Lettres de Saint Jean de Dieu

Lettres écrites par notre Père Fondateur

Première lettre de Saint Jean de Dieu

Première lettre de Saint Jean de Dieu
à la Duchesse de Sessa

Que cette lettre soit remise à la très noble et vertueuse dame doña Maria de Mendoza, duchesse de Sessa, épouse toute dévouée du généreux seigneur don Gonzalo Fernandez de Cordoue, vertueux et bon chevalier de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Amen Jésus.

Qu'elle lui soit remise en main propre, à Cabra, ou bien là où elle se trouve. Amen Jésus.

Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Notre-Dame la Vierge Marie, toujours pure. Dieu avant tout et par-dessus tout ce qui est au monde! Amen Jésus.

Dieu vous garde, bonne duchesse de Sessa, ma très chère sœur en Jésus-Christ, vous, votre famille et tous ceux qu'il plaira à la divine volonté! Amen Jésus.

La présente lettre, vertueuse duchesse, est pour vous faire savoir que, tout de suite après vous avoir quittée, je suis allé à Alcaudète, rendre visite à doña Francisca; de là, j'ai gagné Alcala où, quatre jours durant, j'ai été très fatigué; je m'y suis endetté aussi de trois ducats, pour venir en aide à quelques pauvres très misérables. Tous les notables de cette ville se trouvaient alors en révolte contre le Corrégidor ; aussitôt remis, je suis donc parti pour Grenade sans faire la quête à Alcala. Dieu sait dans quel dénuement les pauvres m'attendaient!

Ma sœur en Jésus-Christ, bonne duchesse, l'aumône que vous m'avez faite, les anges l'ont déjà inscrite, au ciel, dans le livre de vie. L'anneau a été si bien employé qu'avec l'argent reçu en échange, j'ai fait vêtir deux pauvres couverts de plaies, et j'ai acheté une couverture. Oui, elle est en présence de Jésus-Christ et intercède pour vous, cette aumône. Quant à l'aube et aux chandeliers, je les ai placés aussitôt sur l'autel, en votre nom; vous aurez donc part à toutes les messes et prières qui se diront ici. Notre-Seigneur veuille vous récompenser, au ciel, de tous ces bienfaits!

Pour le si bon accueil que vous et tous les vôtres m'avez fait, Dieu vous paye aussi, en retour, et reçoive au ciel et votre âme et les leurs!

J'ai de grandes obligations envers tous les seigneurs de l'Andalousie et de la Castille, mais surtout envers le bon duc de Sessa: nombreuses et considérables sont les charitables largesses que sa famille m'a faites sur ses biens. Dieu lui tienne compte de toutes les fois qu'il m'a libéré de mes dettes, de mes engagements, et que Notre-Seigneur veuille le ramener en bonne santé et lui donner des fils de bénédiction!

Bonne duchesse, l'intention que vous m'avez recommandée (vous savez laquelle) m'a été sans cesse présente à la mémoire. Dieu avant tout, et par-dessus tout ce qui est au monde! Me confiant en Jésus-Christ seul, la Parfaite Certitude, j'ose dire, moi, Jean de Dieu: " S'il plaît au Seigneur, et avec son aide, le duc reviendra bientôt, l'âme et le corps en bonne santé " . A son arrivée, si Dieu le veut, interrogez-le sur ce que je vous ai dit et vous verrez si c'est bien vrai, avec l'aide de Notre Seigneur.

Placez votre espérance en Jésus-Christ seul!. Maudit soit l'homme qui se confie en l'homme, il en sera abandonné, qu'il le veuille ou non! Jésus-Christ, lui, n'abandonne pas; il est fidèle et constant. Tout passe, sauf les bonnes œuvres.

Sans cesse, bonne duchesse, allez de l'avant; de nuit et de jour, ayez le pied à l'étrier, car nous sommes (comme nous le voyons bien) en guerre continuelle avec le démon, le monde et la chair. Il est absolument nécessaire de nous surveiller toujours nous-mêmes; nous ne savons, en effet, à quelle heure on viendra frapper à la porte de notre âme, et tels on nous trouvera, tels on nous jugera.

Quand vous serez sur le point de vous coucher, bonne duchesse, signez-vous, sanctifiez-vous et raffermissez-vous dans la foi en récitant le Credo, le Pater Noster, l'Ave Maria et le Salve Regina, les quatre prières ordonnées par notre mère la sainte Eglise. Commandez à toutes vos dames de compagnie et à toutes vos servantes de les dire aussi, comme vous le faites d'ailleurs toujours, je le crois, car je les ai vues réciter la doctrine chrétienne quand je me trouvais près de vous.

Vous devez être bien affligée, ma sœur, bonne duchesse de Sessa; on m'a dit, en effet, que don Alvaro et don Bernardino sont déjà partis. Que Notre-Seigneur veille sur leurs âmes, les guide et les conduise, en bonne santé, auprès de votre vertueuse mère doña Maria de Mendoza!

Ne vous abandonnez pas à la désolation; consolez-vous en Jésus-Christ seul. Le bonheur, ne le cherchez, du reste, pas en cette vie, mais seulement au ciel ; et pour celui que Dieu voudrait bien vous accorder ici-bas, remerciez-le sans cesse. Quand vous vous verrez malheureuse, recourez à la Passion de Jésus-Christ et à ses Saintes Plaies, vous en éprouverez une grande consolation. Considérez toute sa vie, que fut-elle? Un exemple vivant de sacrifices. Le jour, il prêchait; la nuit, il priait; et nous. misérables pécheurs, nous, vermisseaux, pourquoi chercherions-nous le repos, les richesses? Puisque, fussions-nous maîtres du monde entier, cela ne nous rendrait en rien meilleurs ni plus heureux que nous le sommes. Celui-là seul est heureux qui, méprisant toutes choses, n'aime que Jésus-Christ. Donnez tout à Jésus-Christ qui est tout, comme vous le donnez et désirez toujours le donner, bonne duchesse. Dites-lui que vous l'aimez plus que tout l'univers, que toute votre confiance est en lui et que, pour son amour, vous désirez le salut de tous les hommes.

Ô bonne duchesse, semblable à la chaste petite tourterelle, vous vivez en votre villa, seule et séparée du monde, loin des conversations mondaines et dans l'attente du bon duc, votre généreux et humble mari. Sans cesse vous priez, faites des aumônes, pratiquez la charité pour qu'il y ait part et que le Seigneur préserve son corps des périls et son âme du péché. Dieu veuille le ramener bien vite près de vous et vous donner des fils de bénédiction afin que, toujours, vous le serviez, l'aimiez et consacriez à son service le fruit qu'il vous aura donné!

Le duc vous doit beaucoup: car, sans cesse, vous priez pour lui; et que de peines et de soucis vous avez pour entretenir sa maison! Vous y exercez les œuvres de miséricorde en donnant la nourriture et le vêtement à tous ses habitants, jeunes et vieux. Et ces jeunes filles, ces femmes, ces orphelines, ces veuves, où iraient-elles sans vous? Certes, tous sont obligés de vous servir et de vous être fidèles, mais votre devoir est de leur faire du bien, car Dieu les aime sans exception.

Si nous considérions combien est grande la miséricorde de Dieu, jamais nous ne cesserions de faire le bien quand nous le pouvons; car, donnant aux pauvres, pour son amour, ce que lui-même nous a donné, c'est le centuple qu'il nous promet, en la bienheureuse éternité (Ô heureux bénéfice, ô heureux intérêts!). Qui ne donnerait tout ce qu'il possède à ce béni créancier qui, avec nous, fait un si bon négoce et nous prie, les bras ouverts, de nous convertir, de pleurer nos péchés, de faire la charité, en premier lieu, à nos âmes et, ensuite, à nos semblables, car de même que l'eau éteint le feu, la charité étouffe le péché.

