promouvoir et respecter les principes
de la justice sociale
Pour leur part, les collaborateurs
doivent :
. Remplir leurs devoirs professionnels en
respectant les principes de l’hospitalité qui se traduisent principalement dans
une humanisation de l’assistance.
. Manifester leur volonté de respecter et
de vivre l’esprit évangélique.
4.5.3.Le
bénévolat : gratuité et identification
“ Est bénévole celui qui, outre ses
devoirs professionnels et familiaux,
consacre de manière continue et désintéressée, une partie de son temps à des
activités non en faveur de lui même ou
de ses associés (ce qui constitue la
différence avec l’associationnisme), mais en faveur des autres ou des intérêts
sociaux collectifs, conformément à un projet qui ne s’épuise pas au moment
de l’intervention même, (ce qui le différencie de la bienfaisance) mais
qui tend à éliminer ou modifier les causes du besoin et de la marginalisation sociale ” (21)
Notre philosophie, tout en étant identique à celle des autres mouvements de
bénévolat, acquiert chez nous une
nuance particulière car il s’agit d’un
bénévolat qui s’exerce dans le cadre d’un hôpital ou d’un centre de l’Ordre. Nos bénévoles doivent respecter les critère
suivants :
. volonté d’adhérer : les bénévoles
appartiennent librement à la même organisation parce qu’ils l’ont
demandé ;
. gratuité : leur dévouement est le
fruit d’un exigence intérieure, d’un engagement personnel, il n’existe aucune
contrainte extérieure ;
.
solidarité : désir de répondre aux besoins d’autrui, de
manifester sa compassion ;
. complémentarité : les bénévoles sont
présents là où les services sociaux sont absents et promeuvent de cette façon
la justice sociale ;
.épanouissement
personnel: on se propose toujours de donner, mais en fait on constate que
bien souvent on reçoit davantage que ce qu’on donne.
.préparation : on exige une formation
appropriée qui donne les connaissances historiques, la dimension apostolique,
les valeurs de l’Institut et la capacité de savoir faire face en toute
circonstance ;
.esprit
de corps : on travaille en étant encadré, en formant un groupe sans
aucune forme d’individualisme;
.l’
évangile :
étant donné que notre bénévolat est non-confessionnel, il se base sur
l’évangile en suivant le modèle vécu par saint Jean de Dieu, sa manière de se
dévouer au service des pauvres, des malades et des nécessiteux. Les lieux où ce
bénévolat s’exerce sont confessionnels : gratuité dans le service et
identification avec le charisme de l’Ordre résument les fondements de notre
bénévolat.(22)
4.6. Evangélisation, inculturation et
mission
4.6.1.
Vision globale. Evangéliser constitue la vocation propre de
l’Eglise, son identité la plus profonde. Elle existe pour l’évangélisation,
c’est-à-dire pour témoigner, enseigner et prêcher la bonne nouvelle de Jésus
Christ. Jésus annonce avant tout le
salut, ce grand don de Dieu qui est libération de tout ce qui opprime
l’homme,mais qui est surtout libération du péché.(23)
L'évangélisation se base sur le
commandement missionnaire de Jésus lui-même:
« Allez donc, et faites des
disciples de toutes les nations…Et voici que je suis avec vous pour toujours,
jusqu’à la fin du monde. »(Mt 28,18-10; cf. Mc 16,15-18; Lc 24,46-49; Jn
20, 21-23).
Pour réaliser ce commandement, l’évangile
doit s’incarner, se traduire (sans trahir) dans les différentes cultures.
L’évangélisation n’est pas possible sans inculturation.
La rupture entre l’évangile et la culture
est, sans aucun doute, le drame de notre époque comme cela fut la cas en d’autres
moments de l’histoire. (25) D’autre
part la sécularisation comporte, comme nous l’avons signalé plus haut,
l’établissement d’une culture de
l’indifférence où l’on convertit en présupposé culturel la notion que le monde termine dans l’immanent et où
les questions de transcendance se
révèlent culturellement et socialement
négligeables. Dans cette situation, ceux qui souhaitent être chrétiens
sans renoncer à leur époque, sans
vouloir s’exiler de la culture dans laquelle ils vivent, doivent faire l’effort d’inculturer le christianisme
dans les cultures qui sont nées de la modernité.
Grâce à
l’inculturation nous pouvons
transmettre la bonne nouvelle à partir
de chaque culture qui apporte ainsi sa
propre richesse à l’incarnation historique de l’évangile. Ceci signifie que
l’évangile en s’incarnant concrètement subit de fortes transformations par
rapport aux formes précédentes d’inculturation. Ainsi comprise, l’inculturation
permet « d’atteindre et de bouleverser par la force de l’évangile, les critères
de jugement, les valeurs déterminantes, les points d’intérêt, les lignes de
pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de l’humanité qui sont
en contraste avec la parole de Dieu et le dessein du salut ” (26)
Dans une démarche correcte,
l’inculturation s’articule en fonction de deux principes : la
compatibilité des différentes cultures avec l’évangile et l’hypothèse de départ
de la communion avec l’Eglise Universelle. (27)
.
4.6.2. Evangélisation, inculturation et
mission de l’Ordre. A une époque où l’homme
contemporain croit davantage aux gestes
qu’aux paroles, il se fie davantage à
l’expérience qu’à la doctrine, à la vie et aux faits qu’aux théories.(28) L’Ordre se trouve dans une situation
privilégiée pour évangéliser et inculturer la foi car il est présent dans de nombreuses cultures, dans 46 pays et
sur 5 continents. La culture de la technique,
probablement la plus hostile aux valeurs chrétiennes est cependant
sensible au témoignage d’un engagement
concret pour le bien d’autrui.
Le charisme de l’Ordre nous permet un tel
engagement, car la promotion de l’homme dans tous les domaines est notre
mission : le soin de l’homme malade, l’accueil affectueux des malades
chroniques, l’attention spéciale aux plus faibles et aux plus pauvres ou
l’accompagnement des mourants.
Ce n’est que si nous restons fidèles à
notre charisme que nous parviendrons à évangéliser et inculturer le monde de la
technique où la culture de l’hostilité
devra affronter celle de la nouvelle hospitalité.
La question à laquelle nous devons
répondre à l’avenir est comment transformer les gestes de soins en authentiques
gestes d’évangélisation, comment transformer les lieux où nous travaillons en
lieux significatifs d’évangélisation. Humaniser et évangéliser sont les deux
côtés d’une même médaille pour nous car “là où il n’y a pas la charité, Dieu
est absent, même si Dieu est partout présent ”(29).
Questions
pour la réflexion sur la charte et pour
la
préparation au prochain chapitre général
1)
Décrivez
les signes qui indiquent la manière dont se vivent les principes de
l’hospitalité dans les centres et les communautés de l’Ordre dans les domaines
suivants :
-
Dignité
de l’homme
-
Respect
de la vie humaine
-
Promotion
de la santé et lutte contre la douleur et la souffrance
-
Efficacité
et bonne gestion
-
Nouvelle
hospitalité
-
Evangélisation,
inculturation et mission.
2)
Décrivez
ce qui empêche ou freine cette expérience :
n
Dignité
de l’homme
n
Respect
de la vie humaine
n
Promotion
de la santé et lutte contre la douleur et la souffrance
n
Efficacité
et bonne gestion
n
Nouvelle
hospitalité
n
Evangélisation,
inculturation et mission.
3)
Comment
formez-vous les frères et les collaborateurs sur le respect de ces
principes ? Comment en assurez-vous la diffusion auprès des personnes que
nous servons ?
4)
Que
faudrait-il faire pour assurer une meilleure formation sur ces principes et
comment mieux les faire connaître ?
Notes
au quatrième chapitre
(1)
Cf.
CONCILE VATICAN II, Consititution Pastorale
Gaudium et Spes (GS), n.27.
(2) Le concept de dignité humaine et celui des droits de l’homme
sont étroitement liés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme
(1948) ; dans la Convention Internationale sur les Droits Economiques,
Sociaux et Culturels (1966) ; dans la Convention Internationale sur les Droits
Civils et Politiques (1966) ; dans le récent Accord sur les Droits de
l’Homme en Biomédecine (1997) . Même si toutes ces déclarations ne
précisent pas clairement en quoi consiste cette dignité ni sur quoi elle se
base, toutes reconnaissent que celle-ci fait partie de ce qu’est l’être humain
et que tous les membres de la famille humaine ont les mêmes droits
inaliénables, fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le
monde.
(3) Cf. LXIIème Chapitre Général. La Nouvelle Evangélisation et la Nouvelle Hospitalité au Seuil du
Troisième Millénaire, Bogota, 1994, # 5.6.1.
(4) L’OMS indique comme
déficit la perte ou l’anomalie d’une structure anatomique ou d’une fonction
physique ou psychique. Un handicap
est la diminution ou l’incapacité de réaliser une activité de la manière et
avec les résultats jugés normaux. Une invalidité
est un infirmité produite à la suite d’un handicap ou d’un accident qui
restreint le champ des activités jugées normales pour une personne en tenant
compte de son âge, de son sexe et des différents facteurs sociaux et culturels.
(A. Anderson, «Simplemente otro ser
humano» Salud Mundial, 34,
janvier 1981 :6).
(5) Jean-Paul II, Evangelium
Vitae (EV), 5
(6) Cf. Ibid. EV, 64-65.
(7) Cf. Paul VI, Octogesima
Adveniens,21; Jean-Paul II, EV 27,42.
(8)
La Nouvelle Evangélisation et
l’Hospitalité…Op.
Cit., 5.6.3, Situations concrètes.
(9) Document de
l’Association Médicale Mondiale « Projet de déclaration sur la promotion
de la santé », 10.75 /94, août 1994.
(10)
Ibidem
(11) La Nouvelle Evangélisation
et l’Hospitalité…, Op. cit., 3.6.3
(12) Cf. EV, 15
(13) Cf. Ibid. EV 44
(14) Cf. Jean-Paul II, Centesimus
Annus 40 ; 20 ;32.
(15) Cf. MARCHESI, Pierluigi L’Humanisation,
1981.
(16) Cf. Jean-Paul II, Sollicitudo
Rei Socialis, 14.
(17) Lettre pastorale du Cardinal Carlo Maria Martino, 1992-1993.
(18) Cf. INSTRUCTION DE LA CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Liberté chrétienne et libération, Rome,
1986
(19) C.C. 1939-1942
(20) La Nouvelle Evangélisation
et l’Hospitalité…, Op. cit. 4.4.
(21) CARITAS. Cf. M.del Carmen Furès : El voluntariado en nuestra sociedad, dans Labor Hospitalaria, 1985 ;
1984 :206.
(22) PILES F., Pascual Origen y
Trayectoria del Voluntariado en la Orden Hospitalaria de San Juan de Dios,
Congreso Nacional de Voluntarios de San Juan de Dios, 18-20 octobre 1995.
(23) Cf. Paul VI Evangelii
Nuntiandi (EN) 9,14.
(24) Par culture il faut entendre ici la manière dont un groupe de
personnes vit, pense, s’organise, célèbre et partage la vie. Chaque culture est
étayée par un système de valeurs, des contenus et une vision du monde qui
s’expriment par le langage, les gestes, les symboles, les rites et les styles
de vie.
(25) Ibid.,20 ; Gaudium et
Spes, 43.
(26) EN, 19
(27) Cf. Jean-Paul II, Redemptoris
Missio, 54.
(28) Ibidem.,42.
(29) Saint Jean de Dieu, Lettre à
Louis-Baptiste, 15. Cf. La Nouvelle
Evangélisation et l’Hospitalité…, 4,3.
5
APPLICATION
A DES SITUATIONS CONCRETES
5.1. Assistance intégrale et droits du
malade.
Notre contribution à la société sera
crédible dans la mesure où nous saurons appliquer les progrès techniques et
scientifiques. Par conséquent, il est
particulièrement important pour nous de moderniser sans cesse notre
assistance en fonction de ces progrès.
Notre assistance doit tenir compte de
tous les aspects de la personne : physique, psychique, social et
spirituel. Ce n'est que lorsque nous
respectons cet objectif que nous pouvons parler d'assistance intégrale..
C’est probablement le domaine dans lequel
la tradition de l’Ordre est la plus forte. La qualité de l’attention aux
malades est une caractéristique qui l’a distingué au cours des siècles.
Les premières constitutions déjà
insistaient sur la manière de traiter les malades et l’Ordre s'est efforcé d'y être fidèle tout au long de son histoire.
5.1.1. La relation avec le malade, le nécessiteux et
leurs proches
L’attention aux besoins de la personne, y
compris ceux de nature spirituelle, constituent un élément clé de tout service
sanitaire et social.
L’homme est un être de relations; dans la
mesure où nous entrons en contact avec les autres nous nous fortifions en tant
que personnes. Quand nous faisons tout pour que ce contact se transforme en
rencontre alors nous vivons pleinement notre capacité relationnelle.
Par conséquent, il est impératif de
savoir écouter, accepter, accueillir, canaliser les aspects positifs et
négatifs de chaque personne.
La maladie, quelles que soient ses
manifestations, exprime les limites et
la faiblesse de l’homme et c’est
dans ce contexte que se situe la demande implicite et explicite d’aide.
Quand l'être humain souffre, il cherche
quelqu'un à qui pouvoir parler; il a besoin d'un interlocuteur sur lequel
décharger le poids qui l’écrase. C’est
pourquoi tous ceux qui appartiennent à l’Ordre hospitalier - religieux, collaborateurs, bénévoles etc.-
doivent acquérir et développer les qualités suivantes :
5.1.1.1.Ouverture : aux nouveaux apports de
la société, aux nouveaux critères de compétence, aux nouvelles exigences de
l’homme, aux autres cultures. La personne et l'institution qui savent
accueillir ce que la société et le monde offrent et y discerner les
éléments positifs pour les assumer, font preuve d’ouverture.
5.1.1.2.Accueil. Accueillir avec affection et
dans un climat d’espérance celui qui arrive pour lui permettre d’avoir
confiance à son tour dans ceux qui se chargeront de lui. Le premier contact est
très important, il peut ouvrir ou fermer les portes. Pour le malade il est
crucial, compte tenu de la situation de besoin dans laquelle il se trouve. Dans
une circonstance difficile, se sentir accepté et accueilli est l’élément
essentiel pour avoir confiance en ceux qui auront soin de soi. Il faut veiller
particulièrement à ce que les pratiques bureaucratiques et administratives ne
deviennent pas un obstacle, empêchant l’accueil authentique du malade.
5.1.1.3.Capacité
d’écoute et de dialogue.
Il faut permettre à la personne d’exprimer ce qu’elle ressent, ses exigences,
ses craintes, ses peurs. Il faut qu'elle perçoive qu'on l'écoute avec confiance
et sérénité, dans ses moments de joie comme dans ses moments de peine. Le
malade doit comprendre qu'on écoute, respecte et tient compte de ce qu'il dit .
Il est probablement en train de dire la
seule chose dont il est capable en ce moment; y compris même « se dire ».
Il y aura des circonstances où le malade
souhaitera ce qui n'est pas bon pour lui. Il faut alors faire preuve de compréhension et lui
expliquer ce que nous avons l’intention de faire même quand cela provoque des
divergences de vues.
5.1.1.4.Aptitude
au service. Notre compétence technique, notre savoir et
toute notre personne doivent toujours être au service du bien intégral du
malade et de ses proches. Il ne faut pas toujours faire ce que le malade désire
ou demande, mais notre attitude lui fera comprendre si nous agissons pour son
bien ou si nous choisissons nos aises.
5.1.1.5.Simplicité. L’humilité de qui est conscient d'aider celui qui se trouve en
difficulté mais qui veut éviter de créer une situation de dépendance. Simplicité de celui qui recherche la vérité,
le bien de tous, y compris celui de structures aussi complexes que celles de
nos hôpitaux.
5.1.2. Droits du malade
Les droits du malade s’inscrivent dans le
contexte plus vaste des droits fondamentaux de l’homme. Les droits à la santé
se situent dans la catégorie des droits de la deuxième génération au même
niveau que les droits économiques et sociaux. Pendant les années soixante, la
question des droits du malade a éveillé
un très grand intérêt. En tant que personne, le malade est le sujet des mêmes
droits universels que tous les autres êtres humains, mais étant donné qu’il se
trouve dans une situation particulière il doit être aussi l’objet d’une plus
grande attention et une plus grande solidariété. De nombreuses déclarations
nationales, régionales ou locales ont été rédigées en ce sens.
L’Ordre
accepte ces droits et, dans l’optique d’une assistance intégrale, il
valorise en particulier ceux qui suivent :
5.1.2.1.
Discrétion. La discrétion recouvre trois valeurs,
étroitement liées à l'assistance : l’intimité, le secret et la confiance.
Le respect pour la personne exige le respect de l’intimité (1) du patient, de cet espace où chacun de nous se
révèle à soi-même où il se reconnaît, où il affirme et forme son identité. Le
respect de l’espace privé de chacun permet
la vie en société. Le voile du secret protège le respect mutuel et ouvre
le chemin à la confiance et consent d’accéder à la vie intime de l’autre.
Le respect mutuel et la confiance
permettent de révéler à l'autre ses secrets parce qu'on a la certitude que
ceux-ci ne seront pas divulgués. L'obligation du secret professionnel consiste
à ne pas révéler ce que l’on a appris dans l’exercice de sa profession.
L’exemption de cette obligation existe
pour empêcher une injustice, par exemple pour éviter une contagion ou un autre
mal dont la société ne pourrait se libérer sans connaître ce secret.
La spécialisation et la technicisation
graduelle de la médecine exigent de plus en plus un travail en équipe. A ce
moment existe le secret professionnel partagé qui exige de tous une attention
particulière pour ne pas violer l’intimité du malade.
Chaque membre du personnel d’un hôpital
ou d’un centre doit être attentif et veiller à respecter ce droit du
malade. Il suffit de penser aux
conversations sur les malades dans les lieux publics ou à la facilité avec
laquelle des personnes non autorisées peuvent avoir accès aux dossiers des
patients. Il faut particulièrement faire attention aux malades dont les diagnostics et traitements
sont informatisés.
Pour faciliter le respect de la vie
privée du malade, les centres devront disposer ,dans la mesure du possible,
d’une structure fixe ou mobile (comme par exemple des chambres individuelles ou
des lieux réservés et séparés par des rideaux ou des paravents) qui permettent,
le cas échéant, l’isolement du malade. Il faut tenir compte aussi de l’âge et
de la gravité de la situation de ceux qui partagent une même chambre.
Le malade pourra exprimer le besoin de
rester seul ou avec une personne de son choix pendant la visite du médecin ou
les soins médicaux. De même il devra pouvoir parler en privé avec le personnel
administratif. En outre, il faut considérer que tout hôpital, surtout s’il
s’agit d’un hôpital universitaire, ou siège d’un enseignement médical, est un
lieu de formation pour laquelle la collaboration du malade est indispensable.
5.1.2.2.Vérité. Le droit du malade à connaître la vérité va de pair avec le droit
au secret. Ces deux droits sont
complémentaires et constituent une base solide pour construire un climat de
confiance entre le médecin et le
malade. Toutefois des conflits peuvent surgir sur les modalités à utiliser pour
guérir. Les décisions concrètes doivent faire attention au bien intégral du
malade sans oublier pour autant que la
santé est un bien social.
Le droit de chaque homme à connaître la
vérité sur ce qui le concerne et l’obligation de lui fournir les informations
nécessaires sont à la base de la vie
commune en société. Le mensonge et le manque de sincérité détruisent la confiance,
tellement nécessaire dans les relations interpersonnelles compte tenu de
l’ambiguïté (fenêtre-masque) de notre aspect corporel. La confiance est
particulièrement importante dans les relations entre le malade et le médecin.
C’est la raison pour laquelle cette relation doit acquérir une véracité qui comporte toujours une certaine
responsabilité car elle ne concerne pas
seulement des faits objectifs mais des réalités lourdes d’éléments subjectifs, surtout quand le
pronostic se réfère à l’avenir du malade et à ses capacités fonctionnelles
(liberté et autonomie de mouvements) ou à la perte de la vie ou à d’autres
vérités tout aussi difficiles à accepter.
Il faut considérer comme prioritaire le
droit du malade à connaître la vérité sur son état de santé à condition que
cela ne soit pas au détriment de sa personne. Parfois il faut se taire par
amour, pour éviter de créer un dommage inutile. Toutefois il n’est pas honnête
de se taire simplement pour fuir les difficultés. On peut toujours dire la
vérité et aider le malade à l'assumer, lorsqu’on sait faire preuve de
tact. Le médecin ne peut pas se
contenter de respecter l’obligation générale de dire la vérité sans faire
attention au conflit d’intérêts possible chez le malade.
Les
principes ne nous permettent
pas d’établir des recettes toutes faites ni d’offrir des panacées universelles.
Le médecin doit dire la vérité mais sans blesser pour cela inutilement la santé
ou les autres valeurs du malade. Son objectif est le bien du malade considéré
dans son intégralité.
Il existe des facteurs qui conditionnent
ce que l'on peut et doit dire : la solidité du malade, sa force d’âme, ses
convictions personnelles et son équilibre psychique de même que le type de
relation qui s’est établie entre lui et son médecin. En outre, il faut tenir compte des circonstances économiques,
familiales et sociales auxquelles le
malade devra faire face après avoir consulté le médecin. Le diagnostic et le
pronostic sont particulièrement importants dans ce contexte.
Quand il s’agit de maladies objectivement et subjectivement
inoffensives, tout dire tranquillise le malade. Quand la maladie a des espoirs
de guérison, il convient de donner une information appropriée au malade pour
obtenir sa collaboration qui est indispensable pour vaincre la maladie.
Le droit du malade à connaître la vérité
est incontournable, surtout quand il doit prendre des décisions. Il revient au
médecin de lui faciliter cette tâche.