Ma sœur en Jésus-Christ, il faut que vous le sachiez, j'ai de gros soucis, comme pourrait vous en rendre compte mon compagnon Angulo. Je suis occupé à remettre à neuf toute la maison, entièrement délabrée et ouverte à la pluie, et les ressources me manquent pour payer ces travaux; aussi me suis-je décidé à écrire au comte de Féria et au duc d'Arcos, à Zafra. Maître d'Avila y est en ce moment; il sera pour moi un bon médiateur auprès d'eux, et j'espère que ces seigneurs m'enverront quelques secours qui me libéreront de mes dettes. Ils le feront, je pense, avec l'aide de Jésus-Christ.

Ma sœur, sans cesse je vous importune et vous donne de l'ennui; mais j'espère en Dieu qu'un jour votre âme jouira du repos. Il faut que je vous dise ceci: l'autre jour, de passage à Cordoue, j'ai trouvé, en parcourant la ville, une maison où régnait la plus profonde misère. Il y avait là deux jeunes filles dont le père et la mère, perclus depuis dix ans et malades, devaient garder le lit. A les voir si pauvres et si mal soignés, j'ai eu le cœur brisé: mal habillés et couverts de vermine, ils n'avaient pour tout lit que quelques bottes de paille. Je leur ai porté secours comme j'ai pu, mais non pas autant que je l'aurais désiré, pressé que j'étais d'aller trouver maître d'Avila, pour affaires. Il m'ordonna alors de partir aussitôt et de retourner à Grenade. En cette hâte, je recommandai ces malheureux à quelques personnes; mais elles les ont oubliés, ou n'ont pas voulu, ou n'ont pas pu les aider. Mes protégés m'ont écrit une lettre et j'ai le cœur brisé de ce qu'ils me disent.

Si grande est mon indigence que, le jour où il me faudra payer les ouvriers, il y aura des pauvres qui n'auront pas de quoi manger. Dieu le sait, et je vous l'avoue, je n'avais qu'un réal et je l'ai donné à Angulo pour son voyage. Aussi, bonne duchesse, mon désir, s'il plaît au Seigneur, est de vous voir profiter de cette occasion de faire l'aumône que ces gens-là ont perdue. Quatre ducats seraient nécessaires: trois pour ces pauvresses, afin de leur permettre d'acheter deux couvertures et deux jupes. Mieux vaut, en effet, une âme que tous les trésors du monde, et il ne faudrait pas que ces jeunes filles pèchent pour si peu. L'autre ducat servirait à Angulo, mon compagnon, pour son voyage à Zafra, aller et retour. J'attends qu'il revienne avec quelques secours.

Sans doute, vous devez aider les malheureux de votre entourage plutôt que les étrangers; mais donner ici ou donner là, tout est bénéfice et plus il y a de difficultés, plus il y a à gagner.

Si, faute d'argent disponible, vous ne pouviez faire cette charité, Angulo irait vendre deux mesures de blé à Alcaudète. Si, au contraire, vous lui donniez les quatre ducats, il sait déjà comment il doit les employer et où habitent ces pauvresses.

Ma sœur, vous ferez mes compliments à votre gouvernante de Valladolid, à toutes ces dames, à celle qui chante, à toutes les autres personnes de la maison et à monsieur Jean.

Que Notre-Seigneur Jésus-Christ vous garde, bonne duchesse! Votre bien petit et bien peu obéissant frère Jean de Dieu, prêt à mourir, si Dieu le veut, mais qui attend en silence, espère en Dieu et désire le salut de tous les hommes comme le sien propre. Amen Jésus.

Bonne duchesse, si vous donnez cette aumône à Angulo, remettez-lui aussi deux mots pour moi afin que je le sache. Le blé se vendrait en son temps. Renvoyez promptement Angulo, avec ce qu'il plaira à la divine volonté que vous lui donniez. Amen Jésus.

 

 

Deuxième lettre de Saint Jean de Dieu
à la Duchesse de Sessa

Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Notre Dame la Vierge Marie toujours pure. Dieu avant tout, et par-dessus tout ce qui est au monde! Amen Jésus.

Dieu vous garde, ma sœur bien-aimée en Jésus-Christ, très noble, très vertueuse, très généreuse et très humble duchesse de Sessa! Oui, que N-S Jésus-Christ vous garde et vous protège, vous, toute votre famille et tous ceux qu'il plaira à la divine volonté! Amen Jésus.

Cette lettre est pour vous donner de mes nouvelles et vous faire part de mes épreuves, de mes besoins et de mes angoisses qui, tous les jours, ne cessent de croître et de plus en plus. Plus lourdes aussi, d'un jour à l'autre sont mes dettes, et plus nombreux mes pauvres dont beaucoup arrivent mal habillés, mal chaussés, couverts de plaies et de poux. II me faut un homme ou deux, rien que pour échauder cette vermine en une bassine d'eau bouillante. Et cette besogne va durer tout l'hiver, jusqu'au mois de mai. Vous le voyez, ma sœur en Jésus-Christ, mes difficultés augmentent, chaque jour et de plus en plus.

Voici que Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu rappeler à lui l'une de ses filles qui l'aimait si ardemment! Dona Francisca, fille de don Bernardino, le neveu du marquis de Mondéjar. Notre-Seigneur l'a comblée de tant de grâces durant sa vie, sur cette terre, qu'elle fit toujours beaucoup de bien aux pauvres. Tous ceux qui, pour l'amour de Dieu, la sollicitaient ne manquaient jamais de recevoir la sainte aumône. Personne ne s'en allait triste de chez elle, mais chacun se retirait réconforté par les bonnes paroles, les bons exemples et les bons conseils de cette bienheureuse demoiselle. Elle a fait tant de bonnes œuvres que, pour les raconter, il faudrait un gros livre. Dans quelque temps, j'écrirai plus en détail les belles actions de cette bienheureuse demoiselle doña Francisca.

Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu la posséder, dès à présent, près de Lui où elle est pleine de vie et de santé, jouissant du bonheur et de la paix: tel est notre sentiment et notre conviction à nous tous qui l'avons connue.

La volonté divine, les bonnes inspirations de Jésus-Christ et la grâce dont il la prévenait l'inclinaient à faire du bien à tous, tant par ses conseils que par ses aumônes. En tout et pour tout, Notre-Seigneur lui donnait grâce.

Aussi, c'est notre conviction, en vertu de tout ce qu'elle fit sur la terre, nous qui l'avons vue agir et qui la connaissions, nous ne pouvons nous empêcher d'affirmer qu'elle repose à présent dans la paix de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec tous les anges de la Cour céleste.

Ils ont vivement ressenti sa mort tous ceux qui la connaissaient, pauvres ou riches; avec juste motif, et beaucoup plus que quiconque, je devais en être éprouvé, en raison des conseils et des consolations que doña Francisca me prodiguait. Si triste que je fusse en entrant chez elle, jamais je n'en sortais sans être consolé et avoir profité d'un bon exemple. Puisqu'il a plu à Notre-Seigneur de nous combler ainsi, qu'il soit béni à jamais, car il sait mieux que nous ce qu'il fait et connaît avant nous nos besoins! .