Le médecin ne peut se substituer à lui et doit veiller à ne pas projeter
ses propres complexes ou inhibitions. Il devra prendre le temps nécessaire et
les moyens qui s’imposent pour faire comprendre au malade la vérité et lui
permettre ainsi de décider avec sagesse. Parfois le malade a besoin de temps
pour pouvoir assumer certains éléments de ce qui lui a été révélé.
La connaissance certaine d’une mort
inévitable et proche doit être communiquée au malade pour que celui-ci puisse
vivre consciemment ce dernier acte de sa vie. Ce devoir présuppose que le sujet
soit capable d’assumer et de remplir son rôle de manière appropriée en ce
moment décisif. Lui laisser «un morceau de ciel ouvert » comme dit
quelqu’un, peut aider, mais il ne faut
pas oublier qu’en abandonnant de fausses illusions on ouvre la porte à un autre
type d’espérance qui lui permet d’assumer la vérité avec un plus grand élan et
de se réaliser ainsi pleinement en tant qu’homme. Ceci est également vrai pour
les personnes qui ne croient pas dans l’au-delà, mais qui ont su donner un sens
à leur vie. L’expression ambiguë “droit
du malade à mourir” a un sens réel : personne ne peut être privé du droit
de vivre sa mort et de couronner ainsi la réalisation de sa vie.
On renoncera à communiquer la vérité
quand l’autre est incapable de la
supporter. Le droit à la vérité cesse quand celui-ci débouche sur le désespoir
fataliste et sur l’annulation de soi, quand cette communication est perçue
comme une condamnation à mort sans aucune raison ni aucun sens.
Le titulaire
du droit à connaître la vérité est le malade, à condition qu’il soit adulte
et en possession de ses moyens. Quand celui-ci n’est pas capable d’assumer ses
responsabilités, car il n’en a pas la maturité ou pour une autre raison,
l’information doit être transmise à qui doit prendre les décisions à sa place,
comme l’héritier ou la personne intéressée au bien du malade. Quand le malade
est capable d’entendre la vérité sur son cas, celle-ci ne doit pas être
communiquée à ses proches ou à son conjoint, sauf si on est certain que le
malade le souhaite ainsi.
En respectant le droit à la vérité et le
droit au secret il faut tenir compte du
respect dû à la liberté de conscience
du malade et du médecin. Nous ne nous occuperons ici que des exigences liées au
premier cas.
« La conscience est le centre le
plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se
fait entendre »(2) L’athée
également se sent interpellé par ce fait, quelle que soit la manière dont il le
comprend ou l’explique. Le médecin comme le prêtre peut s’approcher de ce
sanctuaire dans l’exercice de ses fonctions et comme lui, il doit veiller à ne
pas le violer. Ni l’état et encore moins l’Eglise ne peuvent attenter à la
liberté de conscience sous prétexte du bien commun.
Le médecin ne peut jamais forcer la
conscience du malade. Son devoir est de lui rendre par ses soins la santé, même
s’il n’approuve pas la conduite qui est à l’origine de la maladie (maladies
vénériennes, infections suite à un avortement mal fait etc.). De même il lui
est interdit de profiter de la situation de dépendance du malade pour lui
“faire la morale”. Rien ne l’empêche toutefois de favoriser le processus de
guérison et d’humanisation en aidant le malade à mettre sa conscience en paix. Mais ceci doit se faire dans le
plus grand respect de la liberté du malade même si on juge qu'il est dans
l'erreur. Le médecin facilitera l’accès
de l’aumônier auprès du malade ou de toute autre personne qui, d'après
lui, peut l’aider à donner un sens à sa maladie et à sa mort, quelle que
soit sa religion ou idéologie.
5.1.2.3.Autonomie. La valorisation et le respect
de l’autonomie, surtout dans un milieu sanitaire, est une conquête de la
modernité. Récemment encore, il existait un paternalisme très fort dans les relations entre médecin et patient;
il était habituel pour le médecin de prendre toutes les décisions et pour le malade de se fier complètement à lui, car
il était conscient de ne pas avoir les connaissances ni les compétences
suffisantes pour pouvoir intervenir. D’autre part le malade était convaincu que
le médecin aurait toujours agi pour son bien.
Le “malade post-moderne” comme on
l’appelle aujourd’hui ne raisonne plus de cette façon. Il est conscient de ses
droits, parmi lesquels le droit à la
vie et à la protection de la santé occupent une place prioritaire. Il est
conscient en outre d’être le seul titulaire de ces droits dont il ne peut
déléguer la défense à d’autres, du moins aussi longtemps qu’il est à même de
comprendre et de vouloir.
Un tel changement de perspective n’a pas
été indolore et au paternalisme du passé, inacceptable aujourd’hui, a succédé une contractualisation exaspérée où la relation entre malade et médecin
est considérée comme un simple contrat dont chaque partie est tenue à respecter
les différentes clauses. Dépasser cette
polarité exige la mise en place d’une authentique alliance thérapeutique
où le médecin coopère avec le malade, pour son bien et dans le respect des
choix mutuels. Pour créer une telle alliance il faut bien comprendre ce qu’est
l’autonomie du malade.
D’après une interprétation classique, un
choix peut être considéré comme autonome quand il respecte trois conditions. La
première est celle de l’intention. Il
doit s’agir d’un choix absolument volontaire et non simplement voulu. La
deuxième concerne la connaissance de ce qui se décide. Bien sûr tout ceci remet
en cause le problème de la vérité au malade mentionnée dans le paragraphe
précédent. Et la troisième concerne l’absence
de contrôle extérieur. Ceci signifie qu’il ne doit y avoir aucune forme de
coercition (pas même celle que l’autorité du soignant pourrait exercer sur le malade ou celle de la peur d’un abandon
thérapeutique de sa part), ni
manipulation (par exemple altérer ou déformer la vérité même si c’est dans la
présomption du bien du malade). Parmi ces critères on inclut aussi souvent
l’absence de “ persuasion ”, même si nous croyons qu’une tentative
équilibrée et respectueuse de persuasion peut s’avérer nécessaire quand
celle-ci vise le bien réel du malade.
Dans la pratique, l’autonomie du malade se manifeste
pleinement dans le consentement au
moment de l’acte médical, diagnostic ou thérapie, dont nous parlerons plus
tard.
5.1.2.4.Liberté
de conscience.
Le droit à la liberté de conscience, clairement formulé dans l’article 18 de la
Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme et inséré dans la majorité
des constitutions des états modernes, est une réponse à la dimension éthique de
l’être humain et de sa manière de concevoir son existence comme un don et un
projet à réaliser. La dimension religieuse n’est pas exclue de ce contexte. Il
faut rappeler à ce sujet comment la Déclaration Dignitatis Humanae du Concile Vatican II commence en affirmant que
“la personne a droit à la liberté religieuse ”.
L’exercice de cette liberté est
conditionné au principe général de la responsabilité personnelle et sociale,
c’est-à-dire au fait que chaque homme
ou groupe social est obligé de tenir compte des droits des autres et de ses devoirs
envers les autres et du bien commun. Ces limites se concrétisent dans un
système législatif qui protège concrètement cette liberté religieuse et la
défend d’un prosélytisme injuste.
Chaque être humain et toute l’Eglise ont le droit de témoigner de leur foi. Le droit à la liberté
religieuse inclut le droit de donner ce témoignage en respectant toujours la justice
et la dignité de la conscience des autres. Mais le prosélytisme est la
corruption de ce témoignage parce qu’il comporte des abus dans ses manifestations et constitue une atteinte à
la liberté religieuse d’autrui. Les principales attitudes à réprouver, selon le
Conseil Œcuménique et le Secrétariat pour l’Unité des Chrétiens, sont les
suivantes :
* exercer une pression physique, morale
ou sociale qui débouche sur l’aliénation ou la privation du discernement
personnel, de la libre volonté et de la pleine autonomie et responsabilité de
la personne;
*
offrir un avantage matériel ou temporel, direct ou indirect, en échange d'un témoignage de foi;
* profiter d'une situation de besoin ou
de faiblesse, ou d'ignorance pour convertir à sa foi;
* éveiller des doutes quant à la bonne
foi de l’autre;
* faire des allusions injustes ou peu charitables contre les croyants des
autres communautés chrétiennes ou membres des religions non chrétiennes, dans
le but de les convertir; prononcer des jugements offensifs qui blessent les
sentiments des autres chrétiens ou membres des autres religions.
5.1.3. Programmes d’humanisation et de
pastorale.
5.1.3.1.
Programmes d’humanisation.
S’il est vrai qu’un hôpital qui ignore les progrès de la science et de la
technique en sera finalement écrasé et ne trouvera plus d’interlocuteurs, il
est aussi vrai que science et technique comportent de graves dangers.
L’évolution constante, l’apparition de
nouveaux équipements et techniques de travail risquent de marginaliser la
personne, tant le malade que celui qui le soigne. Dans beaucoup de traitements, le personnel soignant perd le rôle de premier plan qui était le sien
pour n’occuper qu’une place secondaire et parfois même insignifiante. Pensons
par exemple à tous les services où le diagnostic et les techniques sont informatisés etc. et où dans le temps, le
professionnel était indispensable pour un travail de qualité.
Toute cette évolution n’est pas neutre ni
en marge de la personne. On tend à un certain isolement, à une ségrégation ou à
un despotisme technologique qui est particulièrement dangereux quand il s’agit
d’un malade, sujet passif de tout ce déploiement professionnel : tout pour
le malade mais sans le malade.
C’est pour cela qu’il est indispensable
de mettre sur pied des programmes d’humanisation dans nos centres. Nous ne parlons pas simplement ici des
services fournis mais également de la planification d’authentiques programmes d’humanisation.
On doit obtenir de tous les
professionnels de la santé qu’ils se sentent appelés à avoir soin du malade, de
sa personne et de sa famille. C’est en cela que consistera l’humanisation des
œuvres de saint Jean de Dieu: assurer que tous les soignants travaillent pour
le malade et avec le malade en utilisant les meilleurs moyens techniques
disponibles.
5.1.3.2.Pastorale
socio-sanitaire. L'homme entre en crise quand il tombe malade
ou dans le besoin.
Parce que nous sommes convaincus que la
foi en Jésus Christ est une source de salut et de vie, nous croyons que la personne en crise, parce que malade, peut entrer en
contact avec cette dimension de foi si elle existe, et transformer ainsi ce
moment de crise en source de salut et de guérison intégrale.
Une des grandes valeurs de notre société
est son pluralisme. L’époque où les régimes politiques, l’autorité, la foi et
la religion étaient imposés appartiennent désormais au passé. La foi est un don
et comme tel on peut l’accueillir ou le refuser, l'ignorer ou le cultiver.
Dans nos œuvres nous avons voulu une
présence pluraliste du personnel de la santé et des patients; il y a donc parmi
eux, ceux qui ont accueilli le don de
la foi et l’ont fait grandir et ceux qui l’ont refusé ou ne le possèdent pas.
Nous voulons servir et aider tout le
monde, sans discrimination. Nous
voulons parcourir avec chacun, un chemin qui lui permet de revoir son histoire
personnelle et de valoriser ce moment de crise qu'est la maladie, avec toutes
les limites et la dépendance que cela suppose.
Il faudra procéder avec tact et respect
et suivre le rythme indiqué par le malade lui-même.
Avec ceux qui ont explicitement le don de
la foi nous pourrons la célébrer ouvertement,
mais toujours en fonction de leur degré de croissance et de maturité.
Nos centres sont des œuvres de l’Eglise
et par conséquent leur mission est d’évangéliser à partir des soins que nous
donnons, en suivant l’exemple de saint Jean de Dieu qui considérait les malades et les nécessiteux dans leur
intégralité. Parler d’attention intégrale implique avoir soin de la dimension spirituelle de la personne comme d’une
réalité essentielle, organiquement liée aux autres dimensions de l’être
humain : biologique, psychologique et sociale.
La dimension spirituelle va bien au-delà
de la dimension religieuse tout en
englobant cette dernière. Beaucoup de personnes trouvent en Dieu les réponses
aux questions fondamentales de la vie,
tandis que pour d’autres la donnée de la foi en Dieu n’est pas
importante pour leur vie et ils cherchent ces réponses ailleurs. D’autre part,
Dieu n’a pas pour tous le même sens, ni n'est le même pour tous. L’expérience
que l’on fait de Dieu n’est pas identique pour tout le monde.
Nous devons, dans le respect et la
liberté, nous occuper des besoins spirituels des malades et des marginaux en
essayant de leur donner ce dont ils ont besoin dans la mesure de nos
possibilités.
Il est évident que la maladie, la
pauvreté ou la marginalisation sont des circonstances où l’on se pose beaucoup de questions sur le sens de la vie
et la présence salvifique de Dieu.
C’est pour cela que nous devons accompagner et répondre aux différentes
situations de manière ponctuelle. C’est ce qui explique notre souci de mettre
en place une pastorale de la santé
et de la marginalisation.
La pastorale est l’action évangélisatrice
d’accompagnement des personnes qui souffrent en leur annonçant, par la parole
et le témoignage, la bonne nouvelle du salut, comme l’a fait Jésus, dans le
respect des croyances et des convictions des personnes.
Le
service de la pastorale
a comme principale mission de s’occuper des besoins spirituels des malades et
des nécessiteux, de leurs familles et des personnels de la santé. Cela exige
une structure appropriée qui demande du personnel, des moyens et un programme
pour réaliser la mission fixée. L’équipe de pastorale est formée de personnes
préparées et totalement consacrées à ce travail; d’autres peuvent les aider,
soit à temps partiel, soit comme
bénévoles.
Il doit y avoir un plan d’action
pastorale et un programme concret en fonction des besoins de chaque centre et
de ceux des personnes que l’on y soigne. Il y aura des lignes d’action tant
pour ce qui concerne les contenus philosophiques que les contenus théologiques et pastoraux. En tenant compte de
ce qui précède, il faudra élaborer un plan de pastorale qui réponde aux authentiques
nécessités spirituelles des malades, de leurs proches et du personnel soignant.
Il faudra y mettre en évidence les objectifs, les initiatives avec leurs paramètres d’évaluation; il faudra
différencier les centres et les usagers et programmer pour chaque groupe une
pastorale appropriée.
L’équipe de pastorale devra veiller
à sa formation pour rester à jour
professionnellement et spirituellement et pour mieux servir les personnes. Le
conseil de pastorale, formé principalement d’un groupe de professionnels du
centre, soutiendra l'équipe de pastorale par son travail de réflexion et par ses orientations.
5.2.
Problèmes auxquels nous devons
faire face dans notre service.
5.2.1.
Sexualité et procréation
5.2.1.1.
Procréation responsable.
La procréation humaine constitue la voie par laquelle Dieu coopère avec l’homme
qui devient librement l’instrument de son acte créateur. De là découle la valeur de l’acte générateur
confié à la procréation responsable du couple.(3) Une telle responsabilité créatrice
rend le couple particulièrement attentif à la bivalence d’union et de
procréation de la sexualité conjugale. Dans la réalisation d’une telle
fonction, le couple se laisse guider par la Parole de Dieu et les enseignements
de l’Eglise, accueillis avec responsabilité et dans le respect de la conscience
de chacun.
Dans les centres de l’Ordre, il faudra
promouvoir toutes les structures qui, conformément aux situations sanitaires et
culturelles des différents pays, peuvent favoriser l'exercice de la responsabilité
en matière de procréation grâce à la mise en place de services de consultation appropriés.
Ces critères inspireront également les
prestations professionnelles du personnel soignant dans leurs contacts avec les patients.
5.2.1.2.
Interruption de grossesse.
La vie humaine a une valeur reconnue universellement même si elle est perçue
différemment selon les sensibilités historiques et culturelles. Son respect et
sa protection sont à la base de toutes les professions et organisations
sanitaires.
La protection de la vie va de son origine
jusqu’à sa fin naturelle, quelles qu’aient été les modalités ou les
circonstances de fécondation, l'état de santé
avant ou après la naissance, les capacités de relation et l'acceptation
sociale. En suivant l’exemple de saint Jean de Dieu, devant tout signe de vie
précaire, il faut s’engager individuellement et comunautairement pour protéger
le don que Dieu a confié à l’homme.
En jugeant la vie inviolable, on formule
le principe éthique auquel il faut se tenir quelle que soit la complexité des
questions théologiques sur le moment de “l’animation” (que celle-ci ait lieu au moment de la conception ou à un moment ultérieur).
D’après les positions prudentes et équilibrées de Donum vitae et
d’ Evangelium vitae il faut respecter l’être humain comme une
personne dès sa conception. (4)
L’inviolabilité de la vie humaine défend
dès lors, dans tous les centres de l’Ordre,
la pratique de l’avortement volontaire et toute autre pratique qui
supprime la vie dès ses débuts ou en empêche le développement régulier.
Il faudra veiller particulièrement à ce
que les procédures de diagnostic prénatal ne soient pas exclusivement orientées
vers une interruption de grossesse au cas où on décèlerait des malformations du
fœtus. L’engagement positif pour la vie, pour celui qui est plus faible et
nécessiteux, comme c’est le cas de celui qui est malformé, exigent un accueil positif, en fidélité à l'action
de saint Jean de Dieu. Ceci est d’autant plus nécessaire que la culture
dominante et les politiques de nombreux états veulent nier le droit à la vie
aux sujets "imparfaits”. Effectuer
de tels diagnostics dans les centres de l’Ordre requiert en même temps la mise
en place de structures de
consultation pour le couple ou
la famille en difficulté après la naissance d’un enfant malformé.
Il faut en outre veiller à ce que la
réprobation de l’avortement volontaire ne se traduise pas en mépris pour celui
qui l’a pratiqué. Nos centres, en faisant preuve de charité chrétienne,
devraient devenir non seulement des centres où l’on accueille la vie mais
également des centres, où, des vies profondément perturbées pour avoir pratiqué
un avortement, puissent se
reconstruire. La condamnation de l’erreur ne doit pas se traduire en
condamnation de celui qui a commis l’erreur; au contraire, une action
appropriée, empreinte d’amour et de respect,
peut aider celui-ci à devenir conscient de son erreur et à garder
confiance dans la miséricorde illimitée de Dieu.
L’illicéité de la pratique de
l’avortement n’exclut pas la pratique d’interventions pharmacologiques ou
chirurgicales pour sauvegarder la santé de la mère et qui pourraient avoir également
comme conséquence la mort du fœtus, à condition que celle-ci ne soit
pas directement voulue ni obtenue par l’intervention même et que cette dernière ne puisse en aucun cas
être différée.(5)
5.2.1.3. Reproduction médicalement assistée. De nombreux couples stériles ont recours à
des techniques de reproduction médicalement assistée pour surmonter un problème
qui ne dépend pas de leur volonté.
Aucun centre de l'Ordre ne peut offrir un
tel service s'il n'est pas hautement qualifié et reconnu officiellement pour le
faire. Dans ce cas seulement il peut aider les couples à résoudre leur problème
en utilisant les gamètes du couple même et en respectant la vie de
l'embryon.(6)
Si la politique sanitaire exigeait
d'autres interventions, il faudrait rechercher des solutions acceptables ou de
rechange. Les comités d'éthique et de bioéthique peuvent être d’un grand
secours dans ces cas.
5.2.2.
Donation et transplantation d’organes
5.2.2.1.
Typologies des greffes. Les possibilités modernes en matière de
greffes nous posent un des plus grands défis éthiques de notre époque et nous
invite à une plus grande solidarité interpersonnelle. Donner ses organes après la mort devrait être considéré comme un
devoir par tout homme, et à plus forte raison par tout chrétien. L’Ordre unit
ses efforts à ceux de la collectivité pour diffuser une “culture du don”. Cette dimension du don ne devrait jamais
être perdue de vue quels que soient les aspects juridiques liés au consentement
plus ou moins explicite du prélèvement d’un organe après la mort.
Un travail de caractère culturel est
nécessaire pour surmonter certaines craintes lors du prélèvement d’un organe du
cadavre à cause du soi-disant caractère sacré du cadavre même.(7) l’Ordre, comme structure sanitaire d’une
part, et, comme expression d’un organisme ecclésial de l’autre, pourrait contribuer à éliminer ces
réticences. Il ne faut pas confondre le culte des morts, dont la piété
chrétienne est riche, avec un culte des cadavres.
Le problème change quand il s’agit de
greffes entre vivants. Tout en restant un geste de grande générosité et parfois
même héroïque, compte tenu de son caractère assez exceptionnel, on ne peut pas
considérer celui-ci comme un devoir
éthique à remplir comme dans le cas du don post-mortem. Il s’agit
d’actes extraordinaires qui ne sont pas
obligatoires au sens strict du mot et qui sont l’expression d’une admirable générosité.
5.2.2.2.
La mort cérébrale. Le problème de la vérification de la mort
cérébrale se pose dans le cas de prélèvement d’organes sur un cadavre. Il est
évident qu’on ne peut prélever un organe que sur un sujet effectivement mort.
C’est pour cela qu’il existe aujourd’hui
des critères rigoureux dont il faut tenir compte pour une telle
vérification. Une personne est morte quand, à la suite de certains paramètres
cliniques et/ou instrumentaux, il n’y a
plus aucune activité, tant au niveau du
cortex cérébral qu’au niveau du tronc encéphalique (8). Ces deux critères
suffisent et sont reconnus par la communauté scientifique internationale
et ne doivent pas être remis en
question à la suite de nouvelles plus ou moins à sensation divulguées par les
media. En effet, la mort est un processus
et non pas un événement et, par conséquent la fin de l’existence terrestre ne
constitue pas la mort de tout l’organisme
(qui continue à vivre dans certaines de ses composantes, même après la
cessation de l’activité cérébrale) mais la mort de l’organisme comme un tout.
5.2.2.3.
Utilisation des tissus embryonnaires et fœtaux.
Dans certaines pathologies, en particulier de type hématologique ou
neurologique, on utilise depuis longtemps la greffe de tissus fœtaux (cellules hépatiques,
cérébrales, etc.). Etant donné qu’en général les sujets sur lesquels le
prélèvement est fait sont des fœtus avortés volontairement, cela pose un problème éthique délicat quant
à “l’usage” de tels sujets, “l’instrumentalisation” possible de l’acte abortif
et la validité du consentement souscrit par la mère. En soi, l’utilisation des
tissus embryonnaires et fœtaux, après avoir pondéré un juste équilibre entre
risques et bénéfices, ne devrait pas constituer un problème éthique. Toutefois
il faudra éviter toute instigation plus ou moins tacite à l’avortement, ou la
considération que ces fœtus sont des vies à perdre et sur lesquels par
conséquent on peut tout faire. Leur
dignité d’êtres humains devra toujours être respectée; en outre, ce geste, même
s’il est capable de sauver d’autres vies, ne devra jamais légitimer un acte
abortif (9).
5.2.3.
Malades chroniques et en phase terminale
5.2.3.1.
Euthanasie. Le
respect de la vie couvre toute la durée de l’existence humaine, de ses origines
jusqu’à sa fin naturelle(10). Par le terme d’euthanasie nous entendons l'acte
médical ou son omission dans le but de provoquer volontairement la mort. On ne
peut plus parler d'euthanasie quand l'intention n'est pas de provoquer la mort
mais d'éviter un acharnement thérapeutique inutile.
En suivant le même principe du double
effet, appliqué plus haut à l’avortement, on ne peut parler d’euthanasie dans le cas d’un geste thérapeutique visant à
améliorer la condition pathologique d’un individu, par exemple pour éliminer la
douleur, mais avec le risque d'anticiper involontairement la mort.
Le devoir de garantir à tous, une mort
digne, comporte l’obligation d'assurer des soins
jusqu’à la fin. La différence profonde qui existe entre une thérapie qui
aboutit à la guérison et des traitements ou soins, est qu’il n’existe aucun malade que l’on ne peut soigner, bien qu’il y en ait d’incurables.
L’alimentation parentérale, la désinfection des blessures, l’hygiène
corporelle, des conditions de vie
appropriées sont des droits inaliénables pour tout malade jusqu’à la fin
de sa vie.
5.2.3.2.
Directives anticipées.
Il s’agit d’un document qui exprime la volonté de la personne ( valeurs et convictions) au cas où, par suite d’une
lésion ou d’une maladie, elle devenait incapable de la manifester. On demande
de respecter son droit à ne pas être
soumise à des traitements démesurés ou inutiles, ni de prolonger son agonie de
façon déraisonnable et de soulager ses souffrances par des médicaments appropriés,
même si ceux-ci devaient abréger sa vie.
Formulé comme déclaration d’intentions,
il est évident qu’un tel testament est recommandable. En effet il précise la
volonté du patient sur la manière dont il désire être traité par les médecins à
la fin de sa vie. Ces directives n’ont pas encore une force légale, dans le
sens strict du terme, et c’est pour cela qu’une grande partie de la société
demande avec insistance de les reconnaître légalement pour pouvoir avoir
recours aux tribunaux en cas de litige.
L’Eglise ne peut en aucune façon accepter
que l’on provoque la mort, même si celle-ci est directement souhaitée et
librement demandée par l’intéressé. Les directives anticipées sont acceptables
pour les catholiques, alors que les autres procédures pour disposer de sa vie,
au point de provoquer directement la mort en ayant recours à des tiers, en cas
de maladie ou d’invalidité incurable et permanente, ne le sont pas.
Il faut, en outre, prendre en
considération d’autres formes de protection des droits du malade lorsque des
tiers doivent intervenir car le patient en est incapable. Ceci exige la reconnaissance légale d’un
tuteur, délégué à prendre les décisions médicales. Cette personne, choisie par
le patient, aura le pouvoir de décider comme s’il s’agissait du patient
lui-même, des actes à poser pour le protéger.
5.2.3.3.Soins
appropriés et acharnement thérapeutique. Bien qu’orientés à promouvoir la santé, nos hôpitaux ne peuvent
considérer la mort comme un phénomène
étranger qui doit être mis en marge, mais comme une partie intégrante de la vie
particulièrement importante pour l’épanouissement transcendantal du malade. Par
conséquent, tout malade doit avoir le
droit d’assumer responsablement sa mort,
conformément à sa foi et à son sens de la vie.(11) Il ne faut donc pas
lui cacher la vérité ni le priver, sans réelle nécessité, de ses relations
habituelles avec sa famille et ses amis, sa communauté religieuse ou
idéologique. Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra humaniser la
médecine pendant ces moments décisifs de l’existence.
Ceci exige de pouvoir vivre le moment de
la mort avec responsabilité et dignité. Chaque être humain a droit à une mort
digne. Si d’une part on ne peut la provoquer directement, de l’autre on ne peut insister sur des traitements
qui influent indûment sur la durée de la vie ou sur sa qualité, en prolongeant
l’agonie par un acharnement thérapeutique inutile (12).
5.2.3.4.
Soins palliatifs Depuis ses origines, l'homme a eu recours à
des soins palliatifs, chaque fois qu’il a du affronter la phase “terminale” d’une
maladie, en soutenant le malade avec tous les remèdes disponibles mais
également en l’aidant, en le réconfortant et en l’accompagnant jusqu’au seuil
de la mort. Aujourd’hui, nous avons une conception plus élaborée de ces soins
et de meilleures structures opérationnelles (dans les hospices, dans les unités de soins palliatifs etc.) qui nous
permettent de ne pas abandonner à son
propre sort le malade touché par
une pathologie incurable. Les soins palliatifs se présentent comme des “soins
totaux” offerts à la personne dans le cadre d’une relation d’aide globale qui
se charge de tous ses besoins.(13)
En réalité, les soins palliatifs ne sont
rien d'autre que de faire exactement tout
ce qui doit être fait pour ce malade. Cela ne sera peut-être pas la guérison,
parce que celle-ci est impossible, mais ce sera toute une série de mesures
(parfois très exigeantes du point de vue technique) pour garantir une bonne
qualité de vie pour tout le temps qui lui reste à vivre.
A la lumière de ces considérations, les
institutions de l’Ordre qui s’occupent de malades en phase terminale devraient
disposer, autant que possible, d’unités de soins palliatifs pour rendre cette
phase de la maladie plus supportable au malade et lui assurer en même temps un
accompagnement humain plus approprié.
5.2.4.Problèmes
liés à la recherche sur sujets humains
5.2.4.1.Expérimentation
clinique. En
médecine, la recherche constitue depuis toujours un des principaux moteurs de
progrès. Nous lui sommes redevables des conquêtes actuelles de la science outre
certaines découvertes fortuites, comme celle des antibiotiques ou des rayons X.
Aujourd’hui la recherche n’a plus lieu dans le
secret d’un laboratoire ni sur les animaux, mais se fait directement sur
l’homme. Une telle procédure n’est pas laissée au libre arbitre de certains
chercheurs, mais est devenue
aujourd’hui une nécessité indispensable, surtout dans le domaine de la
pharmacologie. Après avoir été essayé en laboratoire et sur l’animal, le
nouveau médicament doit être testé sur l’homme. Il ne s’agit évidemment pas
d’utiliser l’homme comme un cobaye,
mais de mettre au point des
modalités thérapeutiques pour le bien du sujet sur lequel on fait
l’expérimentation et pour celui de beaucoup d’autres, dans la suite. Cette
expérimentation ne peut avoir lieu qu’à certaines conditions spécifiées dans de
nombreuses chartes et déclarations internationales. (14) Etant donné qu’une
telle recherche se fait, le plus souvent,
en milieu hospitalier, il est
essentiel que nos centres en soient bien informés et les respectent.
La première de celles-ci est que le but
de toute expérimentation est d'obtenir un avantage : la mise sur le marché
d’un instrument thérapeutique, d’un médicament inexistant auparavant ou plus
efficace ou meilleur que celui qui existait jusqu’alors: coûts inférieurs,
moindres risques, plus grande facilité d’administration etc.
Toute expérimentation devra bien sûr se
faire avec le consentement de l’intéressé. Pour que celui-ci soit valide il
faut qu’il soit absolument libre. Cela signifie qu’il ne peut s’accompagner
d’aucune forme de contrainte, pas même implicite ou de caractère moral comme
pourrait l’être l’autorité et
l’influence du médecin ou la peur de ne pas être soigné correctement.
En outre, ce consentement devra être
documenté en spécifiant au patient qu’il participe à une expérimentation
clinique avec ses dangers et avantages éventuels, les alternatives possible,
les couvertures offertes par les assurances etc. Pour que le malade puisse
donner un consentement valide, il faut
qu’au préalable il soit correctement informé de son état de santé. Ceci
n’empêche pas de fournir toutes les informations sur son cas de manière
graduelle, et en y faisant participer ses proches. Il ne faut pas violer la
conscience du malade au cas où celui-ci aurait exprimé le désir d’ignorer la
vérité sur son cas. Il ne faut pas non plus entrer dans tous les détails
d’effets secondaires hypothétiques. Il suffit que cette information soit
véridique et appropriée.
Il faudrait que les différents centres ou que les provinces élaborent des formulaires
appropriés à utiliser au moment d’obtenir le consentement du malade. Il est
fondamental que les membres du personnel soignant comprennent que la demande du
consentement n’est pas une procédure à caractère légal pour protéger le
médecin, mais un droit du patient et,
comme tel, comporte un devoir éthique de leur part.
5.2.4.2.Recherche
sur les personnes incapables et les groupes vulnérables. Tout ce qui précède concerne
l’expérimentation clinique sur des sujets compétents du point de vue juridique
et éthique, c’est-à-dire capables de comprendre parfaitement ce qui leur est
dit et fait et d’exprimer un consentement pleinement conscient.
L’expérimentation ne se limite pas à de tels sujets, ni ne peut se limiter à
ceux-ci car, dans ce cas, en seraient exclus les enfants, les malades mentaux
ou sujets dans le coma qui, eux aussi, ont besoin de nouvelles découvertes
thérapeutiques. Il faudra envisager des procurations appropriées confiées aux
personnes qu’on suppose vouloir le bien du patient à cause des rapports
affectifs qui les lient ou à cause de
leur fonction institutionnelle. Ce n’est qu’à ces conditions, et après avoir
évalué si les risques que le patient court
en valent la peine au regard des avantages qu’il peut en escompter, que
l’on peut entreprendre licitement une expérimentation.
Une autre question se pose dans le cadre
des expérimentations sur des sujets sains.
De tels sujets n’accepteraient que très rarement le risque de
l’expérimentation sans rien en obtenir en échange. En effet très souvent ces
sujets sont des détenus auxquels on promet une diminution de peine. Cette
pratique se justifie souvent sous prétexte que de cette façon ces détenus
paieraient leur dette à la société. D’autres fois il s’agit d‘étudiants qui sont remboursés pour leurs
prestations ou dans d’autres cas encore, il s’agit de vrais cobayes humains
recrutés dans des pays du Tiers Monde en échange d’une rémunération dérisoire.
Il est superflu de dire ici, que dans ces cas la condition fondamentale
d’adhésion libre à l’expérimentation manque et que de telles pratiques lèsent
la dignité de la personne. Dans nos centres, par conséquent, il faudra veiller
à ce que toute expérimentation, même sur des personnes saines, se fasse toujours avec le plein
consentement, donné en toute liberté et avec la garantie appropriée d’absence
de risques majeurs.
5.2.4.3.Fœtus
et embryons.
Pour ce qui concerne l’expérimentation prénatale deux cas se présentent
essentiellement. Tout d’abord l’expérimentation sur les embryons surnuméraires,
fruit de la fécondation in vitro. Très souvent celle-ci se fait sous des prétextes
pseudo-humanitaires, jugeant qu’il vaut mieux utiliser de cette façon l’embryon
plutôt que de l’exposer à la suppression ou aux risques de la congélation. Le
deuxième cas est celui de l’expérimentation faite sur des femmes enceintes qui ont décidé
d’interrompre leur grossesse. Là aussi on prétend utiliser un fœtus qui serait
de toute façon perdu. En fait, de telles considérations, même si la recherche
se fait pour une noble cause, portent à une manipulation de l’être humain, car
il n’est plus la fin mais le moyen de l’expérimentation(15).
La situation est différente dans le cas
d’une thérapie expérimentale pour améliorer la qualité de vie du fœtus, même si
elle comporte beaucoup de risques. L’avantage escompté doit être nettement
supérieur à celui d’une autre thérapie ou à la passivité.
5.2.4.4.Comités
de bioéthique Les comités de recherche clinique existent
dans la plupart des hôpitaux pour promouvoir la recherche clinique et
pharmacologique. Ces comités constituent également une instance de formation
qui inspire et promeut la réflexion et l'information sur les innovations
scientifiques, didactiques et administratives du monde de l'assistance.
Les comités d'éthique se présentent
aujourd’hui comme des organismes pour la défense de l’autonomie et des droits
du patient. Il faudrait promouvoir leur existence dans tous les centres de
l’Ordre. Toutes les composantes du centre devront y être représentées de
manière appropriée et devront surtout y figurer des personnes compétentes sur
le plan éthique.
Les lois qui régissent leur existence, et
par conséquent la physionomie de ces comités est différente d’un pays à
l’autre. Dans certains, ils existent au niveau national et dans d’autres au
niveau des hôpitaux. Certains s’occupent exclusivement de recherche et d’autres
de problèmes cliniques. Certains sont totalement indépendants et d’autres
relèvent d’une institution, et ainsi de
suite.
Nous pouvons affirmer que les comités
d’éthique remplissent en général trois
fonctions:
La première concerne les autorisations à accorder. C’est à lui que revient l’examen des tests,
qu’ils soient de nature médicale ou chirurgicale. Dans ce contexte, les comités
devront exprimer un avis pondéré qui tienne compte de toutes les conditions de
licéité permettant cette
expérimentation (motivations pour proposer l’étude, proportion
risques/avantages, protection du malade, consentement informé etc.)
En deuxième lieu les comités ont une
fonction consultative dans le cadre
de laquelle ils sont directement interpellés par des tiers (personnel soignant,
malades, organismes extérieurs) pour formuler un avis sur des questions
d’éthique et éclairer la conscience des opérateurs dans des situations de
conflit.
Et enfin ces comités ont une fonction culturelle car ils peuvent formuler des
directives en matière de comportement éthique et promouvoir différentes
initiatives (séminaires, congrès, publications etc.) et une meilleure compétence
éthique au niveau du personnel et des institutions.
En outre ces comités peuvent avoir une
grande influence culturelle car ils se transforment en instruments de
formation en promouvant chez les religieux et le personnel soignant une grande
attention aux questions d’éthique.
5.2.5.
Problèmes éthiques en matière de médecine prédictive
5.2.5.1.
La communication du diagnostic. Les possibilités modernes de la médecine prédictive,
utilisée dans nombre de nos centres, présente des problèmes bioéthiques
inconnus jusqu’à nos jours. Le premier concerne la communication du diagnostic.
A qui le communiquer? Au malade ou à ses proches? Ou aux deux? Le critère
éthique en matière de vérité à communiquer au patient nous dit que le premier
titulaire de ce droit, même s’il n’en a pas l’exclusivité, est le malade
lui-même, quelle que soit la gravité de sa maladie. Le problème se pose
d’ailleurs d’une manière plus urgente en cas de diagnostic funeste.
Le cas des maladies génétiques ne devrait
pas constituer une exception à cette règle. Toutefois le caractère particulier de nombre de ces maladies, dont
l’évolution clinique demande souvent la participation des proches, invite à la
réflexion et exige qu’on se pose la question. Il n’est pas possible ici
d’approfondir le problème mais de renvoyer simplement à un examen attentif de
chaque situation en demandant de tenir compte des “droits” de toutes les
personnes concernées, en donnant une priorité absolue au malade (qui ne pourra
jamais être privé d’une vérité qui le touche d’aussi près) mais en tenant
également compte, si le cas le demande,
des justes exigences de ses proches.
5.2.5.2.
Patrimoine génétique et protection du secret. L’évolution prochaine de la médecine
prévoit une pleine connaissance du
patrimoine génétique de l’individu non seulement pour ce qui concerne sa
structure physiologique, mais, et c’est
ce qui nous intéresse davantage, pour évaluer les pathologies éventuelles. Si
au départ, ceci constitue la prémisse indispensable pour les corriger dans l’avenir
(génie génétique), cette éventualité pose de nouvelles questions éthiques.
La première concerne la confidentialité
de ces données qui, conservées dans des “banques génétiques”, pourraient
constituer un élément dangereux de chantage ou d’invasion de la vie privée de
la personne. Le problème est identique à celui qui se pose quand une personne
non autorisée fait intrusion dans des archives cliniques ou informatiques. Il
remet en lumière la vieille question de la confidentialité des données
individuelles. Dans le cas présent, la profondeur de cette agression intime au
plus profond des fibres secrètes de la structure humaine est ce qui frappe le
plus. Mais les critères à appliquer aux autres situations devraient pouvoir
également être utilisés ici.
Etroitement liée à ce problème est la
question de l’établissement d’une “carte d’identité génétique” dernier objectif
espéré de cette médecine prédictive dont on parle tant. Quels sont les
problèmes qu’un tel instrument pourrait poser? Comment l’individu réagira-t-il
en se sachant porteur de plusieurs maladies génétiques qui ne se manifestent
pas toujours cliniquement mais qui toutefois
sont potentiellement présentes? Quelle influence cela jouera-t-il sur le
choix du partenaire? Il ne faut pas oublier que jusqu’à ce jour on a toujours
insisté sur des examens prématrimoniaux pour prévenir les maladies génétiques
et que le recours à un tel moyen en faciliterait le dépistage. Pourra-t-il
conditionner les choix affectifs des individus? Certes il s’agit là d’un horizon
encore lointain mais auquel il convient de se préparer.
Un dernier aspect, plus pragmatique mais
tout aussi important, concerne les implications d’ordre professionnel et en
matière d’assurances. Il n’est pas exclu que l’employeur puisse réclamer demain
la carte d’identité génétique (comme il le fait aujourd’hui lorsqu’il demande
un certificat médical) et refuser des travailleurs génétiquement inaptes, dans
l’immédiat ou dans l’avenir. Ceci constituerait une grave forme de
discrimination sur le travail et face à une telle éventualité, la philosophie
de nos centres devrait prévoir des mesures pour protéger ces travailleurs qui
pourraient constituer un "nouveau groupe de pauvres" dans l’avenir.
5.2.6.
Problèmes éthiques dans les cas de marginalisation
5.2.6.1.LesToxicomanes.
Même si dans tous les peuples et à toutes les époques, des formes de dépendance
physique et/ou psychique par rapport à certaines substances ont existé, très
souvent sur une toile de fond magico-religieuse, ce n’est qu’aujourd’hui que ce
problème a pris une dimension éthique
et sociale de vaste envergure. Les motivations principales sont dues à la large
diffusion de ce phénomène, à sa popularité chez les jeunes, aux torts individuels et sociaux que le recours à de
telles substances comporte.
Ce problème très complexe interpelle
l’Ordre qui doit s’en occuper à plus
d’un titre. Tout d’abord pour les composantes strictement sanitaires qu’un tel
problème comporte: premiers soins en urgence, cures de désintoxication
clinique, traitement médical des complications.
En deuxième lieu, pour les interventions
d’ordre psychologique et éducatif pour surmonter la dépendance psychique. S’il
est en effet relativement simple de surmonter l’accoutumance physique, on ne
peut pas en dire autant de l’accoutumance psychique. Si une proposition forte,
capable de remplir le vide des valeurs qui a porté à la toxicomanie manque, le
sujet touché ne parviendra jamais à gagner
sa bataille contre
l’accoutumance. C’est la raison pour laquelle l’Eglise est présente avec
plusieurs structures (centres d’accueil, communautés thérapeutiques) qui ont
permis la récupération et la réinsertion sociale des toxicomanes.
Enfin il ne faut pas négliger la
dimension sociale d’un tel engagement
qui est tout à fait en accord avec
le charisme de l’Ordre. La toxicomanie entre sans aucun doute parmi ces
nouvelles pauvretés dont on parle aujourd’hui et qui doivent interpeller
fortement l’Ordre. (16)
Les activités mentionnées ci-dessus ne
devront pas se faire en désaccord avec les services publics mais devront leur
être complémentaires. Ceci ne signifie nullement qu’il faille être d’accord
avec les mesures législatives et sociales qui ne sont pas en harmonie avec la
mission charismatique de nos œuvres.
D’autres formes de dépendance, comme
l’alcoolisme par exemple, sont assimilables à la toxicomanie. Dans certains
pays le problème de l’alcoolisme atteint des niveaux bien plus élevés que ceux
de la toxicomanie. En outre les couches sociales que ce problème touche sont encore plus vastes, et, constituent un
domaine dans lequel l’Ordre peut s’engager efficacement.
5.2.6.2.
Les Malades du SIDA. La diffusion actuelle de cette pathologie et les répercussions sociales
qu’elle comporte exige une réponse valide de notre Ordre dans plusieurs
domaines.
Tout d’abord une réponse d’ordre
culturel, évitant une mentalité et des
attitudes discriminatoires. Ceci est
particulièrement nécessaire quand le sujet séropositif ou malade du SIDA se
trouve dans un hôpital général pour différentes raisons (urgence, intervention
chirurgicale etc.) et est hospitalisé
avec d’autres malades ou en contact avec d’autres visiteurs.
Cette attitude d’accueil devra s’exprimer
ensuite de manière plus spécifique et en fidélité à notre charisme, dans des
structures appropriées pour ces malades, ou pour les accompagner pendant la phase finale de leur maladie.
L’Ordre doit promouvoir de telles initiatives et ne pas oublier l’héritage du
passé qui a vu beaucoup de nos religieux perdre leur vie pour assister et
soigner les malades contagieux.