Ma sœur bien-aimée dans le Christ Jésus, j'ai voulu vous faire part de mes peines, de mes angoisses et de mes besoins, car je sais que vous y compatissez, comme je le ferais moi-même à votre égard. Je vous dois beaucoup, bonne duchesse, et je n'oublierai jamais que vous m'avez toujours bien traité et beaucoup mieux que je ne le méritais. Qu'au ciel, Notre-Seigneur Jésus-Christ vous paye de retour, qu'il vous ramène sain et sauf le bon duc de Sessa, votre très humble mari, et vous donne des fils de bénédiction, pour le servir et l'aimer par-dessus tout ce qui est au monde!

Mettez votre confiance en Jésus-Christ seul : votre mari reviendra bientôt, le corps et l'âme en bonne santé. Ne soyez ni tourmentée ni triste car, à l'avenir, vous vous sentirez plus gaie que vous ne l'avez été jusqu'ici, et pour lors, vous tiendrez pour vrai ce que je vous ai dit, m'appuyant sur Jésus-Christ seul.

Dieu avant tout, et par-dessus tout ce qui est au monde! Pour moi, je ne sais rien; mais Jésus-Christ sait tout! Avec son secours divin, vous aurez la consolation de voir bientôt votre humble mari que j'aime si cordialement. Je suis bien à sa charge et à celle de toute sa maison. Combien de fois ne m'a-t-il pas libéré de mes dettes, de mes engagements, et soulagé par ses bénites aumônes, inscrites par les anges au livre de vie, dans le ciel, où vous attend un grand trésor, à votre arrivée là-haut! Bonne duchesse, vous en jouirez à jamais, vous et votre humble mari, le bon duc de Sessa. Plaise à Notre-Seigneur le ramener bien vite en votre présence et vous donner des fils de bénédiction pour rendre grâce ensemble à ce divin Maître de tout ce qu'il fait et nous donne, comme toujours vous le faites! Si parfois il nous envoie des épreuves et des afflictions, c'est pour notre profit et notre plus grand mérite.

Dans la douleur, mon plus grand soulagement et ma meilleure consolation sont de regarder et de contempler Jésus-Christ crucifié, de méditer sa très sainte Passion, ses souffrances et ses angoisses. Il a enduré tout cela sur terre pour nous, pécheurs, méchants, ingrats et sans cœur. Quoi, à la vue de tant de souffrances imméritées, supportées par l'agneau sans tache, nous voudrions encore, nous rechercherions le repos et le bonheur, sur cette terre où afflictions et peines de toutes sortes ont été le partage de Jésus-Christ, notre Créateur et notre Rédempteur! Qu'espérons-nous donc avoir ? Ah oui, bonne duchesse, si nous voulons bien y réfléchir, cette vie n'est autre chose qu'une guerre continuelle. En cet exil, en cette vallée de larmes, c'est notre partage de chaque jour, combattus que nous sommes, sans cesse, par trois mortels ennemis: le monde, le démon et la chair.

Le monde nous appelle avec ses vices et ses richesses, nous promet une vie longue et nous dit: " Allons! Toi qui es jeune, abandonne-toi à ton bon plaisir; quand tu seras vieux, tu te corrigeras " .

Le démon nous tend sans cesse des pièges et des filets pour nous faire trébucher et tomber; il nous empêche de faire le bien et de pratiquer la charité; il nous plonge dans le souci des biens temporels pour écarter le souvenir de Dieu et du soin, que nous devons avoir, de garder notre âme pure et de l'enrichir par les bonnes œuvres. A peine sortis d'une préoccupation, nous tombons en une autre. " Oui, bientôt, disons-nous, aussitôt cette affaire terminée, je veux amender ma vie " , et répétant ainsi " bientôt, bientôt " , nous n'arrivons jamais à échapper aux séductions du démon, jusqu'à ce qu'enfin survienne l'heure de la mort et que disparaissent tous les faux biens, promis par le monde et le démon. Car tels le Seigneur nous trouvera, tels il nous jugera. Il serait donc bon de nous corriger à temps, et de ne pas faire comme ces gens qui disent : " Demain ! " , toujours " Demain ! " , et jamais ne commencent.

L'autre ennemi, le plus dangereux, est comme un voleur domestique et familier qui, avec de belles paroles et sous de bonnes apparences, s'efforce sans cesse de nous entraîner à la perdition: c'est la chair, notre corps, qui ne veut que bien manger, bien boire, bien se vêtir, bien dormir, travailler peu et s'adonner au vice et à la vaine gloire.

Contre ces trois ennemis, la protection, l'aide et la grâce de Notre-Seigneur nous sont bien nécessaires. Il faut aussi nous humilier profondément, quitter tout pour Jésus-Christ, notre tout, placer notre confiance uniquement en lui, confesser sincèrement tous nos péchés aux pieds du confesseur, accomplir la pénitence imposée, ne plus jamais pécher pour l'amour de Jésus-Christ seul; et s'il nous arrive de faillir, nous confesser souvent. Ainsi nous pourrons vaincre ces ennemis dont j'ai parlé.

Surtout, ne nous fions pas à nous-mêmes, sous peine de tomber mille fois par jour dans le péché, mais mettons notre confiance en Jésus-Christ seul. Pour sa bonté, pour son amour seul, évitons le péché, la médisance; ne faisons ni tort ni mal au prochain, mais souhaitons-lui ce que nous voudrions qu'on nous fît à nous-mêmes. Désirons aussi le salut de tous les hommes et aimons, servons Jésus-Christ seul, pour lui-même et non par crainte de l'enfer. Si possible, que notre confesseur soit bon et savant, de bonne réputation et de sainte vie.

Tout cela, ma sœur en Jésus-Christ, vous le savez mieux que moi, et quand vous voudrez bien m'adresser quelques bons conseils, je les recevrai bien volontiers, comme venant de ma sœur en Jésus-Christ.

Et maintenant, ma très chère et bien-aimée sœur, envoyez-moi de vos nouvelles. Comment allez-vous, dites-moi, depuis le départ de don Alvaro et de don Bernardino, vos oncles très nobles, très vertueux et très humbles, mes frères en Jésus-Christ que j'aime beaucoup ? Dieu leur paye de retour le bon accueil qu'ils me font toujours, partout où je les rencontre! Qu'au ciel, Notre Seigneur reçoive leurs âmes et qu'il les conduise sains et saufs auprès de votre très humble, très noble, très vertueuse et très généreuse mère, dora Maria de Mendoza, toujours désireuse d'être agréable à Notre-Seigneur et de le servir!

Vous me direz s'ils ont fait bon voyage et comment ils vont. Donnez-moi aussi quelques bonnes nouvelles du bon duc, votre très humble mari - tout bien qui lui arrive me réjouit beaucoup. Comment va-t-il et où est-il ? Plaise à Notre-Seigneur le ramener bien vite! Qu'il lui conserve la santé du corps et de l'âme, ainsi qu'à toute sa famille et à tous ceux qu'il plaira à la divine volonté! Amen Jésus.

Ô ma sœur très aimée, bonne et humble duchesse! Comme vous vous trouvez seule et séparée du monde, dans ce château de Baéna, entourée de vos très vertueuses demoiselles et de vos très honorables et estimables dames, peinant et travaillant de jour et de nuit pour ne pas rester oisive ni gâter le temps en vain; vous voulez prendre exemple sur Notre-Dame la Vierge Marie, toujours pure. Bien que Mère de Dieu, reine des anges et souveraine du monde, elle tissait, en effet, et travaillait tout le jour pour assurer son entretien; mais de nuit et une partie du jour, elle priait, en sa retraite, pour nous faire comprendre qu'après le travail, nous devons rendre grâce à Notre-Seigneur Jésus-Christ. N'use-t-il pas envers nous d'une si grande miséricorde qu'il nous donne le manger, le boire, le vêtement et tout, sans aucun mérite de notre part ? S'il n'y mettait du sien, à quoi serviraient nos efforts, notre habileté, notre application.