En outre, l’Ordre contribuera au travail
de prévention de cette pathologie en mettant l’accent sur une éducation aux
valeurs. Quand de telles stratégies se révèlent inefficaces ou insuffisantes il
faut demeurer vigilant et conscient que de telles mesures ne constituent pas
une garantie absolue de prévention de la contamination.
Il serait en outre souhaitable que
l’Ordre participe aux activités de recherche lancées par d’autres organisations
sanitaires pour trouver de nouveaux
remèdes préventifs ou thérapeutiques pour vaincre définitivement ce fléau.
Enfin il faudra veiller particulièrement
à ce que la compréhension, l’accueil, le refus de la marginalisation et d’une
“condamnation divine” présumée qui se manifesterait soi-disant par cette
pathologie, ne se traduise par une légitimation des comportements qui en sont à
l’origine.
5.2.6.3.
Porteurs de handicap. Même si la société contemporaine semble
avoir redécouvert une attention envers les handicapés, appelés
généralement “différents”, avec
l’élimination des barrières architecturales,
au niveau culturel, nous constatons un certain refus de cette réalité.
Ceci se manifeste par un eugénisme prénatal qui pousse à la suppression de
l’embryon touché par une anomalie quelconque jusqu’à l’euthanasie pour supprimer le nouveau-né malformé ou
l’adulte handicapé.
Dénoncer ces faits ne sert à rien si en
même temps on ne travaille pas à mettre en évidence l’accueil et l’amour qu’une
vraie société civile doit réserver à ses membres défavorisés. Une société à
mesure d’homme ne doit pas être orientée vers les forts mais vers les faibles.
Par conséquent, l’Ordre devrait donner ce témoignage, avant même de créer des
œuvres pour handicapés.
A ce propos la combinaison fréquente d’un
handicap physique et psychique nous renvoie aux considérations faites dans le
paragraphe précédent. D’autre part dans le cas d’un handicap purement physique,
l’effort sera fait pour une réhabilitation
intégrale. Dans cette perspective la société a tout autant besoin de
réhabilitation, car souvent elle est incapable de reconnaître chez le porteur
de handicap une personne ayant des problèmes particuliers.
5.2.6.4.
Malades mentaux.
Comme tout le monde le sait, notre
Fondateur a toujours privilégié cette catégorie de malades et nous continuons à
le faire dans nos œuvres. L’Ordre a
acquis un bagage d’expériences et de connaissances qui ont souvent précédé les solutions adoptées par les services
publics. Toutefois, en plus des problèmes
d’assistance pris en considération par les législations des différents pays il existe à leur endroit des problèmes
d’éthique.
Le premier, qui est en quelque sorte le
dénominateur commun des autres, concerne la capacité de consentement de ces
malades. La valorisation de l’autonomie du patient et le refus du paternalisme
médical, concerne également ces malades
et même davantage, compte tenu de leurs limites au niveau de l’exercice
de cette autonomie. On pourrait être tenté, dans ce cas seulement et avec les
meilleures intentions du monde, à retourner à l’ancienne attitude paternaliste.
Il faut éviter cette tentation à tout prix et n’y céder que dans les cas
d’extrême nécessité ou quand les proches, tuteurs ou comités éthiques sont
absents et que l’on se trouve dans l’impossibilité de partager avec d’autres
les décisions à prendre. Dans tous les autres cas, il faut faire participer le
malade aux décisions, dans la mesure où ses facultés le lui permettent, ou y
faire participer les personnes qui, par leur situation, ont à cœur le bien du patient.
Ce problème qui, dans certains cas,
apparaît de manière évidente et dramatique, comme pour l’utilisation de
l’électrochoc ou l’administration
de sédatifs forts, semble nettement
plus habituel dans l’administration de psychotropes ou dans l’imposition de
limitations dans la vie quotidienne. Dans ces cas, un consentement général ou
implicite de qui a l’autorité de le faire, suffit au moment de
l’hospitalisation du malade.
L’exercice de la sexualité pose un
problème plus délicat. La condition préliminaire étant que celui-ci soit librement voulu. Chez le
handicapé mental il existe différents
degrés de restriction de cette liberté décisionnelle alors que les
stimuli sexuels sont présents. Si d’une part, tout acte mutilateur(dans ce cas
la fonction reproductrice), semble irrespectueux de la dignité de la personne,
d’autre part, le sujet qui présente un déficit psychique n’est pas à même
d’user librement de cette faculté qui,
si elle est utilisée, pourrait
déboucher sur une grossesse. L’être ainsi conçu, non pas par un acte d’amour
mais par irresponsabilité – même innocente – serait privé du droit d’avoir des
parents, parce que ceux-ci sont incapables d’assumer cette responsabilité
et le fruit de cette union serait
confié à une institution. Pour ne pas parler des cas où la femme serait obligée de subir cet acte. C’est donc
pour respecter l’être humain dans sa
totale identité corporelle qu’il faudra éviter de manière responsable que le
malade mental puisse se nuire et nuire aux autres.
De toute manière, au-delà des
problématiques spécifiques, les structures psychiatriques de l’Ordre devront
toujours se caractériser par l’humanité de leurs traitements et témoigner ainsi
leur fidélité à cette délicatesse particulière dont saint Jean de Dieu a fait
preuve; comme lui, les membres de l’Ordre devront être prophétiques dans un
milieu qui a sans cesse besoin de s’humaniser. Il ne faut pas comprendre ces
traitements de manière réductrice qui
se limitent à donner au malade mental un espace vital approprié, lui
assurer une bonne hygiène, une nourriture de qualité, une liberté de
mouvements, la possibilité de conserver des liens affectifs avec sa famille
etc. mais ils doivent également
examiner et promouvoir toutes ses possibilités d’épanouissement comme personne.
Pour cela, il faudra faire appel à tout
son potentiel et à toutes ses
ressources, également à ses ressources spirituelles. C’est un processus qui
doit porter à la valorisation d’une personnalité qui, bien que marquée aussi
profondément par la maladie, laisse toujours paraître le visage de l’homme.
5.2.6.5.
Personnes âgées. Le
nombre des personnes âgées augmente dans la société contemporaine et
s’accompagne de pathologies et de
services sanitaires avec tous les
problèmes sociaux que cela suppose. Certaines familles se trouvent devant des
difficultés objectives et ne peuvent accueillir une personne âgée; d’autres
refusent de le faire pour des motifs égoïstes.
Pour ces raisons beaucoup de personnes âgées habitent en maison de repos
et l’Ordre gère de nombreuses structures de ce genre dans différentes parties
du monde.
Les parcours existentiels portant une
personne âgée à finir ses jours dans une maison de repos sont nombreux. Tout en
n’ayant aucun droit de juger les familles qui ont fait ce choix, l’Ordre doit,
dans la mesure du possible, favoriser les liens affectifs entre la personne
âgée et sa famille et l’aider éventuellement à éliminer les obstacles qui
peuvent s’y opposer.
Le séjour d’une personne âgée dans une
maison gérée par l’Ordre ne doit pas seulement signifier avoir trouver un lieu
où habiter, mais doit également être marqué par l’empreinte charismatique de
l’Ordre. Ceci signifie qu’il faut valoriser ce troisième âge; il faut éviter de
le masquer avec l’illusion de la jeunesse éternelle mais le faire vivre comme une étape particulière
de la vie avec ses richesses et ses problèmes. Cette étape se caractérise par
la perte des forces physiques, d’un rôle social, des affections, du travail, de
sa maison etc. qui devra être compensé par le positif de l’expérience vécue,
des souvenirs, du bien réalisé etc. Dans une perspective de foi, enfin, cette
période peut acquérir également le sens d’une longue veille en préparation de
la rencontre avec l’éternité.
5.2.6.6.
Problèmes émergents.
Par ce terme nous voulons indiquer différents types de marginalisation ou de
“nouvelles pauvretés” qui existent déjà et dont l’Ordre s’occupe, et d’autres
plus récentes et qui constituent un défi pour notre imagination et notre
engagement moral.
Le premier est constitué par le problème
des immigrés et des réfugiés, phénomène en forte croissance dans tous les pays
du monde occidental. Si d’une part les problèmes qu’il pose sont surtout
d’ordre social (intégration culturelle et religieuse, problèmes de l’emploi
etc.) ils constituent un lieu où le charisme de l’hospitalité peut trouver son
expression spécifique. Les réponses peuvent être différentes, marquées par une
créativité à l’écoute de l’Esprit et suscitées par les besoins spécifiques de
chaque pays ou institution sociale. Bien sûr, outre l’accueil, il y a la résolution des problèmes d’ordre
sanitaire pour des personnes qui souvent n’ont accès à aucune forme de sécurité
sociale. L’Ordre devra créer des structures particulières ou trouver d’autres
solutions dans le cadre d’institutions qui existent déjà.
Se trouvent dans une situation analogue
les sans domicile fixe, les clochards,
les squatters tellement pauvres
qu’ils sont obligés de vivre dans la
rue, sous les porches ou dans les salles d’attente des gares. Peut-être que malgré l’écart des siècles, le spectacle
de cette humanité souffrante est assez semblable à celui qui se présentait aux yeux de saint Jean de Dieu ou de
saint Jean Grande. Dès lors, toute initiative à leur endroit (par des dons de
matériel, la création d'un accueil de nuit, l'aide sanitaire etc.) se situe
dans la ligne d’une continuité charismatique.
A côté des situations que nous venons de
mentionner, l’Ordre devra peut-être
répondre dans l’avenir à des problématiques qui sont aujourd'hui moins perçues
et plus sporadiques. Pensons par exemple aux femmes ou aux enfants qui sont les
victimes de la violence ou d’abus de
tous genres, aux personnes qui ont tenté de se suicider, à la solitude des
veuves, aux problèmes psycho-alimentaires (anorexie, boulimie) etc. Si nous
voulons offrir une réponse appropriée aux souffrances de l’homme moderne nous
devons être attentifs à ces “nouvelles souffrances” pour réagir en temps voulu avec créativité et amour.
5.3.
Gestion et administration
5.3.1.
Gestion
5.3.1.1Organisation
et utilisation des ressources. Notre fondateur a su
être un pionnier de l’assistance à son époque grâce à des critères
d’organisation et de distribution des ressources. Comme lui, nous aussi
nous sommes appelés à être des novateurs dans notre société. A notre
époque, plus encore qu’à la sienne,
l’organisation et la gestion constituent une composante importante de cette
contribution.
Un slogan de nos centres pourrait être le
suivant : capacité de distribuer et d'utiliser correctement les ressources
disponibles, en privilégiant le spécifique de nos institutions. Ceci pourrait
assurer l’avenir du centre et fournir une assistance intégrale au malade et au
nécessiteux.
La rémunération et la formation des
opérateurs, l’obtention des produits et du matériel nécessaire pour un
fonctionnement correct, la technologie appropriée et l’humanisation devront
aller de pair. Si un de ces éléments est négligé en faveur des autres on
va droit vers la crise et la rupture.
La recherche de la justice, au niveau local et régional, sans perdre de
vue notre vocation universelle, doit inspirer nos décisions même si dans
certains moments ou circonstances cela peut s’avérer difficile.
Obtenir ces ressources est la tâche
principale des administrateurs qui devront y consacrer une bonne partie de leur
temps. Ils devront trouver les moyens de défendre le travail que réalise le
centre et promouvoir en même temps son œuvre et ses projets.
5.3.1.2.
Professionnalisme.
Notre professionnalisme ne peut être mis en discussion si nous voulons répondre
à notre vocation et assurer une assistance intégrale.
En donnant une réponse professionnelle,
cohérente avec les principes éthiques de notre profession et qui s'inspire de
la philosophie de l’Institut, nous donnerons à nos œuvres l'identité que
celles-ci doivent avoir. La compétence technique et humaine constituent les
fondements indispensables pour qu’une telle réponse professionnelle soit
possible.
5.3.1.3.
Compétence technique.
Le centre devra veiller de la même façon à ce que son équipement technique et
technologique soit à la hauteur de l’assistance qu’il prétend donner. Seule une
compétence technique appropriée nous permettra de donner la contribution
spécifique que nous voulons.
Les changements technologiques constants
exigent des efforts additionnels pour rester à la hauteur des progrès
scientifiques. Les opérateurs doivent s’appliquer pour acquérir une formation
technique suffisante et feront le nécessaire pour se recycler au rythme des
nouvelles conquêtes scientifiques.
5.3.2.
Organisation
5.3.2.1.L’organisation
doit être une expression de la mission de l’œuvre. Notre mission est très riche et
diversifiée dans chacun de nos centres et exige dès lors une organisation
pluriforme. Nous ne pouvons pas adopter partout le même modèle.
Dans la mesure où notre organisation est
empreinte de la philosophie de notre mission nous en faciliterons la
transmission à tous les opérateurs du centre. La formule de séparer la fonction
du supérieur de celle du directeur général du centre, déjà en vigueur dans
plusieurs centres, s'est démontrée efficace et est devenue absolument indispensable dans beaucoup de
nos centres.
Le frère supérieur de la communauté et le
directeur général du centre sont appelés à former une équipe avec les autres
membres du comité de gestion et d’administration.
La principale fonction de cet organisme
est de travailler en équipe interdisciplinaire et de promouvoir cette modalité
de travail dans toutes les instances du centre.
5.3.2.2.
Défense du pluralisme
La diversité des opinions et des cultures constituent une piste appropriée pour
connaître la vérité sur l’homme. Nous devons donc créer des espaces et des critères d’organisation qui permettent
l’expression d’un tel pluralisme. Nos valeurs, la culture de chaque œuvre sera
le lieu où articuler un tel pluralisme.
5.3.2.3.
Délégation. Participation. Responsabilités. Notre objectif est de faire assumer par
chacun les responsabilités dont il est
capable, des plus petites aux plus grandes. Pour que ceci soit possible nous
assurons au sein de notre organisation un système de délégation des
responsabilités.
5.3.2.4.
Décentralisation/Centralisation. Nous faisons en
sorte que celui qui assume un poste de direction protège les initiatives et les
attentes des collaborateurs.
Nous mettons en œuvre des programmes de
travail qui permettent aux collaborateurs d’évoluer et d’assumer des
responsabilités que souvent nous réservons aux supérieurs.
Nous faisons notre possible pour permettre aux professionnels d’accroître
leurs compétences, aux équipes d’acquérir un plus grand d’espace
d’intervention, aux cadres intermédiaires de prendre des initiatives et, aux
cadres supérieurs d’assumer plus de
responsabilités.
Nous faisons en sorte que la
subsidiarité, valeur particulièrement liée à la tradition chrétienne, soit un
élément fondamental dans le fonctionnement de nos œuvres.
L'Ordre souhaite favoriser une
décentralisation appropriée tout en respectant les exigences de la
centralisation, conformément aux principes et aux valeurs que nous voulons
promouvoir.
5.3.2.5
Nouvelles formules juridiques.
Notre point de référence a toujours été le droit canonique. Outre
celui-ci, et conjointement avec lui, il
est possible de trouver des formules pour de nouveaux modes de gestion, de
délégation ou de participation.
Traditionnellement l’Ordre était propriétaire des œuvres.
L’évolution en cours à notre époque, la nouvelle dimension des œuvres et les
changements qui ont lieu dans les services sanitaires et sociaux nous conseillent
de ne pas nous limiter à cette seule formule.
La Fondation, l’Association,
l’Organisation sans but lucratif ou les organisations non-gouvernementales
constituent des formules juridiques plus aptes à répondre à certaines réalités
et pourraient s’avérer avantageuses, comme l’ont démontré des expériences
concrètes faites dans certaines œuvres. Il faudra discerner quelles sont les
formules les plus appropriées à l’époque et au lieu où nous nous trouvons.
5.3.2.6.Travail
en équipe. Ce
n’est qu’en unissant nos efforts que nous pourrons soigner la personne et
répondre à ses besoins.
Au
niveau de la direction:
Quand les responsables d’un centre se montrent capables de former une équipe de
travail ils pourront inspirer et animer les autres composantes du centre à
faire de même. La tentation de faire preuve d’efficacité individuellement est
très grande avec toutes les conséquences que cela comporte.
Au
niveau des cadres intermédiaires: Le rôle le plus difficile dans un centre est celui qui est
assumé par ceux ou celles qui se trouvent au milieu. Eux aussi doivent pouvoir
travailler en équipe et faire parvenir aux cadres supérieurs les exigences de
leurs subalternes, de même qu’ils doivent faire parvenir à ces derniers les
plans de travail de la direction.
Au
niveau des services:
Quand tous ceux qui sont au service d’un malade ou d’un nécessiteux sont
capables de travailler ensemble nous offrons une assistance intégrale.
Dans les centres à gestion complexe nous
pourrons ne pas appartenir tous à la même équipe, mais nous pouvons tous nous
sentir membres d’une équipe appelée à donner une réponse intégrale aux besoins
du malade, ce qui exige la collaboration de tous ceux qui sont à son service.
5.3.3.Politique
des ressources humaines
5.3.3.1.Critères
généraux. L’Ordre
hospitalier de saint Jean de Dieu, en tant qu’organisation est:
- essentiellement une œuvre humaine,
fruit des efforts de tous ceux qui en font partie;
- conscient que ses œuvres sont des
entreprises sans but lucratif à caractère spécifique, devant conjuguer leurs
objectifs avec les responsabilités
sociales et économiques d’une
institution ecclésiale;
- réceptif quant à l’évolution en cours
dans le monde des entreprises - sociologie, relations humaines, psychologie -
s’étant adapté aux temps actuels en introduisant les changements nécessaires d’organisation et d’administration
pour assurer une plus grande efficacité, tout en respectant la philosophie, la culture et le style qui
lui sont propres;
- attentif au personnel employé dans ses
œuvres et propose des relations entre organisation et travailleurs qui
répondent aux besoins des deux parties en précisant les mécanismes qui
facilitent une action commune de tous pour atteindre les objectifs fixés.
Pour réaliser tout ce qui figure plus
haut il faut faire preuve d’une disponibilité sincère à clarifier les relations
avec le personnel à la lumière des législations en vigueur, de la doctrine
sociale de l’Eglise et en protégeant les droits du malade et du nécessiteux qui
constituent la raison d’être de nos œuvres.
5.3.3.2.Relations
avec les travailleurs. La personne étant l’élément fondamental de
toute l’organisation, la gestion des ressources humaines doit veiller à orienter, motiver, promouvoir et intégrer
les travailleurs en tenant compte de leurs exigences et des finalités de
l’œuvre et en respectant toujours les critères de justice sociale.
Diriger un centre signifie savoir gérer
les personnes qui y travaillent car sans elles, rien ne se fait. La gestion des ressources humaines exige des
compétences professionnelles en matière
d’administration et de relations humaines.
Tous les centres de l’Ordre doivent
améliorer leur système de
communications afin d'atteindre, par des moyens et canaux appropriés,
tous les niveaux de l’organisation et tous les travailleurs. Il faut promouvoir
une information véridique et compréhensible.
Un autre point important est l’accueil, l’insertion et
l'accompagnement du travailleur nouvellement engagé dans les centres de
l’Ordre, pendant les premières étapes
de son travail.
5.3.3.3.L’action
syndicale. Depuis longtemps désormais, la doctrine
sociale de l’Eglise a reconnu le droit des travailleurs de former des
associations pour la défense de leurs droits. Le syndicalisme est une réalité
sociale reconnue mondialement. L’Ordre reconnaît et respecte la liberté
syndicale.
La doctrine sociale de l’Eglise assume et
soutient cette réalité et la considère un élément indispensable de la vie
sociale contemporaine, comme force constructrice de l’ordre social et de la solidarité, capable d’obtenir non
seulement une amélioration au niveau de l'avoir
mais également un mieux être. Les
syndicats ne sont pas seulement des instruments contractuels mais également des
lieux où la personnalité du travailleur s’exprime; leurs services collaborent
au développement d’une authentique culture du travail et aident à participer
humainement à l’expansion de l’entreprise.
Accepter cette réalité exige que
l'information et la communication entre la direction et les syndicats se
fassent dans une attitude d'honnêteté et de réalisme, en protégeant toujours
les droits des malades et de ceux qui sont accueillis dans nos centres.
5.3.3.4.
Sélection du personnel et contrats. Le personnel sera choisi en tenant compte de ses
qualifications techniques et humaines et en s’assurant que ses motivations,
aptitudes et comportements respectent les principes de l’Ordre. Il est
important que chaque centre possède des normes claires en matière de sélection
du personnel et en outre, il est souhaitable que tous soient informés des procédures en vigueur: postes vacants,
réglementations, formulaires etc.
Il faut particulièrement faire attention
aux éléments suivants en matière de contrats:
- Dimension
technique: Lors de l’octroi d’un emploi on veillera à ce que le candidat
possède les diplômes requis par la loi pour un tel poste. En outre, on
vérifiera qu'il possède les capacités
et les compétences professionnelles nécessaires pour un tel travail.
- Dimension
humaine: Il faut examiner si le
candidat possède certaines qualités humaines comme celle de nouer des
relations, l’équilibre émotif, le sens des responsabilités et la capacité de
prendre des décisions, une vocation sanitaire et/ou sociale.
-Dimension
éthique: Les personnes qui travaillent dans les centres de l’Ordre, et ceci
constitue une condition indispensable,
doivent promouvoir les principes de leur code de déontologie
professionnelle et respecter les principes de l’Institut.
-Dimension
religieuse: On
veillera à ce que le comportement des personnes favorise la dimension
religieuse dans le centre.
5.3.3.5.Sécurité
de l’emploi.
Nous partons du principe que tous les contrats de travail de l’Ordre doivent
respecter les lois en vigueur dans les différents pays à condition de ne pas
violer les principes de l'Ordre.
Toutefois, même si tout ce qui se fait
dans ce domaine doit privilégier le bien du centre et celui des personnes qui y
sont accueillies, il faut éviter toute situation d’instabilité et de
démotivation en garantissant une sécurité et une stabilité dans l’emploi qui
encourage un plus grand dévouement dans le travail.
La dynamique du fonctionnement des
centres ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre requiert un réseau
complexe de suppléances et de substitutions qui ne permet pas toujours de garantir
une stabilité d’emploi pour ceux qui occupent certains postes temporaires. Ceci
ne nous empêche pas d’étudier des systèmes pour limiter cette instabilité.
5.3.3.6.Système
salarial. Tout
travail mérite une juste rémunération, voilà la clé de toute l’éthique sociale.
Les problèmes de salaires sont ceux qui font davantage l’objet de
revendications de la part des travailleurs.
La doctrine sociale de l’Eglise considère
le salaire comme le critère de vérification concrète de la justice sociale dans
les relations de travail. Tout en
n'étant pas l’unique critère de vérification il en est certainement le plus
important.
Il n’est pas facile de quantifier quel
est le salaire juste, étant donné que le salaire en soi dépend des conditions
économiques des différents pays, des attentes du marché - marché sanitaire et
social inclus - de la situation de chaque centre et des besoins et attentes de
chaque travailleur.
Il s’ensuit une obligation de rémunérer
les travailleurs avec un salaire juste
qui parfois ne répond pas à leurs attentes. Au-delà de la question du
salaire, il faut s’engager pour améliorer les conditions économiques et
sociales des travailleurs. Leur confort et leur bien-être sont un atout pour le confort et le bien-être des
malades et des nécessiteux.
5.3.3.7.Motivation. Dans la mesure où un
travailleur peut satisfaire ses besoins
fondamentaux et voir dans l’organisation pour laquelle il travaille un lieu où
réaliser ses capacités humaines et professionnelles il se sentira motivé.
Motiver le personnel est un moyen
fondamental pour atteindre un des objectifs de l’organisation, à savoir
l’épanouissement humain et professionnel des travailleurs.
En bref, le système de rémunération (salaires, incitations, primes…) les conditions de travail (milieu, sécurité,
travail en équipe…) ainsi que les encouragements
individuels (stabilité de l’emploi, épanouissement, valorisation…) influent
sur le degré de satisfaction des travailleurs. Il est donc nécessaire d'en
tenir compte.
L'Odre fait particulièrement attention à
la promotion personnelle. Il s’agit d’une action spécifique de la direction, et
en particulier du responsable des ressources humaines de chaque centre. Il faut
que nos employés perçoivent des possibilités d’avenir dans nos centres pour
mieux vivre leur profession et
vocation. Il faudra dans chaque cas utiliser les outils appropriés: pour
certains ce sera la formation, pour d’autres la recherche et pour d’autres
encore l’enseignement etc.
5.3.3.8.Convergence
des valeurs entre
tous ceux qui constituent le centre.
Le pluralisme est une des caractéristiques de notre société.
Il faut reconnaître que l’époque où une
culture dominait une autre touche à sa fin.
Depuis longtemps désormais nous nous
efforçons de regrouper et d’intégrer cette réalité pluriculturelle au niveau de
la gestion, de la direction et de l’assistance. Il faut poursuivre sur cette
lancée pour arriver à intégrer les différents éléments culturels qui sont
présents dans nos centres.
Tout projet de convergence suppose une
entente: personne ne peut vivre des valeurs qui lui sont imposées.
Il sera probablement nécessaire de
préciser quels sont les minima auxquels on ne peut pas toucher, mais à partir
de là il s’agit de former une culture possédant des valeurs spécifiques, promue
et assumée par tous.
Dans la mesure où les collaborateurs
disposent d’un espace dans lequel exprimer leurs idées et leurs valeurs,
ils s’engageront à la réalisation d’un
projet partagé. De même, ils doivent se
sentir responsables des questions et des secteurs qui leur sont délégués.
5.3.3.9.Créer
une culture d’appartenance au centre, à la province, à l’Ordre.
Les recherches récentes des sciences de
l'administration ont mis en évidence l'importance pour les organisations de
posséder une "culture de l'organisation" qui soit cohérente avec leur
mission et leurs valeurs. Depuis sa fondation, l'Ordre a soutenu cette même
idée.
Nous avons adopté dans le passé certaines
attitudes paternalistes et protectrices envers les employés par un réflexe
inconscient de défense de ce qui est nôtre, en particulier notre culture. Pour
surmonter cette attitude défensive,
tout en ne perdant pas les valeurs que cette culture véhicule, nous
devons former un groupe de personnes qualifiées du point de vue professionnel,
capables d’orienter et de diriger la réalisation d’une culture commune.
Le respect et l’application des lois du
travail, surtout les normes relatives à la sécurité sur le travail et à la
protection de la santé du travailleur constituent un élément incontournable de
ce processus.
Nous devons renforcer chez nos employés
le sentiment de gratification devant un travail bien fait, de soulagement en constatant que les objectifs fixés sont
atteints, de sérénité et de paix intérieure en se sentant professionnellement
réalisés et en voyant, qu’avec leurs collègues, ils contribuent à la
construction de notre monde et de services sanitaires et sociaux meilleurs.
Il ne faut pas oublier que le danger de se fossiliser dans le travail
existe. La direction prendra les initiatives qui s’imposent pour éviter que le
personnel ne s’installe et perde son enthousiasme et son zèle du début. Il
revient à la direction d'écarter ce danger et de prendre les mesures
éventuelles qui s'imposent.
Il ne faut pas oublier qu’une œuvre qui
n’offre pas des garanties de stabilité ne sera jamais un lieu où les
collaborateurs auront envie de se donner à fond dans la promotion d’un projet
commun.
L'Ordre soutient et défend les
travailleurs en cas d’intervention juridique, sauf dans les cas de négligence professionnelle
évidente. Face aux dénonciations qui, malheureusement parviennent aux centres,
il faut faire preuve d’honnêteté sur les pratiques institutionnelles et donner
clairement son appui aux personnes impliquées.
Si nous voulons promouvoir une telle
culture dans nos œuvres, il faudra trouver des instruments appropriés pour
résoudre les tensions parfois inévitables dans les relations de travail. Même dans des situations conflictuelles,
nous devons faire tout notre possible pour trouver une solution acceptable pour
tous.
5.3.4.
Politique économique et financière
5.3.4.1.Organisation
sans but lucratif.
Notre Institution a toujours été définie comme une "organisation sans but
lucratif” et n’a donc pas pour objectif d’accumuler des richesses.
Les recettes que l’on peut obtenir seront
destinées au centre pour qu’à tout moment ses équipements et ses méthodes de travail soient à la hauteur du rôle qui doit être le sien.
5.3.4.2.
Dimension bénéfique et sociale. A l’origine, notre
Institut a bénéficié des dons et de la collaboration généreuse de beaucoup de
personnes pour pouvoir remplir sa mission. Il faut continuer à promouvoir cette
dimension de la charité chrétienne pour continuer l’œuvre de notre Ordre. Il
faut maintenant donner une dimension plus universelle à notre solidarité. Les
inégalités s’accentuent toujours davantage dans notre monde et les différences
entre riches et pauvres sont chaque jour plus grandes. Nos œuvres pourraient accroître leur action
bienfaisante et sociale en renforçant la solidarité entre les différents
centres des différents pays.
5.3.4.3.
Equilibre financier.
L’art de la gestion est celui d’affecter les ressources conformément aux besoins. Dans les centres, il faudra affecter les ressources aux
différentes activités que celui-ci
réalise en veillant à garantir l’avenir du centre par un juste équilibre
financier. Si suite à une mauvaise répartition des ressources, nous mettons le
centre dans une situation économique de déficit, nous mettons en danger
l’avenir de l’œuvre et de toutes les personnes qui en font partie.
5.3.4.4.Transparence
au niveau de la gestion.
Si nous parvenons à transformer en réalité, les valeurs que nous voulons
promouvoir et qui donnent leur sens à notre mission, il n’existe aucune raison
pour laquelle la réalité économique de nos centres ne soit pas connue du
personnel de la santé, des usagers, de la société et de l’administration
publique. Si nous mettons en œuvre une gestion transparente avec des principes
clairs il n’existe aucune raison pour ne pas les faire connaître. La situation
économique du centre (activités, recettes, dépenses, résultats, investissement,
disponibilités financières) constitue une des réalités du centre qui peut, elle aussi,
être connue.
Elaborer annuellement un bilan des
activités de chaque centre, pourrait constituer un moyen efficace pour mieux
les faire connaître et pour encourager la coresponsabilité.
5.3.5.Responsabilité
sociale
5.3.5.1.
Le critère qui justifie la raison d’être des œuvres est leur utilité pour la société.
Chaque institution ou œuvre court le risque
de se fermer sur elle-même et de légitimer sa raison d’être, en marge de la
réalité. Il n’est pas rare de voir des institutions, qui par suite d'un tel
isolement projettent une œuvre qui n’est pas nécessaire ou que personne n’a
demandé. Nous ne devons pas tomber dans ce piège. La raison d’être de nos
œuvres réside dans l'utilité du service qu’elles offrent et elles doivent donc
rester ouvertes aux changements pour demeurer d’actualité. Les Constitutions de
l’Ordre précisent à ce propos que nous sommes les intendants de nos œuvres et
non pas leurs propriétaires et que nous devons garantir un juste emploi de
leurs ressources.
5.3.5.2.Respect
et application de la loi.
Nous devons toujours respecter et appliquer la loi dans notre travail.
Toutefois, nous ne pouvons pas nous contenter de ces exigences minimales
auxquelles tous les membres d'une société sont soumis, mais nous devons
promouvoir en outre les principes qui nous animent.
Une situation délicate surgit quand la
loi est en désaccord avec l’identité et les valeurs de l’Institut. Dans ce cas,
faisant appel au pluralisme que nous voulons promouvoir dans notre société,
nous invoquons l’objection de conscience pour ce qui concerne l’application de
la loi dans nos œuvres.
5.3.5.3.Engagement
pour la justice sociale dans la distribution des ressources. Garantir une juste distribution des ressources dans notre société
n'est pas facile. Les groupes de pression d’une part, les grandes inégalités de
l’autre peuvent faire pencher la balance de manière très injuste. Il faudra dès
lors faire un effort de gestion et d’éducation aux valeurs pour que ce ne soit
pas toujours la loi du plus fort qui l’emporte. Nous devrons tenir compte des
différentes réalités avec l’intention de garantir une juste répartition des
ressources.
Il faut être particulièrement attentif à
la dimension universelle de nos vies et de nos œuvres. Nous devons admettre que
l’injustice sévit dans la distribution mondiale des ressources. Il ne faut pas
que nous soutenions cette injustice. Nous devons travailler pour la solidarité,
à partir d'une même mission et d’une
vision universelle des problèmes.
Voilà l’espace où nous pouvons mettre en
application la doctrine sociale de l’Eglise. En agissant de la sorte nous
pourrons contribuer à sa diffusion pour que celle-ci devienne un livre de
référence pour notre société.
5.3.5.4.
Dénoncer ce qui doit l'être.
Il faut que nous fassions connaître notre réflexion et nos suggestions dans des
situations délicates et graves. En dénonçant ces cas, nous ne nous contenterons
pas de nous plaindre mais nous offrirons des indications et des ébauches de
solution. Si nous parvenons à appliquer les solutions proposées nous aurons
pleinement rempli notre fonction de dénonciation.
5.3.6.Présence
de la société dans le Centre.
5.3.6.1.
Les usagers, les associations des malades et leurs familles.
Nous appelons traditionnellement l’usager de nos centres le “patient”
mais le moment est venu pour lui d'assumer un rôle actif. Il existe deux types
d’associations de malades:
- les associations générales de malades
avec l’intention de présenter des revendications et une certaine prédisposition
à utiliser les voies légales;
- les associations spécifiques pour certaines maladies ou pathologies
chroniques ou graves.
Ces deux associations doivent avoir leur
place dans nos centres.
Les premières surgiront en général, après
la présentation d'une plainte ou d'une revendication. Il faudra créer un espace
dans lequel elles puissent exprimer cette revendication et se sentir des
interlocuteurs sociaux valables, car elles peuvent collaborer avec nous et nous
pouvons les faire participer au travail que nous réalisons.
Les deuxièmes doivent trouver dans le
centre un appui privilégié surtout au début de leur existence. Dans la réalité
de notre société, ce n’est qu’en
formant un groupe que l’on parvient à atteindre certains objectifs, et au départ, il est parfois difficile de former
de tels groupes. Le centre constitue toujours une plate-forme qui permet de
surmonter ces difficultés initiales. Dans tous les cas, le dialogue et des
positions ouvertes permettront aux parties en cause, le centre et l’association, d’être informés des situations
réelles, des possibilités, des limites et des erreurs.
Malheureusement nous ne pouvons empêcher
les plaintes ou les poursuites judiciaires - très souvent dans un seul but de
lucre - mais nous pouvons trouver différentes formes de relations qui se basent
sur une confiance mutuelle.
Les relations avec le public qui offrent
au citoyen différentes possibilités d’exprimer son opinion, est un moyen
particulièrement heureux pour obtenir sa collaboration avec le centre.
5.3.6.2.Les
travailleurs. Les travailleurs disposent d'organismes de
représentation reconnus par la loi qui précisent leurs rapports avec
l’institution.
Dans la mesure où nous considérons que
l’institution est une réalité que tous construisent et partagent, il faut
trouver des formes et des styles de relations qui, tout en ne
négligeant pas ce qui précède, ouvrent
un espace pour ce nouveau projet que nous voulons réaliser dans tous nos
centres.
Pour certains, ce lien se limitera
exclusivement à un rapport de travail. Pour ceux-ci le cadre de référence sera
législatif. D’autres se sentiront motivés par une vocation qui dépasse le cadre
professionnel. Il faudra trouver des pistes officielles et officieuses pour
leur permettre d’intensifier leur engagement de solidarité avec les malades et
les nécessiteux.
Et enfin nous voyons que d’autres encore
considèrent leur présence dans l’œuvre comme une expression de leur foi.
Ceux-ci aussi devront disposer d’un espace où pouvoir exprimer en groupe, ce
qui les motive à servir les malades et
les nécessiteux dans une de nos œuvres.
Sauf le premier cas, qui est régi par la
loi, chaque centre devra étudier les
meilleures modalités pour exprimer ces liens qui unissent les travailleurs à
l’œuvre de saint Jean de Dieu.
5.3.6.3.Les
bienfaiteurs. Ceux-ci ont permis à notre fondateur de
réaliser son œuvre. Ils ont été capables de soutenir les nombreux engagements
pris par saint Jean de Dieu pour le bien des malades et des nécessiteux.
Au cours des siècles ils ont continué à
soutenir notre œuvre. Dans certains pays ceux-ci sont plus actifs que dans
d’autres. Jusqu’à la création de l’état providence, la majorité de nos œuvres
ont vécu grâce à la générosité des personnes qui ont eu confiance dans l’Ordre.
Aujourd’hui la majorité de nos centres ne
dépendent plus de dons, comme c’était le cas dans le passé; toutefois, cette
générosité continue à se manifester et reste indispensable si nous voulons être fidèles à notre devoir de charité et de
solidarité. Le principe qui anime une telle générosité reste toujours le même:
la personne choisit d’être solidaire d’autrui par l’intermédiaire de l’Ordre de
saint Jean de Dieu.
Les formes peuvent évoluer et ont évolué
et ne cesseront de le faire. Il nous revient de rendre cette solidarité
effective et juste, et si possible de l’intensifier.
Le moment est venu pour nous d'insister sur le caractère
collectif de cette solidarité pour
mieux répondre aux besoins les plus
urgents.
Il s’agit d’une question qui demande
réflexion, des échanges et de la créativité pour trouver les fonds et les
moyens de renforcer ce réseau de solidarité.
Ce thème, que nous devons tous
promouvoir, est fort présent dans la culture de bon nombre de nos œuvres et de
nos provinces. Les nouveaux moyens de communication permettront de valoriser ce
travail et de renforcer le lien qui existe entre les bienfaiteurs et l’œuvre.
5.3.6.4.Les
bénévoles. Au cours de son histoire, l’Ordre a toujours
compté sur la collaboration d’autrui,
comme marque de solidarité ou comme expression de charité chrétienne. Notre fondateur a pu diffuser son œuvre
grâce au soutien généreux de bienfaiteurs
et de bénévoles.
L’Ordre a su se situer par rapport aux
nouveaux mouvements du bénévolat et a fait dans certains pays un travail de
pionnier pour incorporer ces mouvements à l’intérieur de ses centres. Un travail de recyclage s’impose constamment
pour ne pas demeurer ancré dans des idées ou
des structures désormais démodées. Chaque centre possède sa propre
physionomie et devra faire preuve de créativité et d’originalité pour promouvoir le bénévolat. La diversité
dans ce cas précis est une preuve de
richesse.
Le processus d’orientation et de
sélection des candidats, le profil du bénévole, sa mission dans le centre, le
temps qu’il y consacre, la formation dont il a besoin etc. sont des questions
dont il faut discuter au niveau de l’Ordre et de celui de chaque centre.
Les associations de bénévoles devraient
faire part de leurs observations aux organes directeurs du centre car leur
manière de percevoir la réalité pourrait être différente et il serait
regrettable ne pas être informé de leur vision des choses.
5.3.6.5.L’Eglise
locale. Comme
Institut, l’Ordre est exempté de la juridiction de l’Ordinaire du lieu.
Toutefois, si nous souhaitons avoir une présence significative dans le siècle
nous devons collaborer et coordonner nos efforts avec ceux de l’Eglise locale.
Comme Eglise, nous constituons tous ensemble le peuple de Dieu et nous devons
réfléchir sur la manière d’agir comme tel.
Le lieu le plus indiqué pour une telle
collaboration est le niveau diocésain et paroissial. Les conditions pour que
prêtres, religieux et laïcs collaborent ensemble à un même projet ne sont pas
encore idéales, cependant tout en ne renonçant pas à l’identité qui est la
sienne ni à ses propres projets pastoraux, il faut arriver à construire ensemble une pastorale commune.
5.3.6.6.L’administration
publique. Nos
œuvres s’adressent au public et dans de nombreux cas elles s’insèrent dans des
services sanitaires ou sociaux de l’état. Ceci exige des relations très souples
avec l’administration publique pour pouvoir être bien informés sur la réalité
actuelle et les perspectives d’avenir, et, pour lui communiquer à notre tour
nos plans futurs.
Il faut continuer à maintenir des
contacts et des relations avec l’administration publique. Ceci exige de notre
part honnêteté, clarté et transparence. Honnêteté comme expression de cohérence avec les
principes que nous défendons; clarté quant
à notre position et à ce que nous prétendons; transparence enfin par rapport à nos critères en matière
d’affectation des ressources que nous recevons.
L’Ordre doit réfléchir sur le rôle qui
est le sien dans le cadre de ses relations avec les autres institutions. Nous
nous heurtons à deux dangers: celui de se laisser piéger par ces relations
et perdre au cours de ans, ce qui constitue
l’essence de notre identité; ou s’éloigner de ces relations et risquer que le
projet d’assistance soutenu par le centre se perde, parce que déconnecté de la
réalité.
Maintenir de telles relations avec les
services de l’administration publique exige une formation professionnelle,
humaine et religieuse approfondie si nous ne voulons pas obtenir l’effet
contraire. Une fois de plus nous insistons sur la nécessité d’utiliser un
langage qui soit compris par notre société.
5.3.7.Evaluation
Si nous voulons être fidèles à la mission
que nous sommes en train de réaliser ou de recréer nous devons périodiquement vérifier la manière dont nous exécutons nos plans. Nous devons
évaluer la manière dont les principes philosophiques de l’Ordre sont appliqués
au niveau de la gestion, de la direction et de l’assistance.
5.3.7.1.Attention
aux signes des temps.
Notre société est une réalité très dynamique. La science est en évolution
constante et chaque jour de nouvelles méthodes, de nouveaux instruments et
techniques de travail voient le jour. Un message, un principe philosophique est
d’actualité quand il se transmet avec des moyens, des méthodes et des
techniques actuelles. Autrement on risque de parler dans le vide. Il faudra
donc évaluer la portée des moyens que la société nous donne, car il se peut que
dans le but d’être plus efficace nous utilisions des instruments qui sont
contraires à la philosophie de l’Institut.
5.3.7.2.Réponse
aux besoins de l’homme et de la société. Dans cette évolution constante de la
société, l’homme aussi est en train de changer, même si nous ne sommes pas
capables de distinguer si c’est le changement de la société qui fait évoluer l’homme ou si ce sont les
changements que connaît l’homme qui font évoluer la société. Quoi qu’il en
soit, dans cette situation nous devons faire face à:
de nouvelles maladies;
de nouvelles modalités de contracter une
maladie qui, à leur tour exigent de nouvelles modalités d’assistance;
de nouveaux problèmes au sein de la
famille que nous devons être capables
d’éclairer, de soutenir et d’accompagner;
de nouveaux besoins qui exigent de notre part, créativité et solidarité si
nous voulons donner une réponse cohérente;
de nouvelles formes d’égoïsme qui nous
interpellent pour trouver de nouvelles
réponses de solidarité institutionnelle.
Répondre avec des moyens modernes aux
besoins de la personne tout en respectant le style et les valeurs de l’Ordre,
signifie demeurer fidèle à la Nouvelle Hospitalité, synthèse de notre projet
apostolique
Questions
pour la réflexion sur la charte et pour
la
préparation au prochain Chapitre Général
1) Dans nos centres et nos communautés,
quelles sont les réussites que vous obtenez et les difficultés que vous
rencontrez dans les domaines suivants :
- assistance
intégrale et défense des droits du malade
- réponse aux
problèmes spécifiques
-
-
gestion et direction.
2)A la lumière du diagnostic précédent,
définissez les priorités de l’Ordre dans les domaines suivants :
-
assistance
intégrale et défense des droits du malade
-
réponse
aux problèmes spécifiques
-
gestion
et direction.