Sans cesse, vous vous adonnez au travail et aux œuvres de miséricorde: vous faites réciter à tous et à toutes la doctrine chrétienne et les quatre prières qu'ordonne notre mère l'Eglise; vous faites instruire les ignorants.

Sans cesse aussi, vous avez l'esprit fixé sur la Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sur ses plaies sacrées: vous lui dites que vous l'aimez lui seul, plus que tout ce qui est au monde; que vous voulez et aimez tout ce qu'il veut et aime, et détestez ce qu'il déteste; qu'enfin, pour son amour, pour sa bonté et non pour aucun autre intérêt, vous voulez faire le bien et la charité aux pauvres et aux personnes nécessiteuses. Et maintenant, ma sœur, pardonnez-moi d'être toujours si prolixe, en mes lettres, bien que je ne vous écrive pas tout ce que je voudrais, car je suis souffrant, malade des yeux et dans une extrême nécessité. Que Notre-Seigneur Jésus-Christ vous la fasse connaître!

Du travail que j'ai commencé, je ne puis venir à bout car, occupé à remettre à neuf tout l'hôpital, j'ai encore beaucoup de pauvres. Grandes sont les dépenses qui se font ici, et il faut subvenir à tout sans revenus; mais Jésus-Christ y pourvoit et moi, je ne fais rien.

Je voudrais me rendre promptement en Andalousie, jusqu'à Zafra et Séville; mais je ne le puis avant la fin de ce travail, de peur qu'il ne soit mal fait. D'autre part, j'ai tant de dettes et ma pauvreté est si grande que je ne sais que faire.

Ma sœur très aimée en Jésus-Christ, j'ai dépêché là-bas Angulo, pour vendre le blé ou pour le prendre, suivant ce qui vous semblera le mieux; mais le fait est que j'ai grand besoin d'argent pour le travail en cours et pour m'acquitter de quelques dettes qui " m'arrachent les yeux . "

N'ayant pas de quoi payer ceux qui viendraient porter ce blé, et le transport étant cher, mieux vaudrait donc le vendre, ce me semble; mais voyez, ma sœur, ce qui, d'après vous, est préférable.

Angulo a sur lui le bon de blé et ma procuration faite par un notaire. Pour l'amour de Notre-Seigneur, qu'il ne revienne pas sans quelques secours, d'une manière ou de l'autre!

Angulo de retour, nous partirons aussitôt, tous deux, pour Séville et Zafra, voir le comte de Féria et le duc d'Arcos. Car maître d'Avila, qui est allé les visiter, se trouve actuellement par là.

Par bonheur, qu'il plaise à Notre-Seigneur que ces personnages me délivrent de quelques-unes de mes dettes! Mieux vaut que j'y aille moi-même plutôt que de leur envoyer des lettres; ils ont tant d'occupations et si nombreux sont les pauvres auxquels ils donnent l'aumône que, s'il n'y a pas là quelqu'un pour leur rafraîchir la mémoire, ils oublient aussitôt ce qu'on leur envoie dire; et ce n'est pas étonnant, car ces seigneurs sont assaillis par les pauvres, qui leur donnent beaucoup de soucis. C'est, du reste, maître d'Avila qui me fait dire de me rendre là-bas, avec Angulo.

Ma sœur en Jésus-Christ, que Notre-Seigneur vous rende, au ciel, l'aumône de quatre ducats que vous avez remise à Angulo pour ces pauvresses et pour les frais de son voyage; il m'a mis au courant de tout et m'a dit combien vous compatissiez à mes épreuves.

Pardonnez-lui s'il n'a pu repasser par chez vous, car il avait quelques lettres à porter.

Enfin, ma chère sœur en Jésus-Christ, je vous en prie, pour l'amour de Notre-Seigneur, prenez en pitié mes épreuves, mes angoisses et mes besoins, afin que Dieu vous fasse miséricorde à vous, à tous les vôtres et à tous ceux qu'il plaira à sa divine volonté. Amen Jésus .

Bonne duchesse, ma sœur en Jésus-Christ, faites mes compliments à votre très vertueuse gouvernante et dites-lui de prier Dieu pour moi; je prierai aussi pour elle. Faites de même à l'égard de toutes les dames et demoiselles très humbles et très vertueuses de votre maison et dites-leur de prier aussi pour moi, car j'ai à livrer de rudes combats.

Saluez aussi pour moi mon très cher frère, maître Jean (qu'il m'écrive et me dise ce qu'il devient), tous les gentilshommes et tous les serviteurs de votre très noble maison.

Que tous prient Notre-Seigneur Jésus-Christ de m'accorder la grâce de vaincre le monde, le démon et la chair, d'observer ses saints commandements, de garder et de croire tout ce qu'enseigne et croit notre sainte Mère l'Eglise, de confesser avec sincérité et contrition tous mes péchés, d'accomplir la pénitence imposée par le confesseur, et enfin d'aimer et servir Jésus-Christ seul. Je demanderai aussi tout cela pour eux.

A doña Isabelle, la musicienne, faites aussi mes compliments et dites-lui que Notre-Seigneur Jésus-Christ lui accorde de croître de plus en plus en vertus.

Jean d'Avila, mon compagnon, que j'appelle toujours Angulo (mais dont le vrai nom est Jean d'Avila), va se rendre là-bas.

Ma sœur très aimée, bonne duchesse de Sessa, envoyez moi un autre anneau ou quelque autre chose qui soit de votre main, pour que j'aie de quoi mettre en gage. L'autre anneau a été si bien employé que vous le possédez déjà au ciel.

Si la très humble gouvernante et toutes les dames et demoiselles ont quelques menus objets d'or ou d'argent, qu'elles me les envoient pour les pauvres et pour les placer au ciel. Oui, qu'elles me les envoient, je me souviendrai d'elles.

Notre-Seigneur vous garde et vous protège, bonne duchesse, vous, toute votre famille et tous ceux qu'il plaira à la divine volonté! Amen Jésus.

Et quoi qu'il arrive, je suis grandement obligé de prier pour toutes les personnes de votre maison et de votre noble entourage.

Votre bien peu obéissant et bien petit frère Jean de Dieu, prêt à mourir, si Dieu le veut, mais qui attend en silence, espère en Dieu et désire le salut de tous les hommes comme le sien propre. Amen Jésus.

Bonne duchesse, je me rappelle souvent les cadeaux que vous m'avez faits à Cabra et à Baéna, et ces bons petits pains mollets, sans croûte, que vous me donniez pour distribuer. Que Dieu vous accorde le ciel et vous fasse part de ses biens! Amen Jésus.

 

Troisième lettre de Saint Jean de Dieu
à la Duchesse de Sessa

(Que cette lettre soit remise à l'humble et généreuse dame, doña Maria de los Cobos y Mendoza, épouse du noble et vertueux seigneur don Gonzalo Fernandez de Cordoue, duc de Sessa, mon frère en Notre-Seigneur Jésus-Christ)

Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Notre Dame la Vierge Marie, toujours pure, Dieu avant tout, et par-dessus tout ce qui est au monde! Amen Jésus.

Dieu vous garde, ma sœur en Jésus-Christ, bonne duchesse de Sessa, vous, tous les vôtres et tous ceux qu'il plaira à la divine volonté! Amen Jésus.

Ma grande et constante affection pour vous et votre humble mari, le bon duc, fait que je ne puis vous oublier; d'autant plus que je suis votre obligé, votre débiteur. Ne m'avez-vous pas toujours aidé et secouru, dans mes difficultés et nécessités ? Votre charité, vos bénies aumônes ont nourri et vêtu les pauvres de cette sainte maison de Dieu et beaucoup d'autres du dehors. Vous avez toujours très bien agi, comme de bons mandataires et chevaliers de Jésus-Christ. C'est ce qui m'incline, bonne duchesse, à vous écrire cette lettre, car je ne sais si je vous reverrai et parlerai encore. Que Jésus-Christ vous visite et vous parle!

La douleur que j'éprouve d'un si grand mal m'empêche de prononcer la moindre parole et j'ignore si je pourrai achever de vous écrire cette lettre. J'aimerais beaucoup vous voir; priez donc Notre-Seigneur de me donner, s'il lui plaît, la santé. Il sait que j'en ai besoin pour me sauver et faire pénitence de mes péchés. S'il veut bien m'accorder cette grâce, aussitôt remis, j'irai vous voir et vous amènerai les petites filles que vous m'avez demandées.

Ma chère sœur en Jésus-Christ, je pensais vous rendre visite, aux fêtes de Noël, mais le Seigneur en a disposé bien mieux que je ne le méritais.

O bonne duchesse, Jésus-Christ vous récompense, au ciel, des aumônes que vous m'avez faites et de la grande charité que vous m'avez toujours témoignée! Puisse-t-il vous ramener sain et sauf le bon duc, votre très généreux et très humble mari, et vous accorder des enfants de bénédiction; j'espère en Jésus-Christ qu'il en sera ainsi.

Souvenez-vous bien de ce que je vous ai dit, un jour, à Cabra. Mettez votre confiance en Jésus-Christ seul, et par lui vous serez consolée, bien que maintenant vous enduriez de lourdes peines; car, à la fin, il en résultera pour vous plus de bonheur et plus de gloire, si vous les supportez pour son amour.

O bon duc, ô bonne duchesse, soyez bénis de Dieu, vous et toute votre postérité! Puisque je ne peux vous voir, je vous envoie d'ici ma bénédiction, tout indigne pécheur que je sois. Dieu, qui vous a donné la vie et vous a créés, vous accorde aussi la grâce du salut! Amen Jésus. La bénédiction de Dieu le Père, l'amour du Fils et la grâce du Saint-Esprit soient toujours en vous, en tous les hommes, et en moi-même! Amen Jésus.

Jésus-Christ vous console et vous assiste! Car pour son amour, vous m'avez aidé et secouru, ma sœur en Jésus-Christ, bonne et humble duchesse.

S'il plaît à Notre-Seigneur de m'enlever de cette présente vie, j'ai laissé ici des ordres pour qu'à son retour de la Cour, où il est allé, mon compagnon Angulo (je vous le recommande, car lui et sa femme sont très pauvres) vous remette mes armes: ce sont trois lettres en fil d'or sur satin rouge. Je les conserve depuis que je suis entré en lutte avec le monde; gardez-les bien, avec cette croix, pour les donner au bon duc, lorsque Dieu vous le ramènera sain et sauf.

Elles sont sur satin rouge, pour vous rappeler toujours le précieux sang que Notre-Seigneur a répandu en faveur du genre humain tout entier, et sa très sainte Passion. En effet, il n'y a pas de contemplation plus élevée que celle de la Passion de Jésus-Christ; et quiconque est fidèle à cette dévotion ne se perdra pas, avec le secours divin.

Les lettres sont au nombre de trois, car il y a trois vertus qui nous conduisent au ciel. La première est la foi: par elle, nous croyons tout ce que croit et tient notre Mère, la sainte Eglise, nous gardons ses commandements et les mettons en pratique. La seconde est la charité: charité envers notre âme, tout d'abord, en la purifiant par la confession et la pénitence; charité, ensuite, envers nos proches et nos semblables, leur voulant tout ce que nous désirons pour nous-mêmes. La troisième est l'espérance en Jésus-Christ seul: car pour les peines et infirmités supportées par amour pour lui, en cette misérable vie, il nous accordera la gloire éternelle, en considération des mérites de la sainte Passion et dans sa grande miséricorde.

Les lettres sont en or. L'or, ce métal si précieux, pour resplendir et avoir la couleur qui le fait estimer, est d'abord séparé de la terre et de sa gangue originelle, puis plongé dans le feu, où il achève de se purifier et de s'épurer. Ainsi convient-il que l'âme, joyau d'un si grand prix, se détache des joies et des plaisirs charnels de la terre, ne s'attache qu'à Jésus-Christ, reçoive sa dernière purification dans le feu de la charité, au milieu des tribulations, des jeûnes, des disciplines, des austères pénitences, pour devenir précieuse aux yeux de Notre-Seigneur et resplendissante devant la majesté divine.

Cette étoffe a quatre coins, symboles de quatre autres vertus, compagnes fidèles des trois premières dont nous venons de parler: ce sont la prudence, la justice, la tempérance et la force.

La prudence nous incite à juger et à agir en tout avec circonspection, sagesse et d'après les conseils des personnes plus âgées et plus expérimentées.

Par la justice, nous nous conduisons suivant l'équité et rendons à chacun ce qui est sien: à Dieu ce qui est à Dieu, au monde ce qui est au monde.

La tempérance nous apprend à pratiquer les règles de la modération dans le manger, le boire, le vêtement et en tout ce qui est nécessaire à l'entretien de notre corps humain.

Enfin, sous l'empire de la force, nous sommes fermes et constants dans le service de Dieu; nous montrons un visage joyeux dans les peines, les fatigues, les maladies, comme dans la prospérité et les consolations; et nous rendons grâces à Jésus-Christ dans l'un et l'autre de ces états.

Au revers de cette étoffe, une croix en forme d'X rappelle que quiconque veut se sauver doit porter sa croix, suivant le bon plaisir de Dieu et la grâce spéciale qu'il en a reçue. Tous, en effet, tendent au même but, mais chacun chemine dans la voie où le Seigneur le conduit: les uns sont religieux, d'autres clercs, d'autres ermites et d'autres enfin sont mariés. Ainsi, en chaque état, on peut se sauver si l'on veut.

Tout cela, bonne duchesse, vous le savez beaucoup mieux que moi et pourtant, j'ai du plaisir à en parler avec quelqu'un qui me comprend.

Nous avons trois devoirs envers Dieu: l'aimer, le servir, le .révérer. L'aimer par-dessus tout ce qui est au monde, car il est notre Père céleste; le servir, il est Notre-Seigneur, non par désir de la gloire dont il doit gratifier ses fidèles, mais pour sa seule bonté; enfin, le révérer parce qu'il est notre créateur, et nous ne devons avoir sur les lèvres son saint nom que pour lui rendre grâces et le bénir.

Bonne duchesse, trois occupations doivent remplir vos journées: la prière, le travail et les soins à donner à votre corps.

La prière. - Rendez grâces à Jésus-Christ, aussitôt votre lever, le matin, pour ses faveurs et ses bienfaits continuels à votre égard: il vous a créée à son image et à sa ressemblance; il nous a fait la grâce d'être chrétiens. Implorez aussi sa miséricorde, son pardon et priez Dieu pour tout le monde.

Le travail. - Nous devons nous livrer à quelque occupation corporelle honnête pour mériter le pain que nous mangeons et aussi pour imiter Jésus-Christ, qui a travaillé jusqu'à sa mort. Rien du reste n'engendre plus de péchés que l'oisiveté.

Les soins du corps.—Comme le muletier soigne et entretient sa bête pour s'en servir, ainsi convient-il que nous donnions à notre corps ce qui est nécessaire, afin que les forces ne nous manquent pas, au service de Notre-Seigneur.