Notes
au cinquième chapitre
(1)
Certains
préfèrent le terme de privacy qui
recouvre un domaine plus vaste, plus global des différents aspects de la
personnalité qui, s’ils sont examinés isolément ne présentent pas un intérêt
particulier, mais s’ils sont considérés comme un tout, offrent une image de la
personnalité de l’individu que celui-ci a le droit de protéger jalousement.
(2)
CONCILE
VATICAN II, Gaudium et Spes (GS), 16.
(3)
Jean-Paul
II, Evangelium Vitae (EV), 44.
(4)
Sacrée
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Donum
Vitae,22 février 1987, § 2.
(5)
Conseil
Pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, Charte des Personnels de la Santé, Cité du Vatican 1995, § 142.
(6)
Ibid.,21
(7)
Ibid.,87
(8)
Ibid.,129
(9)
Ibid.,146
(10)
Cf.EV
57.
(11)
Sacrée
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration
sur l’euthanasie, 5 mai 1980, p. 549 Cf.
(12)
Cf.
Charte des Personnels de la Santé,
119-120.
(13)
Cf.
EV 65.
(14)
Cf.
Code de Nuremberg, Déclaration d’Helsinki, Déclaration de Genève, Good clinical
Practice, etc. En plus des critères du Magistère voir également la Charte des Personnels de la Santé,75-82.
(15)
Cf.
EV 63.
(16)
Cf.
Pierluigi Marchesi,L’Hospitalité de
l’Ordre de saint Jean de Dieu en vue de l’An 2000, Rome, 1986, Appendice 3.
6
FORMATION
ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE
6.1.
Formation
6.1.1.Formation
technique, humaine et charismatique
Outre ce qui figure dans les autres
chapitres du présent document, nous voulons souligner ici la responsabilité
qu’ont les membres de l’Ordre et leurs collaborateurs de se former. Nous
n’insisterons pas sur la nécessité d’une formation humaine, comprise comme
connaissance de soi et approfondissement des moyens utiles pour entrer en
contact avec autrui et avec la société,
indispensables pour celui qui veut devenir un artisan d’humanisation dans les
œuvres de l’Ordre.
Notre époque est déterminée par les
caractéristiques suivantes : rapidité des progrès scientifiques en général
et de la biomédecine en particulier ;
rapidité et facilité des
communications ; mondialisation des problèmes ; une mentalité
technico-scientifique au moment de conceptualiser et d’aborder la réalité de
l’homme au point de déboucher sur un
réductionnisme scientifique ; les mouvements fondamentalistes
religieux : réductionnisme spirituel. L’unique critère éthique que nous
partageons mondialement, du moins en théorie, est celui du respect de la
dignité de la personne ; ce critère exige que nous ne traitions jamais la
personne comme un moyen pour atteindre
un but, même si ce dernier est élevé ou nous semble tel. Ce fait, qui n’est
certes pas nouveau, acquiert une importance particulière pour les
professionnels de la santé dans leurs relations avec le malade .
Depuis les années 70 nous avons assisté à
une profonde transformation de la relation qui existe entre le patient et son
médecin. Pendant les siècles passés on n’était pas conscient que le patient qui
en était capable, devait être considéré comme un protagoniste moral et autonome pour toutes les décisions concernant sa santé. L’information correcte
donnée au malade se situe au premier plan. Le médecin a perdu son rôle unique et prépondérant, du moins dans le monde
occidental. Aujourd’hui nous parlons de relations entre le patient et une
équipe soignante, entre le patient et le monde qui l’entoure. L’ambiguïté de certaines technologies, dont
l’application correcte n’élimine pas de graves conflits entre les valeurs
vitales et les valeurs spirituelles, l’importance croissante des soins médicaux
et des techniques de laboratoire dans l’établissement d’un diagnostic, exigent
une formation plus rigoureuse qu’auparavant. Le niveau et la qualité de
l’assistance, dans les hôpitaux ou dans des centres socio-sanitaires, dépendent
en grande partie du niveau de formation
du personnel soignant.
Dans le cadre de la formation permanente,
la formation technique ou professionnelle doit aller de pair avec la formation
humaine et éthique; on mettra l’accent
de préférence sur le premier aspect tout en soulignant l’importance de l’autre.
Il faudra veiller à un recyclage des connaissances qui permette une assistance
intégrale conformément aux critères actuellement en vigueur.
Chaque centre doit promouvoir des
programmes de formation à tous les niveaux et doit les prévoir dans son budget.
Se recycler du point de vue scientifique
ou technique n’exigera pas, en général, un effort excessif sur le plan de la
motivation, tandis que se former
ou se reformer sur le plan de la
philosophie de l’assistance et des critères charismatiques de l’Ordre exigera une motivation plus grande. Ceci
contribuera à accroître le sens d’appartenance à l’Ordre et deviendra un
instrument pour actualiser les valeurs qui imprègnent sa culture et son
identité. La direction des différents centres en tiendra compte et l’inscrira
dans le plan de formation du centre même.
Dans la mesure du possible il faut
s’informer des programmes et des expériences en cours dans d’autres régions
pour pouvoir éventuellement les adopter et les adapter aux différents centres.
Malheureusement, les formateurs, capables à la fois de comprendre les
problématiques du monde de la santé et
de dominer les courants de la pensée contemporaine – philosophie,
théologie, pastorale et spiritualité- sont bien rares ; il faudra
s’efforcer de constituer des équipes et renforcer les compétences de ceux qui
travaillent à ce programme commun. Celui-ci doit être réaliste et efficace. Les
comités d’éthique peuvent remplir cette fonction.
En ce moment où se vit avec force la
nécessité du dialogue interreligieux, il nous faut suivre les recommandations
que le Concile Vatican II adresse aux fidèles : « L’Eglise exhorte
donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la
collaboration avec ceux qui suivent d’autres religions, et tout en témoignant
de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent
progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se
trouvent en eux. » (1) Il devient donc indispensable d’assurer, à côté
d’une formation professionnelle et technique, une solide formation en
philosophie, théologie et sur le charisme de l’Ordre en mettant l’accent sur la
personne et le mystère de Jésus Christ.
Les grands courants de la pensée
philosophique (2) et théologique doivent être les piliers sur lesquels se base
la formation; le charisme de l’Ordre et ses connaissances profondes doivent
toujours inspirer les attitudes et les comportements envers les malheureux.
Il sera possible de cette manière
d’instaurer un quadruple dialogue, si nécessaire dans notre monde de pluralisme
religieux : (3)
·
Dialogue
de vie, où les personnes s’efforcent de
vivre dans un esprit d’ouverture et de bon voisinage, en partageant leurs
soucis, leurs peines et leurs joies.
·
Dialogue
d’action, où les chrétiens collaborent avec les autres pour le développement intégral
et la liberté.
·
Dialogue
interreligieux, où les personnes enracinées dans leurs traditions religieuses
respectives, partagent leurs richesses spirituelles par exemple dans le domaine
de la prière et de la contemplation, de la foi et de la recherche de Dieu et de
l’Absolu.
·
Dialogue
théologique, où les experts s’efforcent de comprendre plus à fond leurs
héritages religieux respectifs et où ils reconnaissent et apprécient leurs
différentes valeurs spirituelles.
6.1.2.
Les comités d’éthique en tant qu’instruments de formation
Bien que nous ayons déjà traité de cette
question dans le chapitre cinq du présent document, nous allons l’aborder ici
dans la perspective de la recherche et de la formation.
Dans le domaine clinique, le terme de
bioéthique reste uni au concept du dialogue pluridisciplinaire en tant que
méthodologie de travail et, à partir de 1978, aux principes habituels de la
bioéthique contemporaine : autonomie, bienfaisance et non la malfaisance,
et la justice. Ces principes, conformément au paradigme anthropologique du
personnalisme d’inspiration chrétienne, sont la traduction du principe du
respect de la dignité de la personne, du service pour le bien du patient
considéré dans son intégralité, et de la solidarité.
La nécessité d’assurer la protection des
sujets humains qui participent à une expérimentation clinique et l’importance
de la correction scientifique du protocole de recherche sont à l’origine de
l’institutionnalisation de comités compétents. Il s’agit des comités éthiques
de recherche clinique et comités de bioéthique. Dans la littérature américaine,
les noms correspondants sont
Institutional Review Boards et Institutional
Ethics Committee qu’on appelle aussi Clinical
Ethics Committess.
La constitution, la reconnaissance
juridique et les fonctions de ces comités éthiques de recherche clinique
diffèrent d’un pays à l’autre. Tous cependant doivent respecter et veiller à
l’application des normes d’une bonne pratique clinique. Les décisions prises
par de tels comités ont force de loi. Leurs membres doivent être qualifiés pour
revoir les projets de recherche en évaluant tout d’abord si les données
scientifiques disponibles suffisent ; ils doivent également vérifier que
les expérimentations pharmacologiques et toxicologiques faites sur les animaux
offrent suffisamment de garanties pour les tenter sur l’être humain. Ils
s’assureront également que la personne
concernée par l’expérimentation a été correctement informée de sa portée et y
participe librement. En outre, ils vérifieront si l’objet de la recherche est
important ou non ; si l’expérimentation proposée correspond aux objectifs
prévus ; s’il existe une assurance pour couvrir les dommages éventuels que
pourrait entraîner, pour la personne concernée, une expérimentation clinique.
La participation à de tels comités
comporte une grande valeur pédagogique et est très enrichissante. Le dialogue
bioéthique acquiert toute sa portée pédagogique pendant la discussion des cas
concrets dans les comités d’éthique. De tels comités sont au départ déjà
formateurs parce qu’ils sont pluridisciplinaires, adoptent une méthodologie
d’information/formation, développent le respect mutuel, examinent des cas particulièrement
délicats, doivent trouver des solutions
quand des conflits de valeurs se présentent et
fixer des règles à appliquer dans des cas semblables.
La fonction d’enseignement est
particulièrement importante et tout d’abord envers ses propres membres. En
deuxième lieu, ces comités doivent programmer l’enseignement de la bioéthique
dans la province et ses différents centres et veiller à l’application de tels
programmes. Le dialogue
pluridisciplinaire constitue la méthode de travail nécessaire. La prise de
décision doit se faire par consensus éthique et pas uniquement par consensus
stratégique. Les consultants pour des cas concrets, médecins, infirmiers,
psychologues…, doivent être des membres « ad hoc » pendant les
délibérations pour que les décisions acquièrent une obligation morale. La
composition de ces comités est différente selon la typologie du centre :
hôpital, centre résidentiel ou centre socio-sanitaire.
Les comités d’éthique représentent en fin
de compte quelque chose d’aussi ancien que la consultation médicale collégiale
et quelque chose d’aussi récent que la reconnaissance d’un travail en
équipe et d’une médecine axée sur le malade reconnu comme agent moral
autonome qui ne perd pas ses droits parce qu’hospitalisé. Les comités qui
fonctionnent correctement peuvent être des instruments efficaces pour définir
la « lex artis » de l’hôpital avec toutes ses implications
juridiques.
Le comité doit préciser quel sera son
système de valeurs de référence en cas de conflits : inspiration
chrétienne ; droits de l’homme ; codes de déontologie
professionnelle, nationaux ou internationaux, etc. Le comité d’éthique
doit faire preuve de cohérence au
moment de prendre des décisions.
Il faut assurer le bon fonctionnement de
ces comités par le recours à différentes mesures dont la plus importante est le
comité pour résoudre les cas urgents.
A ce propos nous aimerions préciser
certains aspects. Il est important, à notre avis, d’analyser correctement les
conditions nécessaires avant de prendre une décision éthique : a) une
histoire clinique correcte ; b) la compétence professionnels pour la discussion
scientifique du cas clinique ; c) le contrôle de qualité.
Après avoir établi quel est le problème
clinique et les différentes possibilités de traitement, il faut examiner les
dimensions éthiques liées à la qualité de vie, du point de vue professionnel et
dans l’optique du malade et de sa famille dont il faut respecter les systèmes
de valeurs. Il faut tenir particulièrement compte des facteurs qui ne sont pas
cliniques, surtout ceux de nature économique et sociale si on prétend exercer
une médecine holistique.
Le consentement de tiers, quand le malade
est dans l’incapacité de l’exprimer, est un problème particulièrement délicat
en néonatologie, en psychiatrie, pour les malades dans le comas ou les handicapés mentaux, etc. Là où ces cas limites se présentent
fréquemment, la présence d’un comité éthique au service d’une médecine de
qualité, à la fois scientifique, technique et humaine, est
particulièrement bénéfique.
La formation pour résoudre les conflits
en matière de recherche et d’application clinique exige avant tout : 1)
des capacités et compétences professionnelles pour comprendre le problème posé
dans l’optique de celui qui y travaille ; 2) réfléchir sur sa propre
attitude éthique et sur les fondements de celle-ci. Il faut distinguer ici, le
fait en soi (attitude cohérente dans la vie quotidienne entre l’être et l’agir)
de sa conceptualisation éventuelle. Il faut pouvoir compter sur un programme de
formation anthropologique et d'éthique philosophique et/ou théologique. 3)
Méthodologie pour résoudre les conflits dans un climat de dialogue qui
n'exclut pas la confrontation.
Nous nous limitons ici à ce troisième
point. Les principes de bioéthique mentionnés précédemment constituent des
instruments pédagogiques utiles pour le dialogue au sein des comités d’éthique.
La solution des problèmes peut s’envisager au niveau d’une discussion des
principes qui se trouvent en conflit et de leur hiérarchie. Doit-on, par
exemple, donner la priorité au principe d’autonomie du patient ou à celui de la
recherche de son bien ? Cette solution peut également se baser sur
l’analyse de cas semblables. Nous estimons que cette dernière option est plus
appropriée dans les discussions de cas cliniques.
6.2.
Enseignement
6.2.1.
L’enseignement, une constante dans l’Ordre
L’enseignement dans l’Ordre remonte au
fondateur qui, avant d’enseigner, s’est
laissé former à Guadaloupe, lieu célèbre dans toute l’Espagne depuis
la fin du XVème siècle, pour la pratique de la médecine.
« Guadaloupe lui donne en même temps
une vision scientifique et caritative de la médecine. Il y fréquente l’école de
médecine, de haut niveau, assiste aux leçons
pratiques et théoriques données aux débutants, il y voit aussi des
instruments inconnus dans tous les autres hôpitaux d’Espagne. » (4)
Le premier disciple de saint Jean de
Dieu, Antoine Martin avait l’enseignement particulièrement à cœur. Il avait
l’intention de créer dans la ville de Madrid en 1553, une école pour
chirurgiens dans son hôpital de « l’amour de Dieu ». Son successeur,
Pierre Delgado réalisera son projet. (5)
« Cette école de chirurgie obtient
un grand succès et très rapidement y affluent ceux qui souhaitent passer leurs examens devant le tribunal de médecine
et être reçus médecins. L’Hôpital de la place Antoine Martin est le premier de
Madrid à offrir un enseignement et des spécialisations ». (6)
Tout au long de son expansion d’abord en
Espagne, Europe et en Amérique Latine
et ensuite sur les autres continents, l’Ordre n’a jamais oublié son intérêt
pédagogique. Il est vrai que son enseignement fut davantage oral qu’écrit, dans un langage clair, pratique et accessible à
tous. Il a également rédigé d’importants
manuels de spécialisation.
L’Ordre a concrétisé ce souci pédagogique
dans le passé et continue à le faire actuellement par la création de plusieurs
écoles de différents niveaux.
6.2.2.
L’enseignement, un impératif d’actualité
En 1956, l’Organisation Mondiale de la
Santé, l’OMS a défini l’hôpital comme étant, entre autres, « centre de formation du personnel médical et centre de
recherche ».
A partir de cette date, les lois
sanitaires des différents pays considèrent l’enseignement comme un
impératif : il n’y a pas de modèle d’assistance qui n’y consacre un espace
important. Enseigner ce qui se vit au
quotidien et le transmettre à la communauté par l’un des multiples moyens dont
nous disposons à l’heure actuelle, est une tâche aussi importante que celle de
guérir, prévenir et chercher.
L’enseignement au sein de structures
signifie chaque jour davantage une garantie de qualité. Si nous ne montrions
pas à la société ce que nous faisons dans le domaine de l’enseignement, nous
n’existerions pas avec la vitalité qu’on attend de nous. Il faut dès lors que
les centres prévoient une ligne budgétaire pour l’enseignement ; il faut en
outre se concerter avec les entités publiques ou privées pour demeurer fidèles à cette vocation
d’enseignement qui existe depuis les débuts de notre Institut.
Dans l’avenir, chaque centre devra
assumer une fonction d’enseignement. Elle confirmera notre raison d’être dans
la société, constituera un élément fondamental pour garantir la qualité de
notre service et témoignera de notre engagement d’enseigner à tous comment
repenser le bien de ceux qui souffrent.
6.3.
Recherche
6.3.1.
Communication de l’optique de l’Ordre
Pendant ses cinq siècles d’existence,
l’Ordre a contribué de nombreuses manières au bien de la santé et de la vie.
Jean de Dieu lui-même, obéissant au conseil du maître Jean d’Avila, a commencé
son « aventure hospitalière » en allant à Baeza et à Guadaloupe pour
se former. Certains prétendent que Jean d’Avila nourrissait une grande
curiosité scientifique et était parfaitement au courant de la qualité des
hôpitaux gérés par les frères de saint Jérôme à Guadaloupe ; il y envoie
Jean de Dieu comme pèlerin et comme apprenti pour y découvrir comment
fonctionne un hôpital. (7) De retour à Grenade, Jean de Dieu réalise son projet
de servir les malades en fondant deux hôpitaux d’avant garde. L’histoire le
reconnaît à juste titre comme fondateur de l’hôpital moderne.
Les frères et leurs collaborateurs,
fidèles à l’héritage dynamique de saint Jean de Dieu, ont perfectionné ses
méthodes au cours des siècles en accumulant des expériences et en augmentant
leurs connaissances. « On peut dire en général que l’évolution de l’Ordre
reflète l’évolution de la psychiatrie et de la neurologie » (8).
Ce sont les frères hospitaliers qui
organisent le premier hôpital pour épileptiques d’Europe. (9) Depuis les
premières fondations aussi, ils complètent leurs soins par des activités de
formation. C’est à partir du XXIème siècle que l’on parle des premières écoles
de chirurgie installées dans les hôpitaux de l’Ordre. (10) En outre, ils ont
créé des écoles de chimie, de pharmacie, de médecine et pour infirmiers ;
certaines ont été érigées plus
récemment et sont toujours en fonction.
Certains frères connus et d’autres qui
le sont moins ont été des médecins, des
chirurgiens, des dentistes, des infirmiers
exceptionnels et des exemples
montrant comment on peut unir le charisme hospitalier à la recherche
scientifique. (11)
L’Ordre existe depuis des siècles dans le
monde de la santé et celui des services sociaux et il doit donc favoriser sans
cesse l’amélioration de l’assistance grâce à une recherche ciblée. Sans
renoncer à aucun type de recherche en particulier, l’Ordre devrait la
privilégier dans le domaine de l’humanisation, de la bioéthique - dans ses
aspects cliniques, épidémiologiques, gestionnels et d’enseignement médical et infirmier -, de la pastorale; du
dialogue interreligieux dans la rencontre des pauvres et des nécessiteux; des valeurs de l’Institut en général etc.
L’approfondissement créatif du présent
document, la qualité des ressources humaines
dans chaque situation et les motivations des collaborateurs pour renforcer
la dimension novatrice dont l’Ordre a toujours fait preuve au long de son
histoire, indiqueront quelles pistes de travail sont les plus appropriées.
6.3.2.
Promotion de la recherche en vue du troisième millénaire.
Le progrès constant de la science et
l’intérêt du personnel de la santé pour son travail et pour l’expérimentation
imposent une promotion adéquate de la recherche. Tout progrès médical a été
précédé d’une grande recherche (théorie, travail en laboratoire,
expérimentation sur les animaux et sur l’homme). Cette recherche est
indispensable si nous voulons assurer une assistance intégrale.
Même si traditionnellement l’activité de
l’Ordre s’est orientée davantage vers les soins directs des malades et des
nécessiteux, face aux nouvelles situations sociales et sanitaires les centres
doivent faire entrer la recherche dans le cadre de leurs activités.
Depuis plusieurs années cela se réalise
déjà au bénéfice des patients ; en outre les collaborateurs sont
satisfaits car ils s’insèrent dans les circuits de la recherche internationale
et participent à ce progrès de la santé auquel toute la communauté scientifique
s’intéresse.
Les principaux moyens pour réaliser une
telle recherche sont : l’expérimentation clinique, les congrès auxquels
participent d’autres instituts de recherche, le travail en réseau avec des
programmes internationaux, les spécialisations de certains collaborateurs.
Pour mieux promouvoir la recherche, le
centre pourra constituer des associations dans le but d’organiser et de coordonner
le travail pluridisciplinaire en
faisant appel éventuellement à des experts qualifiés externes.
Un problème délicat demeure l’affectation
des ressources. Il ne s’agit pas de fonds soustraits au malade, mais au
contraire de fonds utilisés pour améliorer ses chances de guérison, même si les
résultats ne sont pas immédiats car parfois les ressources employées ne donnent
pas les résultats escomptés.
C’est pour cela que l’Ordre ne doit pas
se contenter de valoriser et
d’encourager la recherche expérimentale dans ses propres centres,
mais il doit la promouvoir auprès des organisations dont c’est le champ
d’action. Il faudra en tenir compte si la typologie du centre le permet, au
moment de signer des conventions avec le gouvernement dans le but d’obtenir une
ligne budgétaire, même modeste, pour les activités de recherche.
Questions
pour la réflexion sur la charte et pour
la
préparation au prochain chapitre général
1)
Quels
sont les programmes de formation, d’enseignement et de recherche qui existent
dans votre centre et votre province ? Faites une évaluation de leur mise
en œuvre et de leur efficacité.