Ma très aimée et très chère sœur, je vous en prie, pour l'amour de Jésus-Christ, ayez constamment devant l'esprit ces trois vérités: l'heure de la mort, à laquelle personne ne peut échapper, les peines de l'enfer, la gloire et l'infini bonheur du Paradis.

La mort, en effet, pensez-y bien, détruit tout, nous dépouille de tout ce que nous a donné ce misérable monde, et ne nous laisse emporter qu'un pauvre morceau de toile usée et mal cousue.

Si nous mourons en état de péché mortel, des plaisirs de courte durée, des divertissements, oh combien passagers, devront être expiés dans le feu éternel de l'enfer.

La gloire et le bonheur, au contraire, Notre-Seigneur les réserve à ses serviteurs. Ce sont félicités que l'œil n'a jamais vues, que l'oreille n'a jamais entendues et que le cœur de l'homme n'a jamais pu ressentir.

Enfin, ma chère sœur en Jésus-Christ, encourageons-nous tous, pour l'amour de Notre-Seigneur, et ne nous laissons pas vaincre par nos ennemis: le monde, le démon, la chair. Par-dessus tout, ayez toujours la charité, c'est la mère de toutes les vertus.

Chère sœur en Jésus-Christ, mon mal me fait beaucoup souffrir et ne me permet plus d'écrire; je désire me reposer un peu, pour pouvoir vous écrire, ensuite, plus longuement; car je ne sais si nous nous reverrons encore.

Jésus-Christ soit avec nous et avec votre famille.

 

 

Première lettre de Saint Jean de Dieu
à don Gutierre Lasso de la Vega

Que cette lettre soit remise au très noble, très vertueux, très généreux chevalier de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et son esclave tout dévoué, Gutierre Lasso. Amen Jésus.

Qu'elle lui soit remise, en main propre, à Malaga ou bien là où il se trouve. Amen Jésus.

Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Notre Dame la Vierge Marie toujours pure. Dieu avant tout et par-dessus tout ce qui est au monde! Amen Jésus.

Dieu vous garde, mon frère, très aimé et très cher dans le Christ Jésus!

La présente lettre est, pour vous faire part de mon extrême affliction et de ma grande détresse - et de tout cela, je rends grâce à Notre-Seigneur - car, sachez-le, mon frère très aimé et très cher dans le Christ Jésus: si nombreux sont les pauvres qui se présentent ici que, souvent, je suis stupéfait qu'on puisse les nourrir; mais Jésus-Christ pourvoit à tout et leur donne de quoi manger. Rien que pour le bois, c'est sept à huit réaux qu'il faut chaque jour; la ville est grande, en effet, et comme il y fait très froid, surtout par ces temps d'hiver, les pauvres affluent en cette maison de Dieu. En comptant malades, bien portants, gens de service et voyageurs, il y a plus de cent dix personnes. C'est un hôpital général; aussi y reçoit-on, d'ordinaire, toutes sortes de malades et toutes sortes de gens. Il y a des perclus, des manchots, des lépreux, des muets, des aliénés, des paralytiques, des teigneux, des vieillards et beaucoup d'enfants, sans parler des nombreux voyageurs et passants qui s'arrêtent ici et auxquels on donne le feu, l'eau, le sel et les utensiles nécessaires pour apprêter les aliments. Et, pour tout cela, il n'y a pas de revenus, mais Jésus-Christ pourvoit à tout .

Point de jour où il ne faille quatre ducats et demi et quelquefois cinq, pour approvisionner la maison en pain, viande, volaille et bois, sans compter les frais spéciaux de médicaments et d'habits. Quand les aumônes ne suffisent pas à pourvoir à tous ces besoins, je prends à crédit: et parfois, il nous arrive aussi de jeûner.

Voilà comment je me trouve, ici, endetté et captif pour Jésus-Christ seul. Je dois plus de deux cents ducats pour chemises, manteaux, souliers, draps de lit, couvertures et bien d'autres choses nécessaires en cette maison de Dieu, et aussi pour la nourriture des petits enfants qu'on y abandonne.

Ainsi, mon frère très aimé et très cher dans le Christ Jésus, à la pensée de mes si lourdes dettes, il m'arrive bien souvent de n'oser sortir de la maison; et à la vue des souffrances de tant de pauvres, mes frères et mes semblables, aux besoins corporels et spirituels si grands, je suis bien triste de ne pouvoir les secourir.

Cependant, je mets ma confiance en Jésus-Christ seul; il me libérera de mes dettes, car il connaît mon cœur. Et je dis: malheur à celui qui se fie aux hommes et non à Jésus-Christ seul! Il se verra abandonné d'eux, qu'il le veuille ou non. Le Seigneur, au contraire, est fidèle et constant; il pourvoit à tout. Grâces lui en soient donc rendues à jamais! Amen Jésus .

Mon frère très aimé et très cher dans le Christ Jésus, j'ai voulu vous rendre compte de mes travaux, car je sais que vous les appréciez charitablement, comme moi-même je le ferais pour les vôtres. Je connais aussi votre grand amour pour Notre-Seigneur et votre pitié pour ses enfants, les pauvres, ce qui m'incite à vous exposer leurs besoins et les miens.

Nous tendons tous au même but, chacun, il est vrai, par la voie où l'achemine le bon plaisir divin; c'est une raison de nous encourager les uns les autres. Mon bien-aimé frère en Jésus-Christ, ne cessez donc pas de prier, pour moi, le Seigneur: qu'Il m'accorde, avec la grâce et la force de résister victorieusement au monde, au démon et à la chair, l'humilité, la patience, la charité fraternelle, la sincérité dans l'accusation de tous mes péchés et l'obéissance à mon confesseur! Qu'il me fasse encore la grâce de me mépriser moi-même, d'aimer Jésus-Christ seul, de professer et croire tout ce que professe et croit notre mère la sainte Eglise; je le professe et le crois fermement et réellement. Comme elle le professe et le croit, ainsi je le professe et le crois: de cela, je ne veux pas me départir, j'y ai mis mon sceau; je l'enferme avec ma clef.

Mon frère en Jésus-Christ, c'est un grand soulagement pour moi de vous écrire; car j'ai l'impression de vous parler et de vous faire part de mes peines: or, je sais que vous y compatissez. J'en ai fait l'expérience durant mes deux séjours en votre ville, où vous m'avez si bien accueilli et témoigné tant de bienveillance. Que Notre-Seigneur vous récompense au ciel pour toutes vos bonnes œuvres faites pour son amour, en faveur des pauvres et de moi-même! Oh! oui, qu'il vous en récompense! Amen Jésus.

Mon frère en Jésus-Christ, vous saluerez de ma part tous les membres de votre maison et vos enfants très aimés; d'une façon spéciale, aussi, mon cher frère en Jésus-Christ, le maître d'école, le bon Père et mon frère en Jésus-Christ, l'évêque, doña Catherine, mon hôtesse et sœur très aimée en Notre-Seigneur et toutes les autres personnes qu'il plaira à la divine volonté. Amen Jésus.

Mon frère en Jésus-Christ, j'envoie là-bas, pour vous porter cette lettre, ce jeune messager. Voici pourquoi: un jeune homme, natif de Malaga et décédé en cet hôpital, a légué à cette maison quelques biens pris sur un héritage consistant soit en vignobles, soit en rentes. Mon envoyé pourra mieux vous conter l'affaire, il s'en est occupé dès le commencement.

Je désire qu'on vende ces biens, car j'ai grand besoin d'argent et le revenu annuel en est minime; aussi, pour l'amour de Notre-Seigneur, si vous connaissez quelqu'un qui veuille les acheter, vendez-les-lui, tout de suite, à condition que personne n'y perde, ni l'acheteur ni les pauvres, et que tout se fasse rapidement. Le porteur de cette lettre s'en reviendrait ainsi, aussitôt, avec l'argent. C'est un homme qui a ma confiance; il a sur lui ma procuration et les pièces qu'il a rapportées de ce pays.

Pardonnez-moi de vous occasionner tant de fatigues; un jour, elles seront votre gloire au ciel.

Pour l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, je vous recommande cette affaire. Avec l'argent qu'elle rapportera, nous devons acheter des habits aux pauvres, qui prieront Dieu pour l'âme de leur bienfaiteur. Il me faudra aussi payer la viande et l'huile; les fournisseurs ne veulent plus me faire crédit, car je leur dois beaucoup. Je les fais patienter en leur disant qu'incessamment, on va m'apporter quelque argent, de Malaga.

Je ne veux pas actuellement solliciter de vous des étrennes; il y a là-bas, je le sais, assez de pauvres à secourir.

Que Notre-Seigneur accorde à votre âme le salut! Or, en cette existence pleine de soucis, la bonne mort est comme une clef entre les mains de celui qui sait se sauver, et tout le reste n'est rien.

Votre bien peu obéissant et bien petit frère Jean de Dieu, prêt à mourir si Dieu le veut, mais qui attend en silence, espère en Dieu et désire le salut de tous les hommes comme le sien propre. Amen Jésus.

De Grenade, le 8 janvier de l'année 1550. 

 

 

Seconde lettre de Saint Jean de Dieu.
à don Gutierre Lasso de la Vega

Que cette lettre soit remise au très noble, très vertueux et très généreux chevalier de Notre-Seigneur, et son esclave tout dévoué, Gutierre Lasso. Amen Jésus.

Qu'elle lui soit remise en main propre, à Malaga, ou bien là où il se trouve. Amen Jésus.

Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Notre Dame la Vierge Marie, toujours pure. Dieu avant tout et par-dessus tout ce qui est au monde! Amen Jésus.

Dieu vous garde, mon frère en Jésus-Christ, Gutierre Lasso, vous, toute votre famille, et tous ceux qu'il plaira à la divine volonté! Amen Jésus.

La présente lettre est pour vous informer de mon arrivée ici, en parfaite santé, grâce à Dieu, avec plus de cinquante ducats. Ajoutés à ceux que vous avez là-bas, cela en fait, je crois, près de cent.

Depuis mon retour, je me suis endetté de trente ducats ou plus. Ni cette somme, que j'ai portée, ni celle qui est chez vous ne suffiront; car j'ai plus de cent cinquante personnes à entretenir et, chaque jour, Dieu pourvoit à tout. Si donc, aux vingt-cinq ducats que vous avez là-bas, vous pouviez ajouter quelque chose de plus, le tout serait nécessaire. Envoyez-moi tous les pauvres que vous avez là-bas, mais si c'est impossible, n'en ayez ni peine ni chagrin.

Ces vingt-cinq ducats, faites-les-moi parvenir tout de suite; car je les dois et bien plus: aussi suis-je dans l'attente. Je vous les ai remis, rappelez-le-vous, en un petit sachet de toile, un soir, dans votre jardin d'orangers, alors que nous nous y promenions tous deux. Viendra un temps, je l'espère dans le Seigneur, où vous vous promènerez dans le jardin céleste!

Le muletier est très pressé, je ne puis donc vous écrire longuement; d'autre part, j'ai tant de travail ici que je n'ai pas la durée d'un Credo de répit.
Envoyez-moi tout de suite cet argent, par charité; j'en ai un besoin assez pressant.

Pour l'amour de Notre-Seigneur, recommandez-moi à la très noble, très vertueuse et très généreuse esclave de Jésus-Christ, votre épouse. Son grand désir, je le sais, est de plaire à ce divin Maître et à Notre-Dame la Vierge Marie toujours pure, en remplissant ses devoirs envers eux et, par amour de Dieu, de servir docilement son mari, Gutierre Lasso, lui aussi esclave tout dévoué de Notre-Seigneur. Amen Jésus.

Vous saluerez encore, de ma part, votre fils l'archidiacre qui est allé, avec moi, demander la sainte aumône: c'est le plus humble des esclaves de Notre-Seigneur et de Notre Dame la Vierge Marie, toujours pure; son désir est de servir sans cesse Jésus et sa sainte Mère et de leur être agréable. Dites-lui de m'écrire aussitôt que possible, avec l'aide de Dieu. Et vous aussi, bon chevalier, mon frère en Jésus Christ, Gutierre Lasso, écrivez-moi et transmettez mes salutations à vos fils et filles, et à tous ceux qu'il vous plaira.

A Malaga, recommandez-moi à l'évêque et présentez-lui mes hommages, ainsi qu'à tous ceux que vous voudrez et verrez; obligé que je suis de prier pour tout le monde.

De votre fils, le bon chevalier, il en sera comme Dieu le voudra. Que Notre-Seigneur Jésus-Christ préside à toutes ses affaires, à tous ses travaux, à toutes ses actions!

S'il plaît à Dieu, le mieux serait, me semble-t-il, de le marier le plus tôt possible, au cas où il en exprimerait le désir. Bien que je dise au plus tôt, il ne faut pas vous tourmenter à ce sujet, mais votre principal souci doit être de prier Dieu de lui accorder une bonne épouse. Il me paraît, du reste, encore assez jeune: plaise à Notre-Seigneur qu'il ait la sagesse des vieillards!

Chacun doit embrasser l'état auquel Dieu l'appelle; quant aux pères et aux mères, ils ne doivent pas trop se soucier et se tracasser à ce sujet, mais bien prier Dieu d'accorder, à tous leurs enfants, l'état de grâce.

Quand le Seigneur voudra, l'un se mariera et l'autre chantera la messe, et de tout ceci, je n'en sais rien; Dieu, lui, sait tout .

Notre-Seigneur veuille disposer de vos enfants suivant vos désirs et sa plus grande gloire! C'est lui qui sait le mieux ce qu'il faut faire de vos fils, de vos filles et, quoi qu'il décide, vous devez le tenir pour fait et bien fait.

Les péchés que je commettrai, je les confesserai et en ferai pénitence. Quant au bien que l'homme fait, il n'est pas sien, mais à Dieu. A ce Dieu donc, honneur, gloire et louange, car tout lui appartient! Amen Jésus.

Le moindre d'entre vos frères, Jean de Dieu, prêt à mourir, si Dieu le veut, mais qui attend en silence, espère en Dieu et désire le salut de tous les hommes comme le sien propre. Amen Jésus.

Plaise à Notre-Seigneur Jésus-Christ que vos actions et celles de vos fils et filles soient toutes pour son service et celui de Notre-Dame la Vierge Marie!

Que Notre-Seigneur Jésus-Christ ne vous permette pas de faire rien qui ne lui soit agréable! Amen Jésus.

 

 

Lettre de Saint Jean de Dieu
à Louis-Baptiste

Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de Notre-Dame la Vierge Marie, toujours pure. Dieu avant tout et par-dessus tout ce qui est au monde!

Dieu vous garde, mon frère en Jésus-Christ et fils bien aimé, Louis-Baptiste!

J'ai reçu votre lettre adressée de Jaen; elle m'a causé une grande joie et beaucoup de plaisir. Toutefois, vos maux de dents m'ont bien peiné; car toute douleur qui vous atteint m'attriste et votre bien-être, au contraire, me réjouit.