2)
Quelles
devraient être les priorités de l’Ordre dans les domaines suivants:
-
formation
-
enseignement
-
recherche
Notes
au chapitre sixième
(1)
Concile
Vatican II, Nostra Aetate, 2s.
(2)
Cfr.
Jean-Paul II, Fides et Ratio, 1999,
chapitre 1.
(3)
Conseil
Pontifical pour le Dialogue Interreligieux et Congrégation pour
l’Evangélisation des Peuples : Dialogue
et Annonce, C.P.D.I. (1991) 210-250.
(4)
JAVIERRE,
José Maria, Juan de Dios, loco de
Granada, Sigueme, Salamanca, 1996.
(5)
PLUMED
MORENO C. « Jornadas Internationaces de enfermeria » San Juan de
Dios, 1992.
(6)
ALVAREZ
SIERRA, José Antòn Martin y el Madrid de
los Austrias, 1961.
(7)
JAVIERRE,
ibid. p. 413.
(8)
RUMBAUT,
Ruben D. John of God : his place in
the history of Psychiatry and Medicine,1978, ediciòn bilinguë
(Ing /Esp), p. 115.
(9)
ALVAREZ
SIERRA, José Influencia de San Juan de
Dios y de su Orden en el progresso de la Medicina y de la Cirugia, Talleres
Arges, Madrid, 1950, p.148.
(10) RUSSOTTO Gabriel OH. San Giovanni di Dio e il suo Ordine
Ospedaliero,Roma 1969, Deuxième Tome, p. 124.
(11) Gabriel Russotto, dans son histoire de l’Ordre, remplit 73 pages
de noms, accompagnés d’une documentation très riche. Parmi les personnalités
les plus connues comme médecins et chirurgiens il faut relever le Fr. Gabriele
Ferrara (Italie) , Fr. Alonso Pabon (Espagne), Fr. Bernardo Fyrtram (Autriche),
Fr. Ambrogio Guivebille (Autriche), P. Lazzaro Nöbel (Allemagne), Fr. Matias
del Carmen Verdugo (Chili), Fr. Michele Isla (Colombie), P. Probo Martini
(Allemagne, Tchéquie, Silésie), P. Bertando Schröder (Autriche), P. Norberto
Boccius (Hongrie, Rep. Tchèque), P. Manuel Chaparro (Chili), P. Ludovico
Perzima (Pologne), Fr. Eliseo Talochon (France), P. Odilone Wolf (Rép.
Tchèque), Fr. Giusto Sarmiento (Amérique), P. Fausto Gradischeg (Autriche), P.
Giovanni Luigi Portalupi (Italie), P. Benedetto Nappi (Italie), P. Celestino
Opitz (Rép. Tchèque), P. Prosdocimo Salerio (Italie), P. Celso Broglio
(Italie), P. Giovanni di Dio Sobel (Silésie), P. Francesco Salerio (Italie), P.
Francesco de Sales Whitaker (Irlande et Angleterre). La liste est close depuis
saint Richard Pampuri.
Parmi
les pharmaciens et botanistes les plus
fameux de l’histoire de l’Ordre, rappelons le P. Agostino Stromayer (Rép.
Tchèque), P. Innocenzo Monguzzi (Italie), P. Ottavio Ferraro (Italie), P.
Gallicano Bertazzi (Italie), P. Atanasio Pellicia (Italie) et P. Antonio Matia
dell’Orto (Italie).
Parmi
les dentistes deux noms sont particulièrement connus : Fr. Jean de Dieu
Pelizzoni (Italie) et P. Jean Baptiste Orsenigo (Italie); ce dernier est devenu
assez populaire à Rome.
En
Colombie, le Fr.Miguel de Isla (XVIIIème
siècle) fut médecin et professeur de médecine et restaurateur de la
faculté de médecine de l’université du Rosario. Au Chili, le Fr. Manuel
Chaparro introduit le vaccin, jamais utilisé jusqu’à ce jour et inconnu même en
Europe, pour contrôler une terrible épidémie de variole de 1765 à 1772.
Il
faut aussi rappeler qu’en 1821 le Fr. Ottavio Ferrario, pharmacien, a découvert
l’iodoforme, même si on attribue cette découverte à un français qui la
fit la même année. En 1822, le Fr. Ferrario fut la première personne en
Italie à extraire la quinine en isolant les constituants actifs du quinquina.
7
LA
DROITURE PERSONNELLE, FONDEMENT DE
NOTRE ACTION
7.1. La droiture comme projet existentiel.
7.1.1. Vivre harmonieusement les valeurs qui forment
la personne.
Par droiture personnelle nous entendons
la qualité morale de la personne dont l’agir est en harmonie avec les principes
et les valeurs spirituelles qu’elle professe. « Operari sequitur esse » (l’agir suit l’être) Cette
droiture exige un coeur entier, la correction dans l’action et la fidélité au
milieu des épreuves et des difficultés. En dernière instance il faut ajouter
que l’homme droit est celui qui vit conformément au commandement d’amour du
Christ : “ aimez-vous les uns les autres comme moi je vous ai
aimés ”.
L’unité d’esprit et de coeur, de
cohérence entre la pensée et l’action exige un processus plus ou moins long de
maturation humaine, psychologique et spirituelle qui diffère d’un individu à
l’autre et dépend de leur volonté de servir et de répondre avec générosité.
Vivre harmonieusement l’action et l’union
avec Dieu, selon le charisme de saint Jean de Dieu est une tâche qui exige
l’attention de toute une vie.
Si
notre action ne vise que l’utilité sociale et l’efficacité et oublie la
dimension du témoignage de l’amour du Christ selon le charisme de saint Jean de
Dieu, nous ne respectons pas notre
projet existentiel car nous portons atteinte à notre droiture, et nos œuvres
n’auront pas la force évangélisatrice qu’elles devraient avoir. Si la personne
est droite, elle l’est pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle dit ou fait.
7.1.2
.L’homme, témoin de la transcendance et de l’amour.
La vocation de l’homme est la vie
divine : “ irrequietum est cor
nostrum donec requiescat in Te ”, (notre
coeur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en Toi).Suivre Jésus Christ,
plénitude de la révélation de Dieu, est le cheminement de l’homme vers la
plénitude de son épanouissement. Suivre Jésus selon le style de saint Jean de
Dieu en s’identifiant avec les plus pauvres et les plus démunis est le modèle
par excellence de l’Ordre hospitalier.
Se donner inconditionnellement aux autres
comme signe de l’amour de Dieu exige un certain degré de maturité humaine et
spirituelle : l’expérience intime de Dieu, se savoir aimé par Dieu et se
connaître et s’accepter comme on est
sont des conditions nécessaires pour
atteindre un niveau d’identité, de confiance et de liberté indispensables pour l’apostolat. La prière
est nécessaire pour vitaliser, unifier et intégrer la vie spirituelle dans les
activités quotidiennes.
L’expérience de la miséricorde de Dieu
pour nous et de son amour
inconditionnel nous indique de quelle manière nous devons entrer en relation
avec les malheureux et les aider à construire leur vie, apprécier leur dignité
et leur révéler qu’eux aussi sont
capables d’aimer. L’expérience de l’amour inconditionnel aide une personne à
découvrir sa vocation d’enfant de Dieu.
En
révélant à l’homme sa qualité
d’être libre, appelé à entrer en
communion avec Dieu, l’évangile lui dévoile l’ampleur de cette liberté :
libération de tout esclavage, libération du péché, libération pour proclamer
l’évangile, libération pour grandir en liberté selon l’Esprit.
7.2. La conscience comme moteur de notre action
« Au fond de sa conscience, l’homme
découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à
laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et
d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans
l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela ». Car c’est
une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme; sa dignité est de lui obéir, et
c’est elle qui le jugera. » (1)
« La dignité de la personne implique
et exige la rectitude de la conscience morale. La conscience morale comprend la
perception des principes de la moralité (syndérèse), leur application dans les
circonstances données par un discernement pratique des raisons et des biens,
et, en conclusion, le jugement porté sur les actes concrets à poser ou déjà
posés. La vérité sur le bien moral, déclarée dans la loi de la raison, est reconnue
pratiquement et concrètement par le jugement prudent de la conscience. On
appelle prudent l’homme qui choisit conformément à ce jugement. »(2)
« L’homme a le droit d’agir en
conscience et en liberté afin de prendre personnellement les décisions morales.
L’homme ne doit pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit
pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience, surtout en matière
religieuse. »(3)
« Dans la formation de la
conscience, la Parole de Dieu est la lumière sur notre route; il nous faut
l’assimiler dans la foi et la prière, et la mettre en pratique. Il nous faut
encore examiner notre conscience au regard de la Croix du Seigneur. Nous sommes
assistés des dons de l’Esprit Saint, aidés par le témoignage ou les conseils d’autrui
et guidés par l’enseignement autorisé de l’Eglise.”
La réflexion personnelle et
communautaire, dont une des manifestations sont les comités d’éthique, peut
apporter des lumières quand il faut affronter des problèmes difficiles dont les cas concrets ne sont pas contemplés
dans les normes éthiques du Magistère. Compétence professionnelle, docilité et
respect du Magistère, esprit de dialogue sont les exigences essentielles pour
discerner la manière de se comporter dans des cas particulièrement délicats où
il est nécessaire d’établir une hiérarchie des valeurs en conflit.
Etant donné que les problèmes éthiques les plus importants du droit
naturel ne trouvent pas une réponse explicite dans la bible, il faut insister
davantage sur des fondements convaincants et rationnels qui ne se basent pas
uniquement sur l’autorité : Sans cette condition il sera toujours
plus difficile pour l’homme d’aujourd’hui, conscient de son autonomie et de sa
responsabilité, d’exprimer librement
son consentement.
7.3.
Conscience et droiture morale.
7.3.1. Le service du malade et du nécessiteux comme
“ conditio sine qua non ”
Le terme “ serviteur ” utilisé
dans les premières communautés ecclésiales formalise et définit la condition du
croyant qui, par amour, se met au service de ses frères. Cette attitude est
encore plus évidente dans l’attention de la communauté ecclésiale envers les malades et les nécessiteux.
Des témoignages du passé (serment d’Asaph, prière de Maimonide, etc) avaient
souligné l’engagement éthique du service du soignant et la notion même d’un
ministère socio-sanitaire, commun à de nombreuses idéologies et cultures.
Toutefois, pour le christianisme cette idée acquiert une importance
particulière en référence au ministère du Christ, “ diacre ” du Père
pour les hommes, serviteur de Dieu pour être serviteur des frères. Ce n’est pas
par hasard que Polycarpe (à la fin du Ier siècle) l’appellera “ diacre et
serviteur de tous ”.
C’est pour cela que dans l’Ordre, qui
fait de l’hospitalité son charisme spécifique, la dimension du service est
absolument obligatoire et exprime la
raison d’être de ses œuvres et l’attitude intérieure des collaborateurs les
plus engagés.
Dans une telle perspective on peut
inscrire une différentiation entre les vocations où la pluralité devient motif
de richesse charismatique et où les
différents états de vie et de milieux de travail deviennent des occasions
d’engagements ministériels. Là où l’engagement professionnel et ecclésial sont
directement liés aux réponses existentielles d’autrui, comme c’est le cas pour
l’Ordre, le service devient une ligne maîtresse qui guide toute son action.
7.3.2.
Niveaux d’engagement personnel dans la mission de l’Ordre.
7.3.2.1.
Les frères. Ils constituent, comme c’est normal, les
personnes les plus radicalement engagées en vertu de leur profession
religieuse. Ce terme (profession) n’est
pas par hasard identique à celui qui désigne une activité de travail. Les deux
situations sont caractérisées par trois éléments : la foi, déclarée
ouvertement et formellement dans la réalité existentielle que l’on embrasse;
l’appartenance à un groupe social particulier et qui fait de cette réalité sa
raison d’être; l’engagement à manifester dans sa vie la réalité professée.
La première dimension concerne le domaine
de l’intellect et se réalise, si on peut s’exprimer de la sorte, en
“ croyant dans l’hospitalité ”. On ne peut vivre ni agir selon le style de saint Jean de Dieu, c’est-à-dire
en incarnant concrètement le charisme de l’hospitalité, si on ne croit pas dans
cette hospitalité. Il s’agit de renouveler un témoignage qui jaillit des
profondeurs de sa vocation, en se
renouvelant chaque jour et en reformulant
quotidiennement son “ oui ” à l’hospitalité.
La deuxième perspective, concerne le domaine relationnel, c’est-à-dire
le sens d’appartenance et plus concrètement la dimension communautaire de sa
vie. Celle-ci est avant tout le miroir d’une vocation. Tout en n’éliminant pas
la dimension personnelle d’un Dieu
qui “ nous appelle par notre nom ”, la réponse à cette vocation
se vit dans une communauté ; en outre, celle-ci se réalise au niveau de l’être au sein de
l’Ordre et dans la vie fraternelle et
l’engagement hospitalier au niveau de l’agir.
Enfin la perspective de la volonté qui se
manifeste dans la profession des vœux. A ce propos il est nécessaire de
souligner une fois de plus leur dimension oblative plus qu’ascétique; il faut
les voir davantage dans leur réalité de “ don ” plus que de
“ renonciation ”. Dans une telle optique, leur sens peut acquérir
valeur d’exemple même pour les collaborateurs qui y trouvent une dimension de communion capable de dépasser le simple fait de
travailler ensemble. Le frère pourra ainsi partager avec le laïc l’obéissance
comme adhésion aux circonstances existentielles dont la trame peut révéler la
volonté de Dieu; la pauvreté comme don de ses richesses intérieures, de son
temps, de son intelligence, de son cœur; la chasteté comme offrande de sa
corporalité et de ses richesses propres ; l’hospitalité comme expression
d’accueil et de service envers les blessés de
la vie.
7.3.2.2.
Les collaborateurs laïcs.
Dans cette catégorie nous pouvons inclure tous ceux qui travaillent dans les
maisons de l’Ordre ou participent comme “ externes ” aux initiatives
promues par l’Ordre et en réalisent les finalités. “Les niveaux de cette
participation sont évidemment différents. Il y a des personnes qui se sentent
particulièrement liées à l’Ordre par des liens spirituels; d’autres, parce
qu’ils participent à sa mission. Ce qui compte c’est que le don de
l’hospitalité reçu par saint Jean de Dieu instaure entre les frères et
leurs collaborateurs un lien de communion qui les encourage à approfondir leur
vocation chrétienne et à être pour les pauvres et les nécessiteux un signe
visible de l’amour miséricordieux du Père pour les hommes »(4)
Quelle que soit leur foi, les
collaborateurs de nos centres contribuent à réaliser l’objectif de l’œuvre et participent ainsi à sa mission. Ils
instaurent avec l’Ordre un rapport qui
se base essentiellement sur le travail car ils sont les artisans de l’œuvre réalisée par l’Ordre pour le bien de la
collectivité. Par leur nombre et leur
travail ils offrent une contribution significative aux œuvres de l’Ordre, même
s’ils ne souhaitent pas un partage charismatique plus profond parce que cela ne
correspond pas à leurs convictions. Dans le respect de leurs choix et sans
aucunement forcer les consciences, il faudra cependant leur fournir tous les
instruments pour qu’ils puissent suivre un cheminement qui, en temps voulu, pourra
les porter à assumer librement un engagement
plus direct dans la mission de
l’Ordre.
Les collaborateurs plus sensibles et plus
engagés qui veulent partager pleinement la mission de l’Ordre peuvent se
considérer comme participant au
charisme de saint Jean de Dieu comme les frères. Dans un tel contexte,ils
pourront former des associations reconnues par l’Eglise qui expriment dans le
style de vie séculière le témoignage du charisme hospitalier et qui contribuent
à réaliser et à revitaliser la mission
de l’Ordre. Dans cette perspective, la collaboration entre les frères et les
laïcs n’est plus un fait occasionnel et
spontané mais se transforme en une authentique intégration.
Il s’agit d’une perspective fortement
perçue dans l’Eglise universelle: «Aujourd’hui, beaucoup d’Instituts, souvent
en raison de situations nouvelles, sont parvenus à la conviction que leur
charisme peut être partagé avec les laïcs, qui, par conséquent, sont invités à
participer de façon plus intense à la spiritualité et à la mission de
l’Institut lui-même. On peut dire que, dans le sillage des expériences
historiques comme celles des divers Ordres séculiers ou Tiers-Ordres, un
nouveau chapitre, riche d’espérance, s’ouvre dans l’histoire des relations
entre les personnes consacrées et le laïcat. »(5)
Questions
pour la réflexion sur cette charte et pour la
préparation
au prochain Chapitre Général
1)
Quelles
ressources utilisez-vous pour promouvoir cette droiture dont il est question
dans ce chapitre?
2)
Que
faudrait-il faire d’autre ?
Notes
au septième chapitre
(1)
Concile
Vatican II, Gaudium et Spes, 16
(2)
Catéchisme de l’Eglise Catholique, n. 1780
(3)
Ibid.n. 1782
(4)
Curie
Générale, Frères de saint Jean de Dieu et
collaborateurs, ensemble pour servir et promouvoir la vie. 116
(5)
Jean-Paul
II, Vita consecrata, 1997, 54
8.
CREER
L’AVENIR AVEC ESPEREANCE
8.1.
Les défis du moment présent
Dans notre réflexion sur l’avenir, et,
plus précisément sur le rapport qui existe entre la créativité et la
temporalité, nous devons tenir compte et surmonter une difficulté :le
temps qui fait l’objet de notre analyse n’est pas un espace mental abstrait et
éloigné, mais une composante de notre présent.
C’est le moment présent qui prépare
l’avenir avec toutes les valeurs que comporte notre témoignage. L’engagement et
le témoignage ne doivent pas se
transférer dans un avenir hypothétique qui nous dispenserait sans cesse d’assumer nos responsabilités
actuelles et futures.
Nous devons nous préparer au troisième
millénaire avec une attitude courageuse et prophétique pour assumer des
nouveaux rôles et donner de nouveaux témoignages.(1) Dans le monde de l’hospitalité, l’espérance en tant qu’annonce du
salut, projette un avenir possible à condition de créer des structures de santé
qui accueillent l’homme souffrant d’aujourd’hui. Créer veut dire commencer et
promouvoir des processus capables de féconder le temps pour produire des
initiatives fidèles à la volonté de Dieu et aux signes qui la manifestent.
Créer, dans le monde de l’hospitalité,
signifie engendrer et témoigner sans cesse un amour vivant, agissant,
constructif pour soutenir les blessés de la vie. S’arrêter pour projeter et penser l’avenir
sans INNOVER risque d’exclure l’Ordre
de l’histoire.
Le changement d’époque que nous sommes en
train de vivre nous impose d’évaluer et donc de choisir et de trouver des
réponses concrètes les plus appropriées possible qui tiennent compte du
pluralisme culturel croissant, du mouvement de défense des droits de l’homme,
du vieillissement de la population, de la diffusion des pauvretés, anciennes et
nouvelles, du désir de paix et de la réduction des ressources économiques
disponibles pour la défense de l’état providence.
Comme on peut le lire dans ce document,
le dialogue bioéthique s’impose en tant que paramètre pour une action
religieuse et professionnelle correcte, car il offre un point de vue plus
universel pour guider nos comportements et nos choix qui veulent toujours
promouvoir l’humanité de la personne.
L’homme, comme l’a témoigné saint Jean de
Dieu, n’est pas un objet quelconque dans le paysage, mais un être original et
unique. (2).
Pour comprendre quel devra être notre
témoignage d’hospitaliers dans
l’avenir, nous devons examiner plus à
fond les exigences de l’homme nécessiteux en reliant l’éthique et la spiritualité
à une anthropologie cohérente.
Aujourd’hui, les frères et leurs
collaborateurs doivent être des prophètes d’espérance, des prophètes de la
dignité des blessés de la vie, des prophètes de l’amour, que la technique et
les lois du marché, présents également dans le monde de la santé et de
l’assistance, étouffent.
Dans le passé, très souvent nous avons
anticipé ou remplacé l’état.
Aujourd’hui nous devons collaborer avec lui et imprégner les structures du
marché, de la culture et de l’esprit de saint Jean de Dieu pour défendre les
pauvres, les personnes âgées et les malades chroniques. L’Ordre doit traduire le magistère social de
l’Eglise avec l’aide d’experts compétents, respectueux de la créativité, de
l’amour et de la spiritualité même de
l’Ordre.
Tout cela nous portera à réexaminer la
présence de l’Ordre dans certaines œuvres spécifiques mais permettra peut-être
aussi une refondation à l’aube de ce nouveau millénaire.
Créer l’avenir, signifie se mêler à
l’humanité, comme le levain dans la
pâte en renonçant à demeurer des spectateurs muets à l’abri de nos fenêtres et
de nos murs où nous nous leurrons d’englober le monde entier.
Envoyés à évangéliser le monde de la
santé, nous annonçons aux pauvres que le salut est au milieu de nous et se
manifeste en accueillant le Christ dans nos frères. Toute action d’hospitalité
est un signe d’espérance pour atteindre la santé authentique.
8.2.
La force prophétique de l’hospitalité
Pour vivre dans la nouvelle hospitalité
nous devons repenser notre présence dans le monde de la santé en mutation, en
entrant dans un mouvement vertigineux qui risque de nous détruire si nous ne
définissons pas clairement nos projets et nos stratégies. Il ne s’agit pas de
sauver des œuvres mais de permettre d’annoncer l’Évangile en pratiquant le
charisme de l’hospitalité comme service rendu à Dieu dans la personne des
nécessiteux. Après avoir tant entendu parler du changement, nous sommes invités
aujourd’hui à franchir une étape supplémentaire et à aller au-delà. Nous devons
commencer un processus destiné à nous réinventer et à réinventer l’hospitalité.