Vous n'avez trouvé là-bas, me dites-vous, aucune des commodités que vous étiez aller y chercher. Par ailleurs, vous me faites part de votre désir de vous rendre à Valence, j'ignore en quel endroit. Que vous répondre en cette lettre, écrite à l'improviste, pour vous être expédiée aussitôt- Je ne le sais. Telle est ma hâte que je n'ai presque pas le temps de prier Dieu de m'éclairer sur cette affaire. Il serait pourtant nécessaire de la recommander beaucoup à Notre-Seigneur Jésus-Christ et, pour cela, de disposer de plus de temps que j'en ai.
A vous voir souvent si faible, en particulier en ce qui regarde la chasteté, je ne sais que vous dire pour vous faire venir ici. Du reste, Pierre n'est pas parti et j'ignore quand il s'en ira. Il dit bien qu'il veut s'en aller, mais je ne sais au juste quand aura lieu son départ.

Si j'étais sûr que votre présence en cette maison dût être profitable à votre âme et au bien spirituel du prochain, je vous ordonnerais de venir tout de suite; mais je crains qu'il n'en soit autrement. Mieux vaudrait pour vous, ce me semble, passer encore quelque temps dans l'épreuve, jusqu'à ce que vous soyez très bien disposé, accoutumé à souffrir et à faire beaucoup de bien, malgré les contrariétés des plus mauvais jours; .mais, d'un autre côté, c'est aussi mon sentiment que si vous couriez risque de vous perdre, vous feriez bien mieux de venir. En ceci, Dieu sait ce qui est préférable, il connaît la vérité.

C'est pourquoi, à mon avis, avant de quitter cette ville où vous êtes, il vaudrait mieux recommander beaucoup cette affaire à Notre-Seigneur Jésus-Christ. De mon côté, j'en ferai de même ici. Vous devriez aussi m'écrire plus souvent et vous informer, par là, auprès des gens qui voyagent de côté et d'autre. Ils vous diraient ce qu'est ce pays de Valence. Si vous vous y rendez, vous verrez le vénérable corps de saint Vincent Ferrier.

Vous errez çà et là, ce me semble, comme une barque sans rames; souvent, de mon côté, je suis sujet au doute comme un homme sans jugement. Nous sommes donc deux, vous et moi, àne savoir que faire, mais Dieu, qui connaît tout, peut venir à notre aide. Qu'il nous fasse la grâce de nous éclairer et de nous conseiller tous deux!

Vous me paraissez être encore comme la pierre qui roule. Il serait bon, cependant, de vous mettre un peu à mortifier votre chair, à endurer les misères de la vie: faim, soif, déshonneurs, opprobres, chagrins, peines et ennuis, le tout pour Dieu; car si vous veniez ici, il vous faudrait endurer tout cela pour son amour.

Pour tout ce qui vous arrive en bien ou en mal, vous devez rendre grâce à Dieu. Souvenez-vous de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de sa sainte Passion. Il a rendu le bien pour le mal et ainsi devez-vous faire, mon fils Baptiste, afin que, quand vous viendrez en cette maison de Dieu, vous sachiez discerner le bien et le mal.

Si vous étiez absolument certain que ce voyage à Valence dût vous perdre, mieux vaudrait venir ici, ou vous rendre à Séville, bref, là où Notre-Seigneur voudra vous diriger.

Venant ici, vous devriez obéir et travailler beaucoup plus que vous ne l'avez fait, être tout entier aux choses de Dieu, enfin, vous dépenser sans cesse au service des pauvres.

La maison vous est ouverte. J'aimerais vous voir devenir de plus en plus vertueux, vous qui êtes pour moi comme un fils et un frère.

Vous trouverez ma lettre bien négligée, car je suis très pressé. Je ne puis non plus vous en dire bien long; j'ignore, en effet, s'il plaît au Seigneur que vous retourniez en cette maison si tôt, ou s'il désire que vous fassiez pénitence là où vous êtes.

Souvenez-vous cependant que, si vous venez, il faut le faire résolument et vous garder beaucoup des femmes, comme du diable.
Déjà s'approche le moment où vous devez prendre un état. Décidé à vous rendre ici, il vous faudrait travailler avec fruit pour Dieu et faire bon marché de " votre peau " et de vos forces. Rappelezvous saint Barthélemy: écorché vif, il emporta sa peau sur les épaules. Ne venez donc pas ici dans le dessein de mener une vie tranquille, mais pour travailler; car les travaux les plus pénibles sont le partage de l'enfant le plus aimé.

Venez, si vous pensez que c'est là ce que vous avez de mieux à faire et si Dieu vous l'inspire. Si, au contraire, il vous semble bon de courir encore le monde et de chercher quelque situation où vous puissiez mieux servir Dieu, agissez en tout comme il vous plaira, à l'exemple de ceux qui vont aux Indes chercher fortune. Faites en sorte de m'écrire en quelque lieu que vous soyez.

Tous les jours de votre vie, ayez le regard fixé sur Dieu et entendez la messe toujours en entier. Confessez-vous souvent; et, si possible, ne vous endormez jamais, le soir, en conscience de péché mortel. Aimez Notre-Seigneur Jésus-Christ par-dessus tout ce qui est au monde; parce que, quel que soit votre amour pour lui, il vous aime bien davantage. Ayez toujours la charité; car là où il n'y a pas de charité, Dieu n'est pas, bien qu'il soit en tout lieu.

Quand je pourrai, je transmettrai vos compliments à Lébrija. Votre lettre, je l'ai remise à Baptiste dans la prison; il en a ressenti une grande joie. Je lui ai dit aussi de préparer une réponse tout de suite, pour pouvoir vous l'expédier. A l'instant, je vais voir si elle est prête.

Votre commission est faite, j'ai salué tout le monde de votre part, les ,grands et les petits, Ortiza et Michel. Pierre m'a dit que si vous venez, vous serez avec lui, jusqu'à son départ, et à son retour aussi, s'il revient.

Je n'ai plus rien à vous dire, sinon à vous souhaiter que Dieu vous garde, vous sauve et vous mette ainsi que tout le monde sur la voie de son saint service.

Je termine, mais ne cesse de prier Dieu pour vous et tous les hommes. Le rosaire, je puis vous l'affirmer, m'a toujours fait grand bien; j'espère que Dieu me fera la grâce de le réciter aussi souvent que je le pourrai et qu'Il le désirera.

Tenez-le-vous pour dit: si vous pensez courir le risque vous perdre, en ce voyage, décidez-vous pour ce qui vous paraîtra le mieux.

Avant de quitter la ville où vous êtes, faites dire quelques messes à l'Esprit Saint et en l'honneur des Rois Mages, vous le pouvez; autrement, la bonne volonté de le faire fira ou, du moins, si elle ne suffisait pas, la grâce de Dieu irait !.

Frère Jean de Dieu, le plus petit de tous, prêt à mourir, Dieu le veut, mais qui attend en silence, espère en Dieu désire servir Notre-Seigneur Jésus-Christ dont il est l'esclave. Amen Jésus!

Moins bon esclave que les autres hommes, je suis, bien des fois, fourbe et traître; je m'en repens, sans doute, beaucoup mais je devrais m'en repentir bien davantage. Que Dieu daigne me pardonner et sauver tout le monde!

Ecrivez-moi tout ce qui se passe là-bas. Je vous envoie ci-incluse une lettre qu'on m'a remise, pour vous la faire parvenir. Par délicatesse, je n'ai pas voulu l'ouvrir et j'ignore si elle est pour vous, ou pour Baptiste de la prison. Lisez-la et, au cas où elle serait pour lui, renvoyez-la-moi, afin que je la lui remette.
Si Baptiste a écrit sa lettre, elle partira avec ces deux-ci.

Maintenant, tenez-vous près de Dieu et marchez en sa présence.

 

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