Attendre ou vouloir être parfaits dans ce
processus de changement, signifie que
nous ne sommes pas à l’écoute de Dieu qui pense aussi notre histoire
personnelle et pas seulement celle de nos œuvres. Le temps, l’avenir ne nous
seront pas favorables si nous n’avons pas le courage de vivre notre aujourd’hui
avec plénitude.
La force prophétique en effet, ne
s’exprime pas simplement dans la capacité d’interpréter les signes des temps,
mais également et surtout dans la
capacité de dépasser le moment présent et de savoir lire l’avenir avec le
regard de Dieu.
« …Même si le
renouvellement n’a pas été rayé du lexique de l’Ordre et de ses projets et même
s’il est souhaité et recherché par les individus et les communautés, il faut
cependant insister avec plus de force sur sa nécessité et sur les moyens pour le réaliser. »(3)
Réfléchir sur le renouvellement avec un
esprit prophétique nous fait penser à beaucoup de choses pour lesquelles il faudrait
faire un authentique discernement. Renouveler l’hospitalité signifie offrir des
services de qualité, évaluer correctement les ressources économiques,
considérer les exigences de la justice sociale, soigner la formation des frères
et celle de leurs collaborateurs, adapter les structures administratives.
Un vrai effort pour une formation d’un
type nouveau pour les frères et leurs collaborateurs est une priorité. On ne
peut plus de nos jours avoir une formation « provinciale », il faut
une formation d’envergure mondiale. Il est donc indispensable de valoriser
les expériences des différentes provinces de l’Ordre, par
des échanges culturels et pastoraux, tant pour les religieux que pour les
collaborateurs laïcs, pour retrouver un nouvel élan, un nouvel enthousiasme,
capables d’inspirer une nouvelle évangélisation et une nouvelle hospitalité.
Tout cela ne peut suffire pour arriver à
un mouvement novateur durable. Nous ne devons donc pas nous limiter à corriger
les situations. Nous devons plutôt, inspirés par un authentique amour pour
notre service charismatique, aller à la racine des problèmes, remettre en
discussion ce qui nous coûte davantage, c’est-à-dire nous-mêmes, en tant que
personnes, en tant que religieux ou laïcs hospitaliers; revoir notre mentalité
et la manière dont nous concevons notre communauté et nos centres.
Nous devons construire un nouveau tissu
communautaire où notre rôle de « propriétaires » des œuvres
s’équilibre avec celui « d’animateurs ».
Il faut s’ouvrir à un partage plus
convaincu et cohérent avec ceux qui souhaitent s’unir à nous par des liens plus
forts que ceux de la simple collaboration.
Se renouveler, inventer un nouveau mode
de présence dans le monde de la santé exige
un nouveau projet et des nouvelles structures culturelles, visibles et
invisibles. Nous devons penser à une transformation qui permet de conserver
dans le temps les progrès réalisés, quelles que soient les contextes
économiques et sociaux.(4)
Le but de notre vie de frère de saint Jean de Dieu est de rendre
présent, dans notre apostolat de charité, le Christ qui nous invite à engager
notre existence dans l’évangélisation des pauvres et des malades (5)
A la lumière de la nouvelle évangélisation, l’Eglise nous
invite aujourd’hui à vérifier :
·
si
notre apostolat a un véritable pouvoir évangélisateur;
·
dans
quelle mesure nos communauté sont
conscientes de leur rôle évangélisateur;
·
jusqu’à
quel point chaque frère perçoit et apprécie qu’il doit être un témoin de
l’Evangile;
·
dans
quelle mesure nous savons être des animateurs motivés, enracinés dans
l’Evangile, attentifs aux sciences humaines et conscients des exigences
administratives;
·
dans
quelle mesure nous avons réussi à harmoniser la dimension apostolique et la
dimension contemplative de notre vie.
Il me semble important de redécouvrir la
joie qui habite le prophète, ravi d’avoir découvert le sens de sa
vocation : « Tu m’as séduit, oh Seigneur, et moi je me suis laissé
séduire !»
Participer ensemble à la gestion, au témoignage, à la mission ou
à la spiritualité est indispensable pour réaliser le ministère de guérison et
de salut que nous annonçons à l’humanité souffrante.
Nous devons nous convaincre que la
participation engage les personnes et exige la révision du système hiérarchique
qui, souvent, conditionne les relations
entre les laïcs et les religieux et
entre les religieux eux-mêmes.
La participation doit tracer un itinéraire qui englobe des aspects
culturels et de communication, des questions d’organisation et préparer à des
relations plus modernes entre l’hôpital-entreprise et la communauté
hospitalière.
Ceci requiert que nous nous interrogions
sans cesse sur les problèmes concrets comme celui de l’efficacité, du meilleur
usage des structures techniques, de la
qualité du travail et des services, et sur notre capacité de donner la priorité
au malade. Sans cesse nous nous
efforcerons de créer un milieu de travail satisfaisant dont le malade sera
toujours le centre.
La participation peut accroître la
satisfaction des personnels de la santé et des usagers si celle-ci est étayée
par un développement professionnel approprié, un système de rémunération plus
proche des modalités de participation et par une attention à la formation
spirituelle de tous les fidèles au charisme de l’hospitalité.
Mais en outre, et sur un autre plan, la participation exige
une meilleure communication interactive..
8.3.
Vitalité humaine et divine du charisme de l’hospitalité.
Seul l’homme enraciné dans la confiance
en Dieu, Père, pourra relever les défis
auxquels nous devrons face dans l’avenir et maintenir les acquis éventuels. On
peut investir dans tous les domaines, mais si les hommes ne sont pas à la
hauteur, il n’y a rien à faire. En répondant à l’appel de Dieu, nous mettons
tout notre être, toutes nos ressources au service de l’humanité.
C’est dans cette optique que le charisme
de l’hospitalité se transforme, par notre intermédiaire, en grâce pour ceux qui souffrent et nous engage à
devenir des guides. Ceci exige de notre part, une grande cohérence entre notre
vécu au quotidien, nos engagements professionnels et notre action
évangélisatrice.
Enracinés dans la foi dans le Christ, homme-Dieu, sauveur de
l’homme, nous devons faire respecter la dignité de la personne de même que la
dimension transcendantale de la vie de chaque
être humain.
C’est à ce niveau que se situe la
dimension spirituelle, plus directement théologique de notre charisme. La
vitalité humaine du charisme, le visible de notre style, doit être une manifestation
de l’invisible, de notre lien avec Dieu. La manière dont
nous reconnaissons Dieu et « le sens » de sa fonction dans
l’histoire, la nature, l’existence des hommes marque la place et le rôle que
nous Lui donnons dans notre vie personnelle…
Le modèle d’action apostolique que nous
devons formuler et réaliser doit trouver son fondement dans la théologie du
service. En effet, si notre vocation est de soulager les souffrances, nous
devons préciser la manière dont nous la concevons comme un service rendu à
Dieu. En effet, il est écrit :
« Quand le Fils de l’homme viendra
dans sa gloire, accompagné de tous les anges, il siégera sur son trône
glorieux. …Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez les
bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé dès
l’origine du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai
eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez
accueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez
visité ; j’ai été en prison, et vous êtes venu me voir. Alors les justes
lui répondront : Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu avoir faim et
que nous t’avons donner à manger ; ou avoir soif et que nous t’avons donné
à boire ?…Quand est-ce que nous t’avons vu malade ou en prison et que nous
sommes venus te voir ? Et le Roi leur répondra : vraiment, je vous le
dis, autant de fois que vous l’avez fait au moindre de mes frères que voici,
c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25, 31-40)
Ce qui semblait très instinctivement
proche de la mentalité de l’Eglise primitive, qui a produit le texte des
évangiles, l’esprit de communion et du témoignage vivant , sont bien plus
difficiles à réaliser à notre époque.
Notre vision du monde, la culture moderne
nous ont portés à exclure des choses terrestres la dépendance vitale par
rapport à Dieu et au transcendant.
Il est donc nécessaire de revoir nos
modes de pensée et d’action pour transformer notre existence, et devenir non
seulement des paroles transparentes mais des témoins vivants de l’amour
miséricordieux.(6)
Il devient donc indispensable d’élaborer
un modèle efficace de théologie du service.
Le concept du service est au centre de la
tradition chrétienne.
Dans l’immense complexité de la société
contemporaine, la recherche d’un modèle de théologie du service doit se faire
en prenant du recul par rapport aux habitudes doctrinales, comme si nous
devions faire un saut périlleux pour inventer quelque chose de nouveau. Nous
sommes appelés à repenser la relation fondamentale et toujours nouvelle qui
existe entre la foi chrétienne et les formes de service religieux, politique ou
intellectuel rendues au monde par les chrétiens.
Il faut un courage nouveau pour risquer
cette double ouverture qui englobe en en seul mouvement Dieu, celui qui est
totalement autre, et l’homme tout à fait semblable à nous. Une théologie donc
axée sur l’hospitalité de Dieu pour l’homme et celle de l’homme pour l’homme.
Notre service, qui inspire l’action mais
ne peut s’épuiser dans celle-ci, doit s’inscrire dans cette ouverture
difficile..
Les malades et les malheureux se
transforment ainsi en source de vie parce que nous croyons en Dieu.
Créer un espace pour l’autre, exercer le
charisme de l’hospitalité signifie d’une certaine façon céder la place à
l’autre et le faire vivre avec nous et en nous.
Traduire en actes ces principes
révolutionnerait le sens de notre présence ; nous offririons un témoignage
qui pourrait fasciner les jeunes de notre époque et donnerait à nos centres les caractéristiques que notre fondateur
voulait pour son hôpital.
Attitude de simple disponibilité mais
également de lutte pour simplement trouver « une place »pour les
autres ; dans notre prière, nos paroles, l’exercice de notre profession,
l’accueil, l’assistance et l’accompagnement des blessés de la vie.
L’hospitalité devient ainsi le lieu
théologique où Dieu nous accueille de toute éternité ; le lieu qui inspire les gestes pour Le faire
accueillir par les hommes et Le rendre présent au monde.
Questions
pour la réflexion sur la charte et pour
la
préparation au prochain Chapitre Général
1) Quels sont les signes qui nous font envisager l’avenir avec crainte ?
2) Quels sont les signes qui nous font envisager l’avenir avec
espoir ?
Notes
au Chapitre Huit
(1)
Nous
trouvons une première piste dans le document :L’Hospitalité de l’Ordre de saint Jean de Dieu en vue de l’an 2000,
présenté aux frères en avril 1987.
(2)
Cfr.
2ème Lettre de saint Jean de Dieu à la Duchesse de Sessa.
(3)
LXIIIème
Chapitre Général La Nouvelle
Evangélisation et l’Hospitalité au Seuil du Troisième Millénaire, Bogota
1994, n.3.3. dernier paragraphe.
(4)
Tout
le poids de cette proposition est mieux expliqué dans la page finale du
document La Nouvelle Evangélisation et
l’Hospitalité au Seuil du Troisième Millénaire, op. cit. 5,6.
(5)
Cfr.
Constitutions n. 41
(6)
Cfr.
Constitutions n. 2
(7)
Jean-Paul
II, Redemptor Hominis, 1979. Voir
également sur ce point Vita Consecrata
n.73
CHARTE
DE
L’ORDRE HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU
L’assistance
aux malades et aux nécessiteux
selon
le style de saint Jean de Dieu
Table des matières
1.
PRINCIPES,
CHARISME ET MISSION DE L’ORDRE
HOSPITALIER DE SAINT JEAN DE DIEU 3
1.1.
Projeter l’avenir en fonction de nos principes 3
1.2.
Le charisme de l’Ordre 5
1.3.
La mission de l’Ordre 6
2. FONDEMENTS BIBLIQUES ET THEOLOGIQUES DE L’HOSPITALITE
2.1. L’approche philosophique et
religieuse de la souffrance 8
2.1.1. L’homme face à la douleur 9
2.1.2. La
souffrance et ceux qui souffrent dans le christianisme 10
2.1.3. Le
message de libération de l’évangile. 11
2.2. L’hospitalité dans l’Ancien
Testament 12
2.2.1. Le Dieu Hospitalité 12
2.2.2. Le
concept d’hospitalité 13
2.2.3. Les
motivations de l’hospitalité 14
2.2.4. Les
références principales 15
2.2.5.
L’hospitalité institutionnelle 16
2.3. L’hospitalité dans le Nouveau
Testament
2.3.1. La perspective évangélique 16
2.3.2. La
philoxénie 18
2.3.3.
Hospitalité et évangélisation 18
2.3.4. Le
bon Samaritain 19
3. LE CHARISME DE L’HOSPITALITE CHEZ
SAINT JEAN DE DIEU ET DANS L’ORDRE HOSPITALIER 21
3.1. Le charisme de
l’hospitalité chez saint Jean de Dieu 21
3.1.1. Hospitalité miséricordieuse 21
3.1.2.
Hospitalité de solidarité 22
3.1.3.
Hospitalité de communion 23
3.1.4.
Hospitalité créatrice 23
3.1.5.
Hospitalité intégrale 24
3.1.6.
Hospitalité de réconciliation 24
3.1.7.
Hospitalité génératrice de bénévolat et de collaboration 26
3.1.8.
Hospitalité prophétique 26
3.2.L’Hospitalité au cours de l’histoire 27
3.2.1.
L’hospitalité à partir des premiers collaborateurs
et au cours des siècles 27
3.2.2.
Présence actuelle 28
3.2.3.
Nouvelles formes de présence 30
4. PRINCIPES SUR LESQUELS SE BASE NOTRE HOSPITALITE 36
4.1. Dignité de la personne 36
4.1.1. Le respect de la dignité de
la personne
comme une caractéristique essentielle d’une attitude authentiquement chrétienne.
4..1.2. Ce
respect doit être universel 36
4.1.3. Attitude intérieure nécessaire
pour mieux accueillir
les malades et les nécessiteux. 37
4.2.
Respect de la vie humaine 37
4.2.1. La
vie comme bien fondamental de la personne est la condition préliminaire pour jouir des autres
biens. 37
4.2.3.
Promouvoir la vie en collaborant à la
mise en œuvre de conditions pour surmonter la misère, la faim et la maladie. 38
4.2.4.
Obligations et limites pour conserver sa vie. 39
4.2.5. Le devoir de ne pas attenter à la
vie d’autrui 39
4.2.6. Nos
devoirs face aux ressources de la biosphère 40
4.3. Promotion de la santé et lutte contre
la douleur
et la souffrance 40
4.3.1. Le
devoir de promouvoir la santé de la population 40
4.3.2. Le devoir éthique de défendre le
bien du malade. 40
4.3.3. Se
mettre du côté des pauvres et des blessés de la vie
comme un impératif évangélique de justice. 41
4.3.4.
Traitement correct du malade face à
l’acharnement thérapeutique. 41 4.3.5.
Soins palliatifs. 41
4.4. L’efficacité et la bonne
gestion. 41
4.4.1. Le
devoir de conscientiser la population à ne pas
considérer le budget santé comme un
gaspillage économique 41
4.4.2.
Administration et gestion efficace des ressources 42
4.4.3. .
L’institution hospitalière doit viser à ce que
toute
la personne recouvre la santé. 42
4.4.4.
Investir pour créer un climat humain et humanisant
propice à la rentabilité des
ressources. 42
4.4.5.
Droits et devoirs des travailleurs. 42
4.5. Nouvelle hospitalité et nouvelles
exigences:
le
Tiers monde et le Quart monde. 42
4.5.1. Solidarité et coopération. 43
4.5.2.Droits
et devoirs de ceux qui travaillent dans les
centres de saint Jean de Dieu. 44
4.5.3.
Fondements du bénévolat: gratuité et identification. 45
4.6. Evangélisation, inculturation
et mission. 46
4.5.1. Vision globale 46
4.5.2.
Evangélisation, inculturation et mission de l’Ordre. 46
5. APPLICATION A DES SITUATIONS CONCRETES 51
5.1. Assistance
intégrale et droits du malade 51
5.1.1. La relation avec le malade;
le nécessiteux et leurs proches. 51
5.1.1.1. Ouverture 52
5.1.1.2. Accueil 52
5.1.1.3. Capacité d’écoute 52
5.1.1.4. Aptitude au service 52
5.1.1.5. Simplicité 52
5.1.2. Droits du malade 52
5.1.2.1. Discrétion 53
5.1.2.2. Vérité 54
5.1.2.3. Autonomie 56
5.1.2.4. Liberté de conscience 57
5.1.3. Programmes d’humanisation et
de pastorale 58
5.1.3.1. Programmes d’humanisation 58
5.1.3.2. Pastorale socio-sanitaire 59
5.2. Problèmes
auxquels nous devons faire face dans notre service. 60
5.2.1. Sexualité et procréation 60
5.2.1.1. Procréation responsable 61
5.2.1.2. Interruption de grossesse 61
5.2.1.3. Reproduction médicalement
assistée 61
5.2.2. Donation et transplantation
d’organes 62
5.2.2.1. Typologies des greffes 62
5.2.2.2. La mort cérébrale 63
5.2.2.3. Utilisation des tissus
embryonnaires et fœtaux 63
5.2.3. Malades chroniques et en
phase terminale 64
5.2.3.1. Euthanasie 64
5.2.3.2. Directives anticipées 64
5.2.3.3. Soins appropriés et
acharnement thérapeutique 65
5.2.3.4. Soins palliatifs 65
5.2.4. Problèmes liés à la recherche
sur sujets humains 66
5.2.4.1. Expérimentation clinique 66
5.2.4.2. Recherche sur les personnes
incapables et
sur les groupes
vulnérables 67
5.2.4.3. Fœtus et embryons 67
5.2.4.4. Comités de
bioéthique 68
5.2.5. Problèmes éthiques en matière
de médecine prédictive 69
5.2.5.1. La communication du
diagnostic 69
5.2.5.2. Patrimoine génétique et
protection du secret 69
5.2.6. Problèmes éthiques dans les
cas de marginalisation 70
5.2.6.1. Toxicomanes 70
5.2.6.2. Malades du Sida 71
5.2.6.3. Porteurs de handicap 72
5.2.6.3. Malades mentaux 72
5.2.6.5. Personnes
âgées 73
5.2.6.6. Problèmes émergents 74
5.3. Gestion et
administration 75
5.3.1. Gestion 75
5.3.1.1. Organisation et utilisation
des ressources 75
5.3.1.2. Professionnalisme 76
5.3.1.3. Compétence technique 76
5.3.2. Organisation 76
5.3.2.1. L’organisation doit être
une expression
de la mission de l’œuvre 76
5.3.2.2. Défense du pluralisme 76
5.3.2.3. Délégation, participation,
responsabilités 77
5.3.2.4. Décentralisation /
Centralisation 77
5.3.2.5. Nouvelles formules
juridiques 77
5.3.2.6. Travail en équipe 78
5.3.3. Politique des ressources
humaines 78
5.3.3.1. Critères généraux 78
5.3.3.2. Relations avec les
travailleurs 79
5.3.3.3. L’action syndicale 79
5.3.3.4. Sélection du personnel et
contrats 79
5.3.3.5. Sécurité de l’emploi 80
5.3.3.6. Système salarial 80
5.3.3.7. Motivation 81
5.3.3.8. Convergence des valeurs
entre ceux
qui constituent le centre 81
5.3.3.9. Créer une culture
d’appartenance au centre,
à la province, à l’Ordre 82
5.3.4. Politique économique et
financière 83
5.3.4.1. Organisation sans but lucratif 83
5.3.4.2. Dimension sociale de
bienfaisance 83
5.3.4.3. Equilibre financier 83
5.3.4.4. Transparence au niveau de
la gestion 83
5.3.5. Responsabilité sociale 84
5.3.5.1. Le critère qui justifie la
raison d’être de nos œuvres
est leur utilité pour la société 84
5.3.5.2. Respect et application de
la loi 84
5.3.5.3. Engagement pour la justice
sociale
dans la distribution des
ressources 84
5.3.5.4. Dénoncer ce qui doit l’être 85
5.3.6. Présence de la société dans
le centre 85
5.3.6.1. Les usagers; les
associations des malades et leurs familles 85
5.3.6.2.Les travailleurs 86
5.3.6.3. Les bienfaiteurs 86
5.3.6.4. Les bénévoles 87
5.3.6.5. L’Eglise locale 87
5.3.6.6. L’administration publique 88
5.3.7. Evaluation 88
5.3.7.1. Attention aux signes des
temps 88
5.3.7.2. Réponse aux besoins de
l’homme et de la société 89
6. FORMATION, ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE 91
6.1.
Formation
6.1.1. Formation
technique, humaine et charismatique 91 6.1.2. Les comités d’éthique en tant
qu’instruments de formation 93
6.2.
L’enseignement 95
6.2.1.
L’enseignement, une constante dans l’Ordre 95
6.2.2.
L’enseignement un impératif de grande actualité 96
6.3.
La recherche 97
6.3.1.Communication
de l’optique de l’Ordre 97
6.3.2. Promotion de
la recherche en vue du troisième millénaire 98
7. LA DROITURE PERSONNELLE, FONDEMENT DE NOTRE ACTION 101
7.1.
La droiture comme projet existentiel 101
7.1.1. Vivre harmonieusement les
valeurs qui forment la personne 101
7.1.2.
L’homme, témoin de la transcendance et de l’amour 101
7.2.
La conscience comme moteur de notre action 102
7.3.
Conscience et droiture morale 103
7.3.1.Le service du malade et du
nécessiteux comme
« conditio sine qua non » 103
7.3.2.Niveaux
d’engagement personnel dans la mission de l’Ordre 103
7.3.2.1. Les religieux 104
7.3.2.2. Les collaborateurs laïcs 104
8.CREER L’AVENIR AVEC ESPERANCE 107
8.1.
Les défis du moment présent 107
8.2.
La force prophétique de l’hospitalité 108
8.3.
Vitalité humaine et divine de notre charisme 